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The Branner Geological Library
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LA FLANDRE
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RAOUL BLANCHARD
Ancien Elève de l'Krule Normale supérieure, Docteur es lettres.
LA FLANDRE
ÉTUDE GÉOGRAPHIQUE
DE
LA PLAINE FLAMANDE
MN
FRANCE, BELGIQUE ET HOLLANDE
Cet ouvrage fait partie des publications de la Société Dunkkrqi.'oisk
pour i/Encouragement des Sciencks. des Lettres et dks Arts
i Reconnue d utilité publique)
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PARIS
LIBRAIRIE ARMAND COLIN
5, RUE DE MÉZIÈHES, S
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A Mkssieurs
Paul VIDAL DE LA BLACIIE
ET
Lucien GALLOIS
MES MAITRES \ I.ÈCOI.E NORMALE SUPKRIECRK
Ho)ii)H<n/e /•csj/rc/itrtt r
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AVANT-PROPOS
L'étude géographique de la plaine flamande n'avait jamais été
tentée jusqu'ici : on en restait aux descriptions de Guichardin
(XVF siècle' et de Sanderu s (XVI Ie siècle). Les travaux géogra-
phiques de détail étaient rares. L'entreprise était donc considé-
rable. Résoudre toutes les questions de géographie physique et
éclaircir tous les problèmes de géographie humaine eût exigé une
application et des délais excessifs. On s'est donc borné, au cours
de la description physique du pays, à indiquer les difficultés et à
exposer les solutions provisoires, pour faire porter tout l'effort
sur les rapports entre la terre et l'homme. Mais dans cette partie
même du travail, il ne faut pas se dissimuler qu'il reste beaucoup
à faire, et qu'en particulier l'étude détaillée des documents
d'archives pourra modifier bien fies solutions.
Si le travail est imparfait, ce n'est pas cependant que les
appuis lui aient manqué. Exécuté à Lille, la bienveillance de
M. le Recteur de l'Académie et de l'Université de Lille ne s'est
pas démentie un instant à son égard. Le Conseil général du
département, la Société de Géographie de Lille, la Société des
Amis de l'Université, ont bien voulu l'aider de leurs subsides.
La Société Dunkerquoise pour l'encouragement des Lettres, des
Sciences et des Arts, a assumé les frais de l'impression. Des
particuliers ont tenu à contribuer à l'apparition d'un travail
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VII!
qui intéresse leur pays : Mme Auguste Mahieu, d'Armentières,
MM. Félix Coquelle, de Dunkerque, Léonard Danel, Agache-
Kuhlmann. Ach. Ledieu-Dupaix. de Lille, Albert Deville, de
Douai, ont généreusement souscrit en sa faveur.
En remerciant de nouveau ces donateurs, qui ont voulu, par
leur bienveillante intervention, marquer plus nettement le
caractère régional de l'étude, Tailleur ne saurait oublier les
services que lui ont rendus M. Ch. Barrois, membre de l'Institut,
et ses amis personnels, MM. Ardaillon, recteur de l'Académie
de Besançon, le docteur G. Duriau. de Dunkerque, Paul
Carpentier, avocat à Lille, et Ch. Petit-Dutaillis, professeur à
l'Université, qui ont misa sa disposition toute leur influence et
leur activité. Il ne peut non plus négliger d'exprimer sa grati-
tude, pour la part qu'ils ont prise à l'illustration de son livre, à
MM. Pareil ty, Directeur des Tabacs, à Lille, Cuvellier, à Dun-
kerque, R. Mancel, à Lille.
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ABRÉVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Act. SS. Belg. — Ghesquière, Aeta sanctorutu Belgiae.
Act. SS. lioll. — Bollandistes.
Ane. Métti. Ae. Unix. — Ancien* mémoires «le l'Aca«lémie «le Bruxelles.
An». Ac. Arrh. liehj. — Aunales de l'Académie d'Archéologie de Belgique, Anvers.
Ami. ('. A. I'. W'ifs. — Annales du Cercle archéologique du pays de Waes.
Ami. Corn. fl. Fr. — Aunales «lu Comité flamand de France.
Ami. E. S. — Annale-, de l'Kst et du Nord.
Ami. Géofj. — Annales de (Géographie.
Ami. P.-C. — Annales des l'.mts-et-Chaussées.
Ami. S. H. Y/n-fs. - Annales de la Société historique d'Ypres.
Ann. Sor. Arrh. Bru.r. — Annales de la Société d'archéologie île Bruxelles.
Ami. Sor. Em. Iir. — Annales de la Société d'Kmulatiou pour l'étude de l'histoire et
des antiquités de la Flandre Occidentale, Bruges.
Ami. Sor. licol, lirhj. — Annales de la Société géologique de Belgique, Liège.
Ami. Sor. GSuf. y. — Annales de la Société géologique du Nord.
Ami. Sor. mal. Brio. — Annales de la Société malai'olo£ique de Belgique.
Ami. Tr. j>. lirhj. — Annales des Travaux puhlies de Belgique.
liiill. A'\ R. B>l<j. — Bulletin de l'Académie royale de Belgique.
Bull. C.C. St. — Bulletin de la Commission centrale de Statistique de Belgique.
Bull. Com. fl. Fr. — Bulletin du Comité flamand de France.
Bull. Connu. H. S. — Bulletin de la Commission historique du Nord, Lille.
Bull. S'-. Hist. Lift, y. — Bulletin scientifique, historique et littéraire du département
«lit Nord.
Bull. Sur. Anthr. Briu: — Bulletin de la Sociéié d'Anthropologie de Bruxelles.
Bull. Sor. brhjr Géoij. — Bulletin de la Société belge de Géographie, Bruxelles.
Bull. Soc. belge Cifo/. — Bulletin de la Société belge de Géologie, Paléontologie et
Hydrologie.
La Fl. — La Flandre, Revue des monuments, d'histoire et d'antiquité.
Mrm. C. Ar. H. Bel g. — Mémoires couronné-» publiés par l'Académie royale «le
Belgique.
Mfim. Sor. Ac Bout. — Mémoires de la Société aca«lémique de Boulogne-sur-mer.
Mrm. Sor. Ant. Mur. — Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie.
Mrm. Sor. Dinik. — Mémoires de la Société 1 mnkerquoise pour l'avancement l^es
lettres, des sciences et des arts.
Mém. Sor. S<\ LUI»'. — Mémoires «le la Société «les sciences «le Lille.
Mrs*. Se. Hist. — Messager «les sciences historiques, Gand.
M. (i. SS. — Monumenta Germattiae, Scriptores.
Rrv. yen. o(jr. L. — Revue générale agronomique, Louvain.
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LA
••• :
PLAINE FLAMANDE
CHAPITRE I
LA FLANDRE, RÉGION NATURELLE
I. J/i Flandre d'après l'histoire. — II. Définition f/éof/ra/ihir/ue de la Plaine flamande.
I.
LA FLANDRE D'APRES L'HISTOIRE
Extension exagérée du nom de Flandre. — Le nom do
Flandre, qui apparaît au VIT siècle 1 pour désigner un étroit territoire
entre Bruges et la nier, a eu une singulière fortune. D'abord restreint
aux modestes limites des doyennés de Bruges, Oudenbourg et Àarden-
burg 2, et distinct du Mempiscus, qui désigne le reste de la Flandre
actuelle, il s'étend au IXe sièclo à tout le pays situé entre l'Escaut
et la mer, franchit le fleuve au XIe en annexant la partie occidentale du
Brabant, gagne vers le Sud et l'Ouest aux dépens des petits pagi d'entre
1 Dans la vie «le St Eloi, par St Ouen (Act. SS. Belg., III): « Flandrenses atquc
Andoverpense*, Frisiones et Suevi, ot barbari quiqtie circa maris littora degenies »
(p. 231) et : « multum practerea in Flandris laboravit » (p. 238).
8 Cf: Vanderkindere, Histoire de la formation territoriale des principautés belges
au moyen-âge, t. I : la Flandre (2« éd.), pp. 30-37 ; — Meycf. Commeiitarii sive Annales
rerum Flandrioarum (Antverpiae, Steelfius, Infil) : « Flandrensem motropolini ea
tempestate (celui de StEloi) Rodenburgum (Aardenburg) fuisse esistimo. Maritimam
oram eo tract u Flandras id seculum appellabat...» (p. 5) ; — « I'agusautem Flandrensis
■lictus est, quatenus aestus incurrebat marinus ; reliqua pagi erant Mempisci » (p. 0) ;
— « Quisquis oculatius scrutatur vetustatem facile deprehendil Pagum olim Flandrensem
2 LA FLANDRE, REGION NATURELLE
'. •
Lys et'Scarpe, et sa fortune participe à la brillante destinée dos comtes de
la maison d'Alsace. L'admirable prospérité du comté au moyen-âge, la
vitalité qu'il affirme dans la lutte contre les rois, consacrent définitivement
la fortune du vocable, et le glorieux nom de Flandre désigne bientôt dans
.le royaume, aux dépens des termes plus modestes d'Artois et de Hainaut,
toutes les riches contrées qui s'étendent au Nord de la Picardie. L'incerti-
tude des limites naturelles, les innombrables remaniements de frontières
qui se succèdent du XVIe au XVIII' siècles augmentent la confusion, que
complique encore, au XIXe siècle, la création de nouvelles unités adminis-
tratives ; et de nos jours l'on continue à appeler volontiers les Flandres
toute la région française du Nord, l'Artois compris, dette incertitude el ces
erreurs sur l'étendue véritable de la Flandre peuvent faire douter qu'il
existe une région naturelle flamande, c'est-à-dire un pays assez distinct
de tous ceux qui l'entourent pour former une unité physique et politique.
Une Flandre ou des Flandres? — La confusion est augmentée
encore par l'emploi fréquent du pluriel Flandres. On dit couramment
les Flandres pour la Flandre, et dans le monde savant plus que dans
le peuple. En usant de ce pluriel peut-être veut-on confusément
exprimer que la Flandre n'est qu'une juxtaposition de petites régions
sans unité, artificiellement rassemblées par un fragile lien politique ».
Mais que l'on examine les origines de ce pluriel, et l'on verra que
les nombreuses raisons qui ont fait distinguer de tout temps en
Flandre plusieurs Flandres ne sont pas d'ordre géographique et n'em-
pêchent pas de considérer le pays flamand comme une région naturelle.
Sans doute le nom même de Flandre, « de Vlaanderen », est un pluriel *.
nusquam ultra aestuaria se extendisse ; quaeque extra aestuaria sunt in Mempisco
fuisse sita » (p. 114). — De même Borettus, Cnpitulaires (I, p. 301) : « In Flandris et in
Mempisco » (821). — Le Capitulaire de Servais indique qu'à côté du premier comte
Baudouin Bras-de-Fer, il y avait en 853 d'autres fonctionnaires royaux dans le
Mempisc, les pays de Gand et de Gourtrai (Vanderkindore, Le Capitulaire do Servais.
Commission Royale d'Histoire de Belgique, ."' série, VII, 18J>7, pp. 01-138). — Au XI*
siècle encore, il arrive qu'on distingue les « Flamands » des hommes du Mempisc, du
Waes, et des autres habitants du comté de Flandre : « Maxime autem in Flandriis ubi
cum Menapenses, Wasiacenses et ipsos Flandrenses sanetus Ursmarus eonvertisset »
(Miracula S. Ursmaii, M. G. SS. XV, p. 838).
1 C'est ce que dit formellement Michelet : « Ce nom, les Flandres, n'exprime pas un
peuple, mais une réunion de pays fort divers, une collection de tribus et de villes.
Rien n'est moins homogène ». (Histoire de France, éd. de 1837, t. III, pp. 45-40).
2 Sur les origines du nom de Flandre, voyez Kern, Revue Celtique, II, p. 174; —
Kurth (<!.), La frontière linguistique en Belgique et dans le Nord de la France, (I,
pp. 522-523) ; — Jonckheere (D.), Do l'origine du nom de Flandre (Revue Catholique,
tome 53, 1882, pp. 535, 615, 700 ; tome 54, 1883, pp. 43, 130) ; — Vanderkiudere, Forma-
tion territoriale, (2« éd., I, pp. 35-30 et p. 44; ;— Gilliodts van Severen (L.), Inventaire des
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FLANDRE OU FLANDRES ?
3
Pourtant il no s'agissait guère, à l'origine du nom, de désigner plusieurs
régions artificiellement réunies ; rien n'était plus simple que ce petit terri-
toire situé au Nord et à l'Ouest de Bruges, cette étroite marche do défense
contre les Normands; mais le mot était employé au pluriel soit qu'il vînt
du latin Planaria et indiquât les vastes terres plates de la région poldé-
rienne, soit plutôt qu'il fût à la fois le nom du pays et celui des habitants
et désignât la terre des fugitifs. C'est du flamand, et par habitude, que
le pluriel passa à l'équivalent latin, s'étendit au comté tout entier,
et fit employer jusqu'au XIIIe siècle les termes de « Flandriae » et de
« Cornes Flandriarum » 1 . Vinrent ensuite des motifs de distinguer
plusieurs Flandres, lorsque les comtes agrandirent leurs domaines de
terres qui appartenaient à l'Empire ; et l'on eut à côté du comté
proprement dit, placé sous la suzeraineté française, une Flandre impériale,
dépendant de l'Empereur, et comprenant les Quatre-Méliers *, le pays
de Waes, le comté d'Alost et la ville de Grammont. Dans la partie
relevant de la France, on ne manquait jamais non plus de faire la diffé-
rence entre pays de langue franchise et pays de dialecte germanique,
Flandre wallonne et Flandre flamingante. Même la partie flamingante
comportait encore deux divisions: d'un côté l'Ost-Flandre, le pays de
(ïand ; de l'autre le West-quartier 3 ; distinction qui correspondait à peu
près aux deux grandes circonscriptions ecclésiastiques : à l'Ouest l'évêché
de Térouanne s'élendant jusqu'à l'Yser, à l'Est l'évêché de Tournai. Toutes
ces distinctions de suzeraineté, de langue, de pouvoirs temporels et spiri-
tuels, se compliquèrent encore à partir du XVIIe siècle, lorsque la Flandre
fut partagée entre trois puissances. Les Hollandais annexèrent le Nord, qui
fut dès lors connu sous les noms de Flandre des Etats, ou Flandre zélan-
archives de Bruges (Bruges, 1870, 6 vol.), volume d'Introduction, pp. 245-246 ; — Ver-
couillio (J.), L'Etymologie de Vlaming et de Vlaanderen (Bull. Ac. R. Belg., Classe
Lettres, t(.)03, pp. 484-4'Jl). L'étymologie Planaria, proposée par M. Jonckheere et
acceptée par M. Kurth, paraît douteuse ; la forme « Vollanden », terres de comble-
ment, donnée par M. Gilliodis, semble devoir être écartée. La solution la plus sédui-
sante est colle de Kern, complétée par M. Vercouillie : Vlaanderen vient dit Vlame et
du suffixe der, qui dans les langues germaniques donne des noms d'agent. Vlaander
est donc synonyme de Vlaming, et il a la forme du pluriel comme l'ont des noms de
pays qui sont en même temps noms de peuples, tels Polen, Beieren. Marne est une
forme frisonne de Vloome, dérivé du verbe vlicden, et signihV fugitif, exilé : épithète
qui s'appliquait bien aux populations frisonnes établies dans la région de Bruges,
puisque les pays frisons ne dépassent guère la Zélande au Sud.
« Cf. Pirenne (H.), Histoire de Belgique, I, p. 45, note i.
2 Hulst, Axel, Assenedc, Boucbaute et leurs dépendances.
3 Cf. Diegerick (I.), La West-Flandre (Auu. S. H. Ypres, t. I, 1863, pp. 13-32, carte).
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LA FLANDRE, RÉGION NATURELLE
daise; la plus grande partie du comté, rostre à l'Espagne, fut la Flandre
espagnole, plus tard autrichienne ; le Sud devint français. Même dans ce
territoire assez restreint delà Flandre française, le pluriel parvint à se
glisser encore, car le gouvernement de Louis XIV fit de sa conquête deux
petites provinces: la Flandre wallonne au Sud de la Lys, avec Lille, Douai
et Orchies ; la Flandre maritime ou « du côte de la mer », entre la Lys et
la côte. Cette distinction disparue avec la Révolution, une autre naquit
dans la Flandre autrichienne, divisée parla République en départements .le
la Lys et de l'Escaut, dont le gouvernement hollandais fit en 1815 les deux
provinces de Flandre Orientale et Occidentale. Ainsi de nos jours encore il
existe quatre Flandres : Française, Hollandaise, Orientale et Occidentale ;
et c'est de cette division arbitraire, due au hasard des conquêtes, que vient
la survivance du pluriel; sans compter la confusion fréquente entre
Flandre et pays de langue flamande, qui fait parfois appeler Flandres, ou
région flamande, toutes les provinces germaniques de la Belgique.
L'unité attestée par l'histoire. — Rien n'autorise donc à nier l'unité
géographique de la Flandre dans ces distinctions de Flandres impériale,
hollandaise, française, wallonne, flamingante, dues à la situation du pays
dans une contrée ouverte et riche, facile à l'invasion, au contact de deux
idiomes et de deux races refluant sans cesse l'une sur l'autre. L'histoire de
Flandre, au contraire, à laquelle ces dénominations pourtant sont dues,
semble prouver d'un bout à l'autre l'existence d'une Flandre homogène,
durable et puissante. Ces luttes de ville à ville, Gand contre Bruges,
Ypres contre Gand, qui ont frappé les historiens et leur ont inspiré
des doutes sur l'unité du pays, étaient fatales au moyen-âge entre
concurrentes ayant les mêmes besoins et les mêmes intérêts, dès lors
jalouses et rivales ; les mêmes phénomènes se retrouvent à la même époque
dans les puissantes cités italiennes, et pourtant personne ne nie l'origina-
lité géographique de la Lomburdie ou de la Toscane. Quant A la durée,
rares sont les provinces françaises qui ont eu si longtemps une existence
distincte ; pendant huit siècles, du milieu du IXe à la fin du XVIe, la
Flandre est restée elle-même, et elle n'a commencé d'abdiquer sa person-
nalité que dans la gloire de donner, en la personne du Gantois Charles-
Quint, un maître à l'Europe. Seule en France elle avait acquis dès le XIIe
et retrouvé aux XIIIe et XVe siècles une puissance et une richesse incom-
parables. Elle est encore la seule province qui ne se soit jamais laissée
enserrer dans les mailles du domaine royal, malgré les tentatives d'un
Philippe-Auguste, d'un Philippe le Bel, d'un Louis XI, et qui ait affirmé
de siècle en siècle, à Courtrai, Cassel, Roosebeke et Gavere, son autono-
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INCKRTITUDE DKS LIMITES HISTORIQUES
mie à rencontre des rois et des comtes de sang étranger. Sa personnalité
s'est révélée à certaines époques jusque dans une littérature et un art origi-
naux. Il y eut en Flandre au XVe siècle une floraison d'écrivains et d eru-
dits qui a peut-être contribué largement à la renaissance de l'humanisme
en France, et surtout un art bien flamand, qui exprime la tranquille nature
du pays, introduit le réalisme flamand dans la convention des sujets sacrés,
élève des monuments adaptés aux goûts et aux besoins des bourgeois do
Flandre. Cette originalité intellectuelle, cette indépendance si farouche-
ment défendue et conservée, celle puissance et celle durée, ce sont là des
traits qui semblent l'expression d'un pays homogène, conscient de son
unité ; la présence d'une forte individualité historique est au moins une
présomption que cet organisme politique s'est développé dans une région
naturelle différenciée. S'il est vrai que les régions naturelles « sont celles
qui conservent la plus longue durée dans l'histoire, celles qui sont aptes à
atteindre le plus grand développement matériel et la plus grande force »
la Flandre est bien une de ces unités privilégiées.
Incertitude des limites historiques. — 11 est vrai que si l'histoire
atteste qu'il y eut une Flandre, elle ne nous en donne guère les limites. Rien
de plus variable que ces frontières politiques du comté. Au Xe siècle, nous
le trouvons étendu du Zwin à la Canche ; Arias en est la capitale, et les pays
romans y tiennent presque autant dé place que les contrées germaniques. Au
XIe, le comte Baudouin de Lille annexe les Quatre-Métiers et le pays de
Waes, franchit l'Escaut et étend ses domaines jusqu'au delà delà l)endre. La
Zélande lui appartient, et le protectorat du llainaut; Cambrai tombe (Mitre
les mains des Flamands. Puis le reflux se dessine; Philippe- Auguste met la
main sur l'Artois et refoule la Flandre au delà de Tournai; la Zélande
échappe au protectorat, et la Flandre ne sauve sa liberté en VAiti qu'en aban-
donnant la partie wallonne à la France. Môme l'extrémité occidentale du
Wost-quarlier, désagrégée en douaires et apanages, semble se détacher du
comté. Cependant l'expansion recommence; la politique des ducs de
Bourgogne récupère la Flandre wallonne ; Philippe le Bon et Charles le
Téméraire portent leur frontière bien au delà de la Canche, et l'on bataille
deux siècles encore pour la possession de l'Artois. Si les frontières poli-
tiques de la Flandre ont été de bonne heure lixées au Nord et à l'Kst, ou
peut dire que vers le Sud-Ouest le pays n'a jamais eu de limites historiques.
L'histoire nous a bien révélé l'énergique vitalité de la petite patrie
flamande, qui s'affirme encore aujourd'hui dans les mœurs, les sentiments
1 Barrois (Ch.), Des divisions géographiques de la Bretagne (Ann. O'èog., VI. 18</7,
pp. 23-24).
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6 LA FLANDRE, RÉGION NATURELLE
religieux ol les idées politiques dos Flamands do Franco, do Belgique et do
Hollande ; mais elle n'a pu ni on définir les caractères géographiques, ni
on fixer les limites.
IL
DÉFINITION GÉOGRAPHIQUE DE LA PLAINE FLAMANDE.
Quelle étendue comprend donc cette région flamande, où est née une
puissance politique si vigoureuse qu'elle a souvent débordé hors dos
limites géographiques du pays ? Qu'est-ce que la Flandre, entendue non
plus au sens historique de pays soumis à la domination des comtes, mais
de Plaine flamande, région naturelle distincte ?
Caractères géographiques de la Plaine flamande. — La
Flandre, par opposition avec les pays voisins, c'est le pays bas, c'est le
pays plat, c'est le pays humide. Pays bas : tandis que le Brabant à l'Est,
les plateaux picards et artésiens à l'Ouest se tiennent à des altitudes
d'environ 100 mètres, la plaine flamande dans son ensemble reste à la
hauteur médiocre de 20 mètres, et la région maritime, étendue tout au
long des côtes, est à peine au niveau des hautes mers. Pays plat : la plaine
maritime, sauf les dunes de la côte, n'a pas une éminence qui dépasse
trois mètres ; et si l'intérieur de la Flandre est tout parsemé de monti-
cules, de buttes de sable et d'argile, il n'y a là rien des vallées profondes
creusées dans la craie de l'Artois ou dans les sables du Brabant. Pays
humide : le sous-sol, et presque toujours le sol, sont imperméables ;
l'eau qui tombe fréquemment des nuages reste à la surface, s'écoule
lentement, ou reste à une faible profondeur.
Ces caractères fondamentaux donnent à la région flamande d'autres
traits non moins originaux. L'absence de ponte, l'imperméabilité du sol,
donnent naissance à un réseau très chevelu de cours d'eau, rivières et
ruisseaux coulant lentement, tantôt indigents, tantôt gonflés et débordant
sur leur vallée plate ; la Flandre est le pays de l'eau stagnante, des mares,
des marécages, des rivières incertaines do leur pente. L'humidité assure
l'existence d'une végétation abondante, plantes arborescentes et herbacées;
les prairies naturelles sont nombreuses, les arbres sont partout, alignés
autour des champs et pressés derrière les fermes ; leurs rangées
limitent l'horizon de ces terres plates, qu'on croirait immense. L'abon-
dance de l'eau, amassée en nappes peu profondes, permet à la nombreuse
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LES LIMITES VERS L'OUEST
7
population de disséminer ses habitations à travers tout le territoire ; la
maison isolée est la règle. Pays de plaines basses où les buttes ne font
que rendre plus sensible l'horizontalité et la faible altitude du sol ; pays
des eaux lentes salies par le sol glaiseux, ou par l'utilisation industrielle,
pays des herbes et des arbres, des maisons innombrables dispersées sur
tous les points, telle se présente la Flandre.
Limites vers l'Ouest. — La contrée dont ces traits caractéris-
tiques l'ont une région naturelle ne correspond pas exactement à celle
qu'on est accoutumé de prendre pour la Flandre historique ; ses limites
tantôt dépassent les frontières politiques de la Flandre, et tantôt restent
en deçà. Si les données géographiques sont d'accord avec l'histoire pour
considérer comme le cœur de la Flandre le pays qui s'étend outre la mer
du Nord et la ligne fluviale de l'Aa (Gravelines à Arques), de la Lys (Aire
à Mcnin), de l'Escaut (Audenarde à Anvers), la plaine flamande dépasse,
du côté de l'Ouest, la frontière politique de la Flandre ; elle déborde au
delà de l'Aa et de la Lys sur des territoires qui faisaient partie de l'Artois.
Les terres basses du Calaisis, triangle dont la côte, l'Aa inférieur et le
haut pays du Boulonnais forment les trois côtés, ne sont que la continuation
de la plaine maritime qui longe toute la côte de Flandre depuis l'Escaut
jusqu'à Gravelines, et s'étend bien au delà, en Hollande, en Allemagne
et en Danemark ; mêmes origines géologiques, même sol, mêmes
productions ; c'est la continuité complète, car le lit changeant de l'Aa
n'a jamais été une limite naturelle, pas même une frontière linguistique.
Détachée de la région flamande et incorporée à l'Artois, cotte petite
contrée y conservait un caractère particularisle ; die formait comme
trois petites républiques, distinctes du reste de la province, et dont les
coutumes dérivaient de celles du Franc de Bruges ; c'était une Flandre
en Artois1. Au contraire, la limite géographique est particulièrement
nette entre le Calaisis et le haut pays qui le domine au Sud : différences
de sol, d'altitude, de productions, rien n'y manque. I^s hautes croupes
rondes de la craie, aux pentes nues parfois couronnées d'arbres,
dominent de 100 à ioO mètres les terres à demi noyées du bas pays, et
les tourbières viennent se terminer au pied des plateaux secs où se tint le
camp du Drap d'Or 2. En haut, l'agriculture ost arriérée, le climat rude,
1 Mardi, en Calaisis, était chef-sens de Calais ; Bourbourg, chef-sons de Marck, et
la coutume de Bourbourg dérivait de celle du Franc de Bruges. Cf : Courtois, Lettre
pur le lloop (Bull. Corn. tl. Fr., H, pp. 3S>-330); _ Chavanon (F.), Charte de coutume
do Marck (Méra. Soc. Ac. Boul., XIX, Iftt'î, pp. 429-452).
« Voir phot. i.
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LA FLANDRK, RF.MON NATL'REIJ.K
la population clairsemé? ; en bas, à la faveur d'une température que
l'écran des hauteurs rend plus douce1, et profitant d'une terre fertile à
souhait, on voit ligner les cultures savantes, assurant le bien-être à une
population nombreuse et dispersée. Nulle part la plaine flamande ne
possède des limites aussi précises qu'au long de ce territoire devenu une
dépendance politique de l'Artois.
La distinction est encore facile à faire au delà du Calaisis. Du côté
flamand, la colline boisée d'Eperlerqucs, les terres basses des marais de
St-Omer, les vertes ondulations argileuses qui bordent la vallée de
Neuflbssé, s'opposent aux pentes de guérels nus et jaunâtres, aux croupes
pelées des hauteurs crayeuses semées des taches blanches des marnières
qui se succèdent du côté do l'Artois. La limite géographique du pays s'y
confond avec la frontière historique. Mais celle-ci, lorsqu'elle pénètre
dans la\asle dépression alluviale que la Lys et ses affluents ont creusée
en débouchant de l'Artois, coupe en deux une région dont les caractères
naturels font une partie intégrante de la plaine flamande. La Lys, qui
fut souvent entre Aire et Armentières la limite politique de l'Artois et de
la Flandre, et qui sépare de nos jours les départements du Nord et du
Pas-de-Calais, pouvait a la rigueur former une frontière avec la large
bande de prairies basses qui accompagnent son lit, et qu'elle recouvre
chaque hiver : mais la partie qu'isolait cette frontière au Sud de la
rivière est bien flamande, avec ses fortes terres brunes, ses innombrables
fossés pleins d'eau, ses haies d'ormeaux, et ses maisons éparpillées le
long de rues intcrminabl&s. Au contraire ce « bas-pays », comme on dit
à Béthune, se distingue aisément des hautes terres qui le limitent au Sud.
Arrivé à Aire, à Lillers, à Béthune, à La Bassée, le long de cette ligne
de villes, dont la présence suflirait déjà à indiquer une frontière natu-
relle, on voit le sol se relever, d'abord en ondulations douces d'argile,
bientôt en croupes, plus accusées, de craie, et s'élever en gradins
jusqu'aux collines de l'Artois ; les pâtures, les arbres, diminuent, les
maisons se groupent on villages. La présence, sur ces premières pentes,
de la puissante industrie des houillères, a accentué le contraste avec la
région flamande, restée dans cette plaine delà Lys presque exclusivement
agricole. Ainsi toute la plaine est bien un coin de Flandre, en dépit de
l'opinion exprimée par ses habitants que le pays flamand s'arrête aux
coteaux d'Hazebrouck et de Bailleul, parce qu'ils prennent pour une
frontière véritable la capricieuse limite des langues, errante de la Lys
aux hauteurs, et confondent flamingant et flamand.
i Voir la carie de la moisson du blé en Flandre, fig. 3.
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l. — L'Artoit vu du bas pays (Landrethun-lci-Ardrcs).
a. — Le plateau crayeux du Mclantoi», vu de Lille.
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LES LIMITES VERS L'EST
!»
Limites vers l'Est. — \jà limite du pays flamand est déjà beaucoup
plus difficile à fixer vers l'Est. Sans doute l'Escaut, de Termonde à
Anvers, peut être considéré comme une frontière. Les régions qu'il
sépare sont dissemblables ; à gaucho le pays do Waes, avoc son sol de
limon sableux, est une terre d'agriculture riche, à population dense ; à
droite les sables de la Campino Anversoise ne portent guère que des
bruyères et des forêts auxquelles s'attaquent les défrichements modernes.
Le vaste fleuve jaune, large de 500 mètres devant Anvers, était une
limite historique en même temps qu'une frontière géographique ; l'enva-
hissante domination des comtes ne put jamais le franchir, et même à
partir du XVIe sièclo, la juridiction du fleuve, jusque-là réservée a la
Flandre, fut accaparée par ceux d'Anvers ».
Flandre à gauche, Brabant à droite; la petite région de Lebbeke et
Buggenhoul, dépendance de la Flandre Orientale sur la rive droite,
est encore qualifiée de Brabant par les habitants de la rive gauche.
Les difficultés commencent au delà de Termonde, où le pays flamand
commence d'envahir la rive droite du fleuve. Ce n'est plus pourtant
l'aspect de la vraie Flandre ; les accidents de terrain, qui étaient
l'exception à l'Ouest de l'Escaut, se multiplient à l'Est ; il est facile
d'y reconnaître les ruines d'un grand plateau dont l'altitude croît
vers le Sud, et que d'innombrables vallons ont si bien entaillé, qu'il
n'en reste plus guère qu'un squelette. Tandis que ces débris du plateau
annoncent le Brabant avec leur solde limon sablonneux et leurs vastes
champs nus et monotones, sans arbres ni maisons, les vallées sont encore
la Flandre ; l'argile que cachait la m isse sableuse, mise à découvert par
l'érosion, ramène l'humidité et la verdure; on retrouve le long du ruisseau
les prairies entourées de peupliers ; les villages et les fermes s'espacent
le long des vallons, tandis que les bouquets de bois, établis sur les pentes
trop glaiseuses, poussent leurs têtesjusqu'au rebord du plateau. A mesure
qu'on approche de la Dendre, les vallées se font plus rares, le plateau
s'étend, et l'on passe ainsi par une insensible transition au paysage
brabançon. Où fixer une limite dans un pays aussi fuyant, et qu'on
pourrait appeler aussi bien Flandre brabançonne que Brabant flamand ?
Il faut se résoudre à le considérer comme une de ces régions mixtes qui
remplacent les frontières dans ces contrées où les différences de climat,
de sol et de relief, n'apparaissent qu'insensiblement, et l'étudier avec; la
Flandre, qui se l'est attribué depuis huit siècles.
1 Duvivier (Ch.), L'Escaut ost-il flamand ou brabançon ? (Huit Ac. R. Brl-r.,
Classe des Lettres, 1899, pp. 721-768).
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10 ( LA FLANDRE, RÉGION NATURELLE
Limites vers le Sud.— Plus incertaine encore est peut-être la frontière
du Sud, entre Grammont et La Bassêe. A l'Ouest et à l'Est, ce sont surtout,
les différences de relief qui arrêtent la Flandre au pied dos premières
pentes crayeuses ou la poussent jusqu'à la vallée do la Dendre, à la
rencontre des plateaux sablonneux du Iirabanl. Vers le Sud, tout relief
disparaît; la grande plaine du Nord de la France étend ses monotones
ondulations jusqu'au delà de Valencicnnes et de Cambrai. De la
Lys aux marais de la Sensée, c'est de nouveau un pays mixte, où
s'élabore lentement la transition de la plaine flamande aux hautes
terres du Hainaut et du Cambrésis. Après la Lys, c'est jusqu'à la Deûle
et la Marcq le territoire humide, au sol d'argile, qu'occupaient les petits
pagi de Weppes el de Ferrain ; puis le bombement crayeux, rattaché
par Carvin au plateau de la Gohelle, et étendu vers l'Est jusque près
de Tournai, auquel s'attachent les noms purement historiques de Mélan-
tois et de Carembaut. Derrière, c'est la Pévèle, où un petit massif
d'argile tertiaire, entouré d'une auréole sableuse, occupe l'emplacement
d'une dépression de la craie ; des bois assez compacts établis sur les
sables ou les argiles en jalonnent la périphérie ; ils sont particulièrement
épais dans le Sud, sur le territoire de l'ancien pagus d'Ostrevant, où la
craie qui se rapproche de nouveau de la surface est encore protégée par
une couche sableuse sur laquelle s'étendent des forêts. Où faut-il s'arrêter
dans une région où les contrastes sont si lents à se produire, et où les
caractères propres au pays flamand se fondent peu à peu avec ceux dos
contrées voisines ?
Déjà, de Grammonl à Tournai, il faut fairo appel à des souvenirs
historiques, ressusciter des traits géographiques disparus, pour justifier
la limite traditionnelle des plaines flamandes et des plateaux du Hainaut,
qui, par le dédale des collines de Flobecq et de Renaix, atteint l'Escaut
vers Avelghem, le suit jusqu'à son coude d'Espierres. C'est la frontière
linguistique ; c'est aussi la limite administrative entre Hainaut et
Flandre; c'est un des rares points où la limite du comté n'ait presque
jamais varié. Cependant les pays quelle sépare ne sont pas très
différents; l'aspect, les cultures sont identiques ; ce n'est que peu à
peu que s'opère le passage aux paysages de plateau agricole qui carac-
térisent le Hainaut, el où le sol de limon repose sur le calcaire carbonifère
qui apparaît dans les vallées, étroites el profondes. C'est que là s'étendait
jadis un obstacle, de chaque côté duquel se terminaient les deux régions :
c'était l'endroit où venait finir la partie occidentale de la grande forêt
Charbonnière, considérée par la loi saliquo comme la frontière du peuple
franc, et regardée encore au IX0 siècle comme une limite naturelle. La
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LES LIMITES VERS LE SUD.
11
poussé germanique venue du Nord-Est n'a pas dépassé l'emplacement de
cette vaste étendue boisée ; et c'est ainsi que cette partie des limites du pays
flamand, qui pout paraître aujourd'hui la plus artificielle do toutes, a été
jadis celle qui s'imposait le plus 1 .
Plus loin à l'Ouest, de l'Escaut à La Bassée, il est plus facile do
retrouver une frontière naturelle au delà Ho laquelle les traits propres au
pays flamand s'atténuont, se raréfient, cèdent le pas à des caractères
étrangers. Tandis que la bande de territoire qui s'étend do Lille à la Lys
est encore toute flamande, avec ses hauteurs qui continuent au delà do la
rivière la rangée dos collines d'Ypres, avec son sol argileux et humide, ses
pâtures, ses arbres et ses haies, ses fermes éparsos, le paysage change
d'aspect dés qu'on atteint le petit plateau crayeux qui s'étend au Sud
jusque sous la ville de Lille. Tandis que des faubourgs Nord de la ville
le pays apparaît verdoyant comme un bocage, dos remparts du front
Sud la vue porte sur des champs nus de terre brune, séparant des
villages bien groupes, entourés d'arbres comme en Picardie ; paysage
découvert dont la silhouette de nombreux moulins à vent accentue encore
le vide *. Non seulement le sous-sol, mais le sol superficiel diffèrent ; au
Nord c'est un limon d'altération argileux, gras et humide; au Sud le
sol ordinaire des grandes plaines do la craie, le limon quaternaire formé
d'ergeron recouvert de terre à briques, qui ne paraît pas dépasser Lille ''.
De là dos différences dans la culture ; la terro, plus fertile au Sud, était
aussi moins soignée. L'intendant Dugué de Bagnols, a la fin du XY11°
siècle, distinguait nettement dans sa petite province « la partie qui regarde
l'Artois, et qui comprend les quartiers de Carombaut, de Mélanlois et de
Pévêle, au sol sec et marneux », de « la partie qui regarde la Flandre,
les quartiers de Ferrain et de Weppes, terrain si gras et si fertile ».
Le conventionnel Camus, revenant de Flandre, « s'aperçoit en appro-
chant de Douai que le pays change de mœurs et d'habitudes. ... Ce n'est
« Duvivier (Ch.), \m Forêt Charbonnière (Rev. d'Histoire et d'Archéologie, III.
iSfiJ. pp. l-2fi) ; — l'irenne, Histoire de Belgique, I, p. 13. — Sur k--i limites histo-
riques du Tournaisis et de la Flandre, voir d'Herljoniez ( A.). Géographie historique du
Tournai*!» (Bull. Soc. belge Géog. 10' année, 18'.£, pp. 27- "i0, 30t>-:t.'tf, 3HG-V<!3).
* Voir phot. 2.
3 G osselet (J.), Esquisse géologique du Nord de la Finiu e. Age quaternaire (Ann.
Soe. géol. Nord, XXX, l!K)l, pp. 257-.'i:e}, pp. aJO-SG.
» Mémoire de Dugué de Bagnols, intendant de la Flandre wallonne, W. S (Bull.
Comm. H. Nord, X, p. ir>0).
I,'
LA FLANDRK, RÉGION NATURKLLK
plus cette culture flamande qui transforme les champs en jardins ' ».
Aujourd'hui, les procédés sont devenus identiques, mais les cultures
diffèrent encore. Au Nord, les pâtures favorisées par l'humidité du sol
tiennent le premier rang pour l'importance des produits ; au Sud les
céréales et les betteraves à sucre sont la grande affaire du paysan.
Cependant au Sud de cette bande crayeuse si différente du vrai pays
flamand reparait en Pévèle l'argile, la roche caractéristique delà Flandre.
Au sortir du plateau sec, le paysage redevient verdoyant ; il rappelle les
aspects du Nord. Faut-il donc, au delà de la petite zone qui annonce déjà
les pays picards, considérer la Pévèle comme une dépendance de la
région flamande? Les nuances sont si délicates que l'hésitation est
permise. Cependant c'est, plutôt qu'une terre flamande, une petite région
à part, qui réunit à ses caractères propres des traits empruntes aux pays
voisins. Elle se dislingue par son relief, qui en fait un petit massif
argileux, d'où descendent de tous côtés des ruisseaux; par sa ceinture
de bois, qui l'isolait du pays d'alentour ; par l'infertilité de son sol, où
l'on ne peut guère labourer plus profond que vingt centimètres. Ce ne
sont plus les étendues vides de la craie, mais on n'y retrouve pas les
pâtures et les haies de la Flandre. Les agriculteurs ont plus de rapports
avec leurs voisins du Sud qu'avec ceux du Nord ; leur principal produit,
la graine de betteraves, s'adresse plus à la Picardie qu'à la Flandre, où
îa culture betteravièro est moins développée. Les ouvriers d'industrie
sont également sollicités vers Lille et Roubaix, pour lesquelles ils
travaillent encore â domicile, et vers le bassin houiller où des trains les
conduisent chaque jour. Evidemment ce n'est plus là le véritable pays
flamand, mais une petite région mixte, isolée de la Flandre par la zone
crayeuse et par sa bordure de bois, et où la fusion de caractères communs
aux contrées voisines et de quelques traits originaux finit par foi-mer une
petite individualité géographique.
Ainsi c'est vers Lille et Tournai, au long de la petite zone sèche, et
— coïncidence curieuse— sur la ligne qui marque la limite vers le Sud
de l'expansion germanique, que s'arrête la vraie région flamande ; les
deux villes sont à la frontière de la Flandre. Le rôle d'intermédiaires
entre les pays du Nord et ceux du Sud domine d'ailleurs toute leur
histoire; Lille continue à le tenir; Tournai fut jusqu'au XVIe siècle
l'avant-garde de la France, et le plus solide point d'appui de la politique
française en Flandre ; c'est par ses écrivains et ses artistes que les
i Voyage dans 1rs départements nouvellement réunis.... à la fin de Tan X (Paris,
Beaudouin, an XI, 2 vol.), II, p. 1«J8.
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LES LIMITES VERS LE SUD
13
influences romanes pénétraient dans la région germanique. Fragile
frontière quecelle qu'elles jalounent ; mais il ne faut pas être trop exigeant
pour un pays si ouvert et si peu accidenté, où Ton entre si facilement
qu'où en oublie qu'il y a une porte. Du moins, au delà des marches qui
servent souvent de limites, les différences apparaissent avec netteté ;
l'homme le moins averti, en passant de Boulogne à Calais, de Lens à
Armentières, de Bruxelles à Garni, s'aperçoit' qu'il a changé de pays. 11
n'en faut pas plus pour reconnaître une région naturelle ; et l'étude des
principaux caractères physiques de la Flandre ne fera que fortifier cette
impression.
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14
LE CLIMAT
CHAPITRE II
LE CLIMAT 1
I. Iss éléments du climat. Température. Anomalie de la plaine maritime. Pluie.
Vents. — II. CarrtrtJrt's du climat. Influences sur la nature et l'homme. Prétendus
changements.
I/' climat de la Flandre n'a pas bonne réputation. Los Orangers qui
viennent habiter le pays no tarissent pas sur les ennuis que leur cause
l'atmosphère flamande; les plus modérés osliment (jue le climat est au
moins désagréable; étouffant l'été, aigre l'hiver, changeant et surtout
humide en tous temps; il n'y a pas de printemps; le soleil ne se montre
qu'à regret, toujours obscurci, et la boue n'a pas eu le temps de sécher que
la pluie recommence. Au contraire, l'examen des moyennes donne du climat
flamand une idée satisfaisante; la chaleur et le froid sont tempérés, la
pluie ne paraît pas tomber en quantités considérables. Il y a là une ano-
malie à expliquer: on essaiera de le faire pour les deux éléments princi-
paux, pluie et température.
I. LKS ELEMENTS DP CLIMAT
Température
L'étude détaillée de la température d'une région est assez difficile, faute
de données suffisamment nombreuses. Los pouvoirs publics n'entretiennent
qu'un petit nombre de stations, et rares sont les observateurs bénévoles
assez zélés et consciencieux pour faire chaque jour des observations
Ihermométriquos. Dans la plaine flamande délimitée comme on l'a vu
i A consulter: Durieux (Ch.), Etude sur le climat du littoral belge (Ann. Observât,
royal Belg., lî*M, 2ô p., 9 pl.) : — Lancasier (A.), I.a pluie en Belgique, 1" fascicule
(Bruxelles. I lavez, 1894, in-H", Z>\ p., 1 pl., carte à 1.400.000) ; — Blanchard (IL), La
pluviosité de la plaine du Nord de la Franco (Ami. Géog. XI, iOtri, pp. 2U3-220, 10 fig.,
Pi caries à 1 : 1.500.000, 1 carte a 1 : 750.000).
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LA TEMPÉRATURE
15
précédemment, on n'a pu trouver que â stations, parmi lesquelles trois
donnaient des observations incomplètes. 11 a donc fallu dépasser les
frontières du pays, et s'adresser, pour pouvoir obtenir quelques termes de
comparaison, aux régions voisines *. On a réuni ainsi les observations de
L3 stations, assez heureusement placées, il est vrai, pour étudier le pays :
quatre dans la plaine maritime; trois dans la Flandre de l'intérieur, entre
la mer et la Lys : deux dans la région de Lille, trois sur les frontières du
pays picard, une en Brabant *.
Tableau des moyennes mensuelles et annuelles df température.
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Flossingue. . .
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Maldegem . . .
Ostomio (ville
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1 Les documents utilis.-s pour rétablissement îles moyennes sont de provenance
diverse : la Commission météorologique du Nord n fourni les ohill'res des stations de
Lille, Valeni-iennes et Le Ouesnoy ; le Bulletin météorologique de la Station Agrono-
mique d'Arras, Laventie et Arras ; les Annales du Bureau Central météorologique, la
station de Dunkcrqtie (Service du l'on) ; l'Observatoire royal de Belgique, à Lecle, les
stations de Punies, Iseghem, Maldegem, Ostende. Selzaete. Uccle ; l'Observatoire
royal néerlandais, à de Bilt prés Utrecht, la station do Flessingue.
* On n'a pas utilisé les stations de Douai et Gondecourt, relevant de la Commission
météorologique du Nord, dont les chiffres étaient manifestement trop forts. l.a station
de Somergem (Plandre Orientale), fonctionnant depuis trop peu de temps, a été
également écartée.
i<;
LK CLIMAT
La plupart des stations considérées fonctionnent depuis peu île temps:
une vingtaine (laniifVs à peine. Cependant on ne pouvait utiliser les résultats
des dernières années, la période quinquennale I901-190Ô n'étant pas
terminée; on a doue dû se résigner à prendre, pour établir 1rs moyennes,
les chiffres de la seule période décennale 1891-1900. C'est peu de dix ans
pour établir des chiffres moyens de température ; mais il était impossible de
faire autrement, les stations de Valenciennes, du Quesnoy et de Selzaete
n'ayant commencé à fonctionner qu'en 1890, celle d'Iseghcm en 1889,
Maldegem et Ostcnde en 18X8, Furnes en 1887. Il a même fallu combler
par des interpolations quelques vides dans les chiffres de Maldegem et
I aveulie. On est arrivé ainsi au tableau précédent, donnant les moyennes
mensuelles et annuelles pour la période 1891 -10* M).
Iâi comparaison de ces chiffres avec ceux que l'on aurait obtenus en
utilisant un nombre d'années beaucoup plus grand, est rassurante. A Lille,
la moyenne de température annuelle obtenue par les observations
s'étendant de 1757 à 1888 est de 9",9 ; pour la période 1891-iiHX), on
trouve 0",7. A Uccle, la moyenne des années 1833-1900 est de9°,l, contre
9", i. Les différences sont donc faibles, et l'on peut affirmer que les chiffres
du tableau précédent donnent une idée à peu près exacte des températures
moyennes de la Flandre.
Comme il fallait s'y attendre dans un pays largement ouvert, et parallèle
à la mer, où les influences marines peuvent se faire sentir partout, les
différences des températures annuelles sont faibles entre les différentes
stations. Entre le minimum 9°, i, à Uccle, et le maximum I0",3,à Flessingue,
il n'y a même pas un degré. La différence diminue encore lorsqu'on
applique à ces chiffres la correction de l'altitude ; en réduisant ces tempé-
ratures annuelles au niveau de la mer, on obtient en effet pour Uccle 9",9,
pour Arras 10", pour Valenciennes 10",2, pour ]/» Quesnoy 10°,5 ; l'on a,
pour toute la Flandre à peu près, la température moyenne de 10°.
Cependant des différences apparaissent entre les moyennes des différents
mois. En janvier, Dunkerque a 2°,i de plus que Uccle ; en février, 2° encore;
en mai-s, 1°, 1 . — En juillet, Lille a 1", \ de plus que Furnes, L^l de plus
qu'Ostende. En septembre, Flessingue dépasse Arras «le !".."> ; en novembre,
Lille est inférieur de 2". I à Dunkerque ; en décembre, Dunkerque a 2°,3de
plus que Le Quesnoy. Ainsi, d'octobre à mars, les stations de la plaine
maritime présentent les températures les moins basses; dans la saison
chaude, elles sont plus fraîches que les stations de l'intérieur. La tempé-
rature de la plaine maritime paraît donc beaucoup plus égale que celle de
l'intérieur ; l'amplitude entre les extrêmes des moyennes mensuelles est
LA TEMPERATURE
17
de I i° à Dunkorque, de 14°,6à Fumes ; elle est de 16°,3 a Uccle, de 17^
au Quesnoy.
Hiver-
Blé
9?
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Fin. — Influence de l'éloigiiement de la nier sur les moyennes
saisonnières de température.
Tableau des moyennes saisonnières.
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18
LE CLIMAT
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l^s différences apparaissent plus nettement encore lorsqu'on établit les
moyennes saisonnières : en hiver et en automne, la température de la plaine
maritime est sensiblement plus élevée qu'à l'intérieur: au printemps et en
été, le contraire se produit. L'amplitude entre les moyennes saisonnières
n'est plus que 12°,2 à Dunkerque ; mais elle atteint encore 15°,3 au
Quesnoy.
Les mêmes différences se retrouvent lorsqu'on examine d'aut res éléments
de température: le nombre des jours de gelée et de forte chaleur; la
variation diurne. Pour 50 jours de gelée à Ostende (moyenne des 10 années
1801-1900), on en a déjà 50 à Furnes, 58 à Iseghem ; le nombre s'accroît
dans la région sablonneuse: 66* à Maldegem, ()7 à Selzaete. Plus loin, en
Campine, la station de Turnhout, dont la température moyenne est
semblable à celle de la Flandre, donne 73 jours de gelée; Uccle en a 70.
Pour les fortes gelées, dépassant — 10", on obtient les moyennes suivantes :
3,0 à Ostende, 3.0 à Furnes, i,0à Iseghem, 5,0 à Maldegem, 0,0 à Selzaete
et à Uccle, 6,1 à Turnhout. Il y a donc, dans la plaine sablonneuse du
Nord-Est, deux fois plus de fortes gelées qu'au bord de la mer. Les jours
de forte chaleur (au-dessus de 25") sont également beaucoup plus rares sur
la côte, 8 (?) à Dunkerque, 12 à Ostende, 14 à Furnes ; le nombre augmente
dès qu'on pénètre dans l'intérieur: 27 à Iseghem, 28 à Maldegem, 31 à
Lille, 28 à Arras, 20 à Uccle, 3i à Laventie ; et il est particulièrement
considérable dans la région sablonneuse: 38 à Selzaete et à Turnhout.
La variation thermique diurne est également moins forte sur la cô\p que
dans l'intérieur. Pour 0°, \ d'amplitude diurne (moyenne annuelle) à Ostende,
on a 8°,0 à Uccle, 9",1 à Turnhout, 9°,5 à la station d'Hechlel ('( lampine),
10", i à Bastogne, dans l'Ardenne 1 ; en Flandre, Iseghem a déjà 8U, et
Somergem, dans la région sablonneuse, 8",9. Même dans la plaine mari-
time, il y a une différence entre la côte et la zone des polders. A Furn&s,
les nuits, en toute saison, sont plus fraîches qu'à Ostende : 8°,2 contre 9° au
printemps et en été, 3" contre 3",7 en automne et on hiver; et les après-
midi sont plus chaudes, surtout l'été, que sur le littoral : 10",7 contre? 10' à
Ostende. Il eu résulte une amplitude diurne plus considérable : 7°,5 à Furnes
contre f)",i à Ostende 8.
Ainsi toutes les observations amènent à la môme conclusion : si la tem-
pérature moyenne annuelle est à peu près la même pour toute la Flandre,
du Nord au Sud, et pour les régions voisines, il y a dans les moyennes
' Cf. Monographie agricole de la région de.s Dunes, p. 3.
2 Monographie agricole île la région des Polders, p. 2.
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LA TKMI'KKA'ITHK
mensuelles et saisonnières dos différences entre la plaine maritime et
l'intérieur. Sur la côte particulièrement, l'influence modératrice de la mer
adoucit la chaleur de l'été et le froid de l'hiver; les températures très
élevées et très basses sont rares. Les courbes thermomélriques sont plus
capricieuses à l'intérieur, sur-
tout dans la région sablon-
neuse. \À se fait sentir l'in-
fluence du sol ; cette légère
terre sableuse s'échauffe et se
refroidit rapidement ; elle
absorbe facilement la chaleur
solaire et subit la nuit, par
le rayonnement, des déper-
ditions thermiques considé-
rables. Cependant le carac-
tère excessif de ce climat de
la région sablonneuse est
moins prononcé que dans la
Campine , située pourtant
sous la même latitude: c'est
que la culture intensive de la
Flandre a peu à peu amendé
et alourdi en quelque sorte
le sol du pays, devenu dès
lors moins bon conducteur
de la chaleur que celui de la ^ F. M Av. M. Jn.Jt. Al. S. O. N- D.
(lampilie. Cependant les ge- Via. 2. — Température* moyenne*
lées blanches sont toujours à Dnnkerque et à Selzaete.
à craindre dans la région sablonneuse, même au milieu de l'été. On eu
signale dans le mois de juin, en 1887, 1891), 181)2, qui causent les plus
grands dégâts, détruisant les pommes de terre, b>s haricots, le sarrasin.
D'autres se produisent en septembre. Enfin en août 1887, on en constate à
plusieurs reprises à Maldegem (3, i, 12 et 13 août).
Il peut paraître intéressant de comparer ces résultats avec ceux que
procure l'étude de la végétation; par exemple avec une carte, dressée
d'après des renseignements recueillis sur place, et indiquant l'époque
moyenne à laquelle on fait la moisson du froment dans les diverses parties
* Monographie agricole de la région sablonneuse dos Flandres, p. 7.
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20
LE CLIMAT
de la Flandre Cette carte ne saurait prétendre à une précision absolue,
et la direction des courbes tracées reste un peu indécise dans ses détails.
Mais les traits généraux suffisent à la démonstration. Le plus saillant,
>
Echelle de 1 : 1.500.000
Fia. 3. — La moisson du froment en Flandre.
Localités où la moisson a lieu ordinairement:
Ç Avant le & Août i 0>Du 5 au 15 auùi.
O Du l" au 10 Août. I <J) Ou 10 au 20 Aoûl.
-O Du 15 au 30 Août.
c'est l'inclinaison des courbes vers la mer; la moisson dans la plaine
maritime est plus tardive, à latitude égale, que dans l'intérieur ; et cette
différence s'accuse surtout vers le Nord. Tandis que les communes sablon-
neuses de Somergem, Landegem, Nevele, Aeltre, moissonnent le blé du 5
au 15 août, les communes de l'embouchure de l'Yser, Slype, Westende,
Coxyde, même Ghyvelde et la région de Dunkerque ne se mettent à
l'œuvro qu'après le 15 ; la différence est d'au moins dix jours. Gela tient a
* Dans certaines communes de la Flandre Orientale, où le froment n'est presque plus
cultivé, on a tourné la difficulté en majorant do 15 jours environ la date de la moisson
du seigle ; c'est là h peu près l'intervalle qui sépare les deux récoltes dans les
communes où l'on pratique à la fois la culture de ces deux céréales.
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LA TEMPÉRATURE
21
ce que le printemps et l'été sont moins chauds dans la plaine maritime
qu'à l'intérieur, et particulièrement les mois de mai et juin, si décisifs pour
la végétation en Flandre; la différence entre les deux régions est d'environ
un degré pour chacun de ces mois.
TEMPERATURE EN MAI ET JUIN
STATIONS
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Juin
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Plaine maritime...
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11,5
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Intérieur
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12,3
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( Lille
12,3
10,2
11,5
15,0
12,4
10,1
Cependant la carte contient encore d'autres particularités, dues on
général à l'influence du sol. La plaine do la Lys, Steenwerek, Vieux-
Berquin, Merville, Estaires, est en avance sur le reste du pays, grâce à
sa latitude et à sa fertile terre franche ; l'avance est d'une semaine sur
Bailleul. Derrière l'écran de Cassel, qui les protège des vents frais de la
mer, les communes d'Oxelaere et Ste-Marie Cappel rentrent leurs gerbes
un peu plus tôt que leurs voisines ; au contraire Serais, Staple, Wallon-
Cappel, les terres froides à l'Ouest d'IIazebrouck, sont en retard de
10 jours sur Boeseghem, Steenbecque, Morbceque, qui les touchent au Sud
et à l'Est. De Wattenà Sangatte, la jolie région de Bredenarde, d'Ardres,
Guînes, abritée derrière les hauteurs artésiennes et boulonnaises, jouit d'un
climat plus doux, et sa moisson est en avance. Enfin le Sud du pays d'Àlost,
avec ses fortes terres argileuses et son altitude assez considérable, est en
retard sur tout le reste de la Flandre, et on n'y moissonne guère le blé que
dans la 2e quinzaine d'août. Mais le trait dominant reste la différence
entre la plaine maritime et l'intérieur. Tout le long de la lisière, c'est un
retard d'une dizaine de jours entre villages séparés par quelques kilo-
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22
LE CLIMAT
métros: entre Oudenbourg et Zandvoorde, entre Moerkerke et Damme,
Hondschootc et les Moëres.
Ainsi la Flandre doit à sa forme de grand parallélogramme allongé au
boni de la mer du Nord une certaine variété climatique. La température
d'ensemble est douce, égal»*, sans grands écarts 1 ; c'est un climat moyen,
à peu prés semblable à celui du bassin de Paris, malgré la latitude plus
élevée. Cependant la plaine sableuse du Nord doit à son sol un climat
qui se rapproche un peu du type c.rrcx.sv/; au contraire dans la plaine
maritime et surtout sur la côte l'amplitude moyenne annuelle diminue, et
leur climat n'est pas loin d'être régulier, ou maritime.
Anomalie de la plaine maritime
Ces conclusions, prouvées pourtant par les chiffres, ne laissent pas
d'étonner ceux qui connaissent la plaine maritime. Parler delà douceur
et de l'agrément de son climat leur semble une plaisanterie. La vérité, c'est
que le temps y est, en toute sais tu, beaucoup plus frais et plus désagréable
que dans l'intérieur. On pouvait s'y attendre pour l'été; mais l'hiver? Or
là-dessus, les habitants sont unanimes, et il suffit de franchir la limite de
la Plaine pour s'apercevoir qu'ils ont raison. Climat froid, changeant et
humide, déclare-t-on d'un bout à l'autre. Climat froid: on va jusqu'à
trouver que la différence avec l'intérieur est encore plus sensible l'hiver : et
les habitants de la Plaine sont , sur ce sujet, du môme avis que leurs voisins
de l'intérieur. Même les silos de betteraves sont atteints par la gelée plus
facilement que dans le Sud ; il faut les recouvrir d'une plus forte épaisseur
de terre. La différence de température, d'après un paysan du Furnambaeht,
est bien de l'épaisseur d'un bon gilet de laine. Sitôt que, la limite franchie,
ou entre dans la Plaine, on s'aperçoit du changement : à 500 mètres près,
les gens du pays savent où le froid se fait sentir. Entre Hondschoote et les
Moëres, e'est au Kingslol ; d'Alveringhem à Lampernisse, c'est à Forthem ;
entre Caprvcke et Watervliet, à Bentille. Climat changeant: ce sont les
quatre saisons dans la même journée ; la pluie succède brusquement au
beau temps, le vent au calme. L'ouvrier agricole ne va pas aux champs sans
emporter avec lui une grosse veste de drap, pour s'en couvrir si le temps
1 Amplitude maxima à Arras rj8 années d'observations) : 57 . 4 ; maximum : 37", 'i. le
15 juillet 1881 ; minimum : — 20>.0, le 7 février I8lf>. - A Lille (l'i7 années d'obser-
vations) : 54" ; maximum : 3T>\ atteint 10 fois, dont le 11) juillet 1881 ; minimum : — \\f\ le
3 décembre 1871».
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L'ANOMALIE DE LA PLAINE MARITIME Zi
change: précaution inutile dans l'intérieur. Le vent saute d'un point
cardinal à l'autre; le vent Nord peut souffler à Cox\~de quand les girouettes
de Furnes marquent le Sud, et parfois à 3 ou -i kilomètres de dislance
deux moulins sont orientés dans des directions différentes. « En général,
dit Tully, le temps est ici très inconstant et sujet à varier dans la même
journée du chaud au froid, et du froid au chaud ; jusque là, que celui qui
prend un habit d'été le matin, est souvent contraint d'en endosser un
d'hiver avant la lin du jour»1. Ces brusques changements contribuent à
entretenir les fièvres paludéennes. Enfin climat humide, père des rhuma-
tismes qui affligent les habitants ; la rosée y est abondante ; matin et soir, le
brouillard monte fréquemment du sol : c'est le moment de se couvrir,
surtout quand on vient de l'intérieur. Aussi l'habitant des Polders est-il
mieux vêtu, mieux chaussé que le paysan de l'intérieur; cela prouve qu'il
est plus aisé, mais aussi que ce confort lui est nécessaire.
11 y a donc contradiction entre les conclusions a tirer des chiffres et.
l'impression que ressentent de leur climat les habitants de la plaine mari-
time. Sans doute l'humidité est pour quelque chose dans cette sensation de
froid qu'on y éprouve été comme hiver, et qui s'accorde peu avec les
moyennes thermométriques; et cette humidité est due au sol, découpé par
mille canaux et où l'eau est si près de terre qu'on ne peut guère creuser
un trou sans la rencontrer. Mais il y a aussi un autre élément : la
fréquence et la violence du vent. Le vent est chez lui dans la plaine mari-
time : rien ne l'y arrête. Aussi y règne-t-il en maître ; les journées calmes
y sont extrêmement rares. Il n'existe malheureusement pas dans les
stations du littoral d'observations scientifiques sur la force, les sautes et
la fréquence de cet élément; mais il suffit de regarder l'état des arbres
pour être éclairé au moins sur la puissance des vents d'Ouest*, les plus
fréquents et les plus violents de Flandre. En général, le tronc esta peu près
vertical dans les deux ou trois premiers mètres, grâce au tuteur qui l'a
soutenu ; mais ensuite il penche gauchement vers l'Est, avec une incli-
naison qui peut atteindre 20 degrés, et les branches, déchiquetées et
massacrées, se tendent désespérément dans la même direction, vers
l'Orient, comme si elles fuyaient devant un ouragan perpétuel. Ce veut
qui tord les arbres rafraîchit aussi l'atmosphère. Toutes les températures
semblent plus froides lorsque le vent se fait sentir : or il ne chôme pas
dans la plaine maritime, et il y rend le climat plus rude. Les habitants
1 Tully, Essai sur los maladies de Dunkerque (Duakerque, do Boubers, 1700, in-18",
att p.), p. 13.
* Nord-Ouest et Sud-Ouest.
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24
LE CLIMAT
de l'intérieur, du pays boisé, attribuent à la présence de leurs arbres
la différence de temjtérature qui est si sensible entre les deux régions.
11 est probable qu'en effet ces «'•paisses rangées d'arbres arrêtent les vents
et protègent contre le froid; c'est pourquoi beaucoup de fermes de la
. région ( ôtière se couvrent du coté de l'Ouest d'un véritable rempart do
grands arbres; mais s'il y a dans l'intérieur tant de plantations pour
pr otéger du vent, quand la plaine maritime en possède, pou, c'est en grande
partie parce que la violence des vents, qui empêche la végétation arbores-
cente de se développer près des côtes, s'atténue dans l'intérieur du pays
et laisse s'élever les ormes et les chênes1. En lin de compte c'est donc
au régime de ses vents que la zone des polders doit son climat froid et
changeant, quand les moyennes de température semblaient lui promettre
toutes les douceurs du climat océanique s.
La Pluie
-
C'est à une méprise analogue que mène l'examen des chiffres de pluie
tombée en Flandre ; et la vue d'une carte des précipitations annuelles
ferait croire que la région côtière est un pays où règne la sécheresse. \À\
encore, il faudra montrer que les chiffres ne représentent pas exactement
la réalité 3.
' Depuis HO ans les arbres sont abattus on granules quantités dans la Flandre intérieure
de l'Ouest, ce qui ne laisse pas d'exercer quclquo influence sur lo climat, au dire des
vieux paysans.
* Aussi les conclusions de la petite étude de M. Ihirietix sur lo climat du littoral
bel^e sont elles sujettes à caution, lorsqu'il dit qu'un des principaux caractères de ce
climat est une grande modérait ion de la température, que les hivers y sont particu-
lièrement doux et cpie l'on peut préconiser la cote pour l'installation d'établissements
curatifs (pp. 24-25), ce sont des appréciations faites plutôt d'après les statistiques, (pie
d'après la réalité.
•'' Les chitïres des 70 stations utilisées représentent la moyenne des 20 années qui
s'étendent de 1881 à 1ÎKJ0. .'13 stations sont françaises. 38 sont belges, et 5 hollandaises.
Les chiffres des stations françaises sont empruntés à Blanchard. Pluviosité, p. 2U5. Pour
les stations belges, les chiffres de 1SS1 à 185*2 sont tirés de l^ancaster. I,a Pluie en
Belgique: M. D. Vanhove, répéiiteur à l'Université de dand, a bien voulu nous
communiquer les chiffres des observations faites de 1S<<2 à 1000, non encore publiées,
et nous faire profiter des interpolations de détail, portant sur des mois isolés, qu'il
avait déjà établies. Les chiffres des cinq stations zélandaises ont été fournis par l'Obser-
vatoire néerlandais de do Bill. Pour suppléer à l'absence de certaines années dans
l'établissement des moyennes mensuelles et annuelles, on a eu recours au système
d'interpolations formulé par M. Angot dans son mémoire sur le régime des pluies de
la péninsule ibérique. (Ann. Bur. central météor., 18U3, I. Mém. pp. B. 161-1(53).
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LA PLUIE
25
Tableau des moyennes mensuelles et annuelles de pluie 1
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LA PLUE
27
Un rapide coup d'oeil sur les moyennes annuelles montre d'abord que la
quantité de pluie tombée est ordinairement comprise entre 600 et 700 milli-
mètres. La différence est frappante entre Flandre et Artois. Celui-ci, dont
l'altitude dépasse par endroits 'JO0 mètres, et qui est directement exposé
au souffle humide des vents d'Ouest, reçoit une quantité d'eau partout
supérieure à 750 millimètres. La Flandre, abritée derrière l'Artois, est
beaucoup moins arrosée, et ne reçoit qu'en un seul point, la colline do
Cassel, une quantité supérieure à 750 millimètres de pluie.
Cependant de notables différences apparaissent également dans la plaine
flamande. I^t ligne des collines, reliées par Watten et Eperlecques aux
hauteurs de l'Artois, apparaît jusqu'à l'Est d'Ypres sur la carte pluvio-
métrique avec une somme d'eau tombée supérieure à 700 millimètres. la
pays d'Alost, grâce à son altitude, en reçoit autant. Enfin trois curieux
maxima secondaires réclament explication: Gand reçoit 71(3 millimètres
de pluie, Lille 711, la région d'Eecloo 711 et TSI . Pour les deux grandes
villes, dont l'altitude est cependant assez basse, il semble qu'il faille
attribuer cette forte pluviosité aux énormes quantités de poussières que
lancent dans l'atmosphère les fumées de leur groupe industriel, poussières
dont le rôle est si grand dans la formation de la pluie '. Pour le pays
d'Eecloo, l'augmentation de la quantité de pluie doit être due à la présence
de grands bois. De Somergem à Thourout, parMaldegem et Aeltre, c'est la
partie la plus boisée de la Flandre ; or les forets attirent la pluie *. Aussi
ce maximum secondaire se prolonge-t-il vraisemblablement vei-s le Sud-
Ouest, dans la direction de Thourout et Thielt.
Entre hs maxima, des minima se creusent dans les vallées. Celle de
l'Escaut, entre Condé et Berrhein, ne reçoit même pas 650 millimètres ; et
à l'abri des hauteurs de Mouseron et Sweveghem, le chiffre des précipi-
tation* n'est plus que de 500 millimètres a Autryve, 505 à Espierres. Mieux
abritée, la vallée de la Lys est encore plus sèche. Déjà sur le bord de
l'Artois, il ne tombe plus que 000 millimètres d'eau à Allouagne ; à
Merville, au centre de la plaine, 01 i. Enfin entre Armentières et Courtrai,
où la ligne des collines fait écran devant les vents d'Ouest et Nord-Ouest,
' U>s pluies à Lille ont augmenté ;ivi'c lYssor industriel <K* la région. Voici les
moyennes annuelles :
De 1811 à 18Î0 651 millimètres
De 1841 à 1870 681 »
De 1870 à 1000 726 •
Donc, augmentation «le 30 millimètres dans la première période, et île 4."> dans la
deuxième. — Voir: Sehmcltz, Observations météorologiques faites à Lille de 1757 à
1888 (Lille, Dancl, 1001, in-8", 335 p.).
1 Cf. Blanchard, Pluviosité-, pp. 215-216.
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28
LE CLIMAT
la pluviosité s'abaisse à 565 (Comines) et 570 (Harlebeke). Au contraire à
la hauteur de Deynze, où la vallée n'est plus abrité, la quantité se relève
a 673 millimètres. La faible pluviosité des vallées n'est donc pas due
uniquement à l'altitude, mais à leur orientation par rapport à des régions
plus élevées, sur lesquelles les nuages pluvieux épuisent leurs réserves
d'eau.
Mais le trait le plus caractéristique, c'est le minimum de la plaine
maritime, que, l'on suit sur la carte de Gravelines à l'Escaut. Même ce
n'est pas à la Plaine tout entière que s'étend cette faible pluviosité, mais
bien à la région rôtière. Là sont les chiffres les plus bas de la région:
552 millimètres à Ostende et Ileyst, 545 à Flessingue et Le Coq, 541 à
Dunkerque. Au contraire la pluie augmente rapidement vers l'intérieur:
660 millimètres aux Moëres, 673 à Bergues, 683 à Houthcm, 659 à Fumes,
661 à Bruges, 677 à Sluis, 679, 675, 674 à Ijzendijke, S. Kruis et Steene-
Schuur. Ce sont là des chiffres considérables, étant donné la faible
altitude des stations ; souvent plus considérables que ceux de l'intérieur.
Entre Houthem, à l'altitude 4, et le Mont des Cats, à 158 mètres, la diffé-
rence des chiffres de pluie n'est que de 29 millimètres. Donc, sur la côte
même, la pluie tombée est très faible, tondis qu'à quelques kilomètres de
la mer la quantité est plutôt forte. Ce n'est pas cependant que sur la côte
la force du vent empêche les gouttes de pluie de tomber dans l'entonnoir
des pluviomètres, car le vent est violent aussi dans l'intérieur de la plaine.
Il faut s'en tenir à ce fait, qu'à égalité d'altitude, la côte est moins
arrosée que l'intérieur : Gris-Nez et Boulogne moins que Samer, Dunkerque
moins que Bergues (différence: 132 millimètres); Nieuport moins que
Furnes (63 millimètres), Hevst que Bruges (109 millimètres), Knocke que
Sluis (95 millimètres), Flessingue qu'Ijzendijke(134 millimètres).
Cependant, malgré ces différences formelles, les habitants ne paraissent
guère s'apercevoir que la pluie tombée sur la côte est beaucoup moins
considérable qu'à l'intérieur ; ils sont persuadés qu'à Dunkerque comme à
Bergues il tombe beaucoup d'eau, et souvent ; que c'est le cas pour toute
la Flandre. Cette impression s'explique par la façon dont ces pluies
inégales se répartissent en des quantités à peu près égales de jours
pluvieux. On trouve même à Dunkerque 157 jours pluvieux contre 134 à
Bergues. La moyenne peut être évaluée à 150 jours pour la plupart des
stations, encore que ce soit là un genre d'observations où l'appréciation
personnelle des observateurs tienne trop de place. En tous cas, la pluie
tombe aussi fréquemment sur la côte, où elle donne 541 millimètres, que
dans l'intérieur, où elle en fournit 792 ; les averses sont aussi nombreuses,
mais elles sont plus fines, moins abondantes.
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LA PLUIE
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30
LK CMMAT
Ces pluies se répartissent assez inégalement dans les différents mois : il
y a des mois qu'on peut qualifier de sers, d'autres qu'on peut appeler
pluvieux : la moyenne de ceux-ci étant parfois trois fois plus considérable
que celle de ceux-là. Cette constatation étonne encore les Flamands,
auxquels il semble que la pluie est libéralement distribuée entre tous les
mois. En effet pendant les mois secs (printemps), l'eau tombe en giboulées,
en petites averses fréquentes ; pendant les mois pluvieux (été et automne),
en grosses pluies d'orage. Aussi le nombre des journées mouillées est-il a
peu près le même clans chaque mois, exception faite pour octobre, et c'est
ce qui masque les fortes différences qu'on observe entre les quantités
d'eau tombée.
C'est au Nord-Ouest que l'amplitude entre les moyennes mensuelles est
la plus forte. A (iris-Nez, il n'y a qu'un minimum et un maximum :
AS millimètres en avril, t:iO millimètres en octobre, soit millimètres
d'amplitude; la courbe se développe régulièrement, sauf une chute
brusque de décembre à janvier ; c'est un régime de pluies d'automne,
assez semblable à celui de Bivst (fig. A). A l'autre bout de l;i côte flamande
(Knoeke), la courbe est déjà moins régulière, quoique l'allure générale
soit la même; avril et octobre sont toujours les mois extrêmes, avec une
amplitude de 5i millimètres ; mais il existe un second minimum en février,
un second maximum en août ; ce n'est plus, dans toute son ampleur, le
climat maritime de l'Ouest de l'Europe. Dans le Sud, tout s'égalise. A
Arras, il y a deux maxima à peu près égaux, 09 en octobre, 07 en juillet,
et deux minima : en avril et février; l'amplitude est de A[ millimètres.
Les pluies d'été sont déjà presque aussi abondantes que celles d'automne.
Enfin à l'Est de la Flandre, les pluies d'été l'emportent ; le maximum est en
juillet à M;dines(7G), contre 70 en octobre ; le minimum est en février ( i<));
l'amplitude reste faible (,'J6). ("est déjà ce qui se passe pour les pluies de
l'Allemagne occidentale (région rhénane). Aussi la comparaison est-elle
intéressante entre la carte des moyennes de juillet et celle des moyennes
d'octobre. En juillet, la quantité île pluie augmente régulièrement de la
côte vers l'intérieur, de Dunkerque, Boulogne, Heysl (17, .~>v!, 5v?) vers
Coudé, Grammont, Alost (7i, TA, 76). En octobre, la quantité va croissant
de l'intérieur vers la côte occidentale, d'Anvers (07), Coudé (70), Arras
(09), vers Calais (11;*), Cris-Nez (1J0). Ainsi le régime des pluies, dans le
Nord-Ouest de la Flandre, est déjà océanique; dans l'Est, il tend à être
continental '.
• On n'a pas dressé «le moyennes ni de cartes saisonnières : une saison pluvio-
motrique, en Flandre, n'est qu'une entité : comment comparer, en hiver, décembre à
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LES VENTS
En résumé, les pluies dominantes on Flandre sont celles d'automne et
d'été, les premières surtout dans l'Ouest ; les minima se produisent en
hiver et au printemps. De cette répartition résultent parfois des incon-
vénients pour la culture. Dans les cantons très argileux, les pluies
d'automne empêchent parfois les labours et les semailles, les champs étant
impraticables. Les pluies d'été nuisent peu ; en général elles sont brusques,
rapides, et leur effet est faible; elles imprègnent peu le sol. C'est encore
aux fortes pluies d'automne que sont dues les crues annuelles des cours
d'eau et les inondations. Dans un mois humide comme octobre, qu'une
longue et forte pluie survienne lorsque ce sol imperméable est déjà saturé
d'e ni, tout glissera à la surface et ira grossit- d'un flot de crue les rivières;
de là des débordements soudains qui peuvent être dangereux.
Les vents.
Cette inégale répartition de la pluie dans les différents mois est due aux
changements, d'ailleurs peu importants, qui se produisent dans la répar-
tition des vents dominants Pour l'ensemble de l'année, les vents d'Ouest
l'emportent de beaucoup sur les autres, comme il fallait s'y attendre :
vents du S.-W. à Ostende, Furnes, Iseghem, Maldegem, Uccle, Turnhout,
vents d'W. à Selzacte, vents du N.-W. à Arras *. En janvier, la répar-
tition est à peu près identique à celle de l'année moyenne ; à peine le vent
d'E. gagne-t-il quelques unités à Selzaete, le vent S.-E. à Arras. De
même, la répartition des pluies en janvier est à peu près la même que
relie de l'année. La sécheresse du printemps s'explique par la direction
février (différence à Lille, 36 millimètres) ; on automne, octobre et novembre (différence
à Lille, 20 millimètres) ? On a donc établi seulement 4 cartes de moyennes mensuelles,
celles de janvier, avril, juillet, octobre, qui représentent assez bien les faibles précipi-
tations d'hiver et printemps, les fortes pluies d'automne ot été (voir les cartes à la fin
du volume).
' Les observations sur les vents ont été recueillies dans l'Annuaire météorologique
de l'Observatoire royal de Belgique pour les sept stations belges; pour Arras. dans le
Bulletin do la Station agronomique du l'as-de-Calais. Les moyennes ont été établies
d'après les chiffres des dix années 1891 -1M0O.
1 I-a prédominance du vont du N.-W. à Arras, presque en toute saison, semble
s'expliquer par la situation topographiquo de la ville, établie dans un fond que
protègent des vents d'W. les hauteurs de Warlus et de Tilloy, tandis que la vallée de
la Scarpc ouvre une route aux vents du N.-W. De même les hauteurs de Souciiez
forment écran contre les vents du N., qui y sont plus rares que partout ailleurs.
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32
LE CLIMAT
dos vents on avril ; los vents du N. ot du N.-E. prennent l'avantage 1 ; ils
deviennent les vents dominants. En juillet, les vents secs, N. et N.-E.,
figurent encore honorablement dans la région eôtière et ses abords, à
Ostende, Fumes, Maldegem ; mais ils n'ont plus aucune importance dans
l'intérieur, et surtout à Arras et Ueelo, où le N.-W. d'un côté, le S.-W. de
l'autre, prennent toute la place ; ainsi s'explique qu'en juillet la quantité de
pluie diminue de l'intérieur vers la côte. Au contraire en octobre les vents
humides prennent partout une grande avance: S. et S.-W. à Ostende,
Fûmes, Iseghem, Turnhout, W. à Selzaete, S. à Maldegem : cependant à
Arras et à Uccle, le vent sec du S.-E. garde une certaine importance, ce
qui empêche les pluies de ces stations d'être aussi abondantes que celles
de la région eôtière. Ainsi les vents secs de la région E. peuvent par
moments atténuer les effets des vents humides de l'W. ; mais ceux-ci
restent largement prédominants, et peuvent souffler des mois entiers : à
Arras, en juillet 1891, le vent du N.-W. resta le plus fort pendant 126 jours,
amenant 8 orages, donnant jours de pluie et 105 millimètres d'eau
(moyenne 67), dont 45 m/m 6 dans une seule journée. C'est d'ailleurs cette
fréquence des vents d'W. qui amène dans l'intérieur de la Flandre les
orages qui y éclatent si souvent, en plus grand nombre que dans le reste
delà Belgique, et jusque dans l'arrière-saison (\A) à 30 jours de tonnerre
par an). Parfois l'orage s'y accompagne de tourbillons, véritables petites
trombes, assez fortes pour renverser les meules de lin ou de paille et pour
déraciner les arbres, dans l'étendue restreinte où elles se produisent. Une
ferme fut ainsi renversée près de Maldegem le 13 juillet 1881, et un moulin
à vent à Ronsele le 16 avril 1887. Ce sont là des sinistres exceptionnels ;
en général les branches cassées, les gerbes dis|>ersées, les tuiles enlevées,
témoignent seules de la force de ces météores *. Ces orages sont beaucoup
plus rares dans la plaine maritime ; en revanche les tempêtes y sont d'une
rare violence, et toujours causées par les vents d'W., dans les derniers
mois de l'année. En 1136, le vent jette à bas 60 pieds de rempart à
St-Omer3; en 1113 et 1110, la tempête enlève les arbres et les toits,
1 « Los vents d'Est régnent ordinairement dans la Flandre pendant les premiers
mois de l'année. Ils purifient l'air par leur sécheresse, lui remettent son élasticité, ot
causent do fortes gelées Ces gelées, quand elles arrivent dans la saison conve-
nable, font un bien inexprimable aux habitants et a la terre; les maladies ordinaires
disparaissent, la vermine est détruite ». Abbé Mann, Mémoire contenant le précis de
l'histoire naturelle dos Pays-Bas maritimes. (Ane. Métu. Ac. Brux.. t. IV, p. 137).
* Monographie agricole de la région sablonneuse dos Flandres, p. 14.
3 Meyer, Annales, ad aunum.
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LES VENTS
foudroie hommes et bêtes *. En 1406, nouveau sinistre * ; en 1517 l'inon-
dation suit l'ouragan 3 ; les deux catastrophes se produisent à la fin de
décembre. On remarque que novembre est particulièrement dangereux :
c'est le mois des grandes inondations marines, causées par le vent de
N.-W. , le plus violent et le plus redoutable de tous v ; c'est lui qui
démolit les constructions, fauche les arbres, lance les flots à l'assaut des
digues 5.
Mais qu'on n'oublie pas que le vent est essentiellement variable en
Flandre. Dans la même journée, il n'est pas rare que la girouette regarde
successivement de tous les côtés de l'horizon. C'est un caractère commun
à toute l'Europe occidental»4 ; mais il est rarement aussi développé qu'en
Flandre, particulièrement dans la plaine maritime. Et c'est cette variabi-
lité qui ramène de l'uniformité dans le climat flamand. Pas d'extrêmes : ni
extrêmes de température, grâce aux vents marins qui continuent de
souffler en toute saison, presque en toute journée ; ni extrêmes de sécheresse
puisque les souffles humides de l'W. contrarient l'action desséchante des
vents d'E. Et c'est cette uniformité qui fait le désespoir des étrangers:
les beaux jours sont rares, et l'on n'est jamais sûr du temps. On peut
presque dire qu'en Flandre le temps est uniformément changeant.
-
II.
LES CARACTÈRES DU CLIMAT
Chaque mois du climat flamand est ainsi enveloppé de cette grisaille,
de cette uniformité de ton qui atténue ses caractères propres. Janvier, pour
le vieux calendrier flamand 6, c'est le Sneeuw-maand, le mois de neige ;
mais voilà neuf ans qu'il n'est guère tombé de neige ; en revanche il y
« Meyer, Annales, ad annum.
* Ibid.
3 Chronicon monasterii Evershamcnsis, eonscripturn por Gorarduin do Meesterc.
(Bruges, Soc. d'Em., 1852, p. 28).
* Sur 40 observations de tempêtes faites à Calais, 13 étaient dues au vent du N.-W.,
13 au vent d \V., 0 au N.-E., 4 au N., 2 a l'E., 1 au S.-W., 1 au S. ; le S.-E. n'en
avait produit aucune. (Cf. Aron, le Port de Calais, dans : Ports maritimes de la France,
publication du Ministère dos Travaux publics, t. I, Paris, 1874, gr. in-8°; pp. llJ7-liK).
5 Meyer, Annales, édition de 1501, pp. 103 et 270.
6 Cf. Werner de Haerne, Quelques notes sur l'ancien calendrier llamand. i Mess.
Se. Hist., tome 58, 1890, pp. 180-192).
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34
LE CLIMAT
pleut, et beaucoup : ô3 millimètres à Cassel, 50 à Calais et Somergem,
51 à Messines, r>i à Grammont: parfois plus de KM) millimètres; et la
temj>érature aussi varie, mais descend rarement au-dessous de zéro : — 1°
à Lille en 1893, -f r>"2 on 1900. Février, mars, avril, sont les mois secs ;
avril reçoit les quantités d'eau les plus faibles de toute l'année ; mars est
le mois dos vents qui sèchent la terre, Doore-maand, AVind-maand ; c'est
le moment de semer dans la région sablonneuse, où les plantes mûrissent
vite, sauf quand la pluie est trop abondante, comme en If Nil . Mai et juin
sont déconcertants: la température peut y descendre à 0°, et monter
jusqu'à 30° ; la pluie varier de 7 7 (mai 189(3) à 1Z7 % :> (mai 1898) ».
Juillet, mois chaud, est rarement sec; il y tombe des quantités d'eau
considérables, et la chaleur reste lourde, humide; quoiqu'elle dépasse
rarement 30°, elle est peut-être plus difficile à supporter que celle du midi.
Au mois où l'on fait les foins (Hooeij-maand) succède celui où l'on mois-
sonne le blé (Ougst-maand) ; mais moisson en Flandre ne signifie pas
sécheresse, et août, aussi chaud que juillet, esta peu près aussi humide.
Les quinze premiers jours de septembre sont peut-être les plus agréables
du climat flamand ; mais bientôt les grandes pluies d'automne se produi-
sent, et octobre est uniformément tiède et humide. Aussi novembre est-il
bien le mois de boue (Hore-maand) ; mais il est aussi le Nevel-maand, le
mois du brouillard, ce brouillard qui couvre la Flandre des journées
entières; de même en décembre qui est assez doux, rarement froid,
puisque la température peut encore atteindre une moyenne de 7°, 7
(Dunkerque, 1898), avec des journées de 13°,0 (18 décembre 1898), et reçoit
des quantités de pluie élevées, 70 millimètres à Lille, 72 à Gand, 77 à
Cassel.
Influence sur la nature et l'homme.
Dans l'ensemble un pareil climat est favorable à la culture. Tempéré,
un peu uniforme, il favorise l'éclosion et la croissance des végétaux ; la
pluie, suffisamment abondante et répartie sur un grand nombre de jours,
est précieuse pour les sols sablonneux du Nord, particulièrement avides
d'eau, et pour les terres argileuses, qui se fendent à la sécheresse. Le
climat corrige donc un peu les gros défauts du sol flamand ; il a contribué
à faire de ces terres souvent ingrates de riches terroirs agricoles. Mais il
n'est pas séduisant. La pluie bénie par le paysan est désagréable au
» Station dos Mot-res.
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L'INFLUENCE SUR LA NATURE ET L'HOMME
citadin qui patauge dans une boue continuelle, due autant à l'humidité de
l'atmosphère qu'à la nature gluante du sol. La nébulosité est forte: (3,0 à
Furnes, à Ostende (ville), 6,5 ù Maldegem, 6,8 à Iseghem et Selzaete ;
certains mois sont presque complètement privés de soleil, surtout ceux
d'hiver ; Janvier 1806 à Arras a '^6 jours eomplètements couverts, et le
soleil n'éclaire on tout que pendant 16 heures ; Novembre 1802 a 22 jours
entièrement gris, Décembre 1889 et 1895, 19 jours «. « Un pAle soleil
amical sourit doucement, se cache, et tout caché qu'il est, attiédit l'air »,
note Taine en parcourant la Flandre *. Souvent le brouillard se met de la
partie ; matin et soir il se lève des terres basses ; dans les mois d'automne
et d'hiver il couvre tout le pays. Ostende en a, en moyenne, 78 jours par
an ; Iseghem 70, Maldegem 67. Même par les temps clairs, il est rare
qu'on voie quelque chose au loin, en Flandre. Les objets s'estompent d'une
bruine bleue, qui n'est pas sans charme. L'horizon est vaste, mais presque
toujours indistinct. Enfin l'humidité règne d'un bout à l'autre de l'année :
c'est la note dominante du climat flamand. Elle se révèle par la vigueur
de la végétation, les prairies à l'herbe drue, les moissons fortes en paille, les
arbres florissants. Ouvriers infatigables, tous ces végétaux travaillent à
assainir l'air et la terre, à absorber l'humidité 3 ; et pourtant ils n'y suffisent
pas ; elle reste assez abondante pour être désagréable ; une humidité tiède,
mère des moisissures et des végétations crvptogaraiques. Elle poursuit
l'homme jusque chez lui, s'attaque à ses vêtements, à ses meubles. L'homme
se défend, frotte, nettoie, arrose. L'humidité a l'ait la propreté flamande,
célèbre dans la France entière. On lave à grande eau, on inonde la
maison chaque semaine. C'est pour le dimanche que la maison doit
être propre ; on y travaille donc le samedi, et on Unit par s'y mettre le
1 11 est rare que la nébulosité mensuelle descende au-dessous de 4. A Arras, les
minirna furent atteints (pour la période 1884-1902) en avril 1893, où la nébulosité fut
de 1,57 seulement, 20 jours ayant été complètement découverts ; le veut resta 19 jours
au S.-E. ; le nombre d'heures de soleil s'éleva à 275, au lieu de 155 (chiffre moyen).
Juillet 1900 compte 308 heures de soleil ; la nébulosité était de 3,16; le vent variable
(13 jours au N.-W.).
* Taine, Notes de voyage en Belgique et en Hollande. (Revue de Paris, 1810, t. III,
p. 687).
3 « Ce qu'on doit compter pour beaucoup dans ce pays ce sont les vapeurs humides
ou brouillards qui se répandent presque continuellement des marais ou bas-fonds.
Cette humidité serait peut-être très pernicieuse aux habitants, si elle n'éiait absorbée
continuellement par les plantes et les bleds qui y croissent abondamment. C'est pout-èlre
cette humidité qui fait que ces pays paraissent plus tempérés qu'ils ne devraient être,
selon leur position ». Guettard et Monnet, Atlas et description minéralogiquo de la
France. 1'* partie (Paris, Didot, 1780), p. 48.
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LE CUMAT
jour précédent ; dès le vendredi, la ménagère flamande commence son
grand nettoyage. Boucher de Fertiles, visitant Lille en I8ô6, trouvait que
la ville sentait le savon noir. Le résultat paraît mince dans les grandes
villes industrielles, emplies de fumée, de poussière et de boue ; mais les
villes un peu assoupies, Ypres, St-Omer, Furnes, Builleul et même
Courtrai, Bruges, une partie de Gand sont réellement propres, nettes;
elles ont même l'air un peu froid, trop bien tenu. De môme les campagnes
flamandes sont généralement irréprochables ; meubles frottés, dallage
brillant, tout bien en ordre. Souvent la maison ne pave pas de mine, c'est
une vieille ferme en torchis, murs déjetés, toit de chaume, et l'intérieur est
attrayant, avec ses ustensiles reluisants, son grand poêle astiqué, ses
meubles cirés, et la petite collection d'objets de piété aux couleurs claires.
C'est que le climat désagréable force le Flamand à vivre beaucoup chez lui.
Aussi cherehe-t-il à se créer un intérieur qui soit gai, clair, et lui tienne
lieu du monde extérieur que la pluie, le brouillard et la boue, rendent
déplaisant. De là les nombreuses et hautes fenêtres dont s'ornent les vieux
manoirs ruraux, et toutes les maisons des villes; elles tiennent toute la
rangée de la façade, et n'ont pas de contrevents, comme si on craignait
d'empêcher un peu de jour d'entrer; de là aussi les larges baies qui rem-
placent les fenêtres dans les demeures modernes, et laissent pénétrer à
flots une douce lumière tamisée dans la dentelle des rideaux. Mais si l'on
désire que la lumière pénètre le plus largement possible, l'entrée de l'air
brumeux, humide, souvent agité par les vents d'Ouest, est chichement
mesurée ; toutes ces fenêtres sont divisées en deux parties, dont la seconde
seulement peut s'ouvrir : et c'est souvent la plus petite. C'est encore à la
lutte contre un climat brumeux qu'est due la véranda, cette pièce vitrée
si caractéristique de la maison lilloise, où l'on a résolu le problème de voir
clair, de vivre hors de la maison un peu sombre, d'être à l'extérieur tout
en restant confortablement enfermé. Four assurer à la pluie fréquente un
écoulement rapide les grands toits s'allongent, interminables, faits de
petites tuiles rouges, qui donnent un aspect de gaieté si inattendu aux
vieilles villes flamandes vues de leur beffroi, comme Bruges ou Bergues.
Ce climat déplaisant est-il malsain ? Les étrangers l'affirment, et
déclarent qu'ils en ont fait l'épreuve. Cependant la population ne paraît
guère s'en apercevoir. Cette humidité si redoutée donne peut-être une
proportion de rhumatismes plus considérable qu'ailleurs; c'est là son
principal méfait. Si la mortalité est très considérable en Flandre, cela ne
tient guère au climat : c'est que la Flandre est un pays pauvre à natalité
trop forte; c'est que sa population, qui a des habitudes invétérées de
propreté, se croit par là dispensée de pratiquer l'hygiène: enfin que les
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LES PRÉTENDUS CHANGEMENTS DU CLIMAT
grandes villes industrielles sont encore mal assainies, malgré de très
grands efforts, et assez insalubres. Mais le climat n'y est pour rien ; et
c'est dans la plaine maritime, la région la plus humide, et où le climat
est le plus désagréable, que l'on se porte peut-être le mieux. C'est qu'elle
est plus aisée que le reste de la Flandre, et son exemple montre que le
fléau du pays n'est pas son brouillard ou sa pluie, mais la pauvreté et
l'ignorance.
D'ailleurs le climat flamand est-il bien différent des climats voisins,
hollandais, picard ? La température est à peu près la môme, la quantité de
pluie sensiblement égale; les jours pluvieux aussi nombreux Si la
Picardie est moins humide, à cause de son sol perméable, la Hollande
l'est encore plus, en raison de sa faible altitude et de l'imperméabilité de
ses polders. Cependant le climat hollandais n'éveille que des idées
agréables et des souvenirs d'art, évoque l'image des tableaux de Ruysdael
et de Potier. Il a manqué au climat flamand d'être réhabilité par un grand
peintre; il reste gris et triste, et n'est agréable que lorsque cela ne
l'empêche pas d'être utile.
•
Prétendus changements du climat.
On prétend qu'il n'en a pas toujours été ainsi. La Flandre aurait connu
les ardeurs du soleil, et les sécheresses qui font mûrir la vigne délicate.
Il aurait fait jadis plus chaud en Flandre qu'aujourd'hui, puisqu'on a
vendangé sur les bords de la Lys et de la Deûle. Il est vrai qu'il y eut jadis
dans le pays des vignobles en exploitation, et qu'on buvait du vin de
Flandre. Même la vigne ne fut pas introduite artificiellement dans le pays
au XI* siècle par le comte Baudouin V, comme le disent les chroniqueurs*;
son existence y est signalée bien avant, et au IXe siècle Eginhard parle
longuement du vignoble planté sous l'abbaye de St-Pierre 3, à Gand.
Près de Lille en 812, les missi de Charlemagne déclarent avoir trouvé dans
le fisc d'Annapes et de Gruson une vigne d'un arpent; en 1235, il est
question de la reconstitution d'une vigne à Moncheaux en Pévèle ; en 1265
et 1296, les chartes parlent de vignobles situés à Lille même, derrière
1 Sur le climat de la plaine picarde, voir : Demangeon (A.), La Picardie et les régions
voisines (Paris, Colin, 190f>, in-8°, 4U6 p.),.PP- 85-110.
» M. G. SS. XV, p. 854.
3 Van Lokeren, Chartes et documents de l'abbaye de St-Pierre au mont Klandin
à Gand (Gand, 1871, 2 vol. in-4«), I. p. 17.
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LE CLIMAT
l'église St-Mauriee ; en 1536, on constate l'existence des plantations de
Wattrelos près Roubaix 1 ; des noms de fiefs rappellent le souvenir de
vignes à Roubaix, Bondues, Erquinghem, Linselles, Prémesques, Wattre-
los, Hem, Tourcoing. En Artois, las vignes du Mont-St-Eloi fournissaient
en 1208 assez de vin pour suffire aux deux repas des moines1. D'autres
clos sont signalés au XIIIe siècle dans la plaine maritime, à Bulscamp et
Wulpen 3 ; dans les biens de l'abbaye d'Eename * (Fl.-Orientale) ; au
XIV siècle à Bousbeeque, sur la pente Sud de la colline du Colbras 5 ; au
* XVe siècle à Garni, où les plantations d'Eginhard s'étaient développées, et
sont indiquées en 1 iOG, 111 i, 1452, etc.8. Enfin des noms de lieux-dits
rappellent la présence do la vigne un peu par toute la Flandre, d'Anvers
à la frontière française 7. Or les vignobles sont disparus aujourd'hui.
Déjà au XVIIIe siècle, on n'en trouve guère en Picardie au delà de Mont-
didier 8 ; au milieu du XIXe siècle, on n'en rencontre plus autour de Laon.
On a conclu de cette disparition progressive que le climat avait changé,
devenant plus froid ou plus humide, faisant reculer doucement la vigne
vers le Sud, vers la Champagne nu les coteaux parisiens.
Cependant les vignobles de Flandre ont pu mourir sous d'autres coups.
Ils portaient en eux-mêmes les causes de leur décadence ; l'Apreté de leurs
produits suscitait la concurrence étrangère. De bonne heure les vins du
Poitou et du Bordelais les chassèrent de la table des honnêtes gens ; les
i Cf. Leuridan (Th.), Statistique féodale du département du Nord ; la châtellenie de
Lille (Bull. Comm. H. N., XXI, pp. 177-178); — Hautcœur (E.), Cartulaire de
St-Pierre de Lille, I, pp. 227-228 ; Histoire de l'église collégiale et du chapitre do
St-Pierre de Lille, 1, p. 242 ; — Roisiu (Jean), Franchises, lois et coutumes de la ville
de Lille (édition Brun-Lavainne, Lille, 1842, in-4»), p. .m
î Recherches sur l'abbaye de Mont-St-Eloi. (Mém. Soc. Ant. Mor., V, p. 211V).
Van de Putte et Carton, Ghronicon et cartularium abbatiae S. Nicolai Furnonsis,
1120-1354 (Bruges, Soc. Km., 18ïU, in-4»), p. 70.
* Piot (Ch.), Cartulaire de l'abbaye d'Kenamo : KMÎ!»-152_». (Bruges, 1881, in-4 ),
p. 232.
5 Dalle (.).), Histoire de Bousbeeque (Wervicq, 1880), p. 114.
fi Van der Haeghen (F.), La culture de la vigne à Gand. (Mess. Se. Hisl., t. .r>4,
1886, pp. 133-137).
7 A Alost, Basel, Beveren-lès-Houlers, Bruges. Calloo, Cruybeke, Dickelvenne,
Haringhc, Hooglede, Lmgemarek. Lebbeke, Kupelnionde, St-Paul, Sinai, Steenhuyzen,
Waehtebeke, Wetleren, Wevelghem, Wotnlelgem. — Cf. Halkin(.l.), Etude historique
sur la culture de la vigne en Bclgiquo (Soc. d'art et d'hist. du diocèse de Liège, t. IX,
18lf>, pp. 1-146), pp. M-W.
8 Calonne (A. de), l,a vie agricole sous l'ancien régime dans le Nord de la France,
p. 100.
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LES PRÉTENDUS CHANGEMENTS DU CLIMAT
39
comptes d'archives sont pleins do cette invasion ; et l'importation des vins
fut un des articles las plus considérables du trafic des ports. Plus tard les
ducs de Bourgogne favorisèrent, les crus de leur pays. La résistance était
difficile : en 1590, on remarque que les vignobles rapportaient moitié moins
que les terres à blé Aussi dés cette époque l'issue de la lutte n'était plus
douteuse. On a fait l'ingénieuse remarque qu'au moyen-âge les vins, mêlés
de miel, de cannelle et de coriandre, pouvaient impunément être rudes,
tandis qu'on exigea des vins de bonne qualité lorsque la mode eut délaissé
l'hypoeras pour le vin pur* : dès ce jour, les vins de Flandre étaient
condamnés. On peut ajouter que la disparition des vignobles n'a pas été
aussi complète qu'on le pense, puisqu'au début du XIXe siècle la côte du
Muziekberg,dans les collines de Renaix, fournissait encoro, année moyenne,
29 tonneaux de vin 3, et qu'on trouve aujourd'hui, jusque dans la Flandre
zélandaise, des treilles sur lesquelles on peut manger du raisin à la fin de
septembre.
Ainsi la disparition des clos de la Lys ou de l'Escaut ne prouve pas que
le climat flamand soit devenu plus frais depuis dix siècles. Et ce serait
d'autant plus surprenant que d'autres auteurs prétendent qu'il est plus
chaud ; d'après Schayes, la différence serait de 5 à 6°, et la Flandre de
César aurait joui d'une température semblable à celle de la Norvège 4.
La présence d'une immense étendue boisée qui aurait recouvert tout le pays
serait la cause de ce climat anormal. Cependant les végétaux trouvés dans
la tourbe de la plaine maritime, c'est-à-dire sur le sol que foulèrent las
Romains, sont exactement les mêmes que les essences qui croissent
aujourd'hui dans la Flandre ; et c'est là une preuve sérieuse que le climat
n'a pas changé. On verra d'ailleurs que les forêts n'ont jamais été aussi
denses que le prétendent les anciens auteurs ; quant à s'appuyer, pour
caractériser le climat flamand, sur les descriptions laissées parles écrivains
grecs et romains, Méridionaux habitués au soleil et à la sécheresse, autant
vaudrait prendre sur la question l'avis d'un Arabe de Biskra 8. Mais au
i Laveleye («le), Essai sur l'Economie rurale de la Belgique (Bruxelles, Lacroix,
\8ti3), p. 276.
* Dalle (J.), Hist. de Bousbecque, p. lit.
3 Delvaux (E.), Notice explicative de la feuille de Flobecq. (Bull. Soc. Anthr.
Brux., VIII, 1888-»», p. 34).
* Schayes, La Belgique et les Pays-Bas avant ci pendant la domination romaine (t. II,
pp. 230-231).
5 « Chez eux, dit Strabon des Ménapiens et Morins, le ciel est plutôt pluvieux que
neigeux; dans les beaux jours le brouillard tient assez longtemps pour ne laisser voir
le soleil que 3 ou 4 heures par jour, aux alentours de midi ». (Strabon, IV, 5, 3).
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40
LE CLIMAT
milieu de ces contradictions, d'autres témoins, des chroniqueurs, nous ont
laissé non pas leur impression générale : — hommes du pays, ils ne
songeaient pas à en apprécier le climat — ; mais une sorte de bulletin des
phénomènes météorologiques qui les ont frappés. Et comme ces exceptions
sont A peu prés celles que nos savants enregistrent aujourd'hui, on peut en
conclure que le climat ordinaire était le même que le nôtre. Il y eut des
hivers longs et rigoureux, celui de 11 10 où la neige resta interminablement
sur le sol 1 ; celui de 1 125, qui gela les récoltes 1 ; ceux de 1150 et 1205,
où la gelée dura sans interruption de décembre a mars, et de février à
avril 3, et qui ressemblent singulièrement à ceux de 1894-95 (où la gelée
fut à peu près continuelle du 1" janvier au 15 mars), et de 1890-91 (gelée du
25 novembre au 1er mars). De même en 1 40 i, où la température reste
au-dessous de zéro entre le 10 décembre et le 15 février4. La liste des
dates où l'Escaut est pris devant Anvers, nous montre que le nombre des
hivers rigoureux, du XVe siècle à nos jours, est à peu près le môme par
siècle 5. En revanche on nous signale des années chaudes et sèches,
favorables à la vigne : 1351, qui brûle les moissons6 ; 1452, où il n'y a que
quelques jours de pluie {vendant les 3 mois d'été : on y voit la main de Dieu
s'appesantissant sur les (îantois 7 ; 1 458, où la sécheresse dure d'avril au
milieu d'octobre, temj>s précieux pour la vigne, remarque le chroniqueur H.
Si l'on s'étonnait de cette chaleur sèche, c'est qu'elle n'était pas plus
habituelle qu'aujourd'hui. En revanche, on se plaint sans cesse de la
pluie. En .820, les moissons pourrissent sur pied, en 1093, la Flandre
est noyée d'octobre à avril *; en 1171, de juillet A décembre ,0. Mêmes
calamités en 1275, 1315; en 1407 Bruges est inondée par des pluies formi-
dables de décembre 11 ; l'hiver de 1467, l'eau tombe 7 semaines de suite 1J.
i Annales Formoselenses, (M. Ci. SS. V, p. 3ti).
* Meyer, Annales, ad annum.
3 Annales S. Pétri Rlandinieuses (éd. Van de Putte), pp. 15 ot 17.
* Meyer, Annales, ad annum.
3 On trouver;» cette liste dans Van den Bogaerde l'A.), Het distrikt van Sint-Niko-
laas, voorheen land van Waes (S. Nik., Dorey, 182."., A d. in-H°), I, pp. 58-4*); et dans
Torfs (L.), Fastes des calamités publiques (Tournai, Casterman, 185t»-18T»2), IL pp. 3-111.
6 Meyer, ad ann.
I Ibid.
« Ibid.
» Ibid. •
10 Annales S. Pétri Blandintenses (éd. Van de Putte), p. lrt
II Meyer, ibid.
•* Chronicon monasterii Evershamensis, p. 2f>.
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LES PRÉTENDUS CHANGEMENTS DU CLIMAT
il
Plus près de nous, dans la 2e moitié du XVIII* siècle, il ne se passe guère
3 ans de suite sans que le clergé de Bergues n'adresse des prières pour la
cessation de la pluie ; en 1767, pendant tout l'été il n'y eut pas plus de
3 jours d'accalmie de suite; en 1768 la pluie est continuelle du milieu
d'août à la fin de décembre ; en 1770 le temps a été si affreux qu'on n'a pas
pu cultiver les champs au printemps
De cette liste monotone d'intempéries qui ont gelé, desséché, noyé le sol
de la Flandre, se dégage l'impression que rien n'a changé sous le pâle
soleil de ce pays. Les mêmes vajieurs humides et puantes que décrit triste-
ment le confident de Philippe-Auguste s'élèvent encore des marais de la
Deùle *. Les petites pluies, « incessantes en ce Nord, où sans trêve les
nuages s'effilochent en bruines », sont tombées sur la vigne d'Eginhard
à (iand comme elles tombent aujourd'hui sur les seigles de la Flandre
orientale. Philippe-Auguste enlisé avec son armée dans la boue argileuse
de Stecnvoorde, Harold, futur roi saxon, chassant les oiseaux de marais
dans les moeres de la plaine maritime, ont connu le môme ciel gris, les
mômes pluies longues et lentes qui étonnaient les anciens, et rendent encore
le climat flamand si mélancolique pour l'étranger. Il n'a pas changé depuis
. le début de la période historique ; c'est toujours le même climat moyen,
où se neutralisent les influences maritimes et continentales. Largement
ouverte aux souffles de la mer, bordée d'une longue étendue de côtes, la
Flandre n'en tient pas moins fortement au continent ; en elle se fondent les
caractères climatiques de la France du Nord, de l'Angleterre, et de
l'Allemagne rhénane ; pour le climat comme pour la civilisation, elle est
un carrefour de l'Europe occidentale.
1 Pmvost (A.), Chronique et Cartulaire de l'abbaye de Bergues St-\Vinoc (Bruges,
Soc. d'Em., 1875-78, 2 vol. in-8°), II, pp. 700-771. — Il ne semble pas que depuis une
cinquantaine d'années la pluie ait diminué eu Flandre, car on ne s'y plaint pas de
diminutions sensibles dans le débit des nappes aquifèros, comme dans certaines
régions crayeuses, et on ne signale nulle part que des sources aient disparu.
* Philippide de Guillaume le Breton, M. G. SS. XXVI, p. 352, v. 072-07!).
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42
LE SOL
CHAPITRE III
LE SOL'
I. Histoire géologique. L'« dépression flamande. Primaire et Crétacé, londonien.
Yprésien-Panisclien et Parisien. Oligocène. Miocène, Plioeène. Krosion quaternaire.
— IL Le sot actuel. Imperméabilité : lus nappos aquiferes. Le sol quaternaire.
Le climal do la Flandro, par son uniformité, s;i ressemblance avoc celui
dos rôdions voisinos, n'ost pas un do ces traits essentiels qui permettent do
caractériser une région. Môme certains do sos dôlails los plus particuliers
sont dus a dos différences dans la naturo du sol. ("est donc a colui-ci qu'il
faut on venir pourbion comprendre la Flandro et y distinguer une certaine
variété do caractères.
I.
HISTOIRE GÉOLOGIQUE
La Dépression flamande
lu Flandro fait partie d'un bassin, symétrique do la région parisienne,
ot qui s'étend de PArdonno au Sud-Ouest do l'Angleterre, d'où les noms do
bassin de Bruxelles ou bassin anglo-flamand. Entre les deux dépressions
s'allonge un bombement crayeux, profondément entamé par l'érosion dans
le Weald et le Boulonnais, moins endommagé à mesure qu'on descend vers
le Sud ; c'est l'axe de l'Artois. Il ne s'agit pas là d'un grand anticlinal très
simple reliant le Boulonnait l'Ardenne, car on a pu y observer plusieurs
plis, en particulier un synclinal Est-Ouest qui sépare le Boulonnais du
' Consulter : Gosselet (.1.). Esquisse géologique du Nord de la France et des Contrées
voisines. Lille, aux archives de la Soc. Géol. du Nord. Terrains primaires, secondaires
et tertiaires (1880-83), 3 fase. in-8° texte, 342 p.; 3 fa se. in-K° planches; Terrain qua-
ternaire : Ann. Soc. géol. N. XXX, (1001), pp. 257-335, 4 pl. ; — De Lapparent (A.),
Traité de Géologie, 4P édition (1900, fascicule III), pp. 1405-1042 ; — Mourlon (M.), Géo-
logie .le la Belgique. Paris. Savy (1880-HI), 2 vol. in-8% 317 + :?92 pp. ; — Légende de
la Carte géologique de Belgique au 1 : M.OOO, dressée par ordre du Gouvernement:
édition de 1000. Hull. Soc. belge Géol.. XIV, (1000), Traductions et reproductions,
pp. 21-42.
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LE PRIMAIRE ET LE CRÉTACÉ
43
véritable anticlinal de l'Artois 1 ; mais peu importe puisque l'ensemble
forme une ligne de faite très appréciable entre les dépressions flamande et
parisienne. Les différences sont notables entre les deux bassins. Tandis
qu'au Sud la pente des couches est douce, et que la craie affleure presque
jusqu'au centre du bassin de Paris, la plongée est brusque vers le Nord,
accentuée par une faille, et la craie disparaît aussitôt sous une formidable
épaisseur de terrains tertiaires 5. Grâce à cette circonstance, le bassin
anglo-flamand possède, bien plus que le bassin parisien, le caractère d'une
profonde dépression.
Celte dépression s'est produite à une date relativement récente. Pendant
toute la période jurassique, les rôles étaient intervertis, la Flandre
émergée, l'Artois affaissé sous la mer; la limite du continent ardennais-
flamand passe à l'Ouest de Calais et de St-Omcr. Pas d'affaissement non
plus à l'époque crétacée, où Flandre et Artois sont également recouverts ;
de même pendant le landénien-thanétien, où la mer du bassin de Paris
rejoint celle du bassin de Bruxelles. Cependant le plissement artésien se
formait lentement. Divers mouvements datent de l'époque crétacée, et
se sont continués insensiblement pendant l'éocène inférieur, jusqu'au
laekénien (division du Lutétien). C'est alors que se produit la phase prin-
cipale du relèvement, dont l'amplitude a été de 100 mètres au moins par
rapport à Bruxelles; relèvement qui atteint son maximum à la fin de
l'époque éocène 3.
Primaire et Crétacé
Depuis lors, la Flandre constitue donc un vaste creux, enfoncé entre les
bombements de l'Artois et du Brabant, un trou profond comblé par les
couches crétacées et tertiaires. Au fond du trou, les terrains primaires,
i Cf : Parent (H.), Etude sur la craie à Micraster du Boulonnais et sur les plissements
«Je la craie dans eetu> région. (Ann. Soe. géol. N., XX, 181/2, pp. 304-332, carte,
pl. V); — Gosselet (J.), Les collines de l'Artois. (XIIIe Congrès national de Géographie,
Lille, 1802, 7 p.).
i Sur cette allure du crétacé et du primaire, voir Parent (Op. cit.).
3 Cf: Ch. Barrois, Recherches sur le terrain crétacé supérieur de l'Angleterre et de
l'Irlande (Mémoires Soc. géol. N., t. I), p. 170; — Ch. Barrois, L'Eocène supérieur
des Flandres. (Ann. Soc. géol. N., III, 1875-70, pp. 84-87); — Parent (H.), Notes
supplémentaires sur les plis du Nord de l'Artois. (Ann. Soc. géol. N., XXI, 1803,
pp. 03-106).
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44
LE SOL
atteints par d'assez nombreux sondages jusqu'au Nord de la Flandre *.
I/nir allure en profondeur est à peu près régulière ; les courbes d'altitude
se succèdent, dans l'ensemble, à des distances à peu près équivalentes,
Échelle de 1 : 1.500.000.
Fig. T>. — Altitude de la surface du Primaire sous la Flandre,
d'après M. Gosselet, (Terrains Secondaires, pl. XII B.), el quelques sondages récents.
plongeant dans la direction du Nord en s'éloignant des bombements de
l'Artois et de Tournai. I*i seule particularité, avec la dépression de Douai
qui n'intéresse qu'à demi la Flandre, c'est la brusque déclivité qui se
produit du Boulonnais au Galaisis, faisant tomber l'altitude du primaire
de + 80 mètres vers Marquise à — 320 mètres à Calais, et — 346 mètres
1 Sur l'allure des terrains primaires en Flandre, cf. Forir (H.), Le relief des
formations primaires dans la basse et la moyenne Belgique et dans le Nord de la
France, et les conséquences que l'on peut en déduire. (Ann. Soc. géol. Belg., XXVI
L8B8-G9, Mém., pp. 130-155; 1 carte à 1 : 500.000).
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LE PRIMAIRE ET LE CRÉTACÉ
à Gravelines. C'est sur ce flanc Nord du pli primaire du Boulonnais que
l'affaissement a été le plus considérable de toute la Flandre *.
Au-dessus du primaire, le crétacé, sauf dans le Sud du pays d'Àlost, où
les couches tertiaires reposent immédiatement sur le Silurien *. Partout
ÉrhHlf de 1 : 1.50O.0M
Fig. t'y. — Altitude de la surface du Crétacé sous la Flandre,
d'après quelques sondages.
ailleurs, le crétacé, sous forme de craie blanche sénonienne et de marnes
grises turoniennes, se présente sous des épaisseurs variables : 80 métrés à
• On a pu espérer un moment, lors des premiers sondages heureux en Campine pour
la recherche de la houille, que les couches houillères se prolongeaient sous la ville
d'Anvers et dans la Flandre orientale. Cette attente semble déçue depuis que les
sondages opérés à Kessel et à Santhoven, jusqu'à 12 kilomètres à l'Est d'Anvers, ont
montré que l'épaisseur des morts terrains augmentait de ce côté, et que le houiller se
dirigerait plutôt vers le Nord-Ouest. Quant à l'altitude du primaire, on peut croire
qu'elle continue à s'abaisser régulièrement vers le Nord de la Flandre, si l'on s'en
rapporte à l'allure qu'il affecte dans la province d'Anvers. — VA: Kersleti (J.), Le
Bassin houiller de la Campine [Bull. Soc. belge (îéol., XVII (liHK'î), Mémoires,
pp. :J5-45, 2 cartes (pl. I et II) A 1 : 320.000] ; — Harzé (E.), Considérations géométriques
sur le Houiller du Nord de la Belgique (Bull. Soc. belge Oéol., XVII, 1003, Pr.-
Verbaux, pp. 5*58-576).
1 Cf. Rutot (A.), Note sur le sous-sol des villes de Gramniont et de Ninove. (Ann.
Soc. géol. Belg., XIII, 1886, Bull., pp. CII-CIII).
46
LE SOL
Ostonde, \T,7() à Roulers,22m,50ù Menin, 10 mètres à Courtrai, 15 mitres
à Garni, 6 mètres à Alost, 7 mètres à Ronaix *. 10 métros à Mouseron *,
a voc forte augmentation vers l'Ouest : plus do 120 mètres à Hazebrouek s.
Quant à l'allure do la surface dos couches crétacées, elle est plus régulière
encore que celle du primaire : la descente s'opère posément vers le Nord,
de Lille vers Ostende, et l'on peut remarquer que le bassin crétacé
correspond exactement à la région flamande délimitée précédemment.
C'est dans ce bassin que sont venus s'accumuler les dépôts tertiaires,
qui forment le vrai sol de la Flandre et lui donnent son originalité. Craie
et Flandre sont deux termes contradictoires : où paraît la craie, la Flandre
s'arrête. Elle ignore les lointaines couches enterrées sous 100 ou
200 mètres de sables et d'argiles, et qui ne peuvent mémo pas lui fournir
les eaux pures qu'elle est allée parfois y chercher. Au contraire les sédi-
ments tertiaires de tout âge, du paléocène au pliocène, réussissent à
apparaître a la surface du sol, avant do plonger à leur tour dans les
grandes profondeurs du Nord, où disparaît leur trace.
Le Landénien
Cependant le bassin n'était pas encore formé au moment où les
premières mers tertiaires apparurent sur le continent crétacé, et les limites
de leur extension dépassèrent largement colles do la région anglo-
flamande. \a\ mer landénienne étale jusqu'en Normandie ses sables
argileux, qui passent parfois au tuffoau ou au grès; en Flandre et aux
alentours la formation recouvre encore 15 à 20 mètres d'argile plastique
(argile de Louvil), déposée dans les bas-fonds île la craie. Au-dessus des
sables à tuffoau, et s'en distinguants! peu qu'il est difficilodotrouverla limite,
se sont déposés les sables verts dits d'Ostricourt, épais do 10 à 25 mètres,
qu'on retrouve sous forme do sables et de grès jusqu'au Sud de la Picardie.
Toutes ces couches à leur tour sont à pou près disparues do la surface.
A mesure que le bassin anglo-flamand s'enfonçait, de nouvelles forma-
tions venaient recouvrir d'un épais manteau les dépôts landéniens, de
sorte que ceux-ci n'apparaissent plus qu'en débris sur les pentes do l'Artois,
i l'uur ces «-puisMMirs, i f : Van Krtborn ((>.). Le projet Lambert pour l'alimentation
en eau de la ville d'Anvers. (Ann. Sue. gé.d. Helg., XXVI, 1895). Mem., pp. 47-iX).
î Rutoi (A.), Le puits artésien de la gare de Mouseron. (Hull. Soc. belge tïéol..
X\ 111, lUOi, l'r.-Verb., pp. 10-12).
Cayeux (A.;, Lo forage de la ville d'Hazebrouck. (Ann. Soe. géol. N., XVII, 18JK>,
pp.
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LE LANDÉN1EN 47
et lf* long de la lisière méridionale de la dépression, où l'érosion les a
débarrassés de leur revêtement d'argile yprésienoe. Mais on les retrouve
partout sous la Flandre, plongeant vers le Nord avec la mémo allure que
les courbes de la surface crétacée. L'épaisseur de ces couches souterraines
est remarquablement égale: un peu plus forte vers le S. et l'W. (42 mètres
à ]jbl Gorgue et Armentières, 44 mètres à Hazebrouck, 55 mètres à
Bourbourg et Dunkerque, 57 mètres à Bailleul), elle atteint encore
30 mètres à Alost, 33 mètres à Gand, 37 mètres à Wetteren et Zele,
Échelle de 1 : 1 .500.000
Fig. 7. — Altitude de la surface du Landénieu sous la Flandre, d'après M. ('.osselet
(Esquisse, Terrains Tertiaires, pl. XI A.) et quelques sondages récente.
38 mètres à Lichtervolde et à Ostende *. Jusque dans ces forages du Nord,
le landénien supérieur est représenté par ces fins sables verts d'Ostricourt,
dont l'argile de Louvil sous-jacente fait un des niveaux aquifères les plus
• Voir pour les forages de: La Gorgue: Ann. Soc. géol. N., I (1870-74), p. 3* ; —
Armentières : Ibid. XIV, (1887), p. 181 Ha/.ebrouek: Ibid. XVII, (1890), pp. 272-3<i ;—
Bourbourg, Dunkerque, Bailleul : Ibid. IX, (1882), pp. 71-70; — Alosi : Ibid. X, (1883),
p. 1SX ; — Garni, Wetteren, Zele : feuilles Gand-Melle et Wetteren-Zele de la Carte
géologique de Belgique à 1 : 40.000;— Lichtervelde et Ostende : Rutot (A.), Note sur
quelques pointe nouveaux de la géologie des Flandres (Bull. Soc. belge Géol., IX,
18Î6, Mém., pp. 280-319); — Dottignies : Rutot (A.), Le puits artésien de Dottignies
(Bull. Soc. belge Géol., III, 1889, Fr.-V., pp. 18-19).
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LR SOI.
abondants do la Flandre. Morne au delà d'Ostende l'eau landénienne,
infiltrée aux lointains affleurements do Tournai ou de St-Omer, jaillit
encore au-dessus du sol de la plaine maritime, lorsqu'on perce la tenace
argile bleuâtre qui emprisonne sous son énorme masse la nappe des sables
verts.
Yprésien Panieelien et Parisien.
A la mer landénionne succède dans le bassin de Paris un régime do
lagunes (Sparnaoien), dont la présence est douteuse en Flandre *. En tous
cas, à l'époque yprésienne, la mer s'établit pour longtemps dans le bassin
anglo-flamand et y dépose lentement d'épaisses couches de sables et
d'argiles. Rien de plus uniforme, au centre de la Flandre, que cette
centaine do métros d'argile plastique bleuâtre, à peu près dépourvue de
fossiles, et à peine entrecoupée de petites lentilles sableuses. C'est un bloc
indivisible où le géologue peine à distinguer plusieurs niveaux. I/»s diffé-
rences n'apparaissent guère qu'aux bords du bassin. L'Yprésien devient
plus sableux au Sud-Est ; la zone moyenne y est formée des sables
verdàtres de Mons-en-Pévèle, que l'on retrouve, déjà plus argileux, au
mont do la Trinité ; l'assise supérieure présente même, dans les monts de
Renaix, dos psammitos grisâtres et jusqu'à un véritable calcaire nummu-
litique *. Mais sitôt que des collines on se dirige vers le Nord-Ouest,
on voit le faciès sableux disparaître, et toute la masse redevenir argileuse.
Dans la partie orientale, au-dessus de l'Yprésien typique s'étendent des
couches un peu différentes, argiles sableuses et sables, dont on a fait on
Belgique un étage distinct, le Panisolien. Pou importe d'ailleurs, car
l'Yprésien passe au Paniselien par des transitions assez insensibles pour
qu'on puisse considérer en bloc les doux étages. Kn ellet les sables lins,
assez argileux, qui forment dans l'Est do la Flandre le terme supérieur de
l'Yprésien, n'offrent guère de différence avec les alternances de sable et
d'argile paniseliens qui les surmontent. Ix passage se tait ainsi peu à pou
dos profondeurs de l'argile plastique à la couche arénacée, parfois agglo-
• VA: Van E.-tborn (O.), Keciilications stratigraphiques dans rKoccne belge. (Huit.
Soc. belge »;<'«.l., XVII, liJU-t, M.'tn., pp. HKMIS); - Kuiot (A.). Compte rendu des
excursions de la session extraordinaire de la Soc. belge de (îcologie dans le
Hainaut et atix environs île Bruxelles (Mu'.l. Soc. belge (iéol., XVII, l!H).'l, Mcm.,
pp. :K{-4ï»!)).
* Cf. Del vaux (K.), Notice explicative du levé géologique de la planchette de Renaix,
pp. 4-1».
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LTPRÉSIEN-PANISELIEN ET LE PARISIEN
49
mérée en grès (sablos d'Aeltre), que des fossiles caractéristiques indiquent
clairement comme la partie supérieure de la série tout entière
L'épaisseur de l'Yprésien-Paniselien est considérable. Ce sont ces
sédiments et surtout l'argile plastique, qui remplissent jusqu'aux bords la
profonde cavité dont les couches crétacées et landéniennes garnissent
seulement le fond. D'abord mince sur, la tranche Ouest, où le dépôt a été
moins abondant et où l'érosion on a fortement réduit l'épaisseur, la couche
d'argile augmente rapidement vers le Nord-Est. De quelques mètres à
• Arques, où on l'aperçoit surmontant les sables d'Ostricourt, de 5 mètres
à La Madeleine-lès-Lille et de 9 mètres à Marquette, elle atteint déjà
39 mètres à I,a Gorgue, 55 mètres à Hazebrouck, 98 mètres à Bailleul,
une centaine de mètres sous Bourbourg et Dunkerque. Du Sud au Nord,
l'épaisseur augmente régulièrement; le profond bassin en est presque
comblé : 50 mètres à Mouscron, 80 mètres à Zulte, 109 métros à Roulers,
131 à Lichtervclde, 136 à Ostende, 177 à Blankenberghe ». Et il ne s'agit
là que de l'argile plastique, proprement yprésienne 3. L'épaisseur est telle
que malgré la pente régulière du bassin vers le Nord, la puissante assise
se maintient à la surface du sol jusqu'à la hauteur de Dixmude, Roulers,
Audenarde, où elle commence seulement à disparaître sous les sables.
Mais toute cachée qu'elle est, elle ne cesse pas de faire sentir son influence ;
elle arrêt*» de sa masse bleuâtre la descente.' des eaux dans le sol, maintient
l'humidité à la surface, on même temps qu'elle comprime les eaux landé-
niennes dans leur élan pour remonter au jour. Enorme et compacte, elle
est le trait caractéristique du sol flamand.
« Dans la partie belge, le Paniselien comprend en général un lit d'argile grise
schistoïde, et des sables glaueonifères plus ou moins argileux, avec ou sans grès. A
Cassel, il forme une couche de sables gris glauconifères, surmontée d'une marne
sableuse à Turritelles qui correspond aux sables d'Aeltre.
i Pour ces chiffres, voir les références indiquées page 47, note I, et en plus : pour
Arques: Ann. Soc. géol. N-, XX (185)2), p. 335; - La Madeleine: ibid., III, (1875-70),
p. 152 : — Marquette : ibid., XVII, (1890) p. 150 ; — Mouscron : Bull. Soc. belge (iéol.,
XVIII (1904), Pr.-V.. p. 12 ; — Zulto : ibid., V, (1891), Pr.-V., p. 12 ; —Roulers : ibid., IX
(1895), Mém., pp. 28!>-319; — Hlankonberghe : ibid., II (1888),Mém., pp. 260-270, et IX,
(1895), Mém., pp. 296-297.
s L'épaisseur du Paniselien proprement dit vario en général de 20 à 30 mètres :
18 mètres à Bruges, 20™ ,9 et 23» ,5 à Mariakerke-lès-Gand, 21°' ,5 et 24 mètres à Gand,
27",8 à Zele. 33 mètres au Bisschopveld, prés Beernem. (Carte géologique au
l : 40.000, feuilles Bruges-Moerkorke, Gand-Melle, Wetteren-Zele, Lophem-Oedelem).
— M. Hutot lui attribue seulement 13 mètres au Mont de l'Hotond (Sur un sondage
effectué par M. Moulan au Mont de l'Hotond: Bull. Soc. belge Géol., III, 1889, l'r.-V.,
pp. 16-18).
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50
LE SOL
La mer recommence après le Paniselien son mouvement de va et vient
sur ce sol qu'elle ne peut se décider à abandonner ou à garder pour elle.
Cependant il y a quelque chose de changé. La mer yprésienne commu-
niquait encore avec le bassin de Paris 1 ; cette issue vers le Suil va se
fermer pendant l'époque parisienne (lutétienne). La mer bruxellienne
parvient encore à pousser ses sables jusqu'au delà do St-Quentiu, et à
travers toute la Belgique. Après elle, le soulèvement de l'axe de l'Artois
barre définitivement le passage vers le Sud, et la mer se trouve enfermée
dans le bassin de Flandre. Elle y dépose la mine»' couche des sables
laekeniens (1 mètre à Cassel, 5 mètres à Bruxelles), puis les sables et grès
de Lede et de Wemmel, a peine plus épais ( \ mètres à (iand), enfin l'argile
glauconifère assehienne, parfois assez sableuse (quelques mètres à (iand).
C'est par ces faibles dépôts plus sableux qu'argileux que se termine
rEocène flamand ; sur les puissantes assises yprésiennes à peine immergées
erre une mer sans profondeur, prête à abandonner le territoire, et qui
disparait peut-être en elfet pendant la lin de l'époque éocène -.
Oligocène, Miocène, Pliocène.
•
A l'époque oligocène, les invasions marines se font dans une direction
nouvelle. La mer, qui venait auparavant du Nord, envahit la Belgique
par le Nord-Est, parallèlement à l'axe de l'Artois. Il en résulte que la
jienlc des couches oligocènes, miocènes et pliocènes est dirigée désormais
dans ce sens, tandis que les sédiments éocènes plongeaient vers le Nord.
C'est comme un bassin secondaire qui se creuse dans la grande dépression
anglo-flamande, avec son centre vers Anvers et la Hollande. Ainsi
1 Cf. Leriche (M.), Sur les relations dos mers des bassins parisien et belge à l'époque
yprésienne (Ann. Soc. géol. N., XXXll, 1003, pp. 120-124).
Les sédiments éocènes du Nord de la Flandre, disparus sous les accumulations
de dépôts pliocènes et quaternaires, se retrouvent à des profondeurs qui augmentent
r.-ipidcment vers le Nord. A Eecloo, l'Asschien, épais de 7a',4T) est à la cote — 14, le
Wemmelien, à la eote — 21, le Ledien à la cote — 25 (Hutot, Note sur quelques points
nouveaux, p. 310). A Watervliet, l'Asschien se trouve à la cote - 2(3 ; au Hoogkasteel,
près Watervliet, environ à la cote — 36; l'épaisseur en est déjà de 32 métrés (Feuillo
Watervliet de la carte géologique). A Terneuzen on trouve l'Asschien à la cote — S6
environ, avec la forte épaisseur de 42"» ,.'10 ; le Laekenien à la cote — 128 (De Brouwer,
Le puits artésien des aciéries de Terneuzen. Bull. Soe. belge Géol., XVII, 1903,
G.-Kendiis, pp. 37-44). Au delà vers le Nord, on n'a plus rencontré, jusqu'à plus de 200
métrés, que les dépôts oligocènes (Lorié, Sondages en Zélande et en Brabant. Bull.
Soc. belge Géol., XVII, l'.Kfâ, Mém., pp. 203-21»).
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L'OLIGOCÈNE, LE MIOCÈNE, LE PLIOCÈNE
51
s'orientent les sables et argile sableuse du Tongrien inférieur, apportés
par une mer qui s'avançait vers Bruges, Gand et Alost. Une nouvelle
transgression marine, celle du Rupélien, ne dépasse pas Termonde ; mais
cette fois elle dépose une épaisseur de sédiments qui rappelle celle des
couches yprésiennes : c'est une argile plastique qui porte le nom d'argile
de Boom, et repose sur quelques mètres de sable gris; l'ensemble atteint
60 mètres sur les bords du Rupel *.
De nouveau la région flamande est asséchée. La mer semble renoncer
à l'occuper ; ses transgressions se font de plus en plus restreintes. A la fin
du Miocène, la mer boldérienne tente un retour offensif qui ne dépasse pas
le pays de Waes, et y dépose une faible couche de sables glauconifères
verdâtres, dont l'épaisseur atteint rarement un mètre. Et c'est juste à ce
moment, où la Flandre peut paraître définitivement émergée, que se
produit la grande invasion pliocène. \a mer diestienne (Plaisancien)
s'avance vers le Sud-Ouest, ravinant profondément les dépôts miocènes,
oligocènes etéocènes, comblant les vallées creusées pendant les émersions,
et accumulant sur toute la surface recouverte son conglomérat de cailloux
de silex, ses sables vert noirâtre, glauconifères, devenus rougeâtres par
la transformation de la glauconie en limonite, et qui ont formé ça et là
des bancs irréguliers de grès ferrugineux.
Os sédiments caractéristiques ne se rencontrent plus aujourd'hui dans
le Sud de la Flandre qu'à l'état de témoins très endommagés, aux Noires
Mottes près de Calais, au mont de Watten, sur les collines des environs
de Cassel, dans les monts de Renaix ; on en signale des restes à Hem, au
mont d'Halluin, au mont de la Trinité, et jusqu'à Mons-en-Pévèle !.
Il semble permis de prolonger encore les limites de leur extension.
Comme on l'a fait remarquer récemment 3, c'est seulement sur la craie et
l'argile à silex, c'est-à-dire sur l'axe de l'Artois, que la mer diestienne a
pu aller chercher les galets de son conglomérat de base. Puis le relève-
ment considérable présenté dans l'Ouest de la Flandre par le Diestien, qui
< A (îoes, le Rupelien s'étendrait de la cote — 93 mètres à ln cote — 220 mètres (sous
rAmsterd.-imsch-Peil, niveau moyen de la mer à Amsterdam), d'après J. Lorié (Sondages
en Zélande et en Brabant, pp. 200-210), soit une épaisseur de 127 mètres.
* (ioasolet (J.), Esquisse, p. 340. — Cf. sur la limite de la mer diestienne: Van den
Broeck (E.), Note sur un nouveau gisement de la Terebratula grandis avec une carte
de l'extension primitive des dépôts pliocènes marins en Belgique (Bull. Soc. belge
Géol., I, 1887, Mém., pp. 49-59).
' Cornet (J.), Etudes sur l'évolution des rivières belges (Ann. Soc. géol. Belg.,
t. XXXI, 1004, Mém.; - Cf. pp. 403-410).
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52
LE SOL
passe de la cote 0 à Anvers à l'altitude de 160 mètres à Cassel, a dû se
continuer au delà des collines actuelles, et l'ancien rivage se trouve ainsi
amené jusqu'à la crête de l'Artois, d'ailleurs beaucoup moins abaissée à
cette époque qu'aujourd'hui. Il est donc infiniment vraisemblable que la
mer du pliocène diestien s'est étendue vers l'Ouest jusqu'à l'Artois, qui la
séparait du bassin parisien, et que la Flandre entière a été recouverte de
ses sédiments.
Tandis que las sables diestiens se trouvent à Cassel à partir de la cote
143 mètres, au mont de la Trinité à 145 mètres, la base de l'étage, à
Garni, n'est déjà plus qu'à 30 mètres ; à Anvers, les sables se trouvent à
peu près au niveau de la mer ; à Goes (Zuid-Beveland), la base est déjà à
— 93 mètres ; à Gorkum, un sondage de 1 78 mètres sous le niveau de la mer
n'a même pas atteint le sommet de l'étage, pourtant épais de 40 mètres
environ à Goes ; à Utrecht, la sonde n'a pénétré qu'à — *^68 mètres dans les
sables de Diest, et n'en était pas encore sortie à 36T> mètres, profondeur à
laquelle on a arrêté le l'orage; aussi à Amsterdam, par 335 mètres au-dessous
du niveau de la mer, n'avait-on môme pas atteint les couches supérieures au
Diestien f. Un formidable mouvement de bascule s'est donc produit depuis
l'époque pliocène, qui a élevé la Flandre et abaissé la Hollande, la région
d'Anvers formant l'axe. Ce mouvement ne s'est pas produit tout d'une
pièce, mais par oscillations nombreuses. Après la régression marine qui
suit le dépôt des sables de Diest, la mer reparaît timidement dans la
Campine et sur le sol de la Flandre, pour déposer une couche de sables
jaunâtres dont la situation a fait donner à l'étage le nom de Scaldisien ;
et l'on a encore distingué à la partie supérieure du Scaldisien un étage
l'oederlien, caractérisé par la présence d'un fossile spécial (Corbula
sfriata). Tous deux d'ailleurs beaucoup moins intéressants par les minces
sédiments qui les représentent (sable sur sable, dans un coin où toutes les
couches antérieures étaient déjà sableuses), que parce qu'ils sont les
témoins de la dernière invasion marine eu Flandre pendant l'ère tertiaire.
Cependant l'époque pliocène n'était pas terminée. La mer, qui avait
quitté le sol belge, se retirait lentement, et séjournait longtemps en
Zélande, à proximité. C'est l'époque de l'Amstelien, qu'on trouve à Goes
à — 29 mètres, surmontant le Poederlien-Scaldisien, et dont l'épaisseur (et
1 Cf. Lorié (J.), Contributions à la Géologie des Pays-Bas, fasc. I : Résultats
géologiques et paléontologiques des forages de puits à Utrecht, (ioes et Gorkum
(Archives du musée Teyler, série II, vol. II, 1885, 3° partie, pp. 239-240) ; — Idem,
Contributions, fasc. X : Sondages en Zélande ot en Brabant, p. 243 ; — Harmcr, Le
tertiaire supérieur du bassin anglo-belge (Ann. Soc. belge Géol., X, 1806, Mém.,
p. 323).
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fèrpê
Yperlcc ,
Jjnhvfiiyk ItacnkcA'
Coupe à travers la Flandi
PI Ptnl&ellen : argiles et
Pi Pariaien : miUn et or
T Toogrien I argile et Mlftj
riogique do la Flandro d'api
à 1 : 500.000 de G. Ikwalq
I. Lendénien.
P PanUeUen.
Kl Hupelien inférieur
Hï Hupelien Kupérieu
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L'ÉROSION QUATERNAIRE
53
la profondeur) vont sans cesso croissant vers le Nord 1 . Puis la mer quitte la
Hollande elle-même, recule sans cesse vers le Nord, ot dépose sur la côte
anglaise les dépôts pliocènes supérieurs du Norfolk ; il y a donc lacune,
en Flandre comme en Hollande, entre le sommet du pliocène et la base
des couches quaternaires.
Erosion quaternaire.
Que deviennent, pendant cette longue période d'émersion, qui se continue
fort avant dans l'ère quaternaire et peut-être jusqu'à nos jours, les
sédiments assez peu cohérents déposés sur le sol flamand par les dernières
mers tertiaires ? Sur la pente rapide que formait, entre l'Artois et le rivage
amstélien, le fonds émergé de la mer diestienne, l'érosion se mettait
aussitôt au travail, faisant ruisseler vers le Nord-Est les oaux chargées de
débris qui allaient combler les dernières mers pliocènes. A mesure que le
rivage reculait, l'érosion devenait plus active, puisque le niveau de base
des cours d'eau se déplaçait vers l'aval et que la hauteur du pays émergé
s'accroissait. Cette activité atteignit donc son paroxysme à la fin du
pliocène, lorsque la mer était reléguée au delà du Norfolk, et dut se
continuer pendant los premières périodes du quaternaire. Peut-être un
régime de fortes pluies, contemporaines de la première extension glaciaire,
vint-il ajouter ses effets à ceux du recul de la mer.
Sur les sables poederliens, scaldisiens et diestiens, cette puissante
érosion dut faire de rapides et profonds ravages. Dans le Nord-Kst
elle ne larda pas a atteindre, sous les sables pliocènes, les couches
boldériennes, à les dénuder à leur tour, et à percer jusqu'à l'argile
rupélienno, qui résista mieux. Vers le Nord, le Tongrieu, que le Rupelien
ne protégeait pas s, fut bientôt «attaqué et mis en lambeaux, découvrant
les séries éocènes, qui furent largemont entamées. Mais c'est surtout a
l'Ouest que les ravages étaient considérables et que les sables et argiles
semblaient fondre dans les eaux. De ce côté, la pente plus forte rendait
plus efficace l'action mécanique des eaux courantes ; l'émersion était plus
ancienne, datant du premier recul de la mer diestienne ; commencée plus
tôt, l'érosion était en même temps plus active. Déjà pendant les longues
années du Miocène et de l'Oligocène, les couches de l'Kocène avaient dû
être fortement endommagées; mais les sédiments diestiens s'étaient
« Mêmes références qu'à la page précédente.
* La transgression marine du Rupelien s étendit moins loin vers l'W. que la mer
Tongrienne.
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54
LE SOL
déposés dans tous les creux, avaient comblé toutes les dépressions, et
offert à l'érosion un nouveau champ d'activité. Peu cohérents, les sables
diestiens ne durent opposer qu'une assez faible résistance, et il en fut de
même, dans tout l'Ouest, pour l'argile d'Assche et les fragiles épaisseurs
des sables parisiens. L'érosion en arriva bientôt a ronger les puissantes
formations yprésiennes ; et malgré la résistanco plus sérieuse qui lui fut
opposée, elle parvint à eu enlever une épaisseur d'au moins 50 mètres '.
Sur le bord de l'axe de l'Artois apparut môme une frange de sables et
d'argiles landéniens, perçant sous l'argile d'Y près amincie.
II.
LE SOL ACTUEL.
Des couches variées furent ainsi ramenées au jour et lormèrent le
nouveau sol de la Flandre, affleurant par leur tranche occidentale que
l'érosion avait découverte, et disparaissant au Nord-Est sous l'épaisseur
des sédiments plus récents. Après la petite zone landénienne, c'est l'argile
yprésicnnc, occupant un vaste territoire qui s'étend à l'Est jusque vers
une ligne joignant Dixmude à Houlers et Audenarde. Au delà, l'érosion
n'a pu réussir à éliminer le Paniselien, plus épais et protégé lui-même
plus efficacement; aussi les sables, argiles et argilites paniseliens forment-
ils le sol de la Flandre jusqu'au delà de Bruges etdeGand. Enfin apparaît
ce qui reste de l'ancien revêtement parisien, une petite bande où le sol
est formé de sables laekeniens, de sables et grès lediens et wemmeliens,
d'argile asschienne. I*uis c'est l'apparition de l'argile rupelienne, et des
lambeaux d'argiles et sables tongriens, de débris boldériens et diestiens.
L'érosion a ainsi mis au jour, comme dans le bassin de Paris, une série
de bandes concentriques orientées vers la dépression hollandaise ; et sur
chaque bande on retrouve des témoius des couches enlevées, qui par leur
hauteur et leur isolement témoignent de l'effort accompli par les eaux.
Mais là s'arrête la ressemblance avec la région parisienne. Autant le
bassin de Paris présente de la variété, autant la dépression flamande offre
des terrains uniformes. Du pied de l' Artois à Anvers, ce ne sont que sables
et argiles, argiles et sables, souvent mêlés dans la même couche géolo-
1 L'argile yprésieune, qui atteint au Mont-des-Cats une altitude de 110 mètres, se
tient dans la plaine avoisinante vers 30 mètres : soit 80 mètres onlevés par l'érosion à
la fin du pliocène et pendant l'époque quaternaire.
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L1MPERMÉABIUTÉ : LES NAPPES AQUIFÈRES
pique. La formation la plus cohérente du système, l'argile yprésienne,
est elle-même entrecoupée de lits sableux ; et les sables parisiens sont
souvent argileux. A peine quelques roches dures : psarnmitas grossiers du
Paniselien, grès et conglomérat do base du Diestien.
Imperméabilité : les nappes aquifères.
Ces couches uniformes sont également imperméables. Ia présence des
sédiments argileux arrête l'eau ; au-dessus de chaque formation s'étale
une nappe aquifère. A la partie supérieure du calcaire carbonifère paraît
s'étendre une nappe continue ; on a encore trouvé de l'eau dans les schistes
siluriens sous Ostende, dans les fissures du Devillien à Alosl, dans le
Cambrien à Audonarde. la craie contient plusieurs niveaux aquifères ; à
Sangatte les sondages ont rencontré trois nappes, dans la craie à Belem-
tèitex pfcntfs, dans les couches à Ammonites variais, et dans les sables
du Gault. Dans les terrains tertiaires se trouvent des réserves d'eau
abondantes : la première nappe est celle des sables verts landéniens,
arrêtée par l'argile de Louvil et comprimée par la masse yprésienne ; l'eau
infiltrée tout autour de la dépression flamande, le long des affleurements
landéniens, jaillit au-dessus du sol lorsqu'on perce les couches sus-
jacentes. Au-dessus de l'argile yprésienne s'étend dans tout le Nord-Kst
de la Flandre, où cetto formation est recouverte par des sédiments épais,
une nouvelle nappe qui imbibe complètement les sables paniseliens. Le
Paniselien lui-même, avec ses lits argileux; les sédiments parisiens(Ledien,
Asschien), recèlent des nappes qui peuvent donner, aux abords du pays de
Waes, des eaux jaillissantes. De nombreux forages ont été établis pour
aller capter ces eaux souterraines. On pourrait s'étonner de la présence
de tant de puits artésiens coûteux, dans un pays humide où le sol est
partout imperméable, si l'on ne songeait que les eaux superficielles sont à
peu près toutes contaminées, que l'énorme populalion qui vit sur le sol
flamand a des besoins considérables, et qu'enfin l'industrie réclame des
quantités d'eau que les nappes phréatiques sont impuissantes à fournir.
Malheureusement, le succès ne répond pas toujours aux efîorts. La dispo-
sition des strates primaires, inclinées ou redressées jusqu'à la verlicale,
réserve des mécomptes: le puits de 276 mètres qui atteint sous la ville de
Gand les schistes et quartzites devilliens n'a pour ainsi dire rien donné.
L'irrégularité des couches crétacées fait disparaître ou reparaître les
nappes ; lacraie, traversée à Ostende sur 90 mètres d'épaisseur, n'a révélé
la présence d'aucun niveau aquifère. L'abondante nappe des sables verts
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56
LE SOL
donne une eau trouble, impropre a la consommation. Les eaux renfermées
dans les sables paniseliens, au-dessus de l'argile yprésienne, recevant
l'appoint des eaux superficielles que n'arrête pas une couche argileuse
continue, se trouvent contaminées ; à Bruges, des puits do iO mètres sont
aussi dangereux que ceux qui trouent à peine la surface. D'autre part
l'épaisseur de l'argile yprésienne est un obstacle qui ne peut être traversé
qu'à grands frais. \& répartition des puits artésiens en Flandre atteste
cette difficulté : on les voit établis surtout sur les bords, autour de la
grande cuvette yprésienne, nombreux aux endroits où l'argile n'est pas
épaisse, c'est-à-dire au Sud-Est, ou bien à ceux où elle est recouverte do
sédiments plus récents contenant des nappes à leur tour (au Nord-Kst) ;
au contraire ils se font rares au centre et vers le Nord, où la masse imper-
méable augmente d'épaisseur et de volume *.
Le sol quaternaire.
Cependant les couches tertiaires ne forment pas le véritable sol de la
Flandre. Elles sont surmontées presque partout de sédiments quaternaires
d'épaisseur variable. Vingt-trois mètres de sables meubles recouvrent, à
Eecloo, l'argile asschienne; au contraire le Paniselien sableux affleure en
beaucoup de points de la région boisée qui s'étend deThourout vers (iand.
Les couches tertiaires exercent une influence; elles donnent le relief,
elles déterminent souvent le degré d'humidité de la surface; elles
assurent la formation des réserves aquifêres. Mais ce sont les dépôts
* Sur les nappes aquifêres do la Flandre, voir: Gosselet (J.), Sur le forage do puits
artésiens en Flandre (Ann. Soc. gëol. N., IX, pp. 71-76) ; — leçons sur les nappes
aquifêres du Nord de la France (Ibid. XIV, pp. 241 * -306) ; — Rarrois (Ch.), Noie sur
les nappes aquifêres de Lille (Ibid. XV11I, p. 1M0) ; — Van Mierlo (C. -.!.), Distribution
d'eau potable à Ostendc (Bull. Soc. belge Gëol., II, 1888, Mëm., pp. 249-250) ; —
Hutot (A.), Le puits artésien de Blankenberghe (Ibid. II, 1888, Mëm., pp. 200-270) ; —
Rutot (A.) et Van den Rroeck (E.), Composition chimique des eaux artésiennes du
sous-solde la Belgique (Ibid. IV, 1890, Mëm.. pp. 170-220); — Rutot (A.), Note sur
quelques points nouveaux de la géologie des Flandres (Ibid. IX, 1895. Mëm.. pp. 289-
319) ; — Delvaux (E.). Des puits arténens de Flandre (Ann. Suc gëol. Relg.. XL 1K83-
84, Mëm., pp. 3-'i~); — Van Krtborn (( ).), Les niveaux aquifêres du sous-sol de la ville
d'Alost (Bull. Soc. belge Gëol. XVII, 1903, Mëm., pp. 145-155) ; — La question des
eaux alimentaires dans les régions dunale et poldérienne du littoral belge (Ibid. XVII,
1903, Mém., pp. 297-315) ; — Le puits artésien du Royal-l'alaco à Ostende (Ibid. XV,
1901, Fr.-V., pp. 178-187).
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LE SOL QUATERNAIRE
57
quaternaires qui forment le vrai sol, celui avec lequel est aux prises
l'agriculture flamande *.
L'Ouest de la Flandre est limoneux. Au-dessus de l'argile yprésienne
qui se maintient près de la surface sous les sédiments quaternaires
jusqu'à la ligne Dixmude-Roulers-Audenarde, et n'affleure qu'en quelques
rares points élevés où elle forme des glaises tenaces, appelées clyttes ou
pacauls, s'étend un limon argileux, bariolé, d'une épaisseur moyenne de
3 à 4 mètres, et séparé parfois de l'argile yprésienne par une couche de
sable aquifère, où s'alimentent les puits. Ce n'est pas là l'ergeron, ce limon
sableux, jaune clair, si fréquent sur les plateaux de craie au Sud «le Lille;
ce n'est pas non plus la « terre à briques », qui surmonte si souvent
l'ergeron dans le Cambrésis et la Picardie. C'est entre Lille et Lannoy, au
contact des sables landéniens, que l'ergeron typique disparaît et passe au
limon argileux do Flandre *. Seules les collines, qui dominent la plaine
de leurs flancs de sable, présentent çà et là des plaques de limon qu'on a
pu comparer aux types classiques de la Picardie et de la Hesbaye : au-
dessus de 110 mètres au Mont-Noir, de 130 mètres à Cassel et au Mont-
des-Cats réapparaissent les limons de l'assise moyenne du quaternaire
picard, et quelques fragments de limon supérieur 3. Enfin le sol de
1 Sur le Quaternaire flamand et ses origines, consulter: Meugy, Essai de géologie
pratique sur la Flandre française (Mém. Soc. Se. Lille, 1850, p. 82; 1851, p. 114; 1852.
p. 1); — (iosselet, Esquisse, Quaternaire ; — Ladriére (.1.), Sur le quaternaire du Mont-
dcs-Cat8.pt du Mont-Noir (Ann. Soc. géol. N.. XIX, 1891, p. 260) ; — Note pour
l'étude du terrain quaternaire en Hesbaye, au mont de la Trinité et dans les collines
de Flandre (Ibid. p. 33») ; — Excursions dans le quaternaire du Nord de la France ot
de la Belgique (Ibid. XX, 1892, p. 200); — Ilutot (A.), Les Origines du Quaternaire
de la Belgique (Bull. Soc. belge Oéol., XI, 1*07, Mém. pp. 1-140, carte à 1 : 400.000); —
Comparaison du Quaternaire de Belgique au glaciaire de l'Europe eontrale (Ibid. XIII,
1899. Mém., pp. 307-320) ; — Nouvelles observations sur le Quaternaire de la Belgique.
Echelle stratigraphiqae et projet de légende du quaternaire (Ibid. XV, 1901, l'r.-V.,
pp. 554-557) ; — Esquisse d'une comparaison des couches pliocènes et quaternaires de
la Belgique avec celles du Sud- Est de l'Angleterre (Ibid. XVII, 1903. Mém., pp. 57-
101); — Velge ((}.), Nouvelles observations sur le terrain quaternaire et notamment
sur les relations chronologiques du sable de Flandre et du limon de la Hesbaye (Ann.
Soc. géol. Belg., XXV, 1897-ÎIN, Mém., pp. 3-7); — Mourlon (M.), Les mers quater-
naires en Belgique, d'après l'élude stratigraphique des dépôts flandriens et eampiniens.
ci de leurs relations avec les couches tertiaires pliocènes (Bull. Ac H. Belg.. XXXII,
1896. 3' série, pp. 671-711); — Loriô (.1.), Mes observations sur le système inos. en de
M. Mourlon (Bull. Soc. belge tiéol.. XIV, 1900, Mém., pp. 207-216); - Van Ertborn
(O.). Quelques mots au sujet des terrains quaternaires (Ibid. XVII. 1903. l'r.-V.,
pp. 99-112).
* Oosselet, Esquisse, Quaternaire, pp. 294-295.
3 I^adrière (J.), Note pour l'étude du terrain quaternaire en Hesbaye.... etc. (Ann.
Soc. géol. N., XIX, 1891, pp. 330-344).
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58
LE SOL
l'énorme vallée alluviale que l'on appelle plaine do la Lys est formé d'un
limon jaune argileux, peu perméable, surmontant 3 à 4 mètres de sables
argileux verdatres extrêmement imbibés d'eau, parce qu'ils reposent sur
l'argile yprésienne et reçoivent les eaux d'infiltration de la Lys, de la
biwe, et de tous les ruisseaux (becques) et fossés qui sillonnent le sol
horizontal f.
L'ensemble constitue pour toute la Flandre occidentale, (la Plaine
maritime mise à part), un sol gras, assez argileux, |>eu perméable. L'eau
n'est pas loin : l'argile yprésienne, à quelques métrés de profondeur, la
retient en une nappe à peu près continue. Etant donné le régime des
pluies, qui entretient sur le sol une humidité a peu près continue, la
Flandre devait être naturellement un pays de forte végétation, une terre
propre à l'herbe et aux arbres. Dans les champs fraîchement labourés les
grosses mottes de terre brune, luisant au soleil, et semblables à des
écailles de tortue, donnent une impression de fertilité puissante, plus
apparente d'ailleurs que réelle.
La terre devient moins forte vers l'Est. Vers Staden, Hooglede, Roulors,
Lendelede, Waereghem, précisément aux points où l'argile vprésienne,
plongeant lentement vers le Nord, disparaît rons les sédiments paniseliens,
le limon devient plus sableux. Dans les champs, les sillons sont plus mous,
plus effacés; les chemins ont moins d'ornières rugueuses. Par des tran-
sitions insensibles, le limon argileux de l'Ouest devient un limon sableux,
puis un sable limoneux, un sable avec zones limoneuses, bientôt un sable
jaune meuble, un sable quarlzeux parfois très grossier * ; c'est le Flandrien
des géologues belges. De brun qu'il était autour de Cassel et d'Ypres, le
sol est devenu grisâtre; de compact, meuble. Dans le Nord-Est, autour
d'Eecloo, de Maldegem, de Stekene, le vent l'a amoncelé parfois en petites
dunes, reconnaissables encore sous les cultures ou les petites pineraies qui
les escaladent.
Ce changement complet, ce passage du limon argileux au sable, no se
traduisent pas dans la végétation par une transformation radicale. I/»s
prairies sont moins nombreuses, mais les arbres augmentent; la Flandre
sablonneuse a l'air d'une vaste forêt. Seulement les grands ormes, les
chênes qui garnissent le pays du limon sont remplacés par des végétaux
moins puissants, moins exigeants, peupliers du Canada, conifères. Mais
rien n'évoque l'aridité à laquelle semble condamné un pays de sable. C'est
« Gosselet (J.), (urographie physique, p. 50.
- Ces termes sont empruntés à la légende des feuilles «amandes de la carte géolo-
gique belge à 1 : W.uOO.
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LE SOL QUATERNAIRE
59
que ce sol léger et meuble reste en réalité aussi peu perméable que les
terres fortes de l'Ouest. A une profondeur de quelques mètres se rencontre
toujours quelque lentille argileuse qui arrête l'eau : couches irrégulières,
discontinues, qui n'empêchent pas les communications de s'établir entre
les nappes superficielles et les nappes profondes, mais qui retiennent près
de la surface assez d'eau pour alimenter une végétation drue, et même
pour former quelques marécages, quelques étangs analogues a ceux de
la Campine.
Flandre argileuse à l'Ouest, Flandre du sable à l'Est ; c'est la vieille
distinction politique de TOst- et de la West-Flandre. Pourtant le sol de
l'Ost-Flandre présente çà et là des particularités : tout n'y est pas sable. Il
est rare que dans chaque commune il n'y ait pas des terres fortes et des
terres légères. Le sable est plus ou moins argileux, plus ou moins agglo-
méré. Au delà de la Durme, la région du pays de Waes tout entière, sauf
une frange de sables blancs qui la limitent au Nord, se distingue de
l'Ost-Flandre par son sol limoneux. Ce n'est pas la terre grasse de
West-Flandre, mais un limon sableux, cohérent, qui ferait songer à
l'ergeron, et que les paysans appellent le leem ; il coïncide à peu près
exactement avec l'extension en Flandre de l'argile rupélienne. A la pré-
sence d'un sol plus fertile tient en partie la différence entre l'agriculture
du pays de Waes et celle de la Campine voisine, que l'on oppose souvent
l'une à l'autre pour montrer la grandeur de l'effort accompli par les
paysans Wasiens; la nature a sa part dans le résultat obtenu.
Sables, argiles, dans des proportions diverses, forment donc le sol de
la Flandre comme ils en constituent le sous-sol; et là où le sous-sol est
d'argile, le terrain superficie! est une terre forte, tenace, tandis qu'aux
sables du sous-sol correspond un sol sableux et meuble. Il y a là peut-être
plus qu'une coïncidence. Kn tous cas, ce ne sont pas là, d'un bout à l'autre
de la Flandre, de ces riches terroirs qui attirent l'homme et lui promettent
des moissons abondantes. Sauf dans la plaine maritime, où une invasion
récente de la mer est venue déposer de fertiles alluvions, il n'y a
rien en Flandre qui soit comparable aux belles terres limoneuses des pays
à craie, Hesbaye, Cambrésis, Santerre «. Il se trouva que cette infériorité
devint un avantage. Pour vivre, le paysan flamand dut engager avec son
sol une lutte d'où sortit cette agriculture savante dont s'est inspirée depuis
toute l'Europe occidentale.
« Sur les dernières invasions marinos en Flandre, voir le chapitre VIII, Formation
de la Plaine maritime.
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60 RELIEF. - FORMES DU TERRAIN
CHAPITRE IV
RELIEF. — FORMES DU TERRAIN
I. As/ifcl et oriyines du relief. L'ancien plan incliné. Les collines. Hypothèse des
Cuestas. Rôle dos collines. — II. Les formes du terrain. Les sables. Les argiles.
I.
ASPECT ET ORIGINES 1)1 ' RELIEF.
Le sol formé de ces luttes outre terre et mer qui se poursuivant dans le
bassin anglo-flamand pondant toute l'époque tertiaire et jusqu'à la période
historique, n'est guère composé que de sédiments tendres et mous, argiles
plastiques ou sableuses, sables fins ou grossiers, dépôts de mors peu
profondes. Los roches dures, qui donnent les beaux reliefs, sont inconnues
on Flandre ; h peine trouve-t-on dans les sables quelques bancs do grès,
peu épais et discontinus ; et c'est encore l'argile, avec ses fortes couches
compactes, qui résiste le mieux à l'effort dos eaux. A s'attaquer à do pareils
matériaux, l'érosion avait beau jeu ; peu s'en fallut qu'elle no fit place nette.
En tous cas elle a si bien travaillé qu'elle a fait do la Flandre un dos pays
les plus plats de l'Europe, et qu'elle n'y a laissé que dos débris do hauteurs,
témoins do l'effort accompli. Aucun point qui atteigne une altitude de
200 mètres; à peine quelques sommets de collines s'élèvent-ils pénible-
ment à loi) mètres ; pas plus de cinq ou six La surface occupée par dos
altitudes égales ou supérieures à 100 mètres se réduit à une quarantaine
do kilomètres carrés sur une superficie totale d'environ 10.000. On
peut dire que toute la Flandre est inférieure à l'altitude 100 mètres ;
môme à l'altitude 80 mètres, presque aussi rarement atteinte. I,a courbe
de niveau de 40 mètres n'entoure encore que lOiO kilomètres carrés,
• Mont Oassel : 17M m /•très : Moni des Oats, Hi8 mètres : Mont Noir, 1.72 ; Mont
Kemmcl, lîifi : l'ottclberg, 1.77; Mont de l'Hntnnd et Mu/.iek lierg. 1.7); ces trois derniers
dans les collines de Renaix. Les altitudes des collines belges sont prises d'après la carte
topographique à 1 : W.000 ; rapportées au zéro d'Osiende, elles sont inférieures de
l"\4(Jû5 à celles de la carie française à I : 80.000. Les chiffres donnés par cette
dernière carte sont inexacts, en particulier pour Cassel, dont l'altitude véritable est
17H".rj0; c'est le point le plus élevé du territoire flamand. — Cf. Cantincati (E.), Cassel,
Noies archéologiques et Déductions historiques. (Bull. Comm. H. N.» XXVI, 1904).
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L'ANCIEN PLAN INCLINÉ
61
c'est-à-dire le dixième seulement île la Flandre. Il faut aller jusqu'à la
cote 20 pour trouver un territoire étendu ; et pourtant beaucoup de
parties descendent plus bas encore ; toute la plaine maritime, un territoire
de 2.500 kmq., se trouve environ de 1 à i mètres, c'est-à-dire au-dessous
du niveau des hautes mers.
Cependant cette Flandre d'une altitude moyenne si peu considérable est
beaucoup plus pittoresque et accidentée qu'on ne pense. Hors de la plaine
maritime, l'aspect est souvent moins uniforme que celui des plateaux
brabançons malgré leur altitude, ou que celui du Cambrésis, avec ses
longues croupes nues, entaillées de vallées invisibles. Dans l'Ouest surtout,
ce ne sont que collines, ravins, vallons. Si les cotes d'altitude restent peu
élevées, elles diffèrent «ans cesse. C'est un relief en miettes, mais dont les
miettes sont semées partout. Y première vue, rien de plus confus que
l'orographie flamande. Les plus hautes altitudes voisinent avec les plus
basses. Vers l'Ouest, presqu'au pied des collines de Cassel s'étend la large
plaine de la Lys, dont l'altitude moyenne n'est guère que de 20 mètres; la
rivière et ses affluents, Lawe, Nave, Clarence, en débouchant de l'Artois,
ont creusé dans la glaise yprésienne cette vaste dépression limitée par un
rebord argileux de 10 à 15 mètres, qui se suit d'Aire à Hazebrouck,
Bailleul et Ploegsteertt de La Bassée à Fromelles et Pérenchies De leurs
150 mètres, les collines deRenaix dominent la vallée de l'Escaut, qui n'en
a guère que 13. Jusqu'à l'autre bout de la Flandre se succèdent dépres-
sions et hauteurs, et le pays de Waes s'élève encore jusqu'à la cote 33 mètres
au-dessus des plaines basses du Nord. Même variété, au premier coup
«l'œil, dans la direction, l'orientation de ces traits du relief : collines E.-W.,
N.-S., N.E.-S.W., les unes isolées, les autres en chaînons, d'autres
alignées. Relief confus, dont la faible altitude augmente le caractère
incertain.
L'ancien plan incliné.
Le premier trait qui se dégage de cette complexité, c'est l'existence d'un
plateau en ruines dans la partie orientale. Tandis qu'à l'Ouest l'Artois est
séparé des hauteurs flamandes par un large fossé à peine interrompu, le
plateau brabançon se continue au delà de la vallée de la Dendre. Il est vrai
qu'on l'y retrouve fortement endommagé. Entre la Dyle et la Senne, ce
plateau est à peu près intact, malgré les vallées qui l'entaillent. De la Senne
« Voir phot. 3.
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62 RELIEF. - FORMES DU TERRAIN
à la Dendre, les vallées élargies dans l'argile yprésienne occupent déjà au
moins autant de place que le plateau ; au delà de la Dendre, il ne reste du
plateau que des lambeaux, des îlots élevés autour desquels les vallées se
rejoignent. Mais l'allure générale reste la même. L'altitude décroît
rapidement de Renaix vers Wetteren, suivant l'inclinaison des couches
tertiaires vers le Nord, qui fait descendre l'argile asschicnne, par exemple,
de 120 mètres dans les hauteurs de Renaix à 25 métrés vers Alost.
Cette inclinaison générale vers le Nord et le Nord-Est donne aux vallées
du pays d 'Alost une forme carac-
téristique. Leurs bords sont nette-
ment dissymétriques: le flanc Est
ou Nord est raide, la pente y est
brusque, quelle que soit la nature
des sédiments qui la constituent ;
les flancs Sud et Ouest sont aplatis,
et descendent doucement vers le
thalweg. On peut reconnaître dans
cette disposition le phénomène qui
se produit régulièrement dans les
vallées parallèles à la direction des
strates inclinées 1 ; mais il est pro-
bable que l'exposition des versants
par rapport aux vents dominants
en est la cause principale. Abrité
des vents pluvieux, le versant Ouest
a peu à peu adouci et régularisé
son profil, tandis que le versant oriental était rajeuni par l'érosion subaé-
rienne. I^a vallée du Molenbeek à Moortzeele, et particulièrement celle
de l'Escaut à (lavere, offrent de cette disposition des exemples caracté-
ristiques. (phot.7.)
A l'Ouest de l'Escaut, la proximité de deux grandes rivières a rendu
l'érosion plus active ; on ne retrouve plus les assises supérieures de l'ancien
plateau. Déjà le manteau de sables diestiens était à peu près disparu entre
Escaut et Dendre: ici les couches parisiennes ont eu le même soi t, et leurs
débris ne couronnent plus les sommets; à peine croit-on apercevoir dans
les graviers de faite d'une colline quelques traces de sables laekeniens. Ce
n'est guère que l'ossature du plateau qu'on retrouve dans la ligne de
1 La Noé et Margerie, Les formes du terrain (Paris, Imp. nat., 1888), pp. 28-29; —
de Lapparent, Leçons de Géographie physique (Paris, Masson, 18516), p. 110.
K< helle de I : 44MKM). F.quldfslaiir* de* murlies : I".
Fig. 10. — Type de vallée du paysd'Atost
aux flancs dissymétrique* : vallée du
Molenbeek à Moortzeele (feuille fiaud
de la carte belge a 1 : 40.000). Cf. phot.7.
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LES COLLINES
03
hauteurs paniseliennes dont le faite atteint 83 mètres près d'Anseghem.
(Répondant on y découvre encore les traits caractéristiques de l'orographie
brabançonne, la des- sw y t:
cente rapide vei*s le
Nord : de 83 mètres
à Anseghem, on des-
cend à 60 mètres vers
Cruyshaulem, et à 11
mètres à Nazareth: Échelle de* longueurs l : lfl.000. Échelle des hauteurs 1 : î.ooo
72 mètres (le pente Yw. 11. — Profil Me la vallée de l'Escaut : flancs dissv-
pour 15 kilomètres. métriques (feuille (iaml de la carte belge à 1 : iO.OOM).
Au delà, il ne reste du plateau qu'un témoin très isolé, la colline St-Pierre
à Gand, dont l'altitude maxima n'atteint pas 25 mètres, mais qui a gardé,
à cause de sa latitude plus septentrionale, le revêtement de couchas
{wrisiennes disparu au Sud.
Le plateau se continuait-il à l'Ouest de la Lys ? \p relief actuel n'en ferait
pas soupçonner l'existence. Les collines capricieusement disséminées à la
surface du pays, les dépressions jetées au travers des rangées, ne font guère
songer à l'ancien plan incliné qui descendait de l'Artois vers la dépression
hollandaise. Cependant on peut observer la décroissance des hauteurs
vers le Nord ; les collines de Cassel atteignent et dépassent 150 mètres ;
celles de Thielt arrivent péniblement à 50, celles de Somergem et Ursel se
tiennent au-dessous de 30. O premier indice de l'existence de l'ancien
plateau est confirmé par la structure géologique des collines. Les mêmes
couches qui ne montent guère qu'à 20 mètres à Ursel (Asschien) sont à
I i0 mètres à Cassel ; celles qui forment le sommet des hauteurs de Thielt
se trouvent au-dessus de 100 mètres dans les collines du Sud (Faniselien).
L'identité (stratigraphique et paléontologique) des couches retrouvées à
Somergem comme à Cassel atteste l'ancienne continuité, par dessus les
plaines d'aujourd'hui.
Les collines.
Cinq alignements principaux peuvent s'observer parmi cetéparpillement
de collines, et groupent les éléments échappés à l'érosion. Le premier est
constitué par les hauteurs du Sud, de Watten à Renaix ; le second par
celles qui vont de Dixmude à Thielt; le troisième forme le flanc Sud du
plateau de Wynendaele, le quatrième s'étend entre Bruges et Somergem ;
le cinquième borde au Sud le pays de Waes. Tous sont remarquablement
parallèles entre eux, et orientés presque exactement Ksi-Ouest.
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(V,
RELIEF. - FORMES M' TERRAIN
La première ligne de collines s'accroche à l'Artois à l'endroit où la petite
rivière de la Hem entre dans la plaine maritime. Elle débute par la hauteur
argileuse qui porte la foret d'Eperlecqucs, et dont le point culminant
s'élève à 95 mètres. Coupée à Walten par la vallée de l'Aa, dépression d'un
kilomètre de large, la colline retrouve aussitôt après, au mont de Watten,
l'altitude de 72 mètres qu'atteint également la hauteur du Halemherg. au
delà delà dépression où naît l'Yser (environ 30 mètres). Après la petite
vallée de la Peene, < >n remonte au delà de 17! ) mètres à ( Missel, à 1 i 1 mètres
BcIh-IIc dr 1 : WO.OOO. KqaidlitaDr* df.s ronrbr* : a» m.
Fu». 12. — Litfne dos collines de C.issel à Kemmel.
au mont des Récollets; puis par les collines de St-Sylvestreet d'Eecke, on
atteint le mont des Cats, qui s'élève à 168 mètres. I,à commence une
véritable petite chaîne (collines de Railleul), qui se poursuit par les monts
de Boeschepe (137 mètres), Kokereel (UG mètres), Noir (152 mètres),
Vidaigne (135 mètres), Rouge (140 mètres), Kemmel (156 mètres), collines
pittoresques séparées par de petites dépressions dont l'altitude ne descend
pas au-dessous de 70 mètres. D'autres petites hauteurs, Mont-Aigu
(125 mètres), Ravetsberg (77 mètres), etc., flanquent au Nord et au Sud la
chaîne principale, et donnent à ce coin de Flandre, avec ses bois de coni-
fères, l'aspect d'un petit massif montagneux. A l'Est de Kemmel, l'altitude
moyenne décroît : 81 mètres à Wytsehaete, 65 mètres à Messines ; puis la
descente se précipite avec la vallée de la Lys jusqu'à la cote 13 à Comines.
On pourrait croire que la ligne de collines, à la hauteur d'Ypres, change
de direction, et se continue par les plateaux de 50 à 00 mètres qui
s'étendent vers le Nord-Est, dans la direction de West-Roosebeke et
Staden. Mais on ne tarde pas à retrouver l'ancien alignement au delà de
la vallée creusée par la Lys. Juste à l'Est de Kemmel et Messines, derrière
Comines, l'altitude remonte à 64 mètres au mont de Wervieq, à 69 mètres
au mont d'Halluin (hauteurs du Ferrain). Ce n'est plus la chaîne régu-
lière de Bailleul, et les collines sont fortement oblitérées ; mais la direction
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'•il îi» *^*it« • r<» tu A !' \"t«»is. ;i J'iMidroil • ià |;i p»'i:î«'
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, lïl»' |V|n»i|W inlSMlùt ;ijil->'S. ad Ili> >Ii ! t|»« Wiilti'îl,
ij*' iiM<*ihl c'-tf «i J«*n 1 1 *xi I la hîMit'Mir ilu liali'Hil'i'i'i?,
• ■••» t. i*l r\s«w Ohvip n in^l.vsi. Aj*K*> 1;»
• . ■ -m-iih" tlt'ljt di* iTiMii^ti^sà ( jisstI.A I t I iiii,m,v<
• «}- 1 : i«s< -nm, i i'i •|i*t*.np «|«.- mi : ji i<>
.•• ••••» IIi'im 'ï ift-s . i» .i« injr l»*"? i •« » i î ] 1 1 • • «!'• St Svïv«'<tr»' »'l d'Kf'ki*. on
,!<!•• .«* !i iii>>!il .'«s sV'li»v«« à i(N itu'livs, \J% r-i»:i«]ji**ij«*(* un»1
v«*Hï»il»li* j^îi*1' <•!• l'ni»' '< < |»> S bti i * >, «ji<i s»; [M'induit uni l«*s i:ioiil>
d<» i'i-i.'sih» j.r .!!'? iii«î i*sï, l\i.k,«,,*I {îlt> uu*rn*>h Ni'is* <!">** ui«',ir<s».
\ id.tiuiu' il T. ui 'i!"s\ lï-'uu^ il i1' n»»,l,"*,Si, Ki'iiiiiif*l (!"><'• iu»'I:(kK i'«'lJ:ues
nilt >i'i'siju<«s <»< • >'*•> par do pi iit"^ r|/ij»r»"*sii»ii*î î îi'îiiii'îi' h** dp^'ond
tias H'i-ilf^oiï^ «li* 7«> uwln'S. 1 >*:m ! t-«*<5 |u til« s ha<itonrs. Mon» -Ai^u
|!?T» UiAl i>«s), H;i\'»H«f«'iy (77 MiAWvsi. «•*.<•.. lKili:{U<>tll ,iu Nold M an Sial ta
rli iîîK1 |ir<ua'i[Kili\ »'t iKiïjnout à r-nn «I»* Htturi'v, avivai s lmis «!.• i<>ni
foifîjs Ta ;-:t d'un mf.s^if monlatr.nMix. A l"Kî*t Ki'iuiiifdJ'ïdtHjdo
m«*y*si'.»' iliVroil : Si môhi's à \V\Ni liaot*», *ITi hîmIivs à Mi^sMUok; jHii.> la
• I» m <ik |»»iVj|.itii avn" la Viili»'«*»K »a f.yHjl>qu'A la l'nle l'ï à ('miiitii**.
{"••. • ait frifir»* <p*i» lit l'^H'' «li» fvllir.i"v à la li:ii!l'%«if d*Yj*iv>, < îian^i'
• i >•• hou. «>t s»î r.'otlîitma |%ir 1» *s "la'i'dUX <lo A <h» ini't.v> <;in
* ul vi-rs N» S»rc'-K>t, i!:ii:s la tlin^tinii île V. '«st -Huos^ln-k » M
... M.i»S"ii ta t- le pas A r*.'ln>.i\ .*:• l'aii« i«Mi l-s.Tn«*ii»^ïil au <lvlà «î»k
ii/Hi ■»tvu«'m< la I,yà. à l'Kst ilo Ki'înna'l t»l Mi*NNiin«s, ilfii'rii*ftrt>
.i iM*s, I';,liitt..]i n-Hinnl»» nlti luotr*1» an niuril «le W'rrvi- ij, a (55) m^tii s
• . (I llaUuîn i» ;*uU'urs du F^rruliO. lîc n'< ^t |d»i« la f-haun* iv-n-
.. i1»» î'aiiit'al, el ^miies M-nt f- • l«ru»*jiî iiliHll'1'*»* ; la dii'CcUxii
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4 — Vue d»n» la région de» colline» : Fltnc »ud du Mont Vidaigne.
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. s' i< 'i'n " Ij» à !'.\"f<«i- A J'i'htl;»»»! "ù l;i [H'l'îi*
; «i J- jh-i , t*\ i|i>nl [m [ii mit rul'umuul
"t \\ ,nh-'i j»,n • »♦«!♦• I* Vil, i!ra]i'*^si<tii<rnji
' ivf.u :iit>si|t»t ;i'»p''ï», au iii'»i't il.- W.illi'H,
{■' .■'î«,:nt iV'tIfiiii'iil lii li;Wl»*ilr "in I» i)«'!nl»i ly. î«'l
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i ' Mi-'iil dfs M'H s*«" tt*- \ •* à liw in tri s. lii niiuifH'iii**' 1 1 1 1 « -
\i*r:ï*ilu»' ji»'':t«* i*i diu* •».!;m,s il,iii!.-ult. qui se poursuit par l» s munU
do lîi i*s**lh ji»' A'.'l ini'l ik), Kil ■ «'•■I (110 ihiliv**), N«*ir il*V2 nit'ln»»!,
Viddiulii'il'iTi nir*ïi>»s*, li-iuii*' (1 i*1 ni4»l'vtfu Koiijiiiid (l'^i iiii'tr osl, n >1!:ih*$
|»«lt >r«>M|U(ks >'-p.i !•'■(*> |i;ti d? |»< ti'»'s i!Aiiri,*fsiiiiis d-uM j':'Milii*if n»* dt'v»»îii1
«'a*! ii'i-'i» «s«inis il»» ?*• Mi''lri'S. h'riiili'"^ pfj:t<'.s tuiuli'urs, \!"iil-.\i^u
ll'£î ui,'*tr«*sl, Ka*H^ ■••l'rjr i,77 Ul»!-«»iK <»U*., tiaiiqilt'tll au Nord »*t ;iu Sud l;i
ru |îî«i' pr«li»*il«d*\ «'t tloUTii'til 'i • r«»!li d« ï*î«iiidi'**, uvit m-s b<»is d1* f*i»lli-
fi'*''A . 1*;. • d'u*! [h (il m; »s*if 'uout'it: -'ux A l*Ksl de fwiimi'l, 1 î î * u * |.»
U\< \- »'••• «1 • 1 • H i "»n *t •» :\ \\"\{\' haf't", if» ï|M»li>»S à \li«SSIHi'S ; puis la
■ ii s»« • <• '.i '.;ii. \i ï . »*s j i .*■«] i i*à ].» i*m!o 13 A ( 1* i|]Jllit*!H.
• - >i ,#* h. I : . à IkiIiI» «ît d'Vpn*>. < mîmi^'»
■; • • • • » » ' 't..'* j .• ' ■» l'tMiit îjii A C»« > ui»' l.« s ipii
- '«• s« ' i I, »! -i * I.» itll *•« U"'H dô V.'i»sl II.» »M*b« k'' »»|
. -i < , •■ ■.».''*• !•:•>. ^ '•• •'• i\ l\»M«'H*n id»jfil*'U'**lM Jt'l d»'lit
\i • »•'•» . U* 1 ,».•>. .h i l'Kst iîtr K"uiiii«-1 «'1 M»S"i»i»'s, d^niôn'
1 .««in:; i r .liil . !• ri'îni-idH à «' • :nrli*^> au iik \\c WVî'vi' i|, ;'i ii!» HiAln s
tzinut <l i'iiUii'ii ii.:iu!i'iir> du I*»ir»'iiinl, lie u'»'^! plus lu cliaiui' iv^u-
li'' in> di> j\ûllr*ulf el it»s ' • »lï lit'-s .-•••ni r<#i,t«*H"«*iii'»blil(,iVf*« ^ ri»;u> la diiocli<>n
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4 — Vue dan» la région de» collines : Flanc sud du Mont Vidaigne.
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LES COLLINES
05
J
■S
persiste, et se continue onRelgique par les collines de Mouscron (71 métros),
de lielleghem (65 mètres) et los croupes de 70 à 75 mètres qui s'allongent
au Nord de St-Genois. Si la vallée de l'Escaut creuse au delà une nouvelle
dépression qui descend jusqu'à la cote 11, la chaîne se relève aussitôt à
droite du fleuve pour former la belle arête des collines de lienaix, où l'al-
titude, sur une longueur de 18
kilomètres, ne descend qu'une
fois au-dessous de 100 mètres.
Au delà, l'alignement se confond
désormais avec ce qui reste du
plateau brabançon. Par sa lon-
gueur, de Watten à Ellezelles,
par la hauteur de ses sommets,
c'est la plus caractéristique des
lignes de collines flamandes.
C'est sur ses parties élevées, à
Watten, à Cassol, dans le groupe
do Bailleul, au montd'Halluin et
vers Henaix, que l'on a retrouvé
les rares sédiments pliocènos qui
aient survécu à la grande éro-
sion «. Au-dessous s'étagent les
sédiments Parisiens, de l'Ass-
chien au Laokenion, (argiles et
sables), puis les sables glauconifères, marnes, argilitos et argiles du
Paniselien, enfin TYpresien, avec son argile compacte, véritable base de
toutes ces hauteurs.
Une seconde rangée de collines, d'une altitude assez égale, mais bien
inférieure à la première en longueur et en hauteur, commence au bord de
la plaine maritime à Dixmude; de 41 mètres à Cloreken, 4i mètres à
l'Ouest de Staden, elle atteint au delà de la dépression de Staden 50 mètres
à Hooglede, 40 mètres au (iitsberg, 40 mètres vers Coolscanip, 50 mètres
à Eeghem, 51 mètres à Thielt, enfin 38 mètres à Aerseele, au delà duquel
Kchello de 1 : M.nuu. EqiildUiance de» rourlw» : t m.
Fkj. 13.— Hauteurs du Ferra in (Mouscron).
l'ente douce vers le N.-E., rai. le vers le S.-W.
« L'abondance d'éléments ferrugineux dans ces sables diestiens semble indiquer que
les sommets actuels des collines diestiennes étaient, a la surface du continent post-
diestien, des parties basses, des synclinaux, le fer ne pouvant venir que du liant. Si
Ton trouve dans les sables sous-jneents «les failles qui donnent à la colline actuelle
une apparence anticlinalo, ces failles résultent seulement du tassement opéré par les
infiltrations. Les collines seraient «loue d'anciens synclinaux du plateau pliocène.
0
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m
RELIEF. - FORMES DU TERRAIN
tout relief disparaît. D'Arsoele à Dixmudo, la rangée n'a guère qu'une
quarantaine de kilométras : peu de chose à côté des collines du Sud, dont
l'alignement s'étend à travers toute la Flandre. Mais les formes aussi sont
différentes ; les pentes sont douces ; tandis que le socle est presque aussi
large que celui das collines du Sud, l'altitude des sommets est trois fois
moindre. I,a déclivité est un peu plus prononcée vers le Sud, c'est-à-dire
vers la vallée de la Mandel, que vers le Nord. De môme pour le petit
massif de collines de Wynendaele, séparé de celui d'Hooglede par la
dépression de l'Handzaeme ; la longueur n'en est guère que de 13 kilo-
mètres, l'altitude maxima de 51 mètres ; lui aussi descend vers le Nord-Est
en pente douce, tandis qu'il se termine vei-s le Sud par un petit abrupt.
Le relief de la quatrième rangée de hauteurs est encore plus insignifiant.
Ce ne sont plus des collines, mais une ondulation douce, en grande partie
boisée. De 7-8 mètres dans les champs du Heverhoutsvcld, à l'Est de
Bruges, le sol s'élève ;'i ',J5 mètres près d'Oedelem, et reste à une hauteur
moyenne de mètres jusqu'à Soinergem ; quelques buttes atteignent
•J9 mètres. Partout ailleurs, il serait ridicule de s'occuper de pareilles
montagnes; mais au milieu de cette région dont l'altitude moyenne est
de 10 mètres, une élévation de 10 mètres paraît notable, surtout lorsque
le sol y diiïère île celui de la plaine; au milieu de l'étendue sableuse, « es
hauteurs portent des plaques d'argile asschieune et tongrienne, sur
Ti,u.in„i.. «ï,l„s, n.peluMm,). particulièrement nette , dans la
dernière rangée de hauteui'S. La Durme, dans son cours inférieur, et à sa
suile l'Escaut, de Thielrode à Rupelmonde, sont bordés à gauche par un
coteau au relief accusé, d'une altitude très égale : 30 à .'£> mètres à l'Ouest,
(vers Waesmunsler), S) à 30 mètres à l'Est. !>' point culminant atteint 35
mèti-es. Au-dessus de la basse vallée dont les prairies sont à la <M>te J mètres,
Krlifllr île I : tu.lNNi. Éi|uldUUDce de» fourbe» : 1 m.
Fio. l'i. — Rt'bun! du pays \Y.u>s
Cette forme, on la retrouve,
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LES COLLINES
«7
le coteau, rapidement dressé, a quelque allure* ; il ferait penser parfois à
certains rebords de la vallée de la Loire, vers Blois. Ce qui augmente la
ressemblance, c'est que la falaise est bien un rebord, et que derrière on
trouve une plaine descendant vers le Nord d'une pente insensible:
18 mètres à St-Nicolas, 5 mètres à St-Gilles ; 25 mètres de pente pour
12 kilomètres. \je pays de Waes forme donc bien un plateau qui s'abaisse
dans le sens de l'inclinaison des couches, et dont le bord Sud se relève en
forme d'abrupt au-dessus de la dépression de l'Escaut-Durme.
En dehors de ces alignements de collines, il reste peu de chose. Dans
la Flandre française s'étendent, au Nord de Watten, du Balemberg et de
(lassel, quelques ondulations pittoresques, dont la hauteur varie de 40 6
60 mètres; orientées vers le N.-E., par Bollezeele, Zeggers-Cappel, d'une
part , par Winnezeele et Poperinghe de l'autre (62 mètres près de l'Abeele),
elles représentent bien, par leur allure, et leur direction, des débris très
endommagés de l'ancien plateau, abrités derrière les collines. Il semble
qu'il en soit de môme pour la ligne de hauteurs.qui joint, à l'Est d'Ypres,
les collines du Sud à l'alignement Dixmude-Hooglede. Elles se relient vers
Wytschaete, par des altitudes d'environ 55 mètres, aux massifs inter-
rompus par la vallée de la Lys, et se dirigent vers le Nord-Est ; la hauteur
passe de 64 mètres vers Gheluwelt à 50 mètres (Becelaere), 56 mètres
(Zonnebeke), 55 mètres (Passchendaelo), 49 mètres (West-Roosebeke), et
rejoint par 40 mètres environ, à Staden, les collines venues de Dixmude.
Donc encore une légère pente vers le Nord. On a presque toujours été
tenté de considérer ces collines comme le prolongement du massif de
Kemmel, et de faire de l'ensemble un vaste demi-cercle de hauteurs,
entourant de Steenvooitleà Dixmude un large amphithéàtre-au fond duquel
est assise la ville d'Ypres. On a vu qu'il y a bien plutôt là au Nord et au
Sud deux alignements parallèles ; quant à la chaîne de jonction, sa pente
vers le Nord, son orientation, la font ressembler aux collines d'Anseghem ;
comme elles, elle doit représenter un fragment du plateau, plus endom-
magé que le fragment d'entre Escaut et Lys, mais mieux conservé que les
collines de Poperinghe et de Bollezeele. Os hauteurs d'Anseghem,
d'Ypres, de Poperinghe et de Bollezeele représentent donc, en dépit des
dénudations qui les ont mutilées et séparées parfois des massifs voisins,
la pente douce vers le Nord des grandes collines Watlen-Renaix. Elles
sont au mont Cassel, au massif de Bailleul, aux collines de Mouseron, ce
que le plateau d'entre Escaut et Dendre est aux monts de Renaix. Par là
cet alignement méridional, malgré ses dimensions plus considérables,
ressemble aux autres rangées de collines, qui ont toutes leur plus faible
pente dirigée vers le Nord. Il est facile d'en conclure que toutes les collines
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RKLIKF. - FORMES DU TERRAIN
flamandes no sont que les rebords méridionaux do fragments plus ou
moins intacts, et généralement très endommagés, du grand plan incliné
d'autrefois.
Hypothèse des Ou estas.
Cette constatation est très importante pour l'explication du relief de la
Flandre. Kilo permet d'éliminer les vieilles hypothèses qui attribuaient
à des phénomènes éruptifs ou à d'autres causes profondes la formation des
collines1. Le parallélisme des lignes de faîte, la présence uniforme de
pentes douces vers le Nord, rnides vers le Sud, et surtout la comparaison
des superpositions stratigraphiques montrent clairement: d'abord qu'il n'y
a là que des témoins dus a l'érosion ; ensuite que les collines flamandes
sont l'équivalent imparfait des crêtes concentriques du bassin de Paris. Ce
dernier point a été démontré récemment à propos de la rangée des collines
méridionales* ; cette ligne de faite, toute tronçonnée et irrégulière qu'elle
est, paraît bien une de ces cuestas dont la formule a été donnée par
M. Morris Davis. L'origine d'une cuesta est due à la présence, dans une
plaine peu inclinée, d'affleurements successifs de couches cohérentes
plongeant dans la même direction ; la tranche de ces couches mises à nu
par l'érosion forme autant de crêtes, tandis que sur le plat s'établissent
des dépressions qui s'étendent jusqu'au pied de la tranche suivante. Chaque
cuesta doit donc être précédée d'une dépression. Ces caractères, si nets
dans le bassin de Paris, sont réalisés dans chacune des lignes de faîte
flamandes, mais d'une façon très imparfaite à cause du peu de cohérence
des couches et de leur caractère uniforme ; on a vu que les roches les plus
- dures de la Flandre sont des argiles.
La première rangée (collines du Sud), c'est celle de l'argile yprésionne,
suffisamment compacte pour rester en saillie au-dessus de la plaine,
formant un socle puissant élevé jusque vers 101) mètres à l'Ouest et sur
lequel sont restées perchées les formations plus récentes enlevées
ailleurs. Devant ce socle s'étend une série de dépressions: marais de
St-Omer, vallée de Neuffossé, plaine de la Lys, vallées de la Marque et de
' Exposé de eus anciennes théories dans le livre de M. Cornet, Etudes sur révo-
lution des rivières belges, pp. 4fi.'W67.
i Cornet (.1.), Etudes sur l'évolution, et particulièrement les pages 45! à VÎT,
reprises dans un article intitulé: <r Sur la signification morphologique .les collines de
Flandre » (Mull. Soc. belge oéol., XVIII, 1U)4, Mém.. pp. 115-12-ij.
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L'HYPOTHKSK PES CIKSTAS
la Rhosnos, tandis que les petits valions de la Peene, do la Douve, do
l'Espierres, serront do prôs lo piod dos hauteurs. Au Nord des collines,
c'est bien le plat do l'YprésioD qui afflouro jusqu'à la deuxiômo ligne do
coteaux, sauf aux endroits où los témoins panisolions dos hauteurs de
Poperingheet de West-Roosebeke inasquoutde leurs collines sableuses le
sol d'argile.
«PL
Echelle de» lonjrueur» 1 : 80.0O0.
Echelle de» hauteur* 1 : 4 000.
Fui. 1"». — Profil des collines de Kenaix entre Kenaix et Audenarde.
l'ion^enient des couches vers le Nord ; pente douce vers le Nord, raide vers le Sud.
I seconde rangée est surtout panisolionne. A Staden, Hoogledo,
Eoghem, Coolscamp, Thielt, Aorsoole, c'est l'argilito sableuse avec gros
argileux {Pic de la carte géologique belge) qui est restée en saillie au-
dessus de l'Yprésien supérioup, et domine la dépression de la Mandel. Les
mêmes argiles sableuses et gréseuses ont donné le relief de la colline do
Wynendaele, pré-
cédée de la basse
vallée de l'Hand-
zaomo. Au delà, le
Panisolien s'abaisse
lentement jusqu'£
la dépression où
coule le canal do
Bruges à ( iand : dé-
pression d'une alti-
tude si égale (envi-
ron 10 mètres) que la voie d'eau, entre les deux villes, n'a pas une écluse.
Los hauteurs qui suivent sont formées cette lois de sédiments parisiens
(Lutétiens); c'est l'argile d'Assehe, surmontant les sables de Wemmel,
qui est on saillie, recouverte eà et là d'argile tongrionno. Enfin le rebord
du pays de Waes est constitué par la masse de l'argile rupelienne, beau-
coup plus résistante que les sables qu'elle surmonte (sables ru|>elions) ou
qui la recouvrent (boldérions et pliocènos) ; de là la falaise quelle cons-
titue, avec la vallée de l'Escaut eu bas.
Fie 1»). — Allure théorique des collines de Flandre.
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70
RELIEF. - FORMES DU TERRAIN
Quant aux agents d'érosion qui ont débarrassé le pays de son manteau
pliocène, mis à nu les tranches dos couches cohérentes qui devaient
former les crêtes, et permis ainsi aux cuestas de s'élever modestement au-
dessus de la plaine flamande, on les retrouve dans les dépressions au pied
des collines. (> sont les cours d'eau subséquents, affluents des grands troncs
conséquents qui coulent dans le sens général de l'inclinaison des couches,
c'est-à-dire perpendiculairement aux zones d'affleurement. Ce sont, pour
la première ligne des collines, les ruisseaux qui coulent a leur pied, Peene,
Douve, Espierres, Rhosnes, affluents subséquents des fleuves conséquents,
Yser, Lys, Escaut * ; la Mandel et l'Handzaeme, affluents subséquents de
l'Yser et delà Lys, ont eu le même rôle dans la formation des hauteurs de
seconde et troisième ligne; les ruisseaux que remplace le canal de Bruges
à (îand, pour la quatrième; la Durme-Escaut, pour la dernière. Quant
aux troncs conséquents, au lieu de traverser les crêtes par un défilé comme
le font les rivières du bassin de Paris, ils ont si largement entaillé la faible
ligne des collines, qu'ils en ont fait disparaître une bonne partie: il y a
loin de la vallée de la Lys vers Comines au défilé de la Marne à Epernay :
pourtant le phénomène est bien le même.
Ainsi s'expliquent la formation des collines, et leur alignement, leur
parallélisme. 11 peut sembler étrange cependant que certaines de ces
hauteurs, ces cuestas des restes du plateau flamand, ne soient pas orientées
perpendiculairement aux cours d'eau conséquents, c'est-à-dire N.W. — S.E. ,
mais obliquement, E.-W. L'observation est vraie surtout pour les deux
premières lignes. C'est que les hauteurs qui les composent, formées de
sédiments éocènes, représentent la tranche des couches éocènes, tranche
de l'Yprésien, tranche du Paniselien ; ces assises plongeant vers le N., et
non vers le N.-E., leur tranche ne peut être orientée que W.-E. ; et c'est
ce qui fait dire à l'auteur de la théorie sur la signification morphologique
des collines que l'orientation de la cuesta du Sud, régie par le sens de
l'inclinaison de l'Eocène, doit être Est-Ouest *.
Le relief confus et médiocre de la Flandre s'explique ainsi. Les assises
du plateau pliocène ont opposé une résistance inégale à l'érosion ; les
tranches des couches argileuses se sont mieux tenues, et sont restées en
saillie; il en est résulté une série décrètes concentriques: faibles murailles
d'ailleurs, éventrées, arasées, tronçonnées, reconnaissables pourtant;
derrière elles, des débris de plateau ont conservé leur allure primitive,
» Cornet, Etudes Evolution, pp. 4fi(M61.
* Ibid., p. 463.
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LE ROLE DES COLLINES
71
tandis que l'érosion a largement déblaye devant elles. On a vu que plus
on avance vers l'Ouest, moins le relief a résisté ; le plateau est encore
reconnaissable à droite de l'Escaut; il est à l'état de collines a gauche du
fleuve; il se réduit au delà de la Lys à quelques lignes de hauteurs, et à
des ondulations après l'Yser. L'érosion a donc été plus active à l'Ouest,
malgré le peu d'importance des cours d'eau qui y coulent aujourd'hui,
Yser, Waerdamme ; on en a conclu qu'il aurait existé de ce côté à la fin
du pliocène un grand cours d'eau sur l'emplacement actuel de la côte,
dont le rôle dans la dénudation du pays aurait été plus important encore
que celui de l'Escaut et de la Lys *.
»
Rôle des Collines
ta ressemblance théorique constatée entre les hauteurs flamandes et les
crêtes du bassin de Paris ne doit pas abuser. Quelle qu'ait été l'origine du
relief de la Flandre, il reste très médiocre, et à peu près sans influence sur
les phénomènes géographiques. Quelques centimètres de pluie et quelques
orages de plus sur les collines, c'est là toute la perturbation qu'il produit
dans le climat. tas fleuves étendent leur vallée au travers des chaînes sans
daigner la rétrécir. Les routes ne se détournent pas à l'approche des monts
et n'essaient pas de les éviter : voies romaines, routes des intendants, et
chemins du XIXe siècle montent de tous côtés à Cassel ; on y a fait passer
la grande chaussée de Dunkerque à Lille. Les chemins de fer les traversent
comme sans y prendre garde; quelques tranchées suffisent, et les seuls
monts de Renaix ont eu les honneurs d'un tunnel. tas canaux eux-mêmes
enjambent les chaînes: celui de Bossuyt à (lourtrai traverse les collines
du Sud à Sweveghem ; celui d'Ypros à la Lys est en construction à travers
les hauteurs d'IIollebeke ; on projette depuis longtemps d'en faire passer
un à travers les coteaux de Staden, de la Mandel à l'Handzaeme. Jamais
les hauteurs n'ont rien séparé en Flandre: sol, productions, langue,
mœurs, sont identiques de chaque côté de Cassel ou de Kemmel, et si le
flamand s'arrête aux collines de Renaix, c'est que la Forêt Charbonnière
lui fixa jadis cette limite.
Seul le petit massif de Railleul, de Kemmel au Mont des Cats, était assez
large et continu pour former une petite région à part : les habitants disent
1 Cette hypothèse de M. Cornet (Etudes Evolution, pp. 429-43t ) est corroborée par
une hypothèse semblable à laquelle M. Kutot esl arrivé par d'autres moyens (Origines
du Quaternaire, pp. 54-56).
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72 REUEF. - FORMES DU TKRRA1N
« de llorgkant ». La raideur de> flancs sableux, la présence de bois épais,
disparus on grande partie dopais une soixantaine d'années, en faisaient un
coin d'ae< ès [dus difficile, où se réfugiaient les mécontents e! les vaincus,
(le sont peut-être là les « forêts épaisses des hauteurs » où les Mena pions,
d'après Dion C.assius, avaient caché loui's biens les plus précieux 1 ;
ce fut on tous cas au pied dos monts que se produisirent les premières
manifestations protestantes, et le premier prêche se fit le 12 juin 1562 dans
le cimetière de Roeschèpo ; c'est sur le mont Kemmel que se réunissent le
1er août 1500 les « gueux des bois » avant de marcher sur Nieuport *. De
nos jours, et» sont les indigents des communes voisines qui sont fixés sur
les monts, où le sol est pauvre et se loue bon marché ; et ces habitants «les
hauteurs ont chez ceux de la plaine la réputation d'individus douteux,
pillards, venant voler la nuit dans les fermes d'en bas.
Malgré leur médiocrité, ces minuscules montagnes sont populaires eu
Flandre. Des auteurs graves les comparent sans sourire aux Alpes. \a>
pittoresque de leurs poules boisées, d'où coulent des ruisseaux, l'étendue
du panorama visible du sommet, attirent les foules. L'homme s'y est fixé
de tout temps, lorsqu'il y -trouvait, à peu de profondeur, une nappe aquifère
retenue par une couche d'argile : commode refuge pour le préhistorique,
oppidum naturel pour le Belge et le Romain, bourgade commerçante et
marché agricole d'aujourd'hui, c'est le cas de Cassel, d'Hooglodo, de
Thielt et de bien d'autres. Le grand fabricant d'Armentièros, do Roubaix
ou do Lille est aussi fier de sa villa de l'Enelus ou de Kemmel que le
Genevois de sa maison du Salève. L'habilant dos plaines basses de Rerguos
et de IJourbimrg regarde avec intérêt le profil grêle de la montagne, et
écoute volontiers les légendes qui courent sur son origine. Dans cette terre
prosaïque, la colline représente modestement l'élément pittoresque,
romantique.
II.
LKS FORMES DU TERRAIN.
L'étude détaillée dos formes du terrain ne présente guère, de son côté,
qu'un intérêt théorique. Il y a on Flandre trop peu do variétés de roches,
et ces roches elles-mêmes ne sont pas assez cohérentes, pour pouvoir
« Dion Cassius, I, 44.
* Wynekius, Oueu.siani.smus Flandriae Occidentalis, édition Van de Putte (Drupes,
Soc. d'Em., 1841, in-4", 107 p.), pp. 2-20.
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LES SABLES TA
donner autre chose que des formes assez simples. Il est bien rare que res
formes aient quelque importance pour l'agriculture : tout au plus peut-on
remarquer que sur les flancs raides les pâtures dominent. Mais la culture
s'y établit aussi en s'aidant de rideaux comme en Picardie, si bien qu'elle
ne connaît guère de régions qui lui soient interdites. D'ailleurs les fortes
pentes sont rares. Le versant Sud du mont Noir atteint par endroits une
déclivité de 45 degrés ; certaines pentes du flanc Nord de Cassel, à peu près
autant ; ce sont lâ des cas exceptionnels, même dans las monts. Sur le
versant Sud do Cassel, les plus grandes pentes ne dépassent pas 15 degrés*.
Hors des monts, les pentes sont bien plus insignifiantes encore, et l'on peut
dire sans exagération que les déclivités les plus fortes en Flandre sont
celles des digues qui défendent le pays contre la mer.
Cette rareté des pentes raides s'explique par la nature des sédiments
flamands. Ix»s sables et argiles, qui constituent le sol du pays tout entier,
sont généralement peu susceptibles de donner des reliefs aux pentes raides.
Il y a cependant d'intéressantes différences à noter entre les formes des
sables et les formes des argiles ; mais il faut toujours se garder de donner
aux termes un sens absolu; les pentes des argiles, en Flandre, ne sont
l'aides que par rapport à colles des sables.
•
Le 8 Sables.
I,es sables présentent les formes les plus plates, les contours les plus
effacés. Ce sont eux qui donnent aux sommets des collines d'altitude
moyenne, situées au centre de la Flandre, cet aspect caractéristique de
plateaux à peine ondulés qu'on retrouve partout. Les flancs argileux des
collines peuvent être plus ou moins escarpés : si la partie supérieure est
sableuse, le sommet est plat. C'est le cas des hauteurs qui s'étendent de
Ciheluvelt à Staden, où les sables paniseliens (Pfd. de la carte belge)
forment le sommet ; de la colline de Wynendaele, vrai plateau de sable
avec un rebord argileux ; des hauteurs d'Anseghem, où la pente diminue
notablement dans les sables glauconifères du sommet, dès qu'on s'est élevé
au-dessus de l'argilite paniselienne. De même pour la colline d'Edelaere,
et pour beaucoup de hauteurs du pays d'AIost. Il n'y a guère d'exception
1 I>c pays d'AIost. partie la plus accidentée de la Flandre, en offre d'assez nombreux
exemples. Voir on particulier le Sud de la feuille Sottogem à 1 : 20.000 ; la région des
hauteurs dans la feuille Renaix à I : 20.000.
1 Chiffres pris dans Meugy, Essai de géologie pratique do la Flandre française
(Mém. Soc. Se. Lille, 1862, pp. 43 ot 50).
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74
RELIEF. - FORMES DT TERRAIN
que lorsque le sable est aggloméré en couches de grès assez puissantes:
c'est le cas du I)iestien des lui u tes collines, dont les formes restent rai des
jusqu'au plateau qui les surmonte. Enfin le sable meuble peut former des
Échelle de» longueur* 1 : 40.000 Échelle des baolears 1 : 1.000.
Fig. 17. — Profil et coupe dee hauteurs d'Ansoghem.
Différence* de pente dans les sables et les argiles.
emmenées à flancs raidis lorsque le veut l'accumule en petites dunes;
c'est de dunes intérieures qu'il s'agit ici, et non pas de celles qui bordent
une partie de la côte ; on en trouve d'intéressants exemples soit au Sud-
Ouest de Maldogem, soit entre I .okeren et Waesmunster, soit à Dem ie, sur
les bords de la Lys, où ces monticules forment comme de grosses fourmi-
lières, hautes d'environ 10 mètres, toutes plantées de sapins.
Le cas est déjà différent lorsque les sables sont surmontés d'une couche
d'argile. Sans doute, si les couches sableuses sont peu épaisses et si une
autre couche argileuse leur sert de support, il peut leur arriver ce qui s'est
produit dans les collines d'Ursel : là le sable base du Tongrien et le sable
d'ëmersion asschien, faibles lits enserrés entre l'argile d'Assche et l'argile
tongrictine, se sont écoulés latéralement, entraînés par l'eau de la nappe
aquifére retenue entre les deux couches imperméables; ce foirement du
sable intermédiaire a fait glisser l'argile tongrienne jusque sur l'argile
asschien n»' supprimant complètement tout relief qui serait dû au sable.
Au contraire, quand les couches sableuses sont épaisses, l'argile qui les
recouvre joue le rôle de manteau protecteur, de parapluie s, A l'abri duquel
les sables peuvent conserver des pentes raides, prolongement des pentes
argileuses qui les surmontent. C'est ce qui se produit généralement dans les
collines du Sud, où d'assez fortes épaisseurs de sables parisiens sont com-
prises entre l'argile d'Assche au-dessus et largilite paniselienne au-dessous;
où I'yprésien sableux est protégé par les argiles du Paniselien! I n « mont
> Cf. Rutot, Noir sur quelques points nouveaux île la géologie dos Flandres.
- Ciosselet, rù'-og. physique, p. 'i2.
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LES ARGILES
de Flandre » comprend d'abord un vaste socle d'argile plastique, d'une
faible inclinaison générale, mais entaillé de petits ravins assez profonds.
Au-dessus s'étendent, en pentes douces, les sables fins du sommet de
Nord
Sud
Y/irÀsicn argilcuœ.
30
I : M.0M.
! : UN,
Via. 18. — Profil Nord-Sud et eoupe «lu mont de THotond. DiftV renées de pente
dans les sables et les argiles. Pente gt'm r.de plus douce au Nord, plus raide au Sud.
l'Yprésien, dont l'allure devient plus raide à la partie supérieure, que
protège l'argile paniselieuue. Au-dessus de la pente prononcée due à cette
dernière couche, le profil s'adoucit de nouveau légèrement dans les sables
parisiens, pour redevenir raide avec l'argile asschienne et le l)iestien.
I^e flanc Nord du mont de l'Holond offre un bon exemple de celle super-
position de pentes ; on en retrouve d'autres au mont Vidaigne, au monl
Rouge, au mont Aigu. Cette succession de pentes tour à tour plus raides
et plus douces contribue à rendre facile la montée ; elle a aidé l'établisse-
ment de l'homme sur les collines.
Les Argiles.
En résumé, les couches sableuses ne donnent un profil accentué que par
la présence d'un revêtement d'argile, qui les empêche de se fondre sous
l'effort de l'érosion. Les argiles sont les seules roches flamandes capables
de donner par elles-mêmes des formes de reliof appréciables. Grâce» leur
imperméabilité et à leur ténacité, elles résistent bien à l'érosion et sont
capables de former parfois de petite abrupts, qui contrastent avec les
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7)'.
RELIEF. - FORMES PU TERRAIN
ondulations molles dos sables, (le phénomène s'observe fréquemment dans
1rs collines panisolionnes. Au-dessus du socle en poule doue»' des hauteurs
d'Anseghem, formé des subies yprésiens argileux, on voit s'élever la pente
plus raide de l'argilito glaueouifère paniselienne, qui s'adoucit on arrivant
aux sablosdo la partie supérieure (fig. 17). Mémo phénomène à Hooglode,
où le relief est aussi donné par l'argilite paniselienne s 'élevant au-dessus du
sable yprésien ; au Poelberg, où l'argilite se dresse en un petit massif raide
au-dessus dos sables glaueonifères. Dans le pays d'Alost, les argiles
asschionno et tongrienne |)euvent former, au-dessus dos sables lediens,
laekoniens et paniseliens, de petits massifs dont les flancs sont assez raides
pour que la ponte soit sensible même du côté du Nord, contrairement à ce
qui se passe dans cotte région, où tous les abrupts font face au Sud ou à
l'Ouest. Fn autre exemple est fourni par la falaise do l'argile rupelienne,
s'élovant au-dessusdes sables rupeliens,
et dont les flancs sont avivés encore par
les carrières que les briqueteries y ont
pratiquées Bien entendu, tous ces
abrupts, falaises, pentes raides, paraî-
traient presque horizontaux à côté d'un
rebord do massif calcaire ; mais en
Flandre, ce sont de vrais reliefs,
des reliefs sérieux, qui s'imposent à
l'attention.
lies versants argileux présentent
encore quelques autres phénomènes
intéressants. Sous l'influence de la
dessiccation, dos fentes, des crevasses
profondes se forment dans la masse ; les eaux pluviales s'y introduisent,
délayent l'argile, et (missent par provoquer le glissement de la partie
supérieure, parfois des éboulements considérables de matériaux qui vont
recouvrir au loin les formations sous-jacontes *. De là l'aspect irrégulier
dos versants argileux, semés do protubérances et de creux, indices do
glissement. On en trouve en Flandre d'assez nombreux exemples, qui
contribuent à rendre plus incertain l'aspect du relief. Dans l'Ouest, ils se
trouvent sur les pentes d'argile yprésienne ; brusquement on voit une pro-
tubérance s'avancer jusque dans le thalweg, rompant l'alignement des
courbes de niveau ; ailleurs c'est une apophyse qui descend juste au milieu
Echelle de 1 : 40.000.
Fip. I'.'. — tilissement d'argile pani-
selienm», au Sud <le Wcst-Rooseboko
(feuille Roulcrs à 1 : iO.000).
i Voir fip. 1.1, p. m.
î Cf. La Not- oi Margeriu, Lct> Formas. lu u-rraui. p. >1.
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LKS ARfJILKS
77
d'une vallée, a l'endroit où la profondeur devrait être la plus considérable.
On a vu que l'argile tongrienne des collines d'Ursel peut glisser sur l'argile
asschienne, et descendre ainsi de quelques mètres. Mais c'est encore
l'argile paniselienne qui se déplace le plus facilement, à cause de sa
situation sur les collines, où les pentes sont plus fortes. L'argilite sableuse
glauconifère est, de toutes les roches flamandes, celle qui s'éboule le plus
Fi<i. 20. — (Jlissement de février lt«M au Waienberg, d'après M. F. Halet.
C G Partie éboul.-e.
Ci C Nouvel emplacement île 1» partie éboulée.
souvent : les collines de Re-
naix en présentent de nom-
breux exemples. En 18 il*,
après un hiver très pluvieux,
une maison sur le versant
Ouest du mont de l'Enelus
serait descendue avec son jar-
din et ses arbres en fleure;
elle aurait ainsi parcouru G00
mètres, eu traçant un profond Erhel,c ,ie ' : 10 000
sillon dans l'argilite ». Les faits Fl(i- a)- ~ Emplacement du plissement,
ont peut-être été grossis; mais M. Delvaux déclare nvoir v u le versant
Nord de lu colline de Wayenberghe, à l'Est de Renaix, descendre avec
tous ses arbres, ensevelissant les champs et le bois qui se trouvaient
en contre-bas, et retardant de 0 mois l'inauguration de la voie ferrée
de Renaix à Ellezelles *. La colline d'Edelaere, qui domine Audenarde,
JC
1 IMvaux, Texte explicatif «le la planchette d'Avclghem.
* Delvaux, Notiee explicative de la feuille de Floheeq < Hull. Soc. Anthr. Unix., VU,
188»-»», p. il, note).
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78 RELIEF. - FORMES DU TERRAIN
est constamment menacée de plissements qui vont couper la route de
(irammont et descendent jusqu'à l'Escaut: en bas, ce sont de vastes
coulées d'argile yprésienne ; au-dessus, des paquets d'argilite paniselienne;
aussi cette montagne a-t-clle une réputation historique de mobilité. Très
récemment, à la lin de février 1904, une prairie est descendue sur le flanc
Nord de la colline de Waienberg, près deSulsique ; cette fois c'est le sable
argileux paniselien qui a glissé sur l'argile plastique base du système, et
est allé recouvrir, plus bas, le sable yprésien *. Aussi se met-on à planter
d'essences à racines pivotantes les pentes raides susceptibles de glisser en
contre-bas. I)ans toute cette région des collines de Renaix, les glissements
ont été si fréquents qu'il n'est pas rare de voir des sables wemmeliens et
diestiens reposer directement sur l'Yprésien s.
L'argile produit encore une autre forme curieuse; c'est la tète de vallon
a flancs raides, ou plutôt le petit cirque par
lequel se termine une vallée. Os cirques ne se
trouvent guère que dans les régions a la fois
assez élevées et assez proches de dépressions,
pour que les ruisseaux soient obligés d'approfondir
considérablement leur lit, étant donné la proxi-
mité d'un niveau de base d'une très faible altitude.
Or, lorsqu'après avoir entaillé la couche argileuse,
l'érosion atteint un sol plus meuble; lorsque par
exemple, sous l'argilile paniselienne elle arrive
au sable yprésien, le creusement devient beaucoup
plus facile ; le vallon s'élargit par la base, dans
la couche tendre, faisant ébouler et reculer les
flancs plus raides de l'argile. On obtient ainsi une
tète île vallon au fond large et plat, aux pentes raides. (l'est ainsi que se
sont formés un certain nombre de petits cirques dans les hauteurs d'Ypres,
à proximité des vallées de la Lys et de l'Y|>erléc (11 mètres d'altitude à
Menin, 18 mètres à Ypres) ; d'autres sur les flancs des collines de Renaix,
au bas desquelles la vallée de l'Escaut descend a 11 mètres, et dans l'Ouest
du pays d'Alost, à la faveur du niveau de base de la vallée de la Dendre
(1 i mètres à Ninove).
Ailleurs, le contraire se produit, lorsque la couche tendre est superposée
« Cf. Halet (F.), Vu glissement de terrain aux environs .le Renaix (Huit. Soc. belge
liéol., XVIII, 1SKI4, Pr.-W, pp. im-ifi3).
* Delvaux, Planchette d'Avelghen).
Êebelle de 1 : 40.000.
Fus. 21. — Tête de vallon
à flancs raides et fond
plat (Source du Krom-
mebeek, fouille Ypres à
1 : VI.UIO).
Limite de l'Ypn'^ien sa-
bleux et Ju Piinixelien urgiletix.
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... /.|. di ><|js>i>*> i t«ts <j>:i \ « »nt i'i iiitu'i* l;i r*i#u'»*
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•• . »• . ►••» ,lll'i«-lls4* î l'Vsl |;t ,1»* V: :•"!•
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\ .'• »s«n I- tscil'utii» tpiV faillir .
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7- —
Rebord Eu de la Vallée du Molcnbcck, a Moomcclc.
8. —
Tète de ravin en entonnoir, boité | Collines de Rcnaix).
LES ARGILES
79
Échelle dr 1 : 40.000.
Km. 22. — Tète de vallon à flanc»
raides et fond plat, dans l'ar-
gilite pnniselicnne (St-Ante-
Hnkx , feuille Graimnont :'i
1 : 'iO.(M)O).
A la couche dure. I>es eaux, creusant leur lit dans la partie meuble, la
ravinent largement et établissent un profil de
pentes adoucies et régulières. Mais lorsque
vers l'aval le ruisseau, s'enfoneant à l'ap-
proche du niveau de base pour atteindre son
prutil d'équilibre, pénètre dans la couche
dur»', le ravin se rétrécit, s'approfondit, et
l'ensemble prend la forme d'un entonnoir
dont la pente deviendrait plus raide vers le
fond. Les exemples en sont nombreux sur
le flanc Nord des collines de Renaix, où
l'argile base et l'argilite glauconifère du
Paniselien peuvent atteindre une épaisseur
de ."$0-40 mètres, surmontée de 10 à lô mètres de sables gluucoui fores.
Les entonnoirs ouverts dans les sables se rétrécissent rapidement à l'entrée
dans l'argilite, et deviennent un ravin
étroit et profond qui ne s'élargit qu'au
contact des sables yprésiens. Presque
tous les vallons de ce flanc Nord pré-
sentent cette forme, typique dans la
vallée de l'Ingelbeek.
Mais si l'on quitte la région des
collines, la Flandre du Sud-Ouest, où
les brusques changements d'altitude et
les différences de roches produisent ces
formes pittoresques, les sols argileux
ne sont guère plus accidentés que ceux
des cantons sablonneux. C'est une
suite d'ondulations douces, un paysage
calme, aux contours lente et arrondis ;
une plaine qui est loin d'être parfaite-
ment horizontale, mais où les décli-
vités sont rarement brusques. D'ailleurs
à l'Fst d'Ypres, le limon sableux et le
sable occupent presque toute la surface,
remplissent tous les creux, noient
truites les éminences. De là jusqu'à Anvers, c'est la Flandre plate, avec
ses horizons qui seraient immenses, si les rangées d'arbres ne masquaient
de leurs* lignes monotones la monotonie plus grande encore de la vaste
plaine.
Krhelle de I : 20.000.
Km. 23. — Tète de Viillon en ontonnoir
dans les sables glaucouifères et
l'argilite paniselions ( Source de
1 Ingelbeek, fouille Renaix de la carte
topographique belge à l : 20.000).
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sn
RELIEF. - FOR MHS DV TERRAIN
Tel est ce relief flamand, très modeste assurément, et qui ne mérite ni
l'enthousiasme de quelques patriotes locaux, ni les railleries de ceux qui
n'ont pas vu les pentes boisées du mont Noir ou les ravins verdoyants du
paysd'Alost. Modeste, il devait l'être, dans un pays naturellement bas,
a (laissé, longtemps disputé entre la terre et la mer; où le sol n'est composé
que de matériaux grossiers ou pou cohérents; où les influences tectoniques
n'ont produit ni rajeuni les formes, si bien que toutes les protubérances ne
sont que les débris éehap|>és à l'érosion.
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81
CHAPITRE V
LES COURS D'EAU 1
I. Hydrograjthir. Hypothèses sur l'origine des cours d'eau. Cours d'eau conséquents
et subséquents. Les rivières au Nord de Gand. — II. llt/tirolot/ir. Eléments du
régime. Crues régulières et inondations. Travaux de régularisation. Rivières à
marée.
I.
HYDROGRAPHIE.
Les agonis de ce vaste travail d'érosion, capable do fairo disparaître
dans l'Ouest de la Flandre une épaisseur de presque métros d'assises
tertiaires *, sont les modestes murs d'eau qui parcourent lentement la
plaine flamande. La plupart arrivent en Flandre tout formés. L'Aa et la
Lys débouchent à Arques et Aire de pittoresques vallées parallèles,
enfoncées dans l'Artois. L'Escaut, descendu sans halo dos croupes
» Consulter: Van Overloop (E.), Les origines du bassin supérieur do l'Escaut
(Bruxelles, Hayez, 1881), in-8°, 48 p.. 1 pl., 2 cartes); — Les origines du bassin de
l'Escaut (Annexe du Bull. Soc. belge Géol., III, 188!», 02 p., 1 pl., 2 cartes) ; — Lorié(J.),
Contributions à la Géologie des Pays Bas, fasc. VII : Les métamorphoses de l'Escaut et
de la Meuse (Bull. Soc. belge Géol., IX, 1803. pp. 50-77, 2 cartes) ; — Gosselet (.1.),
Géographie physique du Nord de la France et de la Belgique : Bradant et Pays de
Waes (pp. 103-108) ; — Hutot (A.), Le régime fluvial de la Belgique aux temps
quaternaires (Mouvement géographique, 18!f7, rr 4) ; — Le cours de l'Escaut à travers
les âges géologiques (lbid., n"' 15, 17, 18) ; — Les origines du Quaternaire de la
Belgique (Bull. Soc. belge Géol., XI, 1807, Mém., pp. 1-140, carte à l : 400.000) ; —
Cornet (J.), Etudes sur l'évolution des Rivières belges ( Aun. Soc. géol. Belg., XXXI,
1004, Mém., pp. 261 -500 >; — Berlin, Navigation intérieure d<> la France, Notice sur
les voies navigables du Nord et du Pas-de-Calais (Lille. Danel, 1870; in-4", 132 p.,
1 carte); — La Rivière, Navigation intérieure de la France, Notice sur les voies navi-
gables du Nord et du Pas-de-Calais (Arras, Repessé-Crespel, 1000; in-4\ XVI -f-
100 p., 2 cartes, 5 graphiques) ; — Ministère des Travaux publics. Direction des
travaux hydrauliques. Voies navigables de la Belgique. Recueil de renseignements
(Bruxelles, Weissenbrueh. 1880, in-8% 2 vol., .Vi8 et 302 p.).
- Altitude de l'Yprésien sous Dunkerque : — 21» mètres; sommet du Uiestien à
Cassel, au moins 170 mètres.
u
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8-J
LES COrHS D'EAU
crayeuses du Cambrésis, s'attarde pu détours; dirigé vers le N.-E. jusqu'à
Coudé, il rebrousse au N.-W., vers la Flandre, qu'il atteint après
Tournai. Mais aussitôt arrivé dans ce pays le fleuve repivnd vers le N.-E.
un cours parallèle à c elui de la Lys : et les deux rivières se rapprochent
insensiblement jusqu'à se confondre à Cand. Là, nouveau changement; la
direction générale, en dépit d'immenses méandres, reste W.-E. jusqu'à
Termonde. (l'est le confluent de la Dendre, et le fleuve y adopte encore
une fois la direction N.-E., que cet affluent a fidèlement suivie depuis son
origine. Aussi l'Escaut, de Termonde à Anvers, semble-t-il la continua-
tion de la Demi re. Dernier épisode: le coude de Coudé se reproduit à
Anvers, et le fleuve gagne la mer vej-s le N.-W.
De son côté l'Aa adopte, après Arques, la même direc tion N. \V. ; le
petit fleuve de l'Vser quille à Dixmude une direction N.-E. pour tourner
du même côté. Même observation pour la Dcûle à Lille. Le phénomène
est donc, général. Les principales rivières flamandes oui nu cours paral-
lèle, dirigé soit vers le N.-E., soit vers le N.-W. ; et cette dernière direction
s'impose principalement dans la partie basse de leur cours. Ainsi, au lieu
de descendre directement vers la mer flamande, tous ces cours d'eau
commencent par s'en écarter; par endroits, ils lui tournent le dos.
C'est vers le N.-E., c'est presque vers le continent, que leurs eaux sem-
blent sollicitées de descendre. Singulière anomalie pour un pays où le
sol présente si peu d'obstacles.
Quant aux affluents de < es rivières, ils sont, soit perpendiculaires, soit
légèrement obliques aux tronc-s principaux. C'est le cas de la becque de
Sleenwerck, de la Douve, de la Mandel, du Doucquesbeek pour lu Lys; de
l'Espierres, de la Hhosnes, du Marckebeek, de la Zsvnlm pour l'Escaut;
de la Dcndre de Leuze, de la Marcq, de la Sille, pour la Dendre. Donc
nouveau parallélisme, aussi constant que celui des troncs principaux. Ce»
sont là des faits d'autant plus remarquables qu'ils se reproduisent à propos
de toutes les rivières belges au Nord de la Sambre-Meuse. La Senne, la
Dvle, la Cette se dirigent également vers le N.-E., jusqu'au point où elles
se détournent vers le N.-W. pour former le Hupel qui vient rejoindre
l'Escaut entre Termonde et Anvers.
L'origine de ces directions des rivières flamandes est une question
délicate. Si « les considérations morphologiques, dans les problèmes
d'histoire des vallées, ne peuvent rien prouver» même dans les pays
de montagnes, que sera-ce pour la Flandre, avec son misérable relief? Il
1 De Martonne (E.), Problèmes de l'histoire des vallées (Ann. Géog., VII, 181*8,
p. 381»).
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LES HYPOTHÈSES SUR L'ORIGINE DES COURS D'EAU
ne faudra demander à la morphologie que des indications générales. Même
l'étude géologique des dépôts fluvialiles est singulièrement difficile. Les
vallées sont si larges et leurs flancs si aplatis que les ternisses se distin-
guent malaisément ; les matériaux se ressemblent tant qu'on peut bien
prendre des alluvions de fleuves pour des roches en place. Aussi la question
est-elle encore à l'étude ; et bien qu'un grand pas ait été fait récemment,
la plupart des détails restent obscure.
Hypothèses sur l'origine des Cours d'eau.
La première hypothèse qui venait à l'esprit était celle d'une origine
tectonique. Elle pouvait être permise tant qu'on n'avait sur le sous-sol que
des données incomplètes. Le parallélisme remarquable de toutes les
rivières du bassin de l'Escaut était dû à une série de failles, alignées
S.-W. N.-E., et parallèles elles-mêmes à la direction delà côte. Guidés par
ces dénivellations, les cours d'eau, évitant la côte, descendaient forcément
vers Anvers. Formulée par Dumont à propos des vallées de la Hesbaye,
qui laissent affleurer sur leur bord occidental le limon disparu de leur
flanc oriental la théorie fut nettement énoncée par d'Omalius d'Halloy
et Houzeau s. Restait à démontrer l'existence des failles autrement que
par le parallélisme des rivières. Pour cela, des constatations géologiques
nombreuses étaient nécessaires. Commencées depuis 1870, elles semblèrent
d'abord prouver la réalité du phénomène. L'absence des sédiments pani-
seliens à l'Est de la vallée de la Senne, des sédiments bruxelliens à l'Ouest,
paraissait de nature a faire admettre la présence d'une faille qui suivait
cette vallée de la Senne, et se serait produite à la fin de l'époque panise-
lienne. Les résultats des forages de Garni et de Mariakerke-les-Gand firent
conclure de même en 1887 à l'existence d'une faille au droit du cours de
l'Escaut, faille qui aurait probablement suivi la direction générale de la
vallée de l'Escaut au Sud de Garni3. Mais l'hypothèse de la faille de la
Senne est combattue par ceux-là même qui l'avaient formulée avant
1880, car il a été reconnu que le Bruxellien n'est pas complètement absent
* Le limon a été entraîné, sur le bord oriental des vallées, par les pluies dues aux
venus d*Ouest.
* D'Omalius d'Halloy, Coup d'œil sur la géologie de la Belgique (1842), pp. 114-115.
Houzeau (J.-C), Essai d'une géographie physique de la Belgique (1854), pp. 127-1^8.
3 Cf. Rutot (A.), Détermination de l'allure souterraine des couches formant le sous-
sol des Flandres entre Bruxelles et Ostende (Hull. Soc. belge (Vol., I, 1887, Mcm.,
pp. 3-19).
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84
LES COURS D'EAU
de la rive occidentale de la Senne 1 ; enfin de nouveaux sondages à Gaud
ont montré sans contestation possible qu'il n'existait pas de faille à eet
endroit *. Rien ne permet donc de croire que la direction des rivières de
la Basse-Belgique soit due à des accidents tectoniques.
A cette conception un peu métaphysique de failles dont on ne pouvait
vérifier l'existence succédèrent d'autres tentatives d'explication, appuyées
sur des considérations morphologiques. De l'étude du relief actuel,
M. Van Overloop déduisit les transformations de l'Kscaut. L'allure des
courbes de niveau, suivies sur la carte belge à 1 : '20.000, lui permit
«l'établir la présence d'une série de dépressions par où il supposait que
l'Escaut était successivement passé. Représenté par une énorme nappe
d'eaux sauvages, large de quelques dizaines de kilomètres, le fleuve se
serait dirigé d'abord du Vermaudois vers Namur, en occupant à peu près
le cours actuel de la Sambre :l. Mais un soulèvement du sol intervient au
S.-E., qui affecte l'Ardenne, et refoule l'immense courant vers l'Ouest:
« l'évolution des eaux figure un vérilable mouvement d'éventail, ayant
pour centre fixe le massif d'origine de l'Kscaut » * ; et dans la dépression
que les eaux viennent de quitter s'établit un cours d'eau indépendant, la
Sambre. Cependant le déplacement vers l'Ouest continue, le soulèvement
gagne de ce côté, refoulant les eaux ; de la vaste nappe émergent des
îlots, qui s'élèvent peu à peu au-dessus des flots, s'agrandissent, se
rejoignent, et finissent par constituer une nouvelle rive; c'est alors
qu'apparaît le Mont Panisel, « qui débute à cette époque comme modeste
îlot et dont le plateau supérieur porte la cote 107 comme une date de
naissance » 5. Les eaux se sont concentrées à l'Ouest du nouveau rivage ;
dans la vallée abandonnée coule la Senne; le stade Senne du grand
courant fluvial est terminé. (Test le tour du stade Dendre; le fleuve se
dirige de Quiévrain vers Raudour, puis.de Coudé vers Belœil, le cours
actuel de la Dendre formant l'axe de la vallée. Mais le stade Dendre a le
sort du stade Senne, les passes de Baudour et de Belœil se bouchent, et
1 Cf. Hutot (A.). Sur l'absence de faille dans la vallée de la Senne (Bull. Soc. belge
Géol., XVIII, 190'., Ur. V.,pp. 178-179).
2 Coime (C). Noie sur le forage d'un puits artésien pour la distribution d'eau de
Gand (Ann. Assoe. Ittgén. Garni, XX, 189d-97, p. 70): — Vanhove CD.), Note sur le
nouveau puits artésien de l'usine l.oushergs, à Gand (Bull. Soe. belge Géol., XV, 1901,
Pr.-V., p. («).
3 Van Overloop, Origines du bassin de l'Escaut, p. 30.
* IbiiL, p. 30.
s Ibid., p. 24.
LES HYPOTHÈSES SUR L'ORIGINE DES COURS D'EAU 85
l'Escaut, qui s'est rejeté d'abord sur la vallée de la Rhosnes, finit par se
cantonner dans sa vallée actuelle, et n'en bouge plus. I,a rive gauche peut
naître. Jusque là, on n'avait suivi les déplacements du fleuve qu'à la
marche ininterrompue de sa rive droite vers l'Ouest ; de la rive gauche il
n'étnit pas question, arasée qu'elle était par les eaux dans leur mouvement
latéral. Désormais, le fleuve étant fixé, la rive gauche s'établit définiti-
vement, s'allonge d'ilots,se rapproche de la rive droite, et l'Escaut prend
peu à peu son aspect actuel.
Il y aurait bien des chicanes de détail à faire à la théorie de M. Van
Overloop. Pourquoi la Meuse, bien plus puissante que l'Escaut, n'a-t-elle
pas été refoulée comme lui vers l'Ouest, et ne l'a-l-elle pas poursuivi dans
les dépressions de la Sambre, de la Senne et de la Dendre ? Pourquoi la
Lys n'a-t-elle pas eu une histoire analogue à celle du fleuve ? Au lieu de se
déplacer vers l'Ouest, elle a ramené vers l'Est ses eaux qui d'abord
gagnaient la mer du Nord par les passes de Staden, puis de Wynghene
Comment expliquer l'inopportune présence des collines de Renaix, qui
ont si victorieusement résisté à l'arasement des rives gauches ? Mais les
objections d'ensemble suffisent. Jamais l'Escaut pliocène ou quaternaire
n'a pu avoir la largeur que lui prodiguent les tracés de M. Van Overloop;
où aurait-il pris les quantités d'eau que suppose un lit pareil ? Est-ce sur
ce « massif central » 1 d'où descend le fleuve d'aujourd'hui, avec son
altitude moyenne de 121) mètres ? Comment croire qu'un fleuve dont le
débit aurait été supérieur à celui des plus puissants cours d'eau du globe 3,
eût pu recevoir tant d'eau d'une région aussi restreinte que le bassin
supérieur de l'Escaut ? Mais surtout ce déplacement latéral d'un fleuve à
travers tout le territoire belge est singulier. Sans parler de ces soulève-
ments de toute une région qui ne sont démontrés que parce qu'on a besoin
d'eux, le mouvement de ce fleuve, roulant ses eaux vers le Nord et poussé
en môme temps vers l'Ouest, paraît un phénomène invraisemblable. Nul
autre exemple dans le monde. Le Hoang-Ho déplaçant son cours inférieur
est un cas bien différent, celui d'un fleuve en crue qui reprend, dans une
plaine alluviale, un ancien cours abandonné. En France la Garonne,
qu'on dit poussée contre sa rive droite, est loin de la faire disparaître ; au
contraire elle en avive la pente, qui se dresse en escarpements au-dessus
« Origines Escaut, pp. 76-78.
2 Ibid., p. 32.
3 M. Cornet calcule qu'un fleuve semblable aurait eu un débit de 125.000 mètres cubes
par seconde, soit la somme des débits du Congo et du Mississipi (Etudes évolution,
p. 275, note 2).
DiyiUnjiH») Google
LES COURS D'EAU
du fleuve. Rien de commun avec, cotte rive gaucho fantôme do l'Escaut,
qu'on no voit jamais, et qui devait exister pourtant ; que le fleuve dévore
mystérieusement dans sa retraite vers l'Ouest, sans qu'elle puisse l'arrêter.
Ht ce bizarre déplacement, qui n'affecte que l'Escaut, et ne fait émigrerni
la Lys ni la Meuse, se produit toujours vers l'Ouest, quoique la pente des
couches fût dirigée vers le Nord. L'Artois ne se serait donc pas soulevé,
en dépit de la présence des sédiments diestiens à 170 mètres à Cassel ?
Cours d'eau conséquents et subséquents.
C'est en s'inspirant, comme M. Van Overloop, do la morphologie du
territoire flamand, maison complétant cotte étude par des considérations
géologiques, que l'on est arrivé récemment à émettre sur la question une
hvpothèse très plausible M. Cornet rappelle d'abord que c'est du retrait
de la mer diostienno que date la formation du réseau hydrographique
actuel. Or il est difficile de nier que la mer diostienno ne se soit étendue
sur tout le bassin dos rivières flamandes. C'est donc bien sur la surface
toute neuve, peut-un dire, abandonnée par la mer diostienno en retraite,
que s'est installé le drainage de la Flandre.
plaine eôtièro dieslienne ne tarda pas à s'incliner fortement. Un
mouvement de bascule, réel celui-là, et attesté par des données géolo-
giques et paléontologiques incontestables, se produisit autour d'un axe
situé à la hauteur d'Anvers: l'Artois s'éleva, la Hollande s'affaissa. Sur
le plan incliné ainsi formé ruisselèrent les eaux pluviales, coulant de la
partie haute vers la dépression, du S.-W. vers le N.-E. ; c'est le drainage
conséquent qui s'établit. Celte direction, on l'a vu, est encore celle de
nombreuses rivières * ; les cours d'eau orientés ainsi sont donc les artères
conséquentes du réseau.
Cependant les eaux se réunirent pour s'écouler, en quelques branches
maîtresses: Lys, Escaut d'Audenarde, Dendre, Senne, etc.; branches
situées à des dislances à peu près équivalentes. D'où vient cette particu-
larité ? Faut-il croire que les rivières se sont dès l'abord établies dans des
dépressions tertiaires faiblement accusées ! M. Gosselet « admet que c'est
• Cornet (J.), Eludes sur l'Evolution dos Rivières belges. — Une |>artie du travail
a «Hé reproduite à part sous le titre : « L'orientation des vallées dans le bassin rie
l'Escaut ». Bruxelles, Yanderauwera, 190ï, in-8<\ 13 p.
* Cette disposition a été parfaitement indiquée par M. Gosselet (Esquisse, Quater-
naire, p.
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LKS COURS D'EAU CONSÉQUENTS ET SUBSÉQUENTS
87
la courbure des couches tertiaires qui a déterminé l'emplacement des
vallées actuelles de la Searpe et do la Deûlo aux environs de Douai » ; et
d'autre part ces synclinaux tertiaires remplissent un léger vallon do la
surface de la craie1. Peut-être en est-il de même en Flandre; mais ce
détail ne pourra être éclairci que par la construction do coupes géologiques
perpendiculaires aux troncs conséquents *.
Une fois que les cours d'eau conséquents sont formés, des affluents leur
arrivent : ce sont les rivières subséquentes. A pou près perpendiculaires
aux troncs principaux. Le bassin de ces affluents subséquents est asymé-
trique, étendu au Sud, restreint au Nord, ('/est que la partie Sud correspond
à peu près au plat des couches tertiaires, lentement inclinées vers le Nord,
et la partie Nord a la tranche; celle-ci est donc moins larpe et plus
inclinée 3. Parfois des affluents de rivières subséquentes sont en prolon-
pement les uns des autres, et l'on peut alors supposer que ce sont des
restes d'anciens cours d'eau conséquents, capturés par les affluents
subséquents. Tel serait le cas de certains ruisseaux du bassin de la
Dendre ; tel celui du (laverbeek, affluent de droite de la Lys. Knfin l'on
remarque que beaucoup d'affluents subséquents ne sont pas ripoureusomont
perpendiculaires aux rivières conséquentes ; ils forment, à leur rencontre
avec elles, des anples pinson moins aipus. M. Cornet en donne une très
ingénieuse explication. Ces affluents sont nés lorsque le pliocène était
déjà enlevé, et que les couches éocènes avaient été ramenées au jour;
coulant sur l'éocène, ces cours d'eau so sont conformés à la pente «le ses
assises, qui est dirigée vers le Nord, tandis que la ponte du pliocène est il
pou près N.-E. Aussi ces affluents plus récents sont-ils të.-W. ; de là
l'angle aigu qu'ils l'ont avec les rivières conséquentes, qui continuent à
couler suivant l'ancienne pente du pliocène disparu, et sont on quelque
sorte «surimposées» aux couches éocènes, dans lesquelles leur lit est
aujourd'hui frayé 4 . Cependant une réserve s'impose. Ces rivières subsé-
quentes obliques se trouvent être en effet les affluents les plus importants
des troncs conséquents : Douve, Mande] pour la Lys, Rhosnes, Marcke-
beek, Zwalm pour l'Escaut, Ancre, Marcq, Hellobeek pour la Dendre.
Faut-il admettre que les plus importants des cours d'eau subséquents
soient ainsi les plus récents !
1 (îosselet (.].), Coupe du Canal do Dérivation autour do Douai (Ann. Soc. fjéol.
N., XXXII, W04, pp. 88-810.
* Etudes évolution, p. 454.
3 Ibid., p. 457.
* Ibid., pp. 458-450.
Pigitizccrby Google
LES COURS D'EAU
Otlo explication do la direction dos rivières flamandes a le mérite d'être
simple, claire, cl do s'accorder avec oc qu'on suit do la géologie du pays.
M. Rutot, dans son travail sur lo creusement do la vallôo do la Lys,
apporlo uno prouvo nouvollo : la Lys est bien un cours d'eau conséquent,
qui ost descendu sur pince on laissant dos terrasses qui marquent les
étapes du creusement L Kn France, il est facile de trouver d'autres faits
qui viennent appuyer la théorie de M. Cornet: l'ancienne rivière Searpo
d'Arras-Sensée, séparée aujourd'hui on \i tronçons, était un affluent
subséquent oblique do l'Kscaut ; de môme pour la Searpo de Douai-
St-Amand, qui rejoignait jadis le fleuve vers Condé par une dépression
Fi<;. 2î. — Direction «les cours , l'eau flamands.
-— DîrccliDti conséquente.
■ Direction subi-equente.
Anciens cours possibles ou probables.
1 Rutot (A.), Note sur la découvert!' «l'importants gisements de silex taillés dans les
collines de la Flan«lre Occidentale. (Coupe de la vallée de la Lys, page !») ; — lilem.
Creusement de la vallée de la Lys (Huit. Soc. belge OëoL, XIII, 180! i, Ur.-Y.,
pp. lM-101).
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LES COURS D'EAU CONSÉQUENTS ET SUBSÉQUENTS
80
très nettement indiquée encore à travers la foret de Raisinés Nul doute
que d'autres observations ne viennent encore prouver l'exactitude de la
théorie.
Cependant la théorie générale une fois admise il reste bien des détails
à expliquer. Les cours d'eau de la répion côtière, Hem, Aa, Yser, Waer-
damme, ont un cours supérieur conséquent à l'ancien rivage diestien.
Brusquement, arrivés au bord de la plaine maritime, ils tournent au Nord,
même au N.-N.-W., vers la mer. D'où vient ce changement soudain ?
C'est ici le lieu de rappeler qu'un grand cours d'eau a du exister jadis sur
remplacement actuej de la côte. M. Rutot en a le premier soupçonné
l'existence * : découvrant sur la plage, après des tempêtes, des fragments
de grès paniseliens avec fossiles, il en conclut qu'un peu au large île la
côte les sédiments quaternaires (sables flandriens) ne surmontaient plus le
Paniselien. Ainsi les sables flandriens seraient amoncelés dans une
dépression qui comprend la plaine maritime et une petite frange seule-
ment de la mer du Nord ; cette dépression serait «une ancienne vallée
fluviale (conséquente à la mer pliocène), dans laquelle la mer flandrienne
aurait pénétré. M. Cornet voit dans ce fleuve disparu l'agent de l'énorme
flénudation qu'ont subie les couches tertiaires de la Flandre occidentale 3.
L'existence de ce fleuve admise, plusieurs hypothèses s'offrent pour
expliquer la direction actuelle des rivières de la plaine maritime. On peut
se demander si elles n'ont pas été (comme l'Escaut inférieur) capturées
par l'invasion marine du V° siècle ; ou plutôt si leur cours inférieur ne
date pas du recul de la mer quaternaire, abandonnant la plaine maritime
au début de l'époque historique. Une hypothèse plus complète encore se
pi*ésente. Les cours supérieurs de ces rivières seraient des fragments de
cours d'eau conséquents, capturés par des affluents subséquents du grand
fleuve de la côte. D'où la direction Sud-Nord de leur cours inférieur. La
mer flandrienne pénétrant dans la vallée du fleuve, serait remontée dans
celle de ses affluents, et y aurait déposé ses sédiments ; d'où la forme de
golfes que présente aujourd'hui la plaine maritime au débouché de la Hem,
«le l'Aa et de l'Vser : ces golfes étant d'anciennes vallées submergées,
puis à demi comblées de sables flandriens. Après le départ de la mer,
les rivières auraient établi sur la plaine exondée un cours conséquent
' Indication duc à M. Maurice Lorichc.
ï Rutot. Origines, pp. iWrfi.
3 Etudes évolution, pp. 430-431.
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00
LES COURS D'EAU
nu nouveau rivage ; et les mêmes phénomènes se seraient reproduits avec
l'invasion marine du IVe siècle
D'autre pari, des phénomènes de capture sont probablement intervenus
à l'intérieur de la Flandre pour modilier le réseau primitif; les changements
de niveau de base qui se sont produits depuis le'départ delà mer diestienne
ayant donné aux lentes rivières d'aujourd'hui une activité de fleuves
travailleurs. Rien qu'A l'époque moderne on a pu constater des phases
torrentielles dans le régime de rivières qui sont des modèles de calme. Vers
le IIIMY* siècle de notre ère, la Deùle a roulé des galets de craie assez
volumineux, déposés dans un banc de sable verdàtru avec des fragments
de meules et de tuiles romaines; et elle a eu une autre forte crue au
XIIIe siècle !. Ainsi des rivières aussi lentes et faibles que la Deûle ont
pu, à diverses reprises, avoir assez de force pour creuser leur lit, reculer
leur tète et capturer des systèmes hydrographiques voisins. En tenant
compte de la prudence avec laquelle il faut étudier des phénomènes qui
ont laissé si peu do traces, on pourrait peut-être supposer que la Deûle
actuelle, jusqu'à Lille, se continuait jadis vers Espierres, où l'Escaut
d'Audenarde semble être son prolongement. De même il est permis de
voir, dans le tronçon de l'Escaut qui va de Coudé à Espierres, un ancien
affluent subséquent de la rivière d'Audenarde, qui a capturé l'Escaut
supérieur. Jusqu'alors, celui ci s'écoulait probablement droit au Nord,
par la dépression de Hlaton où passe maintenant le canal d'Ath ; et la
Dendre était le prolongement direct du fleuve de Cambrai et de Valen-
ciennes. C'est un peu le « stade Dendre » de M. Van Overloop, mais le
fleuve reconstitué n'a rien de l'immense nappe que l'on présentait naguère,
et ses transformations s'expliquent par des phénomènes vraisemblables;
l'hypothèse est au moins possible.
Les rivières au Nord de Gand.
Où b'S difficultés deviennent particulièrement, nombreuses, c'est lorsqu'il
s'agit d'expliquer le cours de l'Escaut et de ses affluents conséquents au-
delà du parallèle de Cand. A première vue, le phénomène parait assez
« Sur le cas de l'Aa, jadis affluent de la Lys à Aire, et capturé par une rivière
venant de la Plaine maritime, voir Briquet (A.), Quelques phénomènes de capture
dans le bassin de l'Aa (Ami. Soe. p'-ol. N., XXX1Y, 11105, pp. 111-120. pl. Y).
* Cf. Ladrièn- (.1.), Les Ancienne» rivières (Ami. Soc. géol. N., VIII, 1880-81,
pp. 11-17; ; — Gosselct, Esquisse, Quaternaire, pp. 3i?4-3#>.
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LES RIVIÈRES AU NORD DE GAND
Oi
simple. Un cours d'eau contrai, dans l'espèce la Dendre, a capturé par
l'intermédiaire d'affluents subséquents, les trônes conséquents voisins:
l'Escaut de Wetteren lui a amené les eaux de l'Escaut d'Audenarde et de
la Lys; le Rupel, celles de la Senne, de la Dyle, de la dette. Rien de moins
compliqué; et la réunion des eaux du bassin vers Anvers s'expliquerait
ainsi facilement. Mais à Anvers il n'existe pour ainsi dire pas de sédi-
ments quaternaires dans la vallée du fleuve; les alluvions modernes
reposent sur des couches tertiaires '. D'autre p;irt l'allure rectiligne de la
limite Sud du Scaldisien dans la région d'Anvers montre que le fleuve
n'existait pas pendant la période correspondant au dépôt de cette couche2.
\jo cours par Anvers daterait donc seulement de l'époque moderne.
Pourtant des recherches laites sur le terrain semblent indiquer qu'à la fin
de la période quaternaire le fleuve gagnait la Meuse par Rréda, la trace
de son passage existant encore dans les tourbières au Sud de cette ville 3 ;
et cette interprétation a l'avantage d'être en harmonie avec la direction
générale des cours d'eau flamands.
A l'époque moderne au moins, il est à peu près certain que le fleuve
écoulait ses eaux par Anvers. Au delà, il serpentait sur la plaine de sables
flandriens, déposés parla mer quaternaire en retraite; et par l'Eendracht,
qui sépare aujourd'hui Tholen du continent, il allait rejoindre la Meuse 4.
N'étant pas gonflé par la marée, c'était un fleuve modeste, coulant au
milieu des marécages tourbeux où un nouveau sol s'élaborait au-dessus
des sables flandriens. C'est alors que le vit César, qui indique qu'il se
jette dans la Meuse ». Quatre siècles plus tard, la mer reparaissait sur la
plaine déjà toute couverte de tourbe; elle arrivait jusqu'à l'Escaut et
pénétrait dans sa vallée jusqu'au delà d'Anvers. Quand elle perdit du
terrain, et qu'une partie de la plaine émergea de nouveau, des criques
profondes s'étaient formées, et c'est par ces bras de mer que s'écoula
désormais le modeste apport de l'Escaut. Rien de commun entre ces deux
larges golfes marins et le fleuve qui vient leur apporter ses eaux ;
cependant on s'habitua à considérer les deux bras comme les branches
• Van ilen Itrocck (E.), Présentation du travail de M. Van Overloop (Mull. So*-.
belge f.éol., III, 1880. Pr.-V., pp. l'tt-194).
1 Van Ertborn (O.), Texte explicatif du levé géologique de la planchette d'Anvers,
p. 3.
Lorié (J.). Ijcs métamorphoses de l'Escaut et de la Meuse (Mull. Soc. bel^e (u'ol.,
IX, 18U5, Mém., pp. 7T>-77).
» Ibid., p. 58.
5 César, de Bello ôallico, VI, 33, 3.
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LES COURS D'EAU
d'un delta, et à les appeler Escaut oriental et occidental. En réalité c'est
au Doel, on aval d'Anvers, que se termine le véritable cours du fleuve;
c'est là qu'il rejoint le bras de mer de l'Escaut occidental.
Cependant le détour qu'accomplit l'Escaut, après Gand, pour aller
rejoindre la mer, reste un objet d'étonnement pour tous ceux qui
consultent une carte de Flandre. Do Gand à l'ancienne extrémité de la
crique du Hraakman, étendue il n'y a que 120 ans jusqu'au Sud de Sas-de-
Gand, il n'y a guère que 18 kilomètres, et le canal de Terneuzen entre
Gand et le Sas n'a pas besoin d'une seule écluse; sur ce parcours,
l'altitude moyenne ne dépasse pas 8 mètres. D'autre part les profondes
criques qui traversaient la plaine maritime, le Zwin disparu au
NIX*" siècle, le Hraakman qui existe encore, ressemblaient trop à d'anciens
estuaires pour qu'on ne fut pas tenté d'en faire des embouchures oblitérées
de la Lys et de l'Escaut. La présence, au Nord de Gand, de la bizarre
vallée de la Cacle, semblait une autre preuve de l'ancienne direction des
cours d'eau: se détachant vers Dcynze do la Lys, la Caele s'oriente
vers le N.-E. ; la dépression marécageuse où elle coule, bien lentement,
est empruntée successivement par les canaux de Schipdonck et de Hruges.
Passant au Nord de Gand, la Gaele vient se confondre avec le canal de
Terneuzen ; mais un peu plus loin, à Roodenhuyze, sa vallée s'écarte du
canal et s'incline peu à peu vers l'Est. I^t rivière a changé de nom : c'est
le Moervaart; la vallée s'est élargie jusqu'à dépasser 2 kilomètres ; elle
est digne d'un fleuve. Le Moervaart longe la rive Nord ; un autre bras,
la Zuidleede, recueille les eaux du Sud ; entre les deux courants s'étendent
des prairies marécageuses, coupées de nombreux fossés. I*i plaine du
Moervaart se termine à l'Est en cul-de-sac vers Stekeno ; Moervaart et
Zuidleede se réunissent, tournent au Sud, prennent le nom de Durme,
et la nouvelle rivière gagne l'Escaut en contournant le rebord du pays
de Waes.
\j\ présence de cette rivière Caele-Mocrvaart-Durme, le peu de distance
qui sépare Gand du Sas, l'altitude si faible de la région intermédiaire,
devaient donc faire naître l'hypothèse que la Lys et l'Escaut avaient
jadis gagné la mer droit au Nord. La direction de la vallée Caelo-Moer-
vaart, sa largeur, les alluvions qui en forment le sol, rendent en effet
plausible l'hypothèse qu'une partie des eaux de la Lys aient emprunté
jadis ce chemin, prolongement de la vallée supérieure1. Mais ou a fait
' Cf. sur la vallée du Moervaart, la description donnée par M. Van Overloop dans :
Les silex de la station préhistorique de Mendonek (Bull. Soe. Anthr. Brux., 111, 1884-
1885, p. 334).
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LES RIVIÈRES AU NORD DE G AND
bien d'autres suppositions. On a affirmé que la Lys débouchait dans le
Zwin, en passant sur les emplacements actuels des canaux de Bruges
ou de Schipdonck. Or, rien dans le sol ni dans le relief entre Deynze
et Hruges ne rappelle des alluvions récentes ou une vallée. D'autre
part trois consciencieuses études ont été écrites pour prouver que
l'Escaut et la Lys, à l'époque historique, se jetaient encore dans le
lîraakman et les criques voisines Pour les uns, l'Escaut empruntait la
vallée du Moervaart , et se partageait en deux bras, dont l'un, par
Stekeiie, gagnait Hulst, Axel et le Braakman, et dont l'autre continuait
par la Durmo ; c'est assez longtemps après Charlemagne que la première
passe aurait disparu, comblée par le sable campinien que le vent y aurait
amené *. Cette date si récente, après Charlemagne, peut surprendre:
mais c'est justement là qu'est le secret de cette théorie; beaucoup
d'historiens, étonnés que le pays de Waes et les Quatre-Métiers fissent
partie de l'Empire, ont pensé que l'Escaut, limite de la Flandre et de
l'Empire de Tournai à Gand, avait dû continuer à former la frontière
au delà de Gand, jusqu'à la mer ; le fleuve plus tard s'était détourné, mais
la limite restait, témoin de son ancien cours. La raison n'était pas suffi-
sante ; une limite n'est pas nécessairement rivée à un fleuve, surtout lors-
que ce fleuve est un très modeste cours d'eau. Aussi l'auteur de la troisième
étude ne s'y est-il pas arrêté. Pour lui le Moervaart-Durme est le prolon-
gement de la Lys \ qui jusqu'au XIIIe siècle se jetait dans le Hont
(Escaut Occidental) par un véritable delta, tandis que l'Escaut, relié à
la Lys dans la ville de Gand par des bras d'une importance secondaire,
continuait sa route par Wetteren, Termonde et Anvers. Le delta de
cette Durme-Lys comprenait 7 ou 8 bras. Le premier quittait la vallée
principale à l^angerbrugge, se subdivisait après Cluysen en deux rami-
fications, l'une allant au Hont par Rouchaute , l'autre par Ertvelde •
et Assenede * . Une autre branche suivait, depuis Roodenhuyze, l'em-
* David, Recherches sur le cours primitif de l'Escaut (Bull. Ac. R. Belg., 1" série,
t. XVI, 184!», 1" partie, pp. 257-282, et 1" série, t. XIX, 1*52, 1" partie, pp.' 64ÎMJ7H) ;
— Wrstraete (E.-.J.), Nouvelles études sur le cours primitif de l'Escaut on aval de
r.and (Bull. Soc. belge «iéog., Il, 187X, pp. 313-333) ; — Van Worveke (A.-K.), Etude
sur le cours de l'Escaut et de la Lys-Durme au moyen-âge (Bull. Soc. belge (Jéog.,
XVI, 18<r2, pp. 4T3-485, 5884311, 2 cartes à 1 : 240.000 et 1 : 30.000).
* Verstraete, p. 328.
' Nombreux textes pour prouver que, depuis (îand jusqu'au Moervaart, le cours
d'eau prolongement de la Lys est désigné plusieurs fois sous le nom de Durme (Van
Wcrveke, pp. 463-406).
* Van Werveke, pp. 467-470.
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9*
LES COURS D'EAU
placement actuel du canal de Terneuzen jusqu'au delà de Selzaete;
la I«angeleede, de Wachtebeke au Canisvliet, était une autre issue, b»
bras le plus important du delta quittait le Moervaart à (lalve, passait
par Overslag et suivait les criques des Polders par Axel jusqu'à
Othene, hameau à l'Est de Terneuzen ; il était eneure important en 1547
Le bras Haringsleede suivait à l'Est, et le dernier était le canal de Stekene,
qui rejoignait Hulsl et le Hellegat. Le travail est appuyé sur de nombreux
tvxt<is, qu'il faudrait discuter pied à pied, sans arriver d'ailleurs à un
résultat très net, car on pourrait toujours équivoquer sur le sens des
tenues désignant les «cours d'eau»; signifient-ils rivière naturelle ou
• anal ? Eu tous cas on peut fort bien penser, à voir ces bras du prétendu
delta, que c'étaient de très anciens fossés assurant l'écoulement des eaux
pluviales vers les Polders ou le Moervaart. (l'est dans ce but, par exemple,
qu'on établit en UH5 le canal de Stekene à Hulst s; ce creusement de
canaux d'assèchement était nécessaire sur ce sol plat, à peu près imper-
méable. D'autre part rien n'indique que le pays qui sépare (iand des
Polders fut un delta, c'est-à-dire une plaine à pente insensible, lentement
formée des apports de la rivière, et sur laquelle celle-ci se divisait capri-
cieusement en plusieurs bras. Le sol est uniquement formé de sable,
parfois assez grossier et meuble, bien différent des alluvions argileuses de
la vallée de la Lys ; de même qu'aucune trace d'alluvions marines récentes
ne s'observe le long des fossés qui sciaient les anciennes branches du
delta. Ainsi pas de traces de l'action marine: et cependant la marée
aurait dû remonter dans ces bras au moins jusqu'au Moervaart ; pas de
traces d'alluvions fluvialiles, sauf dans la vallée, parallèle à la côte, de la
Caele et du Moervaart. (lette ingénieuse hypothèse, due à une étude
soignée des cartes et des textes, ne se vérifie donc pas sur le terrain. En
conclusion, si la Lys et l'Escaut ont pu couler au Nord de (land à l'époque
quaternaire, ils n'ont pas laissé trace d'une pareille direction à l'époque
moderne. Les contemporains de Charlemagne n'ont pas vu les eaux
« blondes s» de l'Escaut et de la Lys se ramifier dans la plaine sableuse de
Selzaete ; l'étroite branche de Wetteren suffisait déjà à mener à la mer le
débit des deux rivières. \a\ vue de l'Escaut et de la Lys d'aujourd'hui, dont
l'homme pourtant soutient le niveau par des barrages, approfondit le lit
et concentre les eaux dans un seul bras, doit faire réfléchir ceux qui
rêvent pour ces gros canaux une histoire glorieuse et compliquée.
1 Van WVrveke, pp. iT.'^HO.
1 Van de l'utte, Cronîca »>t Cartulariuni monasterii de Dunis, Charte d.» Robert de
Hêthuue, nu i.">4i. p. 00C>.
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L'HYDROLOGIE
IL
HYDHOLO(iIE.
Rien n'est moins imposant que ces rivières flamandes. De loin, quand
on découvre d'une liauleur la largo vallée, toute verte avec des lignes de
peupliers inclinés, et des files de toits rouges le long des versants, on
s'attend à une manière de fleuve. Un étonnement vient déjà de ne pas
apercevoir la rivière, enfouie souvent derrière une petite digue. Mais la
désillusion est complète quand, à travers les prairies, on atteint enfin le
cours d'eau. Même pour ceux qui les connaissent, il y a toujours un peu
de surprise à les voir si minces. L'ampleur de la vallée promettait un
fleuve : on trouve un canal. Aux temps lointains de leur indépendance,
lorsque l'habitant de la Flandre avait autre chose à faire qu'à essayer de
régulariser leur lit, les cours d'eau avaient peut-être plus d'allure ; ils
s'attardaient dans la vallée plate, se compliquaient de bras morts et de
marécages tourbeux; leurs eaux largement étalées pouvaient faire illusion
sur leur faible volume. Depuis l'homme s'en est emparé ; il les a enfermés
derrière des diguettes, séparés de leur vallée par des vannes cadenassées;
des barrages les découpent en sections égales, et ils ne peuvent passer que
lorsqu'on leur ouvre les portes. Ils ont l'air de bons esclaves créés pour se
rendre utiles, pour transporter docilement les fardeaux d'un pays riche.
Ouvriers salis par le travail, peu soucieux d'être agréables à la vue, ils ne
sont pas là pour embellir le paysage, mais pour servir à quelque chose. Ils
mit tous au même degré l'air soumis et pacifique ; l'affluent, soutenu par
ses écluses, est juste aussi imposant que le fleuve. La Deùle à St-Audré
fait autant d'effet que la Lys à Deynze ou que l'Escaut à Cavere ; elle est
seulement plus noire.
Cependant ces rivières bonasses ont leurs caprices. Ces travailleurs
soumis ont leurs défauts; leur histoire contient beaucoup de mauvaises
pages. Les chroniqueurs ne laissent guère passer d'années sans la mention
monotone d'inondations : tantôt la mer, et tantôt les fleuves. La dernière
en date est de ; c'est la grand»' crue de la Lys. Il faut donc que les
éléments du régime soient défectueux. En effet, si les pluies se répar-
tissent sur un grand nombre de jours chaque année, et sont assez régu-
lières, en revanche l'imperméabilité générale du sol et le défaut de pente
condamnent la Flandre à être perpétuellement menacée d'inondations:
fleuves, rivières, ruisseaux, il n'en est guère qui ne débordent chaque
année.
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LES COURS D'EAU
Éléments du régime.
D'un bout à l'autre du pays, le sol de la Flandre peut être considéré
comme imperméable. La plaine maritime, avec son tapis d'argile grise qui
la recouvre presque tout entière, ne laisse guère filtrer en profondeur ce
qui tombe à la surface. Dans l'intérieur, la présence de l'argile yprésienne,
à l'Ouest, suffit à arrêter la descente des eaux. Pourtant l'argile afHeure
rarement à la surface. Mais le limon argileux qui couvre le sol est
assez difficilement perméable, et il n'est pas rare, l'hiver, de voir de larges
flaques d'eau dans les champs. Otte couche limoneuse est d'ailleurs vite
saturée, car il existe, au contact du limon et de l'argile, une nappe perma-
nente à laquelle s'alimentent les puits; on la trouve parfois à 1 mètre de
profondeur, et elle s'enfonce rarement au-dessous de 5 mètres. De même
dans la plaine de la Lys, où le limon argileux, jaune, peu perméable, qui
retient une bonne partie des eaux superficielles, est superposé à l'abon-
dante nappe qui règne dans les sables verd Aires au-dessus de l'argile
yprésienne. Enfin quand l'argile affleure dans les l'aeauls et les Clyttes,
l'imperméabilité est complète.
On pourrait croire qu'à mesure qu'on s'avance vers l'Est, on trouve une
terre plus sèche ; que le sable qui forme la surface est plus perméable. Or
la différence est assez faible. Il n'y a qu'à voir combien le nom de « pays
sec » est rare en Flandre ; à peine deux ou trois hameaux « Droogclandt *>,
et encore l'un d'eux est situé dans l'Ouest, sur territoire français. En effet
le sable yprésien, sillonné de linéoles argileuses, n'est presque pas
perméable ; le sable quaternaire (flandrien) est assez souvent limoneux, ou
Échelle de « : 800.000
Fie. °£>. — Exemple «le chevelu. \j- bassin «le la Pemlrv.
• O. — La Ly» i Dcvrrc i Moulin» de Prit^rm .
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' « - t.t.l'H"' li'HAI
Kit-un nts du r'Mjinw
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Mili'Ma* «I»' l'ii''"!<'S •i:*}*,V|i>ii*«. u'*'>\ !>'*.•>';• îm>
l'i.'îtrt if!;i?nlt i» m i" ( .'ins«v ^"îvi'îiJ l'iii"ti"n\. •••
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LES ÉLÉMENTS DU RÉCIMK S/7
argileux, à une faible profondeur. Même dans l'extrême Nord, où le sable
atteint une épaisseur considérable^ mètres à Eecloo), l'eau se trouve
toujours à une faible profondeur, retenue par des linéoles imperméables.
Nulle partie sable n'est assez pur ni assez meuble pour se laisser pénétrer;
partout à une faible profondeur s'étend la mince couche imperméable qui
empêche l'eau de descendre. Quand ce n'est pas l'argile, c'est la roche,
« Rots », tuf brunâtre, où le sable est aggloméré par un ciment siliceux.
Enfin dans le pays de Waes c'est l'argile rupelienne qui, enfouie d'un ou
J mètres sous le limon sableux, force les eaux à s'écouler presque immé-
diatement sur Je sol.
Cette imperméabilité de toute la Flandre ,*et les faibles différences
d'altitude, empêchent qu'on y trouve beaucoup de sources. Seule, la région
des collines et le pays d'Alost en possèdent, minces filets d'eau, parfois
taris dans les étés secs, et qui ne jouent qu'un faible rôle dans l'économie
rurale du pays, ou dans le régime des cours d'eau. Dans les collines de
Thielt, on ne trouve sur les flancs que de faibles suintements ; cependant
chaque hauteur paniselienne contient plusieurs nappes, une dans le sable
argileux supérieur, une autre au-dessus de l'argile schistoïde; celle-ci est
la plus considérable, et sa présence explique que les lieux habités des
collines paniseliennes ne sont pas établis tout au sommet, mais déjà sur
un flanc (le Hune Sud en général) pour être à portée de cette deuxième
nappe. Dans la colline de Wynendaele, la principale nappe est aussi celle
de l'argile base du l'aniselien, dont les suintements forment des ruisseaux
clairs qui coulent rapidement vers le Nord ; c'est là qu'on projette parfois
de venir chercher de l'eau potable pour Ostende. Dans les collines du Sud,
les nappes sont parfois nombreuses ; la plus importante, « elle qui
fournit le plus de sources, c'est celle qui est retenue par l'argilite panise-
lienne. là s'alimentent la plupart des ruisseaux des collines de Renaix,
des hauteurs d'Anseghem, des collines tic Dailleul et de Cassel. A Cassel
même, l'argile asschienne retient, dans la partie inférieure des sables
diestiens, une nappe aquifère qui a permis à l'homme de vivre sur la
colline ; et c'est pour se rapprocher de cette nappe et de ses fontaines que
la ville de Cassel s'est bâtie, comme Hooglede, sur la pente Sud de la
butte. Mais c'est surtout dans le pays d'Alost que les eaux sourdent aux
flancs des vallées ; l'érosion y a entaillé dans le plateau des rainures
nombreuses, qui coupent les couches et les nappes aquifères ; de là
• Van Mierlo (C.J.), Distribution d'oau potable à Ostcndo. (Huit. Soc helire (V-ol., IL
1888, Mém., pp- 24«>-i»J, pl. VI).
1
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98 LKS COI KS D'EAt'
plusieurs lignes do siuuvcs, aux points d'affleurement île l'argile
asschionne, tlt» l'argilite panholionno, du sable argileux yprésien. Souvent
en descendant dans un ravin, on entend le bruissement de l'eau courante ;
sensation rare en Flandre. Grâce à la constance de la plupart de ces
sources, bien des vallées possèdent un moulin à eau: et c'est encore là un
spectacle qu'on n'a guère on Flandre, sauf le long de quelques grands
cours d'eau 1 .
Mais toutes ces sources sont peu de chose. I^ii plupart sont trop faibles
pour être utiles ; aussi ne trouve-t-on pas en Flandre la vénération qui
s'attache aux fontaines en d'autres contrées. Les pèlerinages à une source
y sont rares. Il y a trop d'éau dans le sol, la terre en est trop imprégnée
pour qu'on s'ooeupe beaucoup du mince filet qui sort sans bruit de la
colline. Iaïuv influence sur le régime des cours d'eau est nulle; si les
ruisseaux de la région des collines y gagnent d'avoir de l'eau tout l'été, ils
n'en sont pas moins sujets aux crues. Le moindre orage les fait déborder,
sitôt la pluie tombée, car la pente concentre rapidement dans leur lit les
eaux des versants.
La pente des rivières flamandes est paradoxale: toujours trop forte ou
trop faible. Surtout, pour la plupart d'entre elles, il se produit un change-
ment trop brusque entre la forte déclivité du cours supérieur et la pente
presque nulle des cours moyen et inférieur, où la rivière, vieillie et
fatiguéo, se traîne a travers la plaine, s'allonge en méandres compliqués, en
boucles presque fermées. Tel est le cas de la Lys et de l'Aa qui, nées toutes
deux vers 1^0 mètres d'altitude, présentent dans leur cours supérieur une
pente moyenne de ~ mètres par kilomètre ; brusquement celle de la Lys à
l'arrivée en plaine passe à <)IU,*J.S, puis bientôt à 0"',07 par kilomètre; celle
de l'Aa est moins forte encore, à peine 0m,0C par kilomètre entre St-Omer
et (iravelines. Il en est de même pour les ruisseaux qui descendent des
collines; nés vers 100 mètres d'altitude, il ne leur faut pas 10 kilomètres
pour avoir atteint la cote .'30. De là une descente brusque des eaux, qui ne
peuvent s'écouler rapidement en aval, faute de pente. L'inondation est fatale.
Mais le même danger existe pour les cours d'eau qui ont tout leur cours
en plaine. En cas de forte pluie, les eaux que ne peut absorber le sol
imperméable encombrent les dépressions; tous les ravins s'emplissent,
sans que l'eau puisse s'écouler assez vite. Le moindre ruisseau de Flandre
a ses inondations annuelles, comme la Lys.
1 II existe encore en Flandre une ligne île source* : celle que Ton trouve le long de
la ligne des .lunes. 11 en sera question dans l'étude de la région côtière.
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LES CRUES RÉfU'LIKRES ET LES INONDATIONS W
Ainsi, il suffit que la régnlarité des pluies soit un instant interrompue,
et qu'il tombe pondant 2 ou 3 jours de l'eau en quantités un peu fortes,
[>our que tous les cours d'eau flamands outrent en «rue. Or il y a une époque
de l'année où les pluies sont abondantes en Flandre : c'est la période de
fin-septembre à lin-décembre. (Test le moment où chaque année les rivières
déborderont.
*
Crues régulières et inondations.
Les moindres fossés sont capables de déborder l'hiver. La plupart des
ruisseaux qui n'ont pas d'eau les 3/4 de l'année, ne laissent pas de faire
des dégâts aux pluies. (Je qui est plus grave, c'est qu'ils peuvent
devenir dangereux mémo l'été, à la suite de violentes averses. Tel le
Krombeek de Beveren-lés-Roulers, auquel un jour de pluie suffit pour
inonder les parties basses du village. De même l'Handzaeme de Corte-
marck, débordée deux fois au printemps de 1904 dans les prairies; de
même le Heulebeek de < lulleghem, et les ruisseaux de Nazareth, et la
Waerdamme, et bien d'autres. Le Pouquesbeek, ce ruisseau de 'S> kilo-
mètres environ, qui déborde encore chaque année, et monte jusqu'à la
chaussée du bourg de Nevele, causait naguère tant de dégâts que de 187'J
à 1877 les conseils communaux de sa vallée ne cessèrent d'assiéger les
autorités provinciales de réclamations pour qu'on prît des mesures contre
les débordements '. Ce sont là les méfaits des ruisseaux de plaine; les
« beeques » des collines sont plus irréguliéres encore. L'insignifiant
Roozebeek de Hollebeke déborde .*> ou 0 fois en 1903, couvrant d'un
mètre d'eau la route de Wytschaete ; la Douve à Messines s'élargit à
30 mètres dans la crue de 189 i ; le Warandebeek de Walou en 2 heures
monte jusqu'à la place; à Steenvoorde le bourg est inondé par l'ISybeeque
en octobre 1894 ; à Poperinghe, le Canal envahit parfois la parti»* basse de
la ville. L'Yser est le type de ces petites rivières flamandes, qui recueillent
les eaux des collines. Dans la partie supérieure, la pente est assez rapide,
surtout sur son affluent la Peene qui, née de sources situées à 100 mètres
environ, sur le flanc Sud de Cassel, est déjà descendue à ^0 mètres au pont
d'Arneke, après 1 i kilomètres de cours (r>n',70 par kilomètre) ; au contraire
le cours inférieur, de la frontière à Nieuport, est à peu près sans pente, et
les écluses ne laissent couler l'eau dans la mer qu'à marée basse. De là îles
i Moniteur belge, 1K77. — Séance «lu Conseil Provincial .le la Flandre < >rientale,
.{ juillet 1877; pp. 2007-3MO.
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100
LES COTRS D'EAU
crues, d'autant plus fortes que la région dos collines reçoit plus d'eau que
le reste do la plaine. Le 30 décembre 1880, la rivière endommage le peint
d'Ksquelbeeq, inonde les tt-rivs de liollezeele, Zoggers-Cappol ». En 188"',
l'Vser déborde li lois. La cote moyenne des eaux à lJambeequo est de
lm,i3: or la rivière est descendue jusqu'à 0m,8i (juin 1881s et est montée
à lm,U (31 octobre |s9i) *. On a dû, à certains endroits, endiguer l'Yser,
reconstruire et rehausser les ponts dont les dimensions surprennent,
lorsqu'on voit couler la mince rivière, jaunie par l'argile qu'elle arrache à
ses rives dans les parties concaves des innombrables boucles qu'elle décrit
au milieu des prairies et des saules. Il n'y a qu'un moyen d'éviter ces inon-
dations, qui peuvent causer beaucoup de dommages lorsqu'elles se
produisent l'été: c'est de curer les ruisseaux. Innombrables sont les
arrêtés des autorités communales à ce sujet ; et la coutume du pays d'Alost,
où la pente rend les inondations particulièrement fréquentes, est pleine do
prescriptions à ce sujet ; des inspections sont ordonnées pour s'assurer
de l'état des cours d'eau, et des amendes infligées aux propriétaires
négligents 3.
1rs grandes rivières ne sont pas en reste avec les petites; il n'y a pas
d'hiver où elles ne dépassent leurs rives basses pour se répandre dans la
vallée, qui est ainsi leur véritable lit majeur. La persistance de ces crues
hivernales a fini par devenir un bienfait. Les riverains voient monter sans
déplaisir les eaux jaunes, gonflées par les pluies de l'automne, chargées
d'alluvions (blond waler) *, qui viennent déposer leur limon dans les
prairies. Ce limon, légèrement sableux dans la zone qui borde le fleuve
jusqu'à 50 mètres environ, est constitué dans le reste de la vallée par une
couche très fine, gris-jaunâtre, qui est une terre à briques très estimée.
Aussi les vallées de l'Escaut et de la Lys, en amont de ( iand, sont-elles
activement exploitées pour des briqueteries. Le colmatage est si intense
qu'entre Gand et Syngem, sur l'Escaut, la couche limoneuse utilisée pour
la fabrication des briques peut être remise en exploitation de 30 en 30 ans:
« Mémorial de Lille, :«> décembre 18*0.
2 Service liydrométrique et «l'annonce des crues (département du Nord). Bassin de
l'Yser. Compte-rendu annuel, année UX>^. (Manuscrit).
:t De Limburg-Siirum.— Coutumes des Pays et Comté de Flandre. Quartier de Gand,
t. I II : Coutumes des deux villes et pays d'Alost. (Bruxelles, i vol. in-4°, iSt«KI).
Voir en particulier le chapitre « Van uutloken ende watcrleeden ». pp. .'frSt-.'ÎUI.
* Cf : Comte de Kerckliove d'Fxaerde, Quelques mots sur les inondations des
Flandres, leurs causes et les moyens de les faire cesser. (( iand, Van Ryckegem,
1*4:.'. in-»», 5<> p.).
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LES CRUES RÉGULIÈRES ET LES INONDATIONS 101
• • *
.• * •
or celte couche a 0m,G0 environ d'épaisseur '. En amont, vers" .Vâdenarde,
M. Delvaux estimait l'épaisseur moyenne du dépôt annuei*?. huit
dixièmes de millimètre s. Cet alluvionnemenl intense est mémo -<ta.venu
inquiétant ; le lit du fleuve s'exhausse, et ses rives sont plus élevées (pie .les
prairies de la vallée ; la zone voisine des bords parlieipe à l'exhaussement,
jusqu'à être de 1 mètre à lm,G0 en contre-haut du reste de la surface ..
alluviale3. Il devenait ainsi très difficile d'évacuer les eaux d'inondation .
concentrées dans les parties basses, ou Cuves. Or, si l'inondation hivernale
est un bienfait pour les prairies qu'elle fertilise et pour les briqueteries dont
elle augmente la couche exploitable, c'est à condition que les eaux auront
disparu avant le tor mai pour permettre la croissance de l'herbe. Il a fallu
pour opérer à temps le dessèchement créer tout un système de rigoles
circulant à travers les prairies. Chaque rigole s'embranche sur la rivière
dans le bief supérieur à celui de la section à drainer, et aboutit en aval à
un bief assez bas pour assurer l'assèchement; selon que la vallée est plus
large à droite où à gauche, on les voit traverser par un siphon le fleuve ou
les autres rigoles. Ainsi les utiles crues d'hiver sont régularisées ; par les
rigoles ou inonde ou on assèche les prairies à volonté ; on peut assurer
l'inondation de la vallée même lorsque la crue est trop faible.
Si les crues d'hiver sont bien accueillies, il n'en est pas de même des
crues d'été, qui font aux prairies et aux cultures le plus grand tort ; or il
s'en produit quelquefois à cette saison : telles la crue de juillet 1879 sur
l'Escaut, celle de septembre 1800 qui causa une perte de îmO.OOO francs
aux propriétaires du lin qu'on était occupé à rouir dans la Lys *. Il se
pivduit enfin en toute saison, mais surtout l'hiver, de véritables inon-
dations qui dépassent les limites de la vallée et atteignent les habitations.
Ixuir gravité varie d'ailleurs avec les rivières ; celles de la Dpndre et de
l'Escaut sont les moins dangereuses ; l'Aa, et surtout la Lys, en produisent
de plus redoutables.
La I tendre est peut-être la moins capricieuse des rivières flamandes. La
pente en est assez régulière, ni trop forte d'abord, ni trop faible ensuite:
les deux branches qui la forment naissent à des altitudes d'environ 05 et
1 Grenier (L.), Influence des travaux de régularisation effectués à l'Escaut sur le
régime de ce fleuve. (Extrait des Travaux du VII L' Congrès International de Navi-
gation, Paris, KMMI). Paris, Lahure, KM M), br. 21 p., 3 pl. — Voir p. 2.
s Delvaux (E.), Les alluvions de l'Escaut et les tourbières aux environs d'Aude
narde. (Ann. Soc. géol. Belg., XII, 1885, Mém., pp. 140-170). — Cf. p. 144.
3 Ibid., p. 143.
* Dalle (J.), Archives de l'agriculture du Nord de la France, 2e série, t. IV, (1800),
pp. 543-549.
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102 . V LES COURS D'EAU
• ■ »
70 mètres;, à Ath, où la rivière se constitue, elle est encore à 30 mitres.
D'Ath^rtiraininonl, la pente est de 0m,5C) par kilomètre ; de (Irammontà
Alo:a/.olïe est, de bief en bief, de 0"',2S, 0V3, O»,^ et (T^i par kilo-
mètre; d'Alost à Termonde, les redressements opérés au XIXe siècle
l'ont fait remonter à 0"',3I. Ainsi la pente est partout convenable,
■.. et presque constante. L'écoulement se fait donc avec une certaine facilité,
. ' •'*. d'autant que le lit majeur est assez vaste pour emmagasiner le volume
"• '"- des crues. Les plus grands dangers étaient pour la ville et la région
. de Termonde; lorsqu'une crue coïncidait avec une grande marée de
•\ " l'Escaut, il devenait impossible d'évacuer les eaux surabondantes de la
rivière, et une bonne partie de la ville, les (niais de la Dendre, la
grand'place, la rue de l'Escaut étaient inondés. L'événement se produisait
au moins une fois par an, et on y était si bien habitué que chaque habitant
des rues menacées possédait chez lui tout un attirail de défense: des
planches qui s'adaptaient à la porte, et de la terre glaise pour rendre les
joints étanehes ; aussitôt que d'Ostende le service du port avait télégraphié
l'approche d'une grande marée, la ville se préparait à la résistance. Le
danger a disparu depuis qu'en 1806 on a relevé les quais de la Dendre, et
depuis il ne s'est produit qu'une inondation, causée en ÎIM)^ par une marée
extraordinaire.
L'Escaut est déjà moins régulier que la Dendre, au moins dans la partie
belge, où son défaut de pente lui a valu de nombreuses inondations. En
France, la pente des ">0 derniers kilomètres, de Bouchain à la frontière,
est encore de 0m,3(i environ par kilomètre ; en Belgique, la pente d'en-
semble, delà frontière à (iand, n'est que de 0"',11, malgré les travaux de
redressement qui ont réduit la longueur du fleuve de 1 1 i à 87 kilomètres.
Jusqu'en 187J, la pente totale était de 0/u(>0 par kilomètre, et de0,ml)8
seulement entre Audenarde et Oand. Le fleuve décrivait dans sa vallée de
longues boucles, qu'il avait tendance à allonger encore : ainsi à Escanaffles,
à la limite des pr ovinces de Flandre Orientale et de Hainaut, une boucle
était en formation, qui avait entamé la rive droite de lm,ÔO en 1881 ; en
iJOans on avait dû reculer 3 fois le chemin de terre qui longeait le fleuve, et
le déplacement du lit peut être évalué pour celte période à mètres*. C'est
à ces sinuosités où s'attardaient les eaux qu'étaient dues les inondations du
fleuve, comme celle de 1808-1800 qui persista 13 semaines*. Ce fut pire
i Delvaux (E.), Texte explicatif <lo levé géologique do la planchette d'Avelghem.
p. :*.».
« Coppens, Mémoire pour prévenir les inondations. (Garni, Kernand, 1810, 24 p.)
- Cf. p. 2.
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LES CRUES RÉGULIÈRES ET LES INONDATIONS
103
encore après 1840 ; les travaux exécutés en France, de I83T> à 1S39, sur
la Searpe et l'Escaut, redressements du lit, approfondissement, amenèrent
beaucoup plus rapidement les eaux de crues dans la partie belge. Les
inondations se suivirent crue de 18il,cruede 18i.">, où 78 rues de (iand sont
envahies par les eaux, et les communications dans plusieurs quartiers de
la ville complètement interrompues L Quelques travaux furent entrepris;
mais ils étaient insuffisants, comme le montra la crue de décembre 1 872,
qui mit sous l'eau tous les quartiers ouvriers de (iand, nova et arrêta la
plupart des usines, et no cassa complètement qu'à la mi-janvier *; les cuves
de la vallée faisaient office de réservoirs, et rendaient très lent l'abais-
sement du plan d'eau. Le débit fut considérable: au lieu des OG1"3,^ par
seconde atteints par la crue de 18 U, celle de 1872 alla jusqu'à fournir
170*3 .^ Gand 3, dix fois plus que le débit moyen du fleuve. D'autres crues
survinrent, juillet 1870, décembre 1880, mai 1881, qui démontrèrent
l'urgence absolue des travaux à effectuer; travaux dont les résultats ont
été excellents, puisque les crues du 8 décembre 188Ô, du 22 février 1807
et du 26 février 1000 n'ont eu à aucun degré le caractère désastreux des
précédentes, et qu'on peut considérer aujourd'hui la ville de Garni comme
à l'abri d'inondations aussi fortos que celle de 1872*. Ainsi l'Kseaut, ce
paisible Escaut dont on parle toujours comme d'un grand fossé, a eu ses
inondations ; il est vrai qu'elles sont dues non à son impétuosité, mais à sa
lenteur. Il a fallu néanmoins exécutera trois reprises d'importants travaux
pour qu'il devint une rivière vraiment navigable et ne causât plus de
dégâts à ses riverains.
L'A a 3 et la Lys sont cependant moins pacifiques encore que l'Escaut,
la Lys surtout, qui est la vraie rivière flamande, et par sa direction, et par
son régime. Ses crues sont les plus dangereuses de toutes. Cela tient à la
déclivité de son cours supérieur (2 mètres par kilom. jusqu'à Aire), et aussi
à l'imperméabilité des terrains qu'elle traverse. La rivière naît dans les
marnes à [no< cnu,nt.s Inbiatms, et coule jusqu'à Aire entre deux collines
de marnes imperméables (Cénomanien et Turonien inférieur) ; do là un
1 De Denterghem (Prosper), Lettre adressée à MM. les Membres de la Chambre «les
Représentants et du Sénat à propos «les inondations de l'Escaut et do la Lys.
(Bruxelles, Devroyo, 18W, in-X°, 24 p.).
s Mess. Se. hist., année 187."?, pp. 11ÎM20.
3 Grenier, Influence des travaux, p. 8.
» Ibid., pp. 20-21.
s L'A a flamand, d'Arqués à Gravelines, coule tout entier dans la plaine maritime ou
ses dépendances, les marais de St-Omer; son régime est donc étudié au chapitre XI,
L'Eau dans la Plaine maritime.
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toi
les coins D'i:.\r
ruissellement intrus*', plus considérable que celui do ln vallée do FAt,
taillée presque t» .ut au long dans la craie sénonienne Los masses
d'eau tombées sur le bassin supérieur arrivent doue rapidement à Aire;
o!' les pluies sont fortes dans la région ('.MM millimétrés, moyenne
annuelle, à Fruges) ; et surtout les précipitations de l'automne sont parti-
culièrement abondantes: !►!> millimètres en septembre, |-n on octobre,
iMI en novembre, UN) on décembre : 117 millimètres pour ces 4 mois. C'est
donc un flot considérable qui descend l'hiver sur Aire, et qui s'épanche
dans la plaine, faute do pente. Ces crues hivernales deviennent vite des
inondations. L'histoire eu est longue. C'est la plaine de la Lys, de Mer-
ville à Armenlièrcs, qui soutire le plus, b's affluents do droite do la rivière,
Clarence et Iunve, augmentent encore l'afflux d'eau; descendant rapide-
ment des hauteurs de l'Artois, nourries dos mêmes pluies que la Lys, elles
ont leurs inondations, qui se joignent à celle de la rivière. Armentières est
particulièrement frappée. Les archives communales de la ville attestent,
de VM) au XVIIT siècle, la continuité et l'importance do ces désastres :.
L'ne enquête du XVIII*" siècle signale les dégâts causés par ces inondations
fréquentes, qui couvrent et submergent deux lieues et demie de distance
des deux côtés de la rivière, empêchent la culture des terres, et obligent
les habitants d'abandonner leurs domiciles 3. On indique des sinistres
presque chaque année : 17CI, 176V; en mars 176°, on constate que depuis
août I76X, la Lys a débordé cinq fois, et qu'à cette date les chemins sont
recouverts de .'* pieds d'eau ; on no peut faire les mars, et les semailles
d'automne sont perdues ». En 17Ni, l'inondation est si forte à St- Venant,
Merville, I^aCiorguo, que le roi accorde 3 millions pour procurer les
denrées de première nécessité, remplacer les bestiaux et outils, et rétablir
les habitations détruites '. Les travaux de redressement et d'approfondisse-
ment accomplis de 1775 à 178J font diminuer le nombre des crues, mais non
leur intensité. Ils eurent même un effet .fâcheux pour la Lys belge, où l'eau
arriva dès lors avec plus de rapidité. Là, la pente est remarquablement
faible . I)n,,07 par kilomètre de Merville à Caiid ; dos courbes à vaste rayon
se succèdent, allongeant le lit. Aussi les crues de l'Escaut semblent peu
* Cf. Parent. Notes supplémentaires sur les plis du Nord de l'Artois (Ann. Soc.
géol. N., XXI. t8t'3. pp. ifl-KHii.
i Département du Nord. Ville d'Armemière.-. Inventaire sommaire des archives
communales antérieures à 17'.*). Lille. Lclebvre Ducrn .•<], tSTT. in-'»". — Voir série DD.
3 Archives l 'as-de-Calais. C. .~>83, pièce H2.
* lbid., C. TiS4. pièce 1. Rapport du Subdélégné d'Ain -sur-Lys.
•» Arch. Nord, Flandre wallonne. C. 1. Lntre du baron de Dreteud.
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LKS CRUES RÉGULIÈRES ET LES INONDATIONS
m
de chose à côté de celles de la Lys ; et déjà Meyer remarque qu'en octobre
1 A'S.i, lors de la terrible crue qui ravage la vallée, la Lys refoule l'Escaut
au confluent, et le fait refluer vers l'amont I,a situation se fit pins grave
encore après les nouveaux travaux exécutés en France de 1<S\.C> à ÎS^G.
I„a Lys devenait pour toute la Flandre un véritable fléau. Lorsqu'elle
débordait, non seulement elle ravageait sa vallée, et la ville de (land,
mais elle causait l'inondation de la vallée de l'Escaut, dont elle faisait
refluer les eaux vers l'amont; elle faisait monter, et parfois déborder, le
canal de lland à Iîruges, qu'elle alimente; elle inondait la vallée de la
Caele, son ancien lit vers le Nord-Est. Enfin elle empêchait d'évacuer vers
(land le tro[>-plein de la Lieve, canal creusé entre Damme et (land ; et dès
lors les eaux de la haute Lieve, dont l'écoulement était arrêté vers le
Sud, sortaient de leur lit étroit, gagnaient à travers les terres la basse
Lieve qu'on essayait de leur interdire par le barrage de Balgerhoecke,
noyant les communes d'Adegem, Oostwinkel, Eccloo, Waerschoot,
Middelburg, Lapscheure, Moerkerke ; le dommage s'étendait jusqu'à
la plaine maritime, dans des communes que ,'iO kilomètres séparaient de
la Lys l. L'inondation de IS4Ô fut si violente que les travaux d'amélio-
ration furent décrétés en l<SiG. Cependant l'œuvre accomplie, qui consis-
tait à dériver vers le Nord, par un canal spécial, une partie des eaux
delà Lys, ne suffisait pas encore à faire disparaître les grandes crues:
témoin l'inondation de 1X04, particulièrement typique. Octobre isDi avait
été très humide, et lorsque le sol était déjà saturé d'eau et complètement
imperméable, des pluies torrentielles survinrent : les •*,) et octobre,
il tomba à Fruges 94 millimètres d'eau, à Merville 101 millimètres, à
Lavenlie 105 millimètres, à Lille 04, à Comines et Meniu 76, à Harlebcke5:*.
Une énorme masse d'eau descendit dans le lit de la rivière, dont la section
1 Meyer, Annales. a<l annum.
* VA. Kerckhovc d'Exaerde, Quelques moLs, etc ; — Rapport sur le cours de l'Escaut
et «le ses aflluents, ainsi que sur les inondations extraordinaires causées par eeitc
rivière (Bruxelles, Dubois, lHi.l, in-'i°, 1 40 p.). Ges curieuses inondations d'un pays oit
ne passe aucune rivière étaient désastreuses par leur fréquence : certaines terres en
étaient irrémédiablement gâtées. Eu ISil, les habitants de Middelburg, Lapscheure,
Moerkerke, se trouvent deux mois (octobre-novembre) dans un vaste lac. Des contes-
tations se produisent: en I82ÎI, le bourgmestre d'Eecloo. voyant la haute Lieve
déborder, court au barrage de Balgerhoecke, fait ouvrir de force les poutrelles qui
empêchent Leau de descendre dans la basse Lieve, et place un garde-champêtre qui
veille deux jours et deux nuits pour empêcher la fermeture du barrage. Tous les bonis
de la basse Lieve furent inondés à leur tour. L'anecdote montre l'importance d'une déni-
vellation de quelques mètres dans un pays si plat. On en trouvera d'autres exemples
dans la plaine maritime.
mx;
LES COURS D'EAU
n'est que de 27 mètres carrés jusqu'à Estaires ; en deux jours la suréléva-
tion fut de2n\22à St-Yenant, de.V', IDà Mcrville, de:im,7Sà domines, où la
rivière, du !J0 au iJl, monta de I,es crues de 1*72 et de 1SS0 étaient
largement dépassées; à Merville il y avait ln,,40 d'eau dans les rues ; à
Cou rirai les quartiers bas furent inondés, le chômage s'étendit à plusieurs
usines. Des fermes furent envahies, les récoltes avariées ou détruites, les
lins qui séchaient sur les prairies furent endommagés, las ballons de
rouissage emportés par le courant *. Dans le Bas-Escaut même, l'amplitude
delà marée fut annulée complètement à ( lentbrugge ; elle fut réduite à
()m,7l) à Wetteren.
Après ce récit de leurs méfaits, les rivières flamandes ne paraissent déjà
plus des serviteurs irréprochables, dociles à tous les désirs de l'homme.
Il faut avouer qu'elles ont encore d'autres défauts. I^a lenteur du courant,
due à l'absence de pente, provoque la formation d'atterrissements, de hauts»
fonds. ImI Lys, aux eaux chargées d'alluvions arrachées à son cours
supérieur, en était particulièrement encombrée, surtout dans la partie
belge, où les vases se déposaient dans les remous qu'occasionnaient les
sinuosités: on citait jadis le « plal » d'Oyghem, où la profondeur était
réduite à ()m,80 en basses eaux ; le plat de Wacken, long de 200 mètres,
où les bateliers étaient obligés pour passer de prendre des allèges, à moins
de forte crue; le plat de Yive-Sl-Eloi, de 4lX) mètres de long3. Les
péniches ne pouvaient guère circuler sans risquer des avaries; aussi
évitaient-elles autant que possible la Lys. Enfin la pénurie d'eau se faisait
souvent sentir pendant l'été. Dans celte région imperméable, où les cours
d'eau ne sont pas soutenus par des sources, le débit de la rivière devient
dérisoire en saison sèclie : c'est la contrepartie des crues d'hiver. L'Escaut
descend à .V'3 à (iand ; la Lys en étiage roule MX) litres par seconde à Aire,
2m3 après I m (lorgne, .V"3 après le confluent de la Dcûle. Son affluent la
Lawe s'abaisse à 200 litres à Déthune. L'Aa, qui a dû atteindre HX)'"3 à Clra-
velines dans la crue de l^Oi, tombe à l.H(X) litres aux plus bas éliages ;
la proportion est de 1 à r>6. Enfin la Deùle, si heureusement dirigée pour
faire communiquer la Lys avec la Scarpe, la Flandre avec l'Artois et la
1 Navigation intérieure (iîlOO), p. 10T>.
- Rapport do la Commission instituée à la suite des inondations survenues dans la
vallée de la haute Lys aux mois d'octobre et «lo novembre 189i (Bruxelles, Goemaere,
18!»*, in-8", 28 p. ; 1 diagr.. 1 carte à i : JO.OOOh
3 De Rive (B.-L.), Précis historique et statistique des canaux et rivières navigables
de la Belgique et d'une partie de la France. (Bruxelles, 18X>, iu-8"). — Cf. pp. 116-
117.
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LES TRAVAUX DR RÉGULARISATION
107
France, n'avait guère en été, avant l'adduction «les eaux de la Scarpe,
plus de l.l KM) litres par seconde. Des travaux considérables et multiples
étaient donc nécessaires.
Travaux de régularisation.
On se préoccupa d'abord d'assurer aux rivières la quantité d'eau
nécessaire à la navigation. Pour cela, il n'y avait qu'un moyen: retenir
l'eau derrière des barrages. Dès les XIIe et XIIIe siècles, il est question
des « portos d'eau » de Deûlémont 1 ; la Doûle n avait-elle pas particuliè-
rement besoin de ce secours ? D'autres écluses sont établies en IJ'rJ à
Marquette, Wambrechies et Quesnov-sur-Deûle ; en à Menin et
Harlebeke !. En l isô, on en construit sur la Dendre ; et bientôt après sur
l'Escaut. On continue d'en élever aux XYIP et XVIIIe siècles. Cependant
le nombre en était encore insuffisant. Pour suppléer à la pénurie du débit,
la navigation se faisait par bonds d'eau ; deux fois par semaine seulement
on livrait passage à la masse liquide amoncelée derrière les barrages, et
le flot emportait la rame de bateaux de bief en bief. Les quantités retenues
en amont des barrages étaient si considérables qu'elles noyaient les
prairies, et empècliaient leur dessèchement. On augmenta donc au
XIX' siècle le nombre des barrages sur la Lys, l'Escaut et la Dendre,
pour pouvoir supprimer le système des bonds d'eau et assurer la navigation
d'une manière permanente, à la remonte comme à la descente. C'est ainsi
que la Lys, d'Aire à tiand, voit sa chute de 16 mètres répartie entre
V* biefs ; que les \2 mètres de chute du Haut-Escaut belge sont rachetés
par S barrages et écluses, et les ^5 mètres de la Dendre par 11 biefs.
Pour la Deûle, il ne suffisait pas d'établir, pour compenser les 1 ()"',. ~>0 de
pente, S écluses entre Fort-de-Scarpe et Deûlémont ; il fallait surtout
amener de l'eau. Vauban, désireux d'augmenter le débit pour pouvoir
tendre l'inondation autour de Lille, fil joindre à la Scarpe, par un canal
entre Douai et Courrières, la haute Deûle ou Souciiez; le volume de la
Deûle s'accrut ainsi des eaux de l'Escrébieux et de la saignée faite à la
• Diegerick (L-L.-A.), Iuvontaire analytique et chronologique «les chartes et docu-
ment apparu^iant aux archives do l'abbaye «le Messines. (Bruges, Soc. d'Km.. 187C),
* Flammermont (J.), Lille et le Nord au moyen-âge (Lille, 188X, in-8"), p. XK*.
3 Woltcrs (Ci.), Recueil des lois, arrêtas, règlements, etc., concernant r.-idmiiiistratiou
.les eaux et polders de la Flandre orientale ((îand, Iloste, 2 vol. in-î>"), tome I (3" éd.,
1874), p. 12u4.
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IOK LES COURS D'EAU
Scarpe par la rigolo des Pestiférés; les eaux moyennes s'élevèrent a
'J.ftHI litres à Lille. Kn lSjr», on abaissa le plan d'eau du eanal, et l'eau de
la Scarpe put descendre librement sur Lille; le débit se trouva porlé à
.'U'OO litres, et après le relèvement du niveau de la Scarpe opéré en 1 S 50,
il put arriver en moyenne 5 mètres cubes par seconde. Suffisant pour
assurer la navigation, ce débit ne l'était pas pour assainir la ville de Lille.
On cboivba plus loin. Les travaux de suppression du faite de partage,
exécutés depuis 1!MU sur le canal de la Sensée pour rendre la navigation
plus rapide, donnèrent l'augmentation souhaitée ; l'eau do l'Escaut, parla
Sensée, la Scarpe et la haute Deûle, peut maintenant descendre vers Lille.
Mais le Haut-Escaut lui-même est alimenté indirectement par l'Oise, car
c'est la rigole souterraine de l'Oise qui amène de l'eau à l'Escaut supérieur
parle canal de St-Quenlin. Ainsi l'eau de l'Oise elle-même vient contri-
buer à l'augmentation du débit de la Deûle, et on peut prévoir le moment
où le futur canal du Nord-Est amènera à son tour le tribut de la Sambre,
toutes les eaux du département contribuant ainsi a assainir les canaux,
boueux de son chef-lieu L
En même temps qu'on régularisait le débitpar la construction de barrages
et d'écluses, on se préoccupait d'organiser au mieux possible la distribution
des crues d'hiver. Le point capital était d'assurer l'évacuation des eaux
avant la fin du printemps ; pour cela on creuse des rigoles, et on veille
à leur entretien ; une ordonnance de l'empereur Charles VI (1740) prescrit
le nettoyage des canaux d'irrigation, le faucardemenl des herbes trois fois
par an, pour éviter les dommages causés aux prairies de l'Escaut 1 ; et le
préfet de l'Escaut, d'IIoudetot, reprend cet arrêté en août 1 S 1 > 3 . Sur la
' Cf. Mertin, Navigation intérieure, pp. r>7-.*i8.
11 est intéressant de voir le chemin que parcourt ensuite cette eau amenée <le si loin
dans la Deûle. Une partie s'écoule dans le canal d'Aire à La Massée, dont le bief
supérieur communique librement avec la Deùle: elle arrive ainsi à la Lys, et au canal
■ le Neuftossé. Celui-ci supplée, eu été, à la pénurie de l'Aa, et l'eau de la Deùle peut
ainsi descendre dans l'Aa, le canal de Kmirbourg, et arriver jusqu'à Dunkerque. L'autre
partie tombe dans la Lys moyenne a Deùléniont et descend vers (iand. Là. elle con-
tribue à l'alimentation du canal de (iand à Mruges. Celui-ci à son tour déverse se> eaux
dans le canal d'Usiende. Le canal d'Ostendç, plus élevé que celui de Plasschendaele,
lui fournit son trop plein, et l'on arrive ainsi à Nieuport. Là il se trouve que le canal
de I'ia.-schendacle est la plus élevée des artères qui aboutissent à cette ville: par suite
il est appelé parfois à donner un peu d'eau au canal de Furnes. Et l'on revient ainsi à
Dunkerque. l'ar deux chemins éloigné*, l'eau de l'Oise finit donc par arriver à
Dunkerque, après un voyage bizarre. C'est là un curieux exemple de la circulation de
l'eau en Flandie.
2 Wolters, Recueil ,1e lois, I, pp. a»i-241.
3 lbid. 1, p. .7.(4.
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LES TRAVAUX DR RÉGULARISATION
10)
Lys française, deux rigolos continues sont organisées en se servant des
anciens bras, de 1850 à 1861. Le mémo travail est fait sur l'Escaut après
l'inondation de 187i. Désormais, l'évacuation des eaux des prairies se fait
à volonté.
Enfin on songea à empêcher les inondations. Jusqu'au XIX' siècle,
on ne s'était guère préoccupé que de protéger, par des digues, ou en
détournant le cours de la rivière, telle ou telle localité Maintenant on
essaie de s'en prendre à la cause même du mal Les riverains se groupent
en associations de défense, et forment des Wateringues auxquelles est
confié l'enl retien des digues ; il s'en constitue tout le long de la Dendre,
de l'Escaut et de la Lys (181*8-1847) *. b»s ingénieurs, s';ipercevant que le
défaut de pente est la cause principale des inondations, cherchent des
moyens de faire écouler l'eau plus vite. L'ingénieur Wolters propose en
1843 d'établir sur le Bas-Escaut à Termonde un barrage contre les marées ;
le remplissage du réservoir ainsi formé en amont du barrage aurait
augmenté de moitié, suivant ses calculs, la décharge des eaux en aval de
Gand 3. Mais il était dangereux de toucher au régime d'un fleuve à marée ;
et l'on s'aperçut bientôt que le mieux était de suivre l'exemple des ingé-
nieurs français, qui avaient amélioré le régime de la Scarpe et de la haute
Lys en redressant le cours et en supprimant les courbes. Le procédé
présentait le double avantage de raccourcir la distance que les eaux
devaient parcourir et d'augmenter la pente. On avait déjà essayé au
XVIII* siècle: en 175', on proposait, comme remède aux inondations de
l'Escaut, plusieurs coupures, à Gand, à Molle; eu 1754 et 1756, à
Seevergem, à Hourne ». A partir de 1847, on en proposa et en exécuta de
nombreuses sur l'Escaut et la Dendre ; on pratiqua de nouveaux redresse-
ments après la grande crue de 1872, si bien que le Haut-Escaut belge fut
réduit de 111 à 87 kilomètres, soit 24 kilomètres en moins. Depuis 1881),
les inondations ne se sont plus reproduites sur l'Escaut ; et la partie la plus
' Eu 1270, la comtesse Marguerite redresse à Meirelbeke le cours de l'Escaut pour
mettre à l'abri des inondations sou manoir d'Oltersam. Cf. Van Lokeren, Chartes et
documents de l'abbaye de St-l*ierre au mont Hlandin, à (land (daud, 1871, 2 vol.
iu-lM, I, p. 383, n° 871.
* Cf. Schramme (J.), Des Wateringues (Kruges, Maertens, 185/J, in-8', 200 p.).
Deuils de l'organisation des wateringues fluviales, pp. 'tl-7iti. Liste des wateringues de
l'Escaut, de la Dendre et de la Lys, pp. 148-100.
3 Wolters, Mémoire sur les marées, et sur le moyeu de diminuer les inondations de
l'Escaut, de la Lys et do la Durrae (Bruxelles, Devroye, IK44, in-4J, 110 p., 3 pl.),
pp. 2*-28.
* Wolters, Recueil de lois, 1, pp. 204, 282, 3*0.
110
l.KS COIHS D'KAl"
menacée de la vallée, entre Audenarde et Oand, est restée indemne.
A chaque crut' nouvelle, ou constate que l'amplitude tend à diminuer vers
l'aval. Les crues de 1897 et rie 1«HM), égales ou supérieures à la crue de
Rigol* tilrrigaHon •
Échelle de 1 : TA O00.
Khi. 2»ï. — L'Kseaut «le Melsen à Zwyn.ienie. Anciennes boucles et rectifications.
1885 aux écluses de Berchem et d'Audenarde, lui furent notablement
inférieures, (surtout celle de 1ÎMK)), à Syngem et a Semmerzaeke. Ctand
peut se ronsidérer aujourd'hui comme à l'abri des inondations do l'Escaut '.
Sur la Lys belge, le mal était si grand qu'on avait cru devoir recourir
a des moyens plus puissants. Les ingénieurs français avaient, de 1775 à
1782, redressé la rivière; en 18^5 et 18^3, on avait curé le lit, fait dispa-
raître les plats. Le résultat avait élé désastreux pour la partie belge, où
les eaux arrivaient plus rapidement. Désespérant de jamais pouvoir
écouler par le Bas-Fscaut les masses liquides qui descendaient de la
France, on songea à leur créer une voie spéciale à travers la Flandre.
Cette voie avait existé jadis; avant la reconstruction du canal de
Terneuzen, la Lys avait un débouché d'inondation par la Yieille-Caele, le
Moervaart et la Durme. Comme le flot de marée dans la Durme empêchait
l'écoulement régulier des crues, le gouvernement de Marie-Thérèse fit
même approfondir en 1775 le passage de la I.angeleede, qui, par l'écluse de
Wachlebeke, donnait aux eaux de la Lys une issue directe dans le bras de
mer, aujourd'hui disparu, du Canisvliet *. Lorsque le canal de Tenieuzen
eut été achevé (18:J8), barrant l'ancienne vallée de la Caele et empêchant
l'écoulement vers le Moervaart du trop plein de la Lys, il fallut aviser.
On en revint à l'idée d'un canal de dérivation qui traverserait toute la
1 (îrenier, Influence des travaux, pp. 20-21.
* Yil'quain (J.H.), Ues voies navigables en Belgique (Bruxelles, Dovroye, 1842.
in-V, 41 14 p.) p. 82.
uigiii
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LES TRAVAUX DE RÉGULARISATION
111
Flandre, de la Lys à la mer du Nord, vers Heyst. Déjà en 1788 l'ingénieur
Mathieu proposait de doubler le canal de Cand à Bruges et Ostende par
un canal parallèle qui servirait uniquement à la décharge'. On préféra
établir le tracé par Somergem, Rccloo, Maldegem, une région où
l'ancien canal do la Lieve était devenu plus nuisible qu'utile. Comme il
fallait avant tout préserver Gand, on plaça le point de départ assez loin en
amont, à Deynze. Le 18 juillet 1810, une loi autorisait l'ouverture du
canal entre Deynze et Schipdonck, point de rencontre du canal de Gand à
Bruges; le 20 décembre 1851, on décrétait la continuation entre
Schipdonck et la mer du Nord. Cette nouvelle voie d'eau devait offrir des
avantages multiples: empêcher les inondations de la Lys en assurant
l'écoulement rapide de ses eaux; assurer la navigation jusqu'en aval
d'Eecloo, au barrage de Balgerhoecke ; soulager le pays d'Eecloo des
débordements de la Lys ; débarrasser la rivière des eaux infectées par
le rouissage du lin *. C'est un spectacle curieux, dans son bief inférieur,
que celui do ce fleuve solitaire, enfermé entre de hautes berges couron-
nées de quatre rangées d'arbres magnifiques, et roulant, avec rapidité
des eaux noires, moirées de taches luisantes. Une odeur abominable s'en
dégage. « Cela vient do la Franco », disent les habitants3.
Cependant le canal de Schipdonck ne fut pas la panacée qui devait
guérir tous les maux de la vallée. Les inondations continuèrent en amont
do Deynze ; il fallut donc poursuivre les améliorations. En France, on
continua à redresser le lit (dérivation d'Armentières), à l'élargir et à l'appro-
fondir » (1873, 1883-87). En Belgique, il fallut bien se décidera en faire
autant. L'inondation de 1894 démontra l'urgence des travaux. La Commis-
sion réunie pour aviser aux mesures à prendre écarta le projet d'une
nouvelle dérivation de Menin à la mer, et celui d'un bras d'évacuation
parallèle a la rivière, qui aurait fait à l'industrie du rouissage un tort
considérable; elle décida qu'il fallait avant tout opérer des rectifications
' Rapport sur le cours de l'Escaut et de ses affluents (1843), p. 111.
- Le canal de la Dérivation, appelé aussi canal de Schipdonck, a deux biefs, celui
île Deynze a Halgerhoecke, celui de Halgerhoecke à la mer; le lrr seul communique
avec le reste du réseau navigable. Le canal peut être mis on communication avec le
canal de Mruges à (iand; mais lorsqu'on veut éviter d'introduire dans celui-ci les eaux
de rouissage ou le trop plein des crues, on fait passer le canal de Schipdonck sous
l'outre par un siphon. Un autre siphon assure le passage sous le canal de Damme.
3 En réalité, l'infection de ces eaux est duo surtout au rouissage du lin, industrie
extrêmement active tout le long de la Lys, de Menin à Deynze. U part de la France
est représentée par l'apport de la Deûle. chargée des résidus de Lille.
* La Rivière, Navigation intérieure, p. 5*7.
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LES COURS D'E.M"
do courbes ». Lo travail est en cours d'exécution: ainsi disparaîtront,
outre Vive-Sl-Kloi «'I Grammene, les laineux Krommewatcrs, avec leurs
hauls-fonds et tourbillons; la rivière en sera raccourcie de T.iU) mètres.
On doit se metlrc ensuite à la Lys moyenne, do Houplines à Menin. où
t-i nq rectifications sont prévues.
Ainsi s'étend à la Lys le système qui a si bien réussi a l'Escaut. Peu à peu
disparaît l'aspect des anciens cours d'eau flamands, traçant leurs longues
courbes il travers les prairies. La rivière qu'on voit aujourd'hui rectiligne,
d'une largeur partout égale entre les deux berges réglementairement
inclinées, c'est le plus souvent un bras artificiel, qui relie parle plus court
chemin les racines des grandes courbes. La vér itable, l'ancienne rivière,
dort au loin dans les prairies, désormais fermée au courant, encombrée de
roseaux: le colmatage est rapide, le vieux bras se comble et disparaît.
S'il survit, c'est pour devenir un vivier. Le nouveau cours est banal ;
l'ancienne rivière était plus pittoresque, avec ses replis imprévus. Et
surtout, ce qui fait tort aux rivières actuelles, c'est l'aspect repoussant de
leurs eaux. La Lys n'est déjà pas séduisante après la traversée du groupe
industriel Armentières-Houplines ; plus loin elle reçoit la Deùle, que son
passage dans Lille transforme en véritable égout. Puis de Menin à Deynze,
le rouissage du lin achève de salir et d'empoisonner la rivière. L'Escaut,
déjà trouble à Tournai, est abominablement souillé par l'Espierres,
ruisseau qui lui apporte les eaux industrielles de Roubaix, Tourcoing,
Mouscron et Wattrelos; plus loin la Hhosnes lui amène les déchets de
Henaix ; la rivière, vers Avelghem, est lamentable : liquide épais, noir el
puant, avec des bulles qui viennent crèvera la surface. (> sont des égouLs
à ciel ouvert qui traversent ainsi la Flandre : et dans ce pays où l'absence
de relief a permis l'extension du réseau navigable, les répercussions sont
lointaines. Ilruges même est iucommodée par les eaux de la Lys, qui
alimentent le canal de Garni à Ostende *.
Rivières à marée.
11 faut faire une place à part aux rivières a marée, le Bas-Escaut, de
Gand à Anvers, et la Durme. La marée s'étend, lorsque les eaux supe-
1 Rapport île la Commission de 1856, pp. l."> -JH.
1 Un solution semble devoir se trouver dans des procédés économiques d'épuration
des eaux industrielles. Cf. les expériences du docteur Calmettc. de Lille, relaté-os dans
(îosselet (•!.). L'alimentation en eau de la ville de Lille (Lille, Daiiel, P.rfd br., lî» p.),
p IL
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LES RIVIÈRES A MARÉE
113
Heures sont basses, jusqu'à l'écluse de la Pêcherie, à Gand, à 92 kilo-
mètres d'Anvers, à 184 de Flessingue * ; dans les hautes eaux, elle ne
dépasse guère Wetteren. Dans la Durme, elle remonte aux basses eaux
jusqu'à Moerbeke, à 59 kilomètres d'Anvers, et aux hautes eaux vers le
confluent du Moervaart et do la Zuidleede. La vitesse de translation est
plus forte dans l'Escaut que dans la Durme, dont les innombrables sinuo-
sités arrêtent le courant. Quant à l'amplitude moyenne de la marée,
M. Wolters l'évaluait à 4"',(KJ à Anvers, 2m,63 à Termonde, 1«",38 à
Wetteren, 3m,58 à Harame, lm,G3à Lokeren; elle devient très faible en
amont de Termonde à cause du rétrécissement du lit, où les eaux supé-
rieures remplissent immédiatement une partie de la capacité abandonnée
par la marée descendante *.
Etant donné le faible volume d'eau qu'apportent a Gand le Haut-Escaut
et la Lys saignée par- les canaux de Bruges, de Terneuzen et do Schipdonck,
c'est la marée qui fait le Bas-Escaut. La disproportion est énorme entre
son apport et celui des eaux supérieures. Alphonse Belpaire évaluait la
part de la marée à 533 millions de mètres cubes en 6 heures, celle de la
rivière à 4,5 millions; le rapport est de 118 à 1 3. M. Petit a calculé les
volumes d'eau passant par le fleuve en des points précis. A Termonde,
il u trouvé qu'il était passé à un flot moyen, 3.529.521 mètres cubes, et au
jusant 3.8b3.U&5 : la différence, qui donne le débit du fleuve pendant le
jusant (7 h. 31)), est de 333.5 42 mètres cubes. Tel serait, à Termonde,
l'apport des eaux supérieures ; ce n'est pas la 10e partie de celui de la
marée K A Lillo, un peu en aval d'Anvers, ses calculs lui donnaient
92.115.005 mètres cubes pénétrant dans le fleuve avec le flot, contre
12.8i2.129 mètres cubes de débit de l'Escaut :1a marée était presque
8 fois plus considérable que l'apport du fleuvo s. D'ailleurs, ce n'est pas
l'eau de mer qui pénètre ainsi dans le fleuve à chaque marée ; ce sont les
1 Cf. Wolters, Mémoire sur les marées, p. 11. Ces chiffres, donnés en 1844, sont
devenus trop forts, à cause îles redressements qu'on a opérés et qu'on opère encore en
HO '•- l'.«0t"> sur le Kas-Kscaut, «le (iand à Termonde.
i Mémoire sur les marées, pp. 11-22.
•T Belpaire (Alph.), Etude sur la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au
Danemark (Anvers, Schotmans, 1855, in-8«, 242 -f 2« p., carte), p. 173.
* Petit, Ktudc sur les courants de l'Escaut et de la Durme (Ann. Tr. p. Belg.,
tome 40, 1883. pp. Z'Û-'MK 1 pl.) - Cf. pp. 271-278.
5 Etude sur les courants, p. 3T>4. — Ces chiffres semblent sujets à caution. Le débit
du fleuve serait à Lillo de 559 mètres cubes environ par seconde, ce qui semble énorme,
malgré l'apport du Rupel. Etant donné ce que fournit l'Escaut à Gand, le chiffre
devrait être 4 ou T> fois moins considérable.
s
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114 LES COURS D'EAU
eaux douces déjà rejetées par l'Escaut, et qui ne s'écoulent que très
lentement à la mer, sans cesse repoussées par le flux. Un flotteur lancé à
Termonde mit 7 jours, 10 heures, 10 minutes à atteindre Lille, soit une
distance de 60.234 mètres ». L'eau de mer ne dépasse guère Anvers, et le
fleuve n'y contient de l'eau saumàtre qu'à marée haute ; la densité y est
alors de 1002. A l'embouchure du Rupel l'eau reste douce même à marée
haute. Même à Bath, sur l'Escaut maritime, la densité n'est encore que de
1007 à marée basse, contre 1020 devant Flessingue 2.
Malgré l'apport de la marée, le Bas-Escaut est encore un fleuve médiocre
entre Gand et Termonde, même entre Termonde et Hupelmonde. La
profondeur est insuffisante ; elle atteint en certains endroits 5m,20, mais
ailleurs le tirant d'eau n'est que de l,u,00 :|. Les courbes étaient immenses
sur cette partie du fleuve. La section n'étant pas assez large, et la pente
trop faible, les inondations se produisaient comme sur le Haut-Escaut.
M. Petit jKMise qu'on a trop pris aux eaux supérieures, à l'Escaut pour
alimenter les canaux de l'Espierres et de Bossuyt, à la Lys pour la Déri-
vation, le canal de Bruges, le canal de Terneuzen. Aussi le débit est
insuffisant; il s'ensuit que le jusant no dure pas assez longtemps, et n'a
pas assez de force pour nettoyer le fleuve. De là les bancs qui l'obstruent
de Termonde à Tamise. Il a donc fallu exécuter les mêmes travaux qu'en
amont : dragages, et surtout redressements du cours. Ainsi sont disparues
les gigantesques courbes de Destelbergen, de Calcken, d'Overmeire, dont
les restes se devinent au milieu des prairies ; on en a transformé les
tronçons en routoirs. On continue à supprimeras petites courbes, à Melle,
à Wetleren. On a exhaussé les digues, pour régulariser l'emploi des crues
d'hiver ; de décembre à février, les associations do wateringues laissent
pénétrer et séjourner l'eau d;ins les prairies ; et souvent, après la fenaison,
on ramène l'eau dans les bras morts pour y faire le rouissage du lin.
Après Rupelmonde, les dangers d'inondations persistent. Aux fortes
marées coïncidant avec des crues du fleuve, les terres basses, malgré les
digues, risquent d'être englouties. De 1800 à 18 J0, une dizaine de marées
se sont élevées à 6"', 10 à Anvers 1 ; dans ce cas les digues peuvent céder.
En 1880, le polder de Ouybeke fut inondé pendant 5 jours; en avril 1003
* De Moy (P.), Elude sur l'amélioration el l'entretien des ports en plage de sable et
sur le régime de la cote de Belgique (Paris, Baudry, 1N<)Î, 1 vol. in-4\ 538 p.), p. 53.
2 Ibid., p. 53.
3 peheui (A.), Etude sur le matériel de la navigation intérieure circulant en Belgique
(Anu. Tr. p. Belg., UWl, i" fascicule ; 158 p., 5 pl.), p. 145.
* YVolters, Mémoire sur les marées, p. 15.
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LES RIVIÈRES A MAREE
115
et en mai 1904, l'eau monta jusqu'au sommet de la digue. Sur la Durme,
le danger est dû à des endiguements mal conçus, qui restreignent trop le
lit de la rivière ; il arrive par suite qu'aux époques de grande pluie la
Durme trop resserrée ne peut pas évacuer en un jusant tout l'apport des .
eaux supérieures ; d'où une accumulation dangereuse au moment de la
haute marée suivante 1 . Aussi les riverains sont-ils constitués depuis
longtemps en associations de Wateringues, pour défendre leurs prairies.
Ces Wateringues veillent a l'entretien des digues, répartissent les eaux de
crues dans les prés. Le règlement d'organisation de la wateringuo Thiel-
rodebroeek date du 7 mai 1555 ; celui du Baselbroeck, du 26 mars 1587 *.
Dangereux aux polders du voisinage, en revanche le fleuve est bon pour
la navigation. De Rupelmonde à Anvers, le tirant d'eau atteint de 4m,20 à
8'", 40 ; d'Anvers à Lillo, de 5m,40 à 9*50 3. L'afflux de la Durme et
surtout du Rupel lui ont donné la force érosive que ne peut lui fournir
l'Escaut appauvri de Gand. Il est vrai que depuis Termonde, le fleuve
n'est plus qu'à moitié flamand. Transformé par l'appoint du Rupel, ce
n'est plus le véritable Escaut. Les ports sont sur la rive droite, du côté
brabançon. Enfin, après le Doel, le vaste courant, large de 1.200 mètres,
n'a plus aucun rapport avec le modeste fleuve de Gand ; ce n'est plus
l'Escaut, c'est le bras de mer du Hont.
Ainsi les fleuves flamands portent tout au long de leur cours les traces
de l'influence de l'homme. Depuis le premier barrage, qui retient leurs
eaux naissantes, jusqu'aux hautes digues entre lesquelles ils débouchent
dans l'estuaire, ils sont dirigés, réglés, asservis. Leur état actuel est le
résultat d'une longue suite d'efforts qui a corrigé leurs défauts primitifs.
Depuis dix siècles on les améliore. On a cherché d'abord à rendre la navi-
gation aisée, et l'on a patiemment construit écluses et barrages. Puis on
s'est occupé de régulariser les effets des crues hivernales. Enfin c'est au
XIXe siècle seulement qu'on a essayé sérieusement de prévenir les inonda-
tions. L'homme est allé d'abord à son profit : il a songé ensuite à sa sécu-
rité. Le résultat semble satisfaisant. Les grandes crues sont de plus en
plus rares ; l'Escaut n'en a pas eu depuis 1872, la Lys depuis 1894. La
navigation est assurée ; et grâce aux dépressions qui séparent les lignes do
collines, on a pu établir entre les rivières des canaux qui complètent le
* Petit, Etude sur les courants, pp. 306-367.
* Moniteur Belge, 1877 (Séance du Conseil provincial de la Flandre orientale,
3 juillet 1877), p. 2007.
3 Dehem, Etude matériel, p. 145.
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110
LES COURS D'EAU
système des voies d'eau. L'œuvre a été considérable, mais le résultat en
valait la peine; ce sont les cours d'eau qui ont fait la Flandre. C'est le
long des vallées qu'a marché la civilisation, et que s'est fait le peuplement
du pays. Les rivières lui ont assuré de bonne heure cette activité commer-
ciale qui a fait de ce pays au sol pauvre une des régions les plus peuplées
de l'Europe. Rien ne semblait spécialement y attirer l'homme; le climat
était humide, le sol souvent ingrat, trop sableux ou trop compact. Mais ou
y passait facilement; pas de montagnes, juste des buttes pour se défendre;
et surtout des rivières partout, lentes, faites pour le trafic ; la Flandre en
devint un des pays les plus fréquentés de l'Europe. Il y a peu de contrées
où le réseau navigable, rivières et canaux, pénètre si avant dans les
terres, et soit si intimement lié au sol; c'est un véritable système circu-
latoire, qui assure les relations entre les parties de l'organisme flamand.
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117
CHAPITRE VI
DIVISIONS DE LA FLANDRE : LES VARIETES REGIONALES 1
Les noms de pays. Distinction essentielle : Plaine maritime et Intérieur.
L'étude dos phénomènes actuels a montré que dans la plaine flamande,
une par sa situation, son histoire, sa vie physique et économique, il existait
des variétés régionales. La température, la pluie tombée, l'humidité,
changent de la plaine maritime à l'intérieur. Ces différences sont dues à la
situation par rapport à la mer; elles dépendent aussi du sol et du relief:
ici une plaine basse et presque horizontale, forcément humide puisque son
niveau est inférieur à celui des hautes mers ; là un sol sablonneux et léger,
avec de légères éminences argileuses, prompt à absorber la chaleur et à
la perdre par rayonnement ; plus loin des terres recouvertes d'un limon
peu perméable, (dus élevées et plus ravinées, barrées d'une ligne de collines
de sable; ailleurs un plateau entaillé de vallées profondes, et qui doit à son
altitude de recevoir un peu plus d'eau que le reste de la plaine flamande.
Ces variétés de sol. et de relief appellent dos différences hydrographiques ;
le réseau des ruisseaux qui descendent rapidement du plateau alostois, ne
ressemble pas au lacis de canaux immobiles qui s'étend sur la plaine
maritime, ni aux calmes rivières et aux fossés indigents de la région inter-
médiaire. Il se découvre ainsi dans cette plaine flamande, en apparence
uniforme et platement semblable à elle-même dans tous ses aspects, une
variété de caractères inattendue; des régions dont les cultures, l'industrie,
les mœurs, les intérêts diffèrent aussi bien que leur température, leur sol
ou leurs cours d'eau. Ce sont là plus quo des nuances ; il s'agit de pays
distincts, connus du peuple, auxquels il a donné des noms, et dont il
s'explique les différences.
1 A consulter: Piot (C). Les pagi de la Belgique et leurs subdivisions pendant le
moyen-âge (Mém. G. A. R. Belg., in-4°, t. XXXIX, 1874) :- Letiridan (Th.), Statistique
féodale du département du Nord. Première partie : l^i Chàtellenie de Lille (Rull.
Gomm. H. N., XI, p. 45, XII p. 160, XIU p. 7.\i.
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118 DIVISIONS DE LA FLANDRE : LES VARIÉTÉS RÉGIONALES
Les Noms de Pays.
Cependant cos régions qui portent un nom, possèdent un état-civil, ne
sont pas aussi nombreuses qu'on se l'imaginerait d'après la carte de
France à l'échelle de 1 : oOO.lXH) *. Cette carte indique en effet un Pays de
Bredcnarde étendu entre les hauteurs de Licques et Audruiek, sur le flanc
Sud du Calaisis ; une grande région du FraucoruU, d'Ostende à Eecloo par
Bruges ; un Pays de Kadzand et un Pays d'Axel^ qui occupent toute la
Flandre zélandaise, avec le Braakman entre eux ; un Bidscaatjjvell
couvrant les bois de Thourout et Wynghene, auquel un Alfervelt fait suite
dans la direction de Gand ; un Pays de Waes(\m se déroule de Maldegem
à Anvers, sur tout le pays sableux du Nord. Autour de Lille, le Ferrain va
de la Deûle à la frontière, avec Roubaix et Tourcoing ; le Weppes sépare
Lille de la plaine de la Lys, tandis que sur les plateaux crayeux qui
recèlent l'avant-garde des couches houillères s'étendent le MéfrudoisH le
Carembatdt. Pour être complet, il faut ajouter à ces noms celui de Y Alleu,
qui désigne un petit canton de la plaine de la Lys, vers taventie, et celui
du Meetjeslaad, enserre entre Franconat et pays de Waes, dans le triangle
Eecloo, Somergem, Waerschoot.
C'est là beaucoup de noms et beaucoup de pays. La plupart sont de
vieux termes historiques, d'origine féodale ou ecclésiastique, qui ne corres-
pondaient pas pour la plupart à une unité géographique, et qu'on a repris
au XIXe siècle pour les plaquer sur des divisions d'ordre géologique*.
C'est la un emploi un peu artificiel, car le peuple ne connaît pas ces
noms, et les circonscriptions auxquelles on les applique ne correspondent
plus exactement aux vieux Pagi pour lesquels ils étaient créés. Déjà
l'on peut trouver abusif le nouvel emploi des termes Ferrain et Weppes,
pour distinguer deux cantons dont les différences sont assez faibles, le
premier plus ondulé, le second très plat. Le pays de l'Alleu n'est qu'un
coin de la plaine de la Lys ; et le souvenir de la domination qu'y exerçait
l'abbaye de Sl-Waast ne suffit pas a sauver de l'oubli le nom géographique
de cet ancien alleu. Le Franconat, ou plutôt Franc do Bruges (net Vrije)
était une ancienne circonscription politique de la Flandre, à cheval sur
1 Voir la carte à la fin du volume.
t C'est ainsi que M. («osselet a ressuscité les tenues .le Ferrain, Weppes, Mélantois,
Carembanlt, et leur a donné une signification géologique; les habitants ignorent ces
noms, qu'on retrouve seulement accolés à ceux des communes qui avaient besoin d'une
dénomination pour empêcher des confusions : Ncuville-en-Ferrain s'oppose à Neuvillo-
sur-Kscaut ; Sainghin-en-W'cppes, à Sainghin-en-Mclantoia.
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LES NOMS DE PAYS
110
la plaine maritime et l'intérieur; ce terme n'a jamais eu une valeur géo-
graphique, et a le tort d'être complètement tombé dans l'oubli. Los pays
de Kadzand et d'Axel désignent les doux arrondissements de la Flandre
zélandaise, sans plus. Bulseampvelt et Altervelt existent, mais on a fait
de ces termes un emploi singulièrement étendu : car l'un désigne réellement
une ancienne bruyère, aujourd'hui boisée, dans la commune d'Oost-
camp, et l'autre n'est qu'un lieu-dit de la commune d'Aeilre.
Les autres noms expriment peut-être plus de réalité, quoiqu'on ait beau-
coup trop agrandi la petite région dont ils indiquent l'existence et l'origi-
nalité. On a toujours appelé Bredenarde le plateau argileux, plus élevé
que la plaine maritime qui l'enserre presque partout, et qui comprend
les quatre communes de Zutkerquc, Nortkerque, Audruick et Polincove :
un coin de Flandre intérieure égaré entre les penles de l'Artois et la
Plaine; ce terme historique s'appliquait donc à un petit territoire diffé-
rent de ceux qui l'entourent. Mais il faut bien se garder de pousser la
Bredenarde au Sud d'Ardres jusque sur les pentes de la forêt de Licques.
Le Meetjesland est plus incertain, un peu en l'air. A Eecloo, Waerschoot,
Somergem, tout le monde en parle, les habitants s'intitulent Meetjeslan-
ders, les journaux en entretiennent leurs lecteurs. Mais hors de ce petit
cerelo, on entre dans le vague ; à Bollem, les Meetjeslanders sont ceux
qui habitent au Nord du canal de ( iaud ; à Evergeni on en parle sans trop
savoir ce que c'est ; à Knesselaerc, Nevele, Loolenhulle, Landegem,
(laprycke, on convient que ce nom n'est guère connu que des gens cultivés.
Si le Meetjesland a une signification géographique, il désignerait donc
la partie de la plaine sableuse qui se trouve à l'Est des collines dTrsel;
mais rien no distingue ce pays des cantons voisins ; aussi est-il à craindre
que le Meetjesland ne soit un vieux nom ou sobriquet historique égaré
dans la géographie
Le pays de Waes a beaucoup plus «l'originalité. Non pas qu'il faille
l'étendre aussi loin vers l'W. quo le fait la carte à 1 : 500.000; jamais
(>aprycke, Ertvelde, Selzaete n'en ont fait partie. La circonscription histo-
rique qui portait ce nom s'arrêtait a l'Escaut, a la Durme, et à la frontière
hollandaise actuelle *. ( ^graphiquement, le Waes est plus restreint
encore : c'est le pays du limon sableux qui surmonte l'argile rupelienne. .
Au milieu d'un pays de sable, ce limon forme une terre plus fertile, qui fait
1 M. Gosselet fait du Meetjesland la continuation du pays do Waes, celui-ci sY-tcti-
daut de Gaud à Anvers, celui-là de Gand à Hruges. (Géographie physique, pp. 109-110).
* Cf. Van den Bogaerde, Het distrikt van St-Nikolaas, vorheen land van Waes.
(S. Nikolaas, Dorey, 1825, 3 d., in-8°).
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DIVISIONS DE 1.A FLANDRE: LES VARIÉTÉS RÉGIONALES
du pays de Waes la région la mieux cultivée qui soit ; c'est le jardin do la
Flandre. Ce limon s'étend jusqu'à Waesmunster , Beleele , Stekene ;
comme ce n'élait pas là une frontière, on a reculé les limites jusqu'à la
Durme, grossie par le Hot de marée. Mais les communes situées au delà
n'en ont jamais fait partie : Zele, Loochristy, n'ignorent pas qu'ils sont en
dehors, que le pays de Waes s'arrête à Lokeren ; les habitants conviennent
que leur région, entre la Durme et ( iand, n'a pas de nom ; et ils paraissent
en prendre aisément leur parti.
Plaine Maritime et Intérieur.
Mais il y a d'autres noms que ceux dont parlent les cartes. Le peuple
qui ignore le Francouat et le Bulscampvelt, qui se soucie peu du Meetjes-
land ou de la Bredenarde, a toujours fait la distinction, en Flandre, entre
deux grandes variétés régionales, la plaino maritime et l'intérieur. C'est là
que s'accumulent vraiment les différences physiques, économiques,
ethnographiques même. Aussi pour exprimer ce qu'il y a de tranché entre
les deux régions existe-t-il des formes nombreuses, populaires, qui sont
de vrais noms de pays, car ils n'ont pas d'ancêtres historiques et désignent
des phénomènes naturels. A l'Ouest, ce qui frappe, c'est la différent e entre
les croupes élevées de la craie et les étendues plates du Calaisis : d'un
côté c'est donc le Haut Pays, appelé parfois les Côtes ; de l'autre le Pays-
Bas, la Bassure. Plus loin, après l'Aa, les hauteurs s'éloignent de la lisière
des deux régions ; le relief de l'intérieur n'est guère plus puissant que
celui de la plaine ; mais ce qui saute aux yeux c'est que la plaine n'a pas
d'arbres, et que l'intérieur en foisonne; l'une est donc le pays découvert
(BlootCy Blooteland), l'autre la l égion boisée {Ilouthriuf). Après Chistelles,
et jusqu'au delà de Bruges, la distinction se fait plus simplement encore
entre le Noorden et le Zuyde.n, habités par les Noordenaars et les
Zuyderlingen ; la différence est si nette entre les deux régions qu'on n'a
pas besoin d'une désignation plus précise. Au delà le terme Houtland
reparaît et se maintient jusqu'à la hauteur du pays de Waes, tandis que la
plaine prend le nom de Polders, ou Polderland ; c'est la terre des
Polders, terme qui a une signification précise puisque toute la Flandre
zélandaise est en effet composée de polders arrachés depuis quelques
siècles seulement à la mer. F^ufin dans le pays de Waes on appelle terres
hautes (Hoog/and, ou toi hooyen) l'intérieur, qui monte en pente douce
jusqu'à l'altitude de 30 mètres, tandis qu'on continue à qualifier de pol-
ders les terres basses qui s'étendent jusqu'à Anvers.
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LA PLAINE MARITIME ET L'INTÉRIEUR
121
Ce sont là do vrais noms géographiques. I/*s habitants rendent la
distinction plus nette encore par les épithètes, les sobriquets qu'ils se
renvoient d'une région à l'autre. L'homme do la Plaine, enrichi par la
fertilité du sol, aisé et cossu, se moque du paysan de l'intérieur que le
travail courbe sur un sol ingrat : lloutlander est un terme méprisant ; ces
gens de l'intérieur ne sont-ils pas d'un siècle en arrière { Ce sont de
pauvres sires; on les bafoue du nom bizarre d'IIoutlandsche priïm (prune
du Houtland). Le lloutlander riposte en se moquant des gros défauts du
Blootenaar, son amour d'une bonne table, du confortable, sa morgue,
son peu de sociabilité ; dans l'Ouest les gens du pays haut traitent de gris
ffos ceux de la Bassure ; par là ils entendent des orgueilleux, dos parve-
nus. A l'Est on considère comme pointilleux, rigides et désagréables les
Hollandais des Polders, qui traitant les Flfunands de l'intérieur de
fanatiques arriérés, et «l'ignorants. Il n'est pas un fonctionnaire, insti-
tuteur, prêtre, passant d'une région à l'autre, qui ne s'aperçoive rapidement
qu'il est dans un autre pays, et que le climat est aussi différent que les
gens : ceux de la plaine froids comme le vent qui souffle sans cesse sur
leur pays, ceux de l'intérieur plus démonstratifs, de tempérament plus
vif, comme réchauffés par la tiédeur de leur atmosphère 1.
(l'est là la distinction profonde en Flandre, le pays bas au long de la
côte, et le pays boisé derrière ; pays de Waes, Bredonarde, ne sont que
des détails dans cet ensemble. Plaine maritime, Flandre intérieure, sont
les deux grandes divisions du pays, dépendant, vers le Sud, des nuances
nouvelles s'observent; on sent la transition avec les pays voisins. La
plaine de la Lys tourne le dos à la Flandre, elle regarde déjà un peu vers
le Sud, vers le bassin houiller et la région lilloise. Le puissant foyer indus-
triel de Lille-Roubaix est également un peu à part ; la frontière l'isole du
Nord et le rapproche du Sud, en dépit des aftinités physiques. Le pays
d'Alost sert de transition entre les plateaux brabançons et les plaines
de Flandre. Ainsi la Flandre est bordée au Sud de régions mixtes, où
se ménage le passage de la nature flamande à la Picardie, au Hainaut,
au Brabant. Ce sont là des distinctions dont il faudra tenir compte dans
l'élude de la Flandre intérieure.
' « Sans transition, écrit un médecin « le Dixintide qui connaît bien le ]>;tys. de la
plaine à 1 intérieur tout change inopinément d'aspect : terrain, coutumes, mœurs,
température, climat, tout varie. On «lirait un autre peuple, un autre pays». {W'oets,
Topographie médicale île l'arrondissement administratif de Dixmudv. — Aim. «le la
Soc. médico-chirurgicale de Bruges, 1*47, p. W).
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122
RÉGIME DE LA MER FLAMANDE
CHAPITRE VII
RÉGIME DE LA MER FLAMANDE'
La nier flamande. Régime des marées : lo gain de flot. Formation des bancs.
I)o Sangalte à Anvers, sur une largeur d'une douzaine de kilomètres lo
long de la côte, la Flandre présente l'aspect d'une plaine basse, au sol gris
ou noirâtre, coupée d'innombrables fossés ou canaux, plantée de rares
arbres tordus; du roté do la terre, l'horizon semble infini, jusqu'aux
arbres du Houtland aperçus dans les brumes bleuâtres; vers la mer. l'œil
s'arrête sur une rangée de dunes blanches irrégulières, ou sur le profil
vert d'une digue, (l'est la plaine inarilime.
(lot aspect n'est pas particulier à la Flandre. Il y a plusieurs petits pays-
bas semblables sur les côtes de France : marais poitevin, marais breton,
marais de l)ol, bas-champs de Picardie. Mais ce type de région paraît
surtout développé le long de la mer du Nord ; la Zélande continue la
plaine maritime flamande, et sans interruption se succèdent les polders
hollandais, la Frise, occidentale et orientale, les Marschen de l'Elbe, les
Dittmarschen du Ilolstein, et ainsi de suite jusqu'en Danemark, au cap
Blaavands Huk. Fn lace, sur la côte anglaise, la plaine basse des Fen,
autour du golfe de Wash, fait pendant aux polders germaniques. Tous ces
« Principaux travaux à consulter: Keller (F.A.K.). Exposé du régime, des courants
observés depuis le XVI'- siècle jusqu'à nos jours dans la Manche et la mer d'Allemagne
(Paris, Didot. 1K.T>. in-8\ 17.") p.): — StoseU (A.), Des courants de marée sur le
littoral de la Belgique Ann. Tr. P. Bel-., XXV, 18*17, pp. 27-iï); — Ploeq(A.j, Ktude
des courants et de la mardi,- des .-illuvioiis aux abords du détroit de Douvres et
du Pas-de-Calais, sur les cotes de France et d'Angleterre ( Ann. P.-C, i* série. 3*
année. Is'i.'î, pp. 1U.M77. 7 pl.: ; — Do Mey il'.). Ktude sur l'amélioration et l'entretien
îles ports en plaire de sable et sur le régime de la côte de Belgique (Paris, Baudry.
18".»4, 1 vol. texte in-i", :>.'i8 p., I vol. atlas gr. in-<l°, \2 pl.); — Van Mierlo (C.-.I.). Iji
carte lithologique de la partie méridionale de la mer du Nord (Bull. Soc. belge (Jéol.,
XIII, iHÎO, IJanvier l'.fUl], .Mém. pp. ->i<l-'>t\\ carte); — Van Mierlo et Sp> ssdiacrl,
Carte générale de la partie méridionale de la mer du Nord, dressée d'après les son-
dages le> plus récents; publiée parla Soc. belge de (îéologie (Bruxelles Pamertm,
ISÎI7);— Gilson (<l.). Exploration de la mer sur les cotes de la Belgique eu 1810
(Mém. Musée Hist. Nat. Belgique, I, 11*00).
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LA MER FLAMANDE
123
pays bas ont le même aspect général, la même horizontalité parfaite du
sol ; les arbres peuvent y être plus ou moins nombreux, suivant la distance
à la mer : mais l'humidité est partout forte, les canaux nombreux ; c'est
toujours un pays à demi aquatique. La couleur du sol gris, semblable à
celle des vases marines, la présence do coquillages identiques à ceux que
contient encore la mer voisine, l'altitude surtout, avertissent que ces
plaines sont un fond de mer oxondé. Même la mer semble prête à réoc-
cuper un territoire qu'elle parait n'avoir abandonné que provisoirement ;
le pays bas est presque partout inférieur au niveau des hautes mers. Dans
des marées extraordinaires commo celle du 31 janvier 1877, il resterait
dans la plaine maritime de Flandre une bien faible étendue émergée,
sans la protection des digues et des dunes. Il s'agit donc bien d'une plate-
forme marine à peine hors des eaux, due à la mer, et qu'il faut a grand'
peine protéger contre elle. Aussi peut-il paraître utile, avant d'en commen-
cer l'étudo, d'examiner le régime de cette mer qui l'a formée.
La mer flamande.
Ce n'est pas d'une étude de la mer du Nord qu'il s'agit. Celle-ci est
vaste, et la Flandre n'en bordequ'une bien petite étendue. Comparée à la
véritable mer du Nord, celle qui s'étend du Jutland à l'embouchure de la
Tyne, la partie qui intéresse la Flandre est singulièrement restreinte :
c'est un « canal > au môme titre que la Manche, à peine plus large
qu'elle ; presque un cul-dc-sac assez étroit, s'entr'ouvrant de biais par la
fissure du Pas-de-Calais. C'est la une partie très distincte de la mer du
Nord, une )uer flamande, comme il y a une mer allemande entre la
Frise et le Schleswig. Les pécheurs du littoral n'appellent Nordzee que
la grande mor, au delà de la Hollande, colle du Doggcr-Hank ; au Sud du
53- et surtout du degré de latitude Nord, c'est la région des bancs de
Flandre (Flemish lianks, Vlaemschc banken) C'est celte partie seule
qui intéresse la côte et la plaine flamandes, car ses conditions physiques
sont différentes de celles qu'on trouve dans la Nordzee proprement dite :
là à cause de l'influence de la Manche toute proche, ici pan e que les flots
de l'Atlantique pénètrent librement par la large ouverture du Nord.
Or, commo la Manche, et plus encore que la Manche, la mer flamande
est sans profondeur. En dehors des fonds de plus de 50 mètres qui s'echo-
t Gilson, p. 01.
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124
RÉGIME DE LA MER FLAMANDE
lonnent dans le détroit (61 mètres entra Wissant et Douvres), il faut aller
loin do la rôle de Flandre, jusqu'au delà de la rangée des grands bancs,
pour que la sonde accuse plus de 40 mètres, et l'on n'atteint de nouveau
50 mètres qu'auprès des bancs anglais du Galloper. A côté de ces maxima
on trouve des profondeurs extrêmement faibles: 7m, 20 sur le banc du
Noord-Hinder, 5m, 20 sur lo Sandettie. situés au beau milieu du canal : plus
près des côtes, on arrive à lm,50, 1° 10, Om,50 (Goodwin Sands), et même
à des plateaux découverts à marée basse, le Braeck de Dunkerque, le
North-Coodwin. Ainsi cette mer étroite est à peine recouverte d'eau. Si
la plaine maritime n'est qu'une plate-forme marine à peine exondée, la
mer flamande est un socle continental faiblement inondé. Terre et mer
s'emmêlent, se pénètrent réciproquement. On a vu, dans l'histoire du sol
flamand, qu'il en avait toujours été ainsi. Dans cette lutte entra les deux
éléments qui se le disputaient, aucun n'a été assez fort pour vaincre défi-
nitivement.
C'est de l'époque quaternaire que datent les dernières batailles rangées.
Après des fortunes diversos, la terre l'avait emporté pendant le quater-
naire moyen, et la Flandre se joignait a l'Angleterre. Mais à l'époque
flandrienne (quaternaire supérieur), la mer traverse de nouveau le Pas-de-
Calais, et s'y est maintenue depuis. C'est d'alors que date la mer flamande.
L'évènemont n'alla passansquelque violence. Kn effet, la marée, beaucoup
plus forte dans la Manche que dans la mer du Nord à l'époque actuelle
(8"\55 à Dieppe, 7,n,86 a Boulogne, contre 5"\45 à Dunkorque, 4"',60 à
Ostonde, •4"',"J0 à Flessinguc) 1 devait être bien plus considérable encore
lorsque la Manche n'était qu'un cul-de-sac, où le flot venait s'accumuler
comme il le fait aujourd'hui dans le golfe de Saint-Malo ou la baie de
Fundy s. Tandis que ce formidable bélier battait l'isthme, la mer qui avait
peu à peu envahi la plaino du quaternaire moyen en Flandre devait avoir
des flux et reflux insignifiants; de nos jours on voit la marée propre à la
mer du Nord diminuer de l'Kcosse jusqu'à la ligne joignant Varmouth au
Texol, où vient la renforcer Tonde de la Manche ; on peut donc supposer
qu'à l'époque où le détroit n'était pas oncore ouvert, l'amplitude de la marée
restait faible au fond du golfe : peut-être 2 mètres, peut-être moins.
Mais lorsque l'isthme céda sous les coups du flot de la Manche, une véri-
table catastrophe dut se produire ; la marée venue de l'Ouest dut préci-
1 Do Moy, Ports en plage, p. 27.
* M. Van Mierlo Tc-tinie à environ 20 mètres. — Cl": Van Mierlo (C.-.I.), Los marres
a la lin do l'époque quaternaire sur les cotes do Belgique. (,Hull. Soc. belge (iéol.,
XI, I&I7, Mena., pp. 273-3$).
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LE RÉGIME DES MARÉES : LE GAIN DE FLOT
125
piter par l'ouverture des torrents d'eau, qui noyèrent le pays, élevèrent
le niveau do la mer du Nord et finirent par donner les marées actuelles.
Régime des marées : le gain de flot.
Or, c'est encore du système de marées de la Manche que dépend celui
de la mer de Flandre; c'est l'onde marée venant de la Manche qui pénètre
dans la mer flamande en suivant les côtes de Belgique ot de Hollande
jusque vers le Texel, tandis que sur les côtes anglaises c'est l'onde de la
mer du Nord qui produit le flux et le reflux, jusque vers l'embouchure de
la Tamise. Il en résulte que les mouvements du flux et du reflux sont
différents sur la côte flamande et sur la côte anglaise. I/O long de la côte
belge, le courant au début du flot porte au Sud-Est, vers la côte, et incline
peu à peu vers l'Est ; a l'heure de la haute mer, lorsque le flot atteint sa
plus grande vitesse, il est presque parallèle à la côte. \j& renversement
commence au jusant, le reflux portant d'abord vers le Nord, et s'incli-
nant lentement vers l'Ouest ; lors de sa plus grande vitesse, le jusant court
àrW.-S.-W.,jusqu'aumomentoù, au retour du flot, il va touruerau Sud,
vers la côte. C'est un mouvement giratoire inverse, c'est-à-dire contraire
à la marche des aiguilles d'une montre, tandis que sur la côte anglaise la
marée décrit un mouvement giratoire direct.
Ainsi les flots de la mer flamande subissent deux fois chaque jour un
mouvement de va-et-vient, qui, au moment des plus grandes vitesses,
les porte vers l'Est, puis vers l'Ouest. Le déplacement vers l'Ouest dure
plus longtemps, car lorsque le vent n'intervient pas, le courant de jusant
persiste en moyenne 1 heure, même 1 heure et demie de plus que le
courant de flot. En revanche la force du flot est plus considérable, parce
que sa vitesse est plus grande; sur le littoral français, elle est de 2*",15
par seconde devant Calais, de 1"\80 dans la rade de Dunkerque (marées
moyennes de vive eau); plus loin elle est de 1"',30 dans la rade de
Nieuport, de lm,20dans la grando rade d'Ostende, de ln,,5U au large de
Knocke ; celle du jusant dans les mêmes conditions est de devant
Calais, de lm,50 vers Dunkerque, de i"',10 à Nieuport, 0,u,95 à Ostende,
lm,45 vers Knocke *. Ainsi le flot est plus fort, mais le jusant dure plus
longtemps, et il serait difficile à priori de dire lequel des deux courants
l'emporte, de quel côté se trouvent transportées les alluvions que charrie
la mer.
• De Mey, forts en plage, pp. 29 et 33.
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120
RÉGIME DE LA MER FLAMANDE
Cependant il existe des preuves nombreuses qu'il y a gain de flot, c'est-
à-dire que les objets abandonnés à la mer sont transportés vers l'Est. I^s
bouées de Dunkerque dont les chaînes se sont rompues sont toujours
retrouvées sur la côte belge. Les fucus trouvés entre les bancs de Flandre,
et qui viennent des côtes bretonnes, fournissent la même indication
Enfin une expérience scientifique a prouvé cette prédominance du flot:
sur 100 flotteurs inunorgés lo 2 mai 1891) au bateau-feu du Wesl-Hindcr,
5 seulement ont été retrouvés, du 0 au 15, à l'W. du point de départ,
tandis que 49 autres ont été recueillis à partir de juin sur les côtes de
Hollande, dont 33 à la fois, entre Ymuiden et Schiermonnikoog, du 1er
au 15 septembre *. Or les vents avaient été plutôt défavorables, puisque
du 2 mai au 1er septembre 1899, ils avaient fourni 108 unités favorables
au courant de flot contre 251 contraires. Ils ont sans doute leur influence,
puisque ce sont des soufflas du N.-E. qui dans les premiers jours de niai
portèrent 5 flotteurs à l'W. du bateau-feu, et que ce sont les bourrasques
d'équinoxe W.-S.-W. qui ont jeté à la côte .'J3 flotteurs du 1er au 15 sep-
tembre ; cependant le courant de. flot est puissant par lui-même, puisqu'il
a conduit vers le N.-E. la grande majorité des flotteurs malgré des vents
contraires: 70 unités de vents N.-E. du 20 mai au 19 juillet, 52 unités de
vents N.-N.-W. du 3 au 27 juillet, enfin pour l'ensemble 143 unités de plus
au N.-E. qu'au S.-W.. M. Gilson conclut que la fore»' qui a fait cheminer
les flotteurs lui parait être la résultante d'une influence éolienne et d'une
influence neptunienne, la dernière étant la plus efficace.
Cette constatation déroute un peu, car ou s'était habitué à prendre pour
cause du gain de flot la prédominance bien constatée des vents d'Ouest. Il
est certain que ceux-ci ont sur la marée une influence considérable; dans
certaines marées, fussent-elles de morte eau, accompagnées de violents
vents d'Ouest, le flot duro presque constamment dans les ports flamands,
mollit à peine à l'heure du jusant, et reprend ensuite avec plus de force 3.
Cependant il est probable que la force du courant de flot n'a pas été
justement appréciée jusqu'ici, et que c'est à elle qu'est due une bonne
partie du gain constaté par l'expérience, et par les remarques des marins.
Ce gain de flot doit naturellement transporter vers l'Est les matériaux
tenus en suspension par les eaux de la mer flamande. Celle-ci est forte-
ment chargée d'alluvions ; sa couleur jaune eu prévient : on a pu recueillir
« Dlocq, Étude courants, pp. 138-140.
* Cf. Gilaon, pp. 67-80. — Deux flotteurs parvinrent aussi sur la côte du Sehleswig.
3 De Mey. Ports en plage, p. 88.
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LE RÉGIME DES MARÉES : LE GAIN DE FLOT 127
3 centimètres cubes do sable dans 6 litres de ces eaux troubles *. La
présence de ces grandes quantités de matériaux provient sans doute du
peu de profondeur de la mer, où les vagues de fond agitent les sables des
bancs ; elle f st due aussi à l'apport de la Manche. Ce sont les falaises du
pays de Caux, du Boulonnais, du Gris-Nez et du Blanc-Nez, qui four-
nissent les matériaux entassés dans la mer du Nord. Les alluvions
transportées parles fleuves sont eu faible quantité, air les fleuves flamands,
dont la penteest presque nulledans la dernière partiedeleurcours, amènent
à la mer des eaux à peu près décantées, et où ne se trouvent guère que
les matières ténues. L'Escaut, par exemple, si trouble à Wetteren, à
Termonde et a Anvers, se clarifie vers l'aval ; ses eaux sont déjà moins
sales à Bath , et presque limpides à Terncuzen ; si elles redeviennent
troubles à Flessingue, ce n'ost pas, en tout cas, par l'apport de vases
fluviatiles !. Donc, étant donné la présence du gain de flot, et l'apport des
fleuves étant insignifiant, c'est bien de la Manche que viennent les allu-
vions delà mer flamande. D'ailleurs, la nalurede cesélémentsvarieà mesure
qu'on va du Pas-de-Calais vers le Nord-Est. Ce sont d'abord des galets,
semblables à ceux qui encombrent les ports français de Normandie. A la
hauteur de Dunkerque, les galets se font tout petits : c'est plutôt du gravier;
et ce gravier n'est plus que du gros sable au large de Nieuport ; c'est du
sable fin qu'on trouve à Ostende, et vers Wenduyne déjà du sable vasard 3.
En dépit de la violence des courants, il se forme même des vases, qui se
déposent dans les criques sous-marines fermées, comme le fond de la
petite rade d'Ostende, ou l'ancienne anse du Zwin ; elles s'accroissent
avec une grande rapidité; ce qui restait du Zwin après l'endiguement
de 1872 était comblé 20 ans plus tard, et on pouvait le franchir à marée
basse *. Ces vases, produit de la désagrégation des côtes calcaires, de la
dissolution des coquilles, de l'attaque par les courants do couches argi-
leuses affleurant sous les eaux, contiennent parfois jusqu'à 28 u/0
carbonate de chaux, d'où leur fertilité quand elles sont émergées ; leur
couleur est grise au-dessus, noirâtre au-dessous, par l'oxydation que
produit l'oxygène de l'eau de mer 5. C'est cette vase qui devient l'argile
des polders, celle qui forme la plus grande partie du sol de la plaine
maritime.
1 Jonglez de Ligne, La Kado de DuDkerque. (LxU'ait de la Revu© mariUrne et colo-
niale, 18*54 ; Paris, Challamcl, 180-i, br. in-*, 20 p., 1 carte), p. 12.
* Van Mierlo, Carte lithologique, p. 225.
3 Ibid., pp. 227-228.
* Ibid., pp. 223-224.
» Gilsoii, pp. 36-£ft.
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128
RÉGIMK DE LA MER FLAMANDE
Formation des bancs.
C'est avec ces matériaux amenés do l'Ouest que les marées ont édifié les
bancs de Flandre. Resserré dans le couloir du Pas-de-Calais, le courant
y balaie avec force les matériaux ; mais lorsque la passe s'élargit, et que
l'onde marée de la mer du Nord viont contrarier la marche du flot sorti
de la Manche, le courant diverge, sa violence diminue, et il dépose les
matériaux qu'il tenait en suspension. Ce dépôt est particulièrement abon-
dant à la hauteur de Dunkerque, où les courants pourtant conservent
assez de force pour labourer les alluvions qu'ils apportent et y tracer de
profonds sillons. A mesure qu'on s'avance vers l'Est, ce système de bancs
est moins serré, moins varié ; ils deviennent plus larges, et moins nom-
breux, les dépôts sont plus lins, plus également répartis. Il en est de
même sur la côte anglaise où les bancs présentent presque tous des formes
aplaties, dues probablement à la rencontre des deux marées du Nord et
du Sud ».
Les bancs de la mer flamande ne commencent donc qu'à l'endroit mi la
force du courant, qui atteint 2m,ih par seconde dans les marées moyennes
de vive eau, commence à s'apaiser. l)u (iris-Nez à Calais, le banc à la
Ligne et les Ridens, abrités derrière le promontoire crayeux, n'ont pas
grande importance. Au contraire, à la hauteur de (Jravelines, les longues
arêtes de sable apparaissent simultanément dans toute l'étendue de la
mer; c'est un véritable éventail, qui diverge dans tous les sens. Ce sont
d'abord les (Joodwin-Sands anglais, à forme aplatie, dont le sommet appa-
raît à marée basse ; puis le South Falls, très long et étroit, à talus raidos,
où on ne sonde guère moins de 7 à 8 mètres d'eau *. L'on tombe ensuite
à 40 mètres, entre le Falls et le Sandettie, orienté vers le N.-E., et où
l'on touche le fond sur un petit plateau a 5m,20 et ÏVV-IO. Troisième fosse
de 27 à 36 mètres et banc du Ruytingen, avec 5 à 8 mètres d'eau en
moyenne, sauf quelques parties élevées où l'on ne sonde plus guère que
3 mètres; heureusement ce banc est traversé par plusieurs dépressions
de 15 à 30 mètres, précieuses aux navires du Nord qui gagnent la côte de
Gra vélines. Nouvelle fosse, et série des bancs du Dyck (occidental,
oriental), et Cliff d'Islande, hauts-fonds dangereux à cause de leur peu de
profondeur (8 à 1 mètres) et de la raideur des talus, sur lesquels se brisent
< Plocq, Gourants, p. 133.
* Tous « es chiflres «le profondeur sont donnés pour marée basse.
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LA FORMATION 1>KS BANCS 13»
violemment les flots poussés parles vents du N.-W.. l>e Binnen et le
Buiten-Ralel succèdent aux Dyck ; puis vient le Breedt, très large devant
Dunkerque, avec des l'omis de 1 mètre. Le Smal-Bank, situé derrière,
n'est guère plus profond : à marée basse il n'a que do l à 7 mètres
d'eau. Enfin vient la longue ligne des bancs qui bordent la côte, Snouw,
Braeek, Hills, ïraepegeer. dont certaines parties affleurent ù marée
basse, particulièrement le Braeek devant Dunkerque; ils se relient par
des fonds insignifiants de 6 h 7 mètres, dont l'un constitue la passe de
jmtM
Krhelle do longueur» 1 : glO.OM). Echelle «1rs hauteur- t : 1.WH).
Vu;. 3S. — Profil du fond do la mer flamande entre North-Foreland et Dunkerque.
Zuvdcootc, une des issues de la rade de Dunkerque. Du Dyck à la dernière
ligne, les bancs continuent a être séparés par des fosses profondes, inter-
rompues ça et là par des apophyses projetées d'un banc ;\ l'autre : entre
le Dyck occidental et le Binnen-Hatel, un plateau de G à 9 mètres; du
Ratel au Breedt, un haut-fond de 0 à 7 mètres; du Breedt au Smalbank,
du Smalbank au Hills, d'autres plateaux do i à 5 mètres. Enfin le Traepe-
geerva se relier à la rôle à l'Ouest de Nieuport, par 5 mètres de fond
environ.
C'est donc une série de 9 rangées de bancs et de fosses qui se développe
en éventail de Dunkerque à la côte anglaise ; la mer flamande à cet
endroit ressemble à un champ labouré, aux gigantesques sillons. C'est
surtout le long de la côte française, où l'action de la marée venant de la
Manche est seule à se faire sentir, que le spectacle est curieux : b' ligues
de bancs y sont pressées les unes contre les autres, comme des murs
séparés par des ruelles, le tout sur une largeur d'environ 20 kilomètres.
Car ces bancs sont généralement très accores, surtout du côté de la côte.
Cette particularité s'explique : à la fin du jusant et au début du flot, le
courant porte au S.-E., vers la côte, et tend à transporter les particules
sableuses dans cette direction, par dessus les bancs; aussi ceux-ci
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RKdIMK I)K LA MKR FLAMANDE
prouncnt-ils une pente douce du côté du Nord, d'où leur viennent des
dépôts, et restent BCCOres vers le Sud 1 . Le Sandettie, le Ruytingen, le
Dyck, le Braeck, présentent cet aspect. Puis le flot tourne vers l'Est,
creusant les fosses entre les bancs, sans déranger l'équilibre établi entre
les deux flancs de chaque crête.
Les bancs allongés devant Dunkcrque sont proprement les bancs de
Flandre ; et les plateaux que l'on trouve encore au large de la cote belge
ont déjà un autre aspect. Le courant est moins fort : ils sont plus larges,
moins élevés, moins réguliers. l,e Fairv Bank, avec 7m,30 d'eau sur sa
partie la plus haute, prolonge le Sandettie ; le West-Hinder, l'Oost-Hinder
et le Noord-Hinder ont des fonds de 7 à 5 mètres, mais des passes de 20 à
35 mètres les séparent, et rendent possible la navigation. I,a plus faible
profondeur sur le Bligh est do 9 mètres ; sur le Thornton, 10 mètres, sauf
un petit plateau avec 4 mètres. Fnlin le Kwintebank, avec 5 à 7 mètres
de fond, prolonge le Smal-Bank ; les bancs de Nieuport, do Middelkerke,
d'Ostendeet de Wenduyne, avec des profondeurs variant de i a 8 mètres,
s'alignent parallèlement à la cote d'Ostende ; plus près encore, le Slrooin-
bank vient se souder à la plage à l'Ouest de Wenduyne, Knlre ces derniers
bancs les passes sont moins profondes, et ne dépassent guère 15 mètres ;
parfois elles se réduisent à 0. A l'Est de Wenduyne, les bancs
disparaissent, remplacés par un grand plateau sableux, net Zand, qui
descend lentement vers les l'omis du large, et n'a guère que (i mètres de
profondeur devant Blankenberghe. Mais lorsqu'on arrive à la hauteur de
Heyst, de nouveaux bancs et de nouvelles fosses apparaissent. Cette fois
l'orientation n'est plus la môme : le manche de l'éventail est engagé dans
l'Escaut occidental. C'est au jeu des courants entrant dans l'estuaire et en
sortant qu'est dû ce nouveau groupe : le Paardemarkt, qui n'a guère plus
de 2 mètres d'eau à marée basse, et que la fosse de l'Appelzak, profonde
de 7 h 9 mètres, sépare de la côte; les bancs de Hoysl, Knocke, et du
Hompel, dont le point le plus élevé est à 3 mètres sous marée basse, et
que longe au Sud la belle passe de Wieliugen, dont les profondeurs
varient de 9 à 23 mètres: c'est la véritable entrée du fleuve. Puis se
succèdent vers le Nord la passe du Spleet, qui n'atteint parfois que 5"',50,
le grand plateau du Haan, la mauvaise passe du Deurloo, les bancs du
Rassen et de Caloo, la rainure de l'Oostgat. Enlin au large quelques
« CA. Van Miorlo, Carte lithologique, p. 228. — Cet elTct n'est pas modiûé par le
courant de jusant, qui à son début porte pourtant vers le large ; car le jusant à sou début
n'a pas autant de force que le flot, la masse d'eau qui porte de la eùte vers les bancs étant
beaucoup moins considérable que celle qui porte du large vers les bancs et la cote.
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L\ FORMATION DKS BANCS
131
médiocres plateaux continuent en face des côtes de Zélande l'alignement
des bancs de Flandre.
L'édilication d'une pareille rangée d'arêtes et de plateaux sableux ai
milieu de la mer flamande est une œuvre considérable, dont l'ampleur
s'accorde mal avec ce que nous savons de la puissance actuelle du gain de
flot, qui paraît être assez peu importante. D'ailleurs, les bancs ont peu
changé depuis qu'on a pu en relever exactement l'emplacement et la
hauteur. En 1776, l'abbé Mann rapporte qu'au dire de tous les marins, et
contrairement à ce qu'il pensait lui-même, les orages et tempêtes, si
violents qu'ils soient, ne font aucun effet sensible sur les bancs, et qu'on
ne remarque aucun changement sensible ni dans leur forme, ni dans la
profondeur d'eau qui les couvre '.On comprend l'étonnement de l'abbé
Mann, car l'aspect jaunâtre de la mer, toujours chargée de particules
sableuses, la présence de ces rangées de bancs, d'origine évidemment
alluvionnaire, l'envasement des ports dans les parties non soumises aux
chasses, font croire volontiers à des transports considérables de maté-
riaux. Le transport existe, mais les transformations sont rares et lentes.
I^es cartes dressées en 1801 par lîeautemps-Heaupré. celles que construi-
sit en 1866 le lieutenant de vaisseau Stessels, celles de M. Petit en 1882,
pas plus que les cartes néerlandaises établies tous les dix ans depuis 18*^5,
ou celle de M. Van Mierlo (1897), n'accusent de changements importants !.
L'étude détaillée des côtes montrera que les transformations sont insigni-
fiantes, sauf sur 3 ou 1 points déterminés ; si les grands fonds
s'exhaussent, très lentement d'ailleurs, les fosses de moyenne importance
paraissent garder leurs profondeurs '.
Il faudrait donc en conclure que l'apport des alluvions de la Manche est
relativement peu considérable, et que les sables et vases dont les eaux delà
mer du Nord sont si souvent chargées ne proviennent que d'échanges faits
entre les bancs et les plages, échanges opérés si équilablementque chacun
' Kxcepté pour les bancs du Traepeg.-er ol. du Stroombank, qui se rapprochent de
la côte. — Abbé Mann. Mémoire sur l'histoire naturelle de la mer du Nord et sur la
pèche qui s'y fait. |_Anc. Mëm. Ac. Brux., t. 11, (17»»). pp. 1 .">!>- 221 (lu en l'Tti, publié
en 17*0). (X pp. 191-192J.
* Des échantillons de la plupart de ces carte-» se trouvent dans l'Atlas annexé au
livre de M. de Mey. Torts en plage .le sable.
•'' Ce phénomène n"est pas particulier à la mer du Nord. « Il résulte de la compa-
raison des cartes marines levées à différentes époques depuis HMI que la masse des
alluvions de la baie de la Merscy n'a pas sensiblement augmenté ; on y constate certaines
fluctuations dans la configuration des bancs et dans la direction des chenaux, mais la
baie, considérée dans son ensemble, n'a pas subi de grandes modifications ». il> Mcy,
Torts en plage, p. ITôi.
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KK'UMK DK LA MKK FLAMANDE
finit par retrouver son capital à j»eu près intact, (iela n'a rien de surprenant
d'ailleurs, puisque ce qu'apporte le flot, le jusant le remporte. Il faut bien
croire pourtant, d'après la forme allongée dos bancs, d'après leur orien-
tation par rapport aux courants, qu'ils sont dus aux transports de maté-
riaux amenés do la Manche par le gain de flot ; mais il faut ajouter, ou
que <• ces dépôts ne peuvent être que le résultat d'ellbrts millénaires » »,
ou que les conditions actuelles n'ont pas toujours existé. I,es deux hypo-
thèses sont probablement exactes. I,a première ébauche des bancs date de
l'ère quaternaire (époque flandrienne); cela donne plusieurs milliers
d'années avant notre ère. Mais les courants avaient à coup sûr plus de
violence qu'aujourd'hui. Lorsque la mer y pénétra, le Pas-de-Calais était
plus resserré qu'à l'heure actuelle ; l'histoire en a constaté l'élargissement,
dû au recul des falaises du (Iris-Nez. du Blanc-Nez et de Douvres: il
continue à s'élargir. Dans ce bras plus étroit, les courants étaient plus
rapides, le gain «le Ilot devait donner des résultats plus appréciables. ls>s
vagues qui amenaient de la Manche dos quantités plus considérables
d'alluvions, érodaienl aussi avec plus de vigueur le fond de la mer du
Nord, accumulant en longues tiles les galets et leurs débris, graviers et
sables, les dépôts quaternaires recouverts par l'invasion flandrienne, et
jusqu'au soubassement tertiaire ; les blocs de grès paniseliens y ont été
trouvés en grand nombre î. Kt l'on se rapproche ainsi do la théorie de
M. Van Mierlo, qui veut que les bancs de Flandre soient dus à la violence
du flot de marée de la Manche, franchissant brutalement le détroit et
ravinant sur son passage le fond de la mer du Nord.
Kn revanche, si les dépôts alluviaux sont, faibles dans les parties de la
mer flamande exposées aux courants, ils sont considérables dans les
anses, les bassins, les parties abritées. On a cité l'exemple du Zwin, qui
s'est comblé si rapidement dès qu'il eut été fermé en arrière. Dans '
l'estuaire de l'Kseaut, le Braakman semble destiné à disparaître d'ici un
siècle; le lit de l'Kseaut oriental, coupé par un barrage en 1867, est en
grande partie endigué aujourd'hui, et cultivé. Dans les ports, les anciens
bassins de chasse étaient vite envasés, et à Dunkerque le bassin Becquet,
creusé en 1827 et supprimé en 1S8^, s'était rempli dans ces 55 années
d'une épaisseur do 1 à -d mètres d'argile et de sable :|. Aussi les anfractuo-
sités ne peuvent-elles subsister sur une côte semblable, et la crique
i Do Mt;y. forts en plage, p. ÎK).
* «.iilsoii, pp. 3C-."<*.
3 Gos-elct <J Géographie physique, p. J3.
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LA FORMATION DKS HANCS
ouverte aux XVIIe ot XVIIIe siècles à l'Kst d'Oslende ne larda pas a
être comblée.
Tel est, dans ses grands traits, le régime de la mer flamande. De
puissants courants de marée, issus de l'onde de la Manche, la parcourent
chaque jour de l'Ouest à l'Kst et do l'Kst à l'Ouest : cependant le premier
est le plus fort, et amène peu à peu vers l'Kst les matériaux arrachés aux
côtes normandes et picardes. Ainsi se sont déposées dans la mer flamande,
en grandes masses autrefois, en petites quantités aujourd'hui, lesalluvions
que labourent chaque jour le flot et le jusant, et qu'ils ont alignées en
bancs longs et étroits, séparés par des fosses profondes. Malgré la
violence des courants, et en dépit de son aspect souillé, la mer modifie à
peine ces bancs et ces passes ; le rythme est si bien établi que ces énormes
mouvements d'alluvions, qui jaunissent les eaux, se bornent à des
échanges et à des restitutions. Les courants de marée qui comblent les
anses et font disparaître les golfes nettoient les chenaux et entretiennent
les passes, et cette mer qui parait si peu hospitalière a au inoins le mérite
de rester semblable a elle-même ; elle ratisse les dépressions par lesquelles
se glissent les bateaux, et va porter ce qu'elle a enlevé au fond des golfes
où elle prépare do nouveaux polders.
C'est dans ces conditions que s'est formée la plaiue maritime.
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131
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
CHAPITRE VIII
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME '
1. I.« Heine m-nnt l'inniiflftion ,/u V siè, h\ Hypothèses sur l'origine de la Plaine.
Structure du sol. Date de l'inondation. Nature de l'invasion marine. — 11. Assccfie-
htcitt tir f/i Iltiinr : Y'-XIl sirctr.s. Les premières localités : VII' -X' siècles. Estuaires,
diluer- et dunes. Disparition des estuaires. — III. Vi'rissifiu/rs d>- In t'htmln-
zch'inhiisr. Prospérité des endiguements ;uix XI IL cl Xl\v siècles. Inondations et
réendiguemeiits : XIV -XIX' siècles ; rôle des événements historiques. — IV. I.<-
ZirÂn.
I.
LA PLAINE AVANT L'INONDATION PL V« SIECLE.
Hypothèses sur l'origine de la Plaine.
On ne s'est jamais trompé sur l'origine marine du sol <!<• la plaine
maritime. La proximité de la mer. l'horizontalité de la plaine, la faible
altitude du sol, et surtout la présence dos coquilles marines, semblables à
celles que rejette la mer du Nord sur ses plages, avaient éclairé les
I Principaux travaux: Gossdet 0 .). La plaine maritime du Nord delà France et
de la Belgique. (Ann.Géog., |«tt-<«, pp. mVMk, 1 carte à I .."^ ).( M N >> : — Géographie
physique du Nord de la France et de la Belgique. (La plaine maritime), pp. 1 12 ; —
Belpaire : Do la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark : 1" partie.
Mémoire sur la plaine maritime depuis Anvers jusqu'à Boulogne, par Antoine Belpaire.
I '»3 p. ; 2" j>artie. Etude sur la plaine maritime depuis Boulogne jusqu'au Danemark.
parAlphonsH Belpaire. 'J 12 f- 21» p. (Anvers, Kornicker, 1HV», in-8"):— Dehray (A.), Etude
géologique et archéologique de ipielques tourhières du littoral tlainand et du dépar-
tement de la Somme (Mém. Soc. Se. Lille, aune.' I8~.'V) : Pans. Dumoulin. ÎST.'Î ; —
Bigaux (H.). Etude sur la topographie de l'arrondissement de Dunkerque antérieu-
rement au XII' siècle : golfes rie Sangattc et de l'Yser (Hull. Gom. 11. Fr., VI, lHT.'i,
n'4 T» et fi) : — Rutot (A.) : les opinions définitives de M. Butot sont exprimées dans:
Esquisse d'une comparaison des couches pliocènes et quaternaires de la Belgique avec
celles du Sud-Est de l'Angleterre i Hull. Soc. belge Géol.. XVII. iMN. Mém. pp. :»7-
1(11); — Sur les antiquités dé-couvertes dans la partie belge de la plaine maritime,
et notamment sur celles recueillies à l'occasion du creusement du nouveau canal de
Bruges à la mer (Mém. Soc. Anthr. Brux., XXL 1!H»3); — .lonekheere ( Ed.), L'origine
de la cète de Flandre et le Bateau de Bruges (Bruges, de Haene-Bodart, l'.Hfl, 1 vol.
in-8" texte, 120 p., 1 vol. pl.. 4 cartes).
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LES HYPOTHKSKS StR 1/ORIGINK DK LA PLA1XK
habitants. Les inondations marines, l'infiltration des eaux saumàtres
dans le sous-sol, la ressemblance de la terre poldérienne avec le sol des
schorres abandonnés récemment par les marées, étaient d'autres signes
infaillibles. Les quelques mètres d'alluvions qui surmontent la tourbe du
sous-sol étaient bien un dépôt marin. « Les gens du pays, écrit l'inten-
dant Des Madrys, croient que la tourbe a été submergée lors du déluge,
et que la mer a couvert, encore iongtemps depuis, la surface de tous ces
terrains bas : ce qui se vérifie par A ou i pieds de sable de mer mêlés de
coquillages que Ton trouve au-dessus de celte tourbe.... » '. C'est encore
aujourd'hui l'avis des paysans du Furnambacht que leur pays est le
résultat du déluge.
Du déluge biblique, l'érudition passa, sur la foi d'un texte bien vague,
au déluge cimbrique *, et s'en tint là. « Il faut, dit Bu (Ton, que dans les
siècles reculés, lorsque la Flandre n'était qu'une vaste forêt, une inon-
dation subite de la mer ait submergé tout le pays Cette inondation
doit avoir été bien longtemps avant la conquête que fit Jules César,
puisque les écrits des Romains, depuis cette époque, n'en ont pas fait
mention » 3. L'argument paraissait sans réplique : puisqu'aucun historien
n'avait parié d'une inondation aussi considérable, l'événement devait se
perdre dans la nuit des temps. D'ailleurs on n'avait jamais vu se produire
de catastrophe géologique un peu importante ; tous les accidents de ce
genre devaient doue avoir une formidable antiquité.
C'est l'archéologie qui permit de reconnaître ces erreurs et de préciser
la date à laquelle s'était produite la dernière invasion marine. Aux XV II*
et XVIIIe siècles, on commençait à collectionner les découvertes faites
dans les Pays-Bas4 ; au commencement du XIX'' siècle, le chanoine de Bast
rassemblait en un très beau travail ces notions éparses 3. I,es recherches
ont continué au XIXe siècle, et l'on peut aujourd'hui drosser de la plaine
maritime une carte archéologique où les points d'observations sont assez
nombreux pour permettre d'en tirer des conclusions valables. Ceux des
objets trouvés qui se rapportent à l'époque romaine ou aux Ages anté-
' Mémoire de Dos Madrys, intendant de la Flandre maritime. {HHK). dans Bull.
Comm. H. N., XL pp.
* Kloms. Rer. Rom. Kpit., lilt. III., eap. III.
1 Huflbn, (Kuvres complètes, éd. Delanglc, II. p. :C'S.
* Cf: Ac^idii Bucherii Belgium Romanuni {L-odii. IliV», gr. m i ,lib. VI. eap. IX.—
Heylen, I)e antiquis Romaiioruni moniimentis in Austriaco Itelgu» superstitibus (Ane.
Mém. Ac. Brux., VI, 1783). pp. lOVl'lO.
5 de BastfJ. M.), Recueil d'antiquités romaines ot gauloises trouvées dans la Flandre
proprement dite. (Gand, 188-1813. 2 vol. in 'r .
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FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
rieurs son! de diverses sortes : silex polis do provenance néolithique, vases
grossiers attribués aux Gaulois (Morins et Ménapiens) ; surtout des
poteries samiennes de l'époque romaine, pots, plats de terre, urnes, vases
Fio. 13». — Découvertes d'objets romains et pré-romains dans la plaine
chargés ou non de bas-reliefs, briques ; des objets de métal, fibules, fers
de lance. Enfin ou a trouvé des monnaies, qui aulhentiquont el datent le
reste: une monnaie gauloise à la Panne, attribuée aux Ambiani ; des
médailles et monnaies romaines à Calais, Sangaltc, Marck, llames-
Iloucres, Bois-en-Ardros, Ardrcs, Salperwick, Drinebam, Killem, la
Panne, St-Georges-le/.-Niouport, Damme, enfin Domburg, dans l'île de
Walehoren
1 Les découvertes archéologiques sont indiquées dans les travaux suivants: de
Hast, Recueil, I, pp. 2UJ.R1: - Kelpaire (Alph.), Étude, p. :«) ; — Fouilles de
Reaumarais et de Marck dans le canton de Calais (Mém. Sue. An t. Mor., IX. ^ |>artie.
pp. :«1-:îTvÏi ; —de Coussemaker, in Rull. Conmi. H. N„ IX, pp. i'H^ii; — Rivaux.
Topographie, pp. 2i.'t-21."i : — Debray, Tourbières, passim : — Hull. Se. Ilist. Litt.
Nord, Y, p. 18.1; — (lousiu. I n itinéraire au X" siècle. Mém. Soe. Dunk., XVI :
appendice G : — Macquet i I.. >. Histoire de la ville de Danime (Rrugcs, 1H.V>), p. R>.
note 1 ; — Smallegange, Nieuwe Cronyk van Zeeland (Middelburg. Meertens,
p. K7> ; — de \/>ï> (Raron A.), I.a station préhistorique, helgo-romaine et franque de la
Panne (Mém. Soe. Antlir. Unix.. XX, l!t>*Ji : — Rutot (A.), Sur les antiquités décou-
vertes dans la partie belge de la plaine maritime (Mém. Soc. Anthr. Rrux.. XXI,
RIO,*); — enfin dans les papiers inédits de M. Debray, à la Ribliotheque communale
de Lille
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LES HYPOTHÈSES SUR L'ORIGINE DE LA PLAINE
137
Or, tous ces objets ont été trouvés, non pas sur le sol ou dans les
couches supérieures, d'origine marine, mais dans la tourbe qu'elles
surmontent do quelques mètres, (l'est en creusant le sol, et on extrayant
la tourbe pour le chauffage de leurs maisons, que les paysans de la Plaine
ont découvert ces antiquités ; c'est ce qui explique que depuis 50 ans on
n'en trouve plus guère, sauf dans les terrassements exécutés pour de grands
travaux, l'exploitation de la tourbe ayant cessé. Les objets, dont certains
sont lourds et les autres légers, ne sont pourtant pas entourés dans la
tourbe, on ne les trouve que dans les 0m,5° de la partie supérieure. Ils
ont donc été jetés a la surface de l'ancien sol tourbeux, ou enfouis a une
faible profondeur.
La conclusion [à tirer de leur présence en cet endroit c'est que la
surface de la tourbe représente le sol que foulaient les hommes à
l'époque romaine et aux époques précédentes, et que les 2 ou À mètres
de sables et d'argiles qui surmontent la tourbe ont été apportés par une
inondation marine postérieure à la présence de la civilisation romaine.
Le sol de la plaine maritime, ce dépôt dont l'origine marine n'a jamais
été discutée, serait le produit d'une invasion de la mer sur le sol flamand,
survenant non dans les lointaines époques géologiques, mais tout près de
nous, dans les premiers siècles de notre ère.
Cette théorie semblait si extraordinaire que l'intelligent érudit Vredius,
au XV IF siècle, n'osait pas l'admettre tout entière, etconvenaitseulemenl
que les Morins et les Ménapiens avaient vécu sur le sol tourbeux 1 . De
Hast, dont les travaux ont fait faire un si grand pas à la question, n'ose
pas encore être tropaffirmalif. C'est à Antoine Uelpaire, dans son mémoire
de 1825, que revient l'honneur (l'avoir très fermement déclaré que la date
de l'invasion marine devait être lixée au plus tôt au IIF siècle*. Depuis,
l'on a apporté à cette thèse des vérifications de toute sorte. ( )n a précisé les
limites de la région inondée, les caractères marins du sol et de la faune ;
on a ajouté aux arguments géologiques de nouvelles preuves archéolo-
giques et historiques. Aujourd'hui la structure de la plaine est connue, et
il est possible d'en esquisser l'histoire.
1 « t bi nunc apiam illam alcmlo i^rni materiam. alta humo additam. ni»ueana
serutatur industria. Aussi- (uni teinporis Morinorum et Menapioruni soltiin » (Yrolius,
Klandria Ethnica, p. .TJ).
! « Nous i>cnsons donc que c'est pendant la domination romaine que la mer est
venue pour la première fois, depuis sa retraite, se jeter sur ces terres.... Ce n'est que
pendant la dernière moitié du 111' siècle qu'elle semble avoir atteint cette parue du
continent qui l'orme maintenant l'île de Wakheren » (p. »w).
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FORMATION I)K LA PLA1NK MARITIME
Structure du sol.
Les dépôts quaternaires el modernes, propres à la plaine maritime,
atteignent une épaisseur de 20 a 40 mètres. Ils surmontent les couches
tertiaires, que les sondages ont rencontrées dans le même ordre, et
occupant respectivement les mêmes territoires que dans l'intérieur de la
Flandre. Vers l'Ouest, c'est l'argile yprésienne. que la sonde atteint à la
profondeur de 23 mètres sous Bourbourg, de 27n',r>0 sous Fumes, de
2P..")0au Petit Crocodile (Middelkerke), de 2 îm,îK) à I^ffinghe. de 33»,50
à Ostende. Puis vient le Panisclicn, que M. Hutot reconnaît à Blankcn-
berghe sur une épaisseurde 2'i mètres, surmonté de 30 mètres de dépôts
quaternaires et modernes. Sous la Flandre zélandaise apparaissent les
derniers étages tertiaires; le Rupclien sentit atteint à I9"\50 sous
Schoondijke, à 22 mètres sous Watervliet, à 18 mètres sous Terneuzen.
A Walsoorden, il faut descendre jusqu'à 29,n,5() pour trouver le Diestien.
Fnfîn à Flessingue, le tertiaire est apparu à 22 mètres ; à (ioes, à
30 mètres Les résultats de ces sondages prouvent que l'épaisseur des
terrains de la plaine maritime est variable, mais qu'en moyenne elle
atteint à peu près 25 mètres; ils montrent aussi que la région n'est une
plaine eôlière, au sens précis du mot, que par rapport aux couches quater-
naires et modernes, puisque les terrains tertiaires, sous la plaine comme
dans l'intérieur, plongent vers le Nord, dans une direction presque per-
pendiculaire à celle de la côte actuelle *.
Au-dessus de ces couches tertiaires s'élève l'épais dépôt marin des
sables pissarts, que l'on s'accorde a considérer comme flandriens (quater-
naire supérieur). A Calais, ils ont 20 mètres, à (lravelines28, à Bourbourg
23, à Duukerquc une trentaine de mètres '. A Fumes, ils se réduisent à
I8r"20;à Ostende, le dépôt retrouve 27 mètres d'épaisseur, a Illankenbcrghe
30 mètres ; à Coolkerke près Bruges, le sondage s'est arrêté après en
avoir traversé ÎT^SO. A Watervliet , les sables flandriens atteindraient
18 mètres ; à Schoondijke. une diz:tine de mètres ; à Sluiskil, plus de 20
1 four .hilUvs .!<• <vs soihlaircs. voir: Wrroustre, Smidago à Mourlxtnrfî. 'Ami
Sue. p'-ol. >.'.. \ "L pp. .'Vi -.'f» ) ; — Rntoi, Note sur quelques points nouveaux <!<• la
p;»ilop<> ili's Klamliv?». pp. '*.*'■> '.\['.\ ; — Les Onpiu-s du Ouatei nain- île la Belgique,
p. IL'; — I).' Brouwer. Le puits ariésten «les Aeiéries de Terneuzen; — I.orie (.1.),
Somlap-s en ZèlanuV.
- Cornet, Ktu.le* évolution, p. Î.'ÎO.
' Cos.selet, Esquisse, Quaternaire, p. ."H Kl.
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LA STRUCTURE DU SOI.
mètres ; à Terneuzen (Aciéries) t3m,50 ; à Walsoorden, 15 mètres ;
a Flessingue (puits artésien) 14 mètres ; à (ioes une trentaine «le mètres
En dépit de quelques irrégularités, ces chiffres prouvent l'épaisseur consi-
dérable, 20 à 30 mètres, de ces sables, épaisseur d'autant plus remar-
quable que sauf aux environs d'Eecloo le quaternaire supérieur, dans le
reste de la Flandre, ne dépasse guère quelques mètres.
Ces sables sont généralement gris, très fins, et complètement imbibés
d'une eau qui s'écoule dès qu'on les extrait de terre ; de là le nom de sables
pissarts, que leur donnent les paysans du Calaisis. Cependant ils ne sont
pas, sur toute leur épaisseur, complètement homogènes. A Coolkerke, ou
signale en profondeur des éléments très grossiers, fragments de grès
paniscliens. éclats anguleux de silex ; en haut, des couches plus argileuses,
et un sable très coquillier. A Bourbourg, le sable de base est plus gros,
avec coquilles, sur 2 mètres d'épaisseur. A Sluiskil, une des couches
inférieures contient du sable grossier, avec cailloux de quartz et de silex ;
à Ostende on indique du gravier à la base ; a Calais les sables reposant
sur une couche de 2 mètres de gros silex. Tous ces éléments grossiers et
roulés trouvés à la base du dépôt semblent indiquer une profondeur d'eau
peu considérable. Au contraire a la partie supérieure le sable devient le
plus souvent argileux : c'est ce qu'on observe sur 2"',70 à Ostende, 3'" ,50 à
Blankenberghe, 3m,iO à Sluiskil, 3n,,00 à Flessingue (Sondage des
Kcluses). Un régime de lagunes se serait donc établi à la fin delà période.
F.n tous cas, toute la masse est marine, comme l'attestent les coquilles
qu'on trouve du haut en bas, et qui appartiennent aux espèces actuelles
de la mer du Nord {Cardium ertit/e) et à des formes étrangères (Corbwulu
(luminalis).
Les sables pissarts sont presque partout surmontés d'une couche de
tourbe, d'épaisseur très variable, allant de quelques centimètres à 4 mètres.
Parfois même le banc est remplacé par quelques linéoles noirâtres, ou de
la poudre tourbeuse mêlée à une autre couche, sable ou argile. Il est
très rare répondant que la tourbe fasse complètement défaut, si rare que
dans ce cas on peut supposer qu'elle a été enlevée par un ravinement. Sur
20 sondages indiqués dans la Monographie agricole de la région des
Polders, 3 seulement n'ont pas rencontré de tourbe * ; les autres men-
tionnent des épaisseurs allant de 0™, 10 (Avecapello) à ;>m,50 (Cleemskerke).
A Ostende on en trouve 1"\.T>; à Blankenberghe. 2 mètres. Dans la partie
française, la plupart des sondages l'ont atteinte et traversée sur des
i Références indiquées, p. I.i8, note I.
1 Monographie agricole de la région des Polder*, pp. ii-7.
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l'.O
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
épaisseurs analogues. Los forages zélanriais l'ont trouvée sur 2 mètres
à Flossingue, 0n,,iO h Sluiskil, l"',(j<) entre Sluiskil et Torneuzen,
2"V"><> aux Aciéries de Turneuzen, même 6 mètres à Schoondijke ; à
Walsoorden, ce n'étaient plus que quelques miettes. Dans l'île de Sud-
Develand, l'épaisseur varie de I mètre à 2"',r>0 1^ tourbe se retrouve
en général sous la ligne des dunes, et jusque sur l'estran, au moins à l'Ksl
de Dunkerque ; parfois les tempêtes et les foi'tos marées la mettent à nu,
en la débarrassant des sables de la plage, et il n'est pas rare de trouver
dans les laisses de mer des fragments roulés, qui forment de véritables
galets tourbeux.
Celle tourbe semble s'être formée dans des marais plutôt que dans des
eaux courantes, car les coquilles fluviales y sont rares. Klle se compose
surtout de débris végétaux, feuilles de joncs, racines, mousses; les
Ivphas et les prêles y dominent *. De grandes crevasses verticales,
remplies d'argile ou de sable, parcourent la niasse. l,a grande curiosité,
du temps où l'on pratiquait le tourbage, c'étaient les troncs d'arbres qu'on
y trouvait couchés, la tète entre le Sud et l'Ksl : ordinairement des chênes,
mais aussi d'auires essences qui indiquent un climat analogue au nôtre :
frêne, noyer, sapin, sorbier, bouleau, saule, buis, noisetier. Kiifin c'est là
que se trouve le niveau archéologique qui a permis de fixer l'époque à
laquelle la tourbe a été recouverte par la mer; et pêle-mêle avec les
poteries et les monnaies, des restes d'animaux qui sont ceux que nous
voyons vivre encore sur le sol flamand. L'on rencontre parfois deux couches
de tourbe superposées : dans les polders qui avoisinent Anvers, les sables
gris-bleuàtres du flandrien sont surmontés d'un banc appelé le
« moergrond », sorte d'argile tourbeuse indiquant une période, de marais,
où la croissance des mousses et plantes aquatiques a été interrompue par
quelque invasion du fleuve, qui a déposé une argile grise, le « duy » des
paysans. Au-dessus la végétation productrice de la tourbe s'est do nouveau
développée, formant un nouveau banc, épais parfois de 2 mètres, cl
dans lequel on a retrouvé le niveau archéologique des monnaies et des
poteries. Le tout est recouvert d'argile poldérienne '.Ailleurs, la tourbe se
retrouve au-dessus de la couche marine d'origine moderne, c'est-à-dire à
la surface du sol ; c'est le cas du puits de Flessingue, où l'on a 2 mètres
de tourbe à la profondeur de (> mètres, et 1 mètre de tourbe mêlée de
1 I.oik'. Soml.i^'s en Zùl.ni.li', p. 3 M.
î ( iu-x-lf». lit'-opraphu- physique, p. 'Ah
Y..ii Erthoin (O. ), !.<■> t.Trains moti«-nu> ci los .liruiiwrto rc-crnlo du Kauondijk.
(Hull. Soc. (îéogr. Anvrs. lSH'ij.
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LA STHL'CTI RK DC SOL
1*1
sable à l mètre seulement au-dessous rie l'orifice ' : celle-ci s'est vraisem-
blablement formée rians un marais de l'époque actuelle. Le cas semble se
présenter aussi dans la partie française, où les pures eaux courantes qui
descendent ries bauleurs crayeuses entretiennent, rie l'Aa âSangatte, une
active végétation propre à la production de la tourbe. La même végétation
tourbeuse moderne se retrouve en Hollande, et jusque dans les marais
de bol.
Au-riessus rie la tourbe s'étendent les couches les plus caractéristiques
du littoral, les dépôts laissés par l'invasion marine contemporaine de l'épo-
que romaine. Ils ne constituent pas une roche homogène, mais un mélange
ou une superposition de sables et d'argiles. L'argile grise ou bleuâtre (argile
ries Polders), plastique, iwvcllydrobia ulvae ; le sable blanc, assez grossier,
contenant rie nombreuses coquilles marines, se répartissent assez irrégu-
lièrement dans la Plaine. A Frethun, 0"',:}0 rie sable jaune tin surmontent
l r,;iT> d'argile bleuâtre s. A Craywiek, l mètre d'argile plus ou moins
sableuse repose sur du sable jaune ou bleu, parfois sur de l'argile1. Aux
Moéres, on trouve sous quelques décimètres rie limon brun soit du sable
marin coquillier, soit rie l'argile. A Fûmes, c'est une argile finement
sableuse sur i "',00 k ; à (Monde, de l'argile, puis .T',ti0 d'alternances rie
sable et d'argile ; à Slykens, rie même ; à Coolkerke, du sable jaunâtre
{2 mètres) sur du sable gris (4"\75) ; à Schoondijke, 4 mètres ri'argile ; à
Waisoonlen <T',7(J d'argile sableuse sur 2™, 10 de sable quarlzeux très fin ;
à ( ioes, 5"' ,50 ri'argile sableuse â ( 'ardium ; à Flessingue, jusqu'à 6 couches
au-riessus de la tourbe, argile, sable, et éléments intermédiaires. En
général, c'est sur les parties élevées rie la surface tourbeuse que semble
s'être déposée l'argile, et dans les fonds les sables ft sauf exceptions,
comme le cas signalé dans les marais d'Ardres, où le sable ravine l'argile " ,
et est lui-même surmonté d'une nouvelle couche argileuse.
Ces dépôts variés sont tous d'origine marine ; on y trouve exactement
la même faune que sur les plages de la mer flamande. Le Cardiuat edute,
si commun dans la mer du Nord, abonde dans les sables; le sable argileux
1 Kutol, Origines du Quaternaire, pp. 14-15.
* bebray, manuscrits inédits.
3 bebray, in Aun. Soc. géol. N., III, p. 88.
* Gosstdet, Géogr. physique, p. 22.
s bewalque, Note sur le sondage ..le Fumes. (Anti. Soe. géol. Helg., V, 1S77-78,
p. CVlIlj.
« Gossclet, Esquisse, Quaternaire, p. 327.
* bebray, Anu. Soc. gôol. N., 111, p. 88.
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I',L> FORMATION 1>K I.A H.AINK M AH1TIMK
recèle surtoui lu Scrobicular/a phtnu ; l'argile proprement dite, YHyrfro-
hia u/rae. On a môme trouve, dans les fondai ions du pont sur le Mardvek
(iraeht, élabli pour le passage de la voie ferrée de Bourbourg à Ihinkerque,
vertèbres de la baleine des Hasques L'argile des polders, c'est-à-dire
cette couche argileuse si commune dans la plaine maritime qu'elle en
caractérise lo sol, est assurément une formation marine. I,a présence dans
cette argile des mollusques qui vivent dans les mers voisines en est une
preuve suffisante ; et les quelques formes fluviatiles qu'on y rencontre
parmi les Diatomées sont si rares tant comme individus que comme
espèces, que ce sont à coup sûr des animaux entraînes de l'intérieur des
terres ; au contraire les Diatomées marines y sont si abondantes qu'elles
constituent parfois le cinquième, voire le quart de la masse !. Il y
a cependant une exception: les marais de St-Omer, c'est-à-dire la
région basse, à l'altitude moyenne de (î mètres, qui ressemble tant à la
plaine maritime par son sol plat, ses canaux, son humidité, que peu
d'auteurs ont résisté à la
voix populaire, qui dé-
clare que la mer est ve-
nue jadis jusqu'à Sainl-
Omer. On a cependant
montré dès 1871 que si
l'on y trouve une couche
de tourbe qui continue
celle de la Plaine, le dé-
pôt de limon rougeatre
ou noirâtre qui la re-
couvre n'est pas d'ori-
gine marine, puisqu'il est
rempli de coquilles d'eau
douce. 11 est même bi-
zarre d'y entendre appe-
ler fond de mer un gravier de grains de calcaire conciétionné,
d'origine fluviatile \ La mer n'a donc jamais dépassé vers le Sud
l'espèce de défilé, large de quelque 5tXt mètres, par lequel les marais
de St-Omer rejoignent la plaine maritime à Wallon.
* Dehray, Ami. Soc. jréol. N , III, p. «8.
î Deby f.l. i. Note sur l'argile des polders, suivi»' d'une liste .1.- fossiles qui y ont été
observés dans la Flandre occidentale. (Ann. Soc. malac. Help., t. XI, IHTii. pp. C'.MKI).
3 Gosselet, Esquisse, Quaternaire, pp. et
Moderne
Quaternaire'
. ■
Argiles et
sai'U.s
Tourlie
'Fades &rijiJeu<x
SaMe fui
L//i; Fade*
acte* a gros
èlèmettts
Fio. 30. — Coupe théorique des terrains propres
à la plaine maritime.
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LA DATE DR L'INONDATION
L'argile des polders est le dernier terme do la série particulière à la
plaine maritime, dont elle l'orme le sol. Aucun autre sédiment ne s'y est
déposé depuis que la mer l'a abandonnée, sauf la tourbe des marais
d'Ardres ou de quelque autro lieu bas. Les inondations qui ont désolé la
plaine émergée n'y ont apporté encore que des sables et surtoutde l'argile.
II est donc possible de résumer les indications précédentes en un tableau
qui serait une coupe théorique du sol de la plaine, dans laquelle on peut
évaluer à 25 mètres l'épaisseur des sables flandriens, à 2 mètres celle de
la tourbe, à 3 mètres celle des couches marines modernes.
Date de l'inondation.
Ces données géologiques permettent de reconstituer à grands traits
l'histoire du pays. A la fin du quaternaire supérieur, la mer occupe
l'emplacement de la Plaine maritime, et y dépose les 25 mètres de sables
pissarts. I^es éléments sablo-argileux qui forment la partie supérieure du
dépôt indiquent un régime lagunaire ; la mer, à la lin du quaternaire, aban-
donne la plaine ; les eaux douces envahissent la lagune, et la végétation
spéciale des tourbières s'y établit. Le pays va devenir habitable : lorsque
le marais tourbeux est mûr, des plantes arborescentes se fixent sur lo sol
tremblant ; les arbres, chênes, hêtres, sapins, noisetiers, s'y développent ;
ils y forment, lo long de la lisière méridionale do la Plaine, un peu abritée
des vents de mer, de véritables forêts ; ils y meurent de vieillesse, et les
vents d'Ouest font tomber leurs troncs dans la direction de l'Est. L'homme
finit par y apparaître, attiré sans doute par la présence des oiseaux de
marais; il y laisse quelques traces de son passage, haches polies, pointes
de flèches, qui attesteront sa présence. Plus tard les populations des
époques celtique et gallo-romaine s'y établissent, comme le prouvent
les poteries, les ornements fuuéraires, les trésors qu'elles ont abandonnés
sur le sol. C'est la plaine de la tourbe que foulèrent les soldats de César
et de Labienus. Le général romain a été bref dans sa description : les
Morins et les Ménapiens habitent un pays plein de forêts ot de marais,
derrière lesquels ils s'abritent ; deux expéditions ont été nécessaires
pour parvenir au cœur de ce pays inondé '. Strabon a été un peu plus
explicite. « Les Ménapiens, dit-il, habitent de petites îles dans les marais.
1 « Continentes silvasae paludes habebant .> (De Mello gallico, III, cap. XXVIII, 2).
« Ferpetuis paludibus silvisque muniti » (Ibid., VI, cap. V, 4). « In silvas puludes«pie
confugiunt » (Ibid.).
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Frm\l\TloN !)K l.\ PLUN'K MVK1TIMK
Ils avaient là, dans les pluies, des refuges assurés ; mais en temps sec on
les y prenait aisément » '. Forêts, marécages ; la plaine restait à demi-
noyée, la menace d'une nouvelle invasion marine pesait sur elle.
La présence dessables el argiles d'origine marine, snperposésau niveau
archéologique de la tourbe, prouve que cette inondation a recouvert toute
la plaine vers la tin de la domination romaine. Il e-<l possible d'en fixer la
date avec quelque précision. Depuis longtemps on avait remarqué que les
pins récentes séries monétaires trouvées dans la tourbe s'arrêtaient toutes
aux empereurs gaulois, Posthumus et Tetricus. C'est le cas à Salperwick,
où les dernières en date des pièces sont de Quintillus; à Ardres, à la
Panne, où la série s'arrête aux monnaies de Posthuinus; à Duinburg
(Walcheren)où la dernière médaille esta l'efligie de Tetricus *. On a donc
admis que l'invasion marine s'était produite postérieurement au règne
des empereurs gaulois, dont le dernier, Tetricus, disparait en 273. Cepen-
dant la disparition des médailles postérieures à l'année 273 ne prouve pas
. que l'inondation se soit produite immédiatement après cette époque. En
effet l'absence de monnaies datant d'après Tetricus est un fait général en
Flandre. Vredius l'avait déjà remarqué: dans la Flandre entière, la
plupart des séries monétaires s'arrêtent à J'osthumus ■'. A peine peut-on
citer localités flamandes, presque toutes situées le long de l'Escaut el
de la Lys, où l'on ait trouvé des médailles romaines plus récentes que celles
des empereurs gaulois *. Il semble que peu après la chute «le cette dynastie
locale, un véritable cataclysme se soit abattu sur la Flandre, quelque
brusque invasion de Barbares, à l'approche desquels les habitants enfouis-
saient leurs trésors, et qui dévastèrent si complètement le pays que la
population disparut, excepté sur les bords de la Lys et de l'Escaut.
M. Kurth place cette catastrophe dans la période de troubles qui suivit
la mort d'Aurélien5. Ainsi l'absence do médailles postérieures à l'année '^73
ne prouverait pas que l'inondation marine est la cause de cette lacune,
puisque cette pénurie est commune à la Flandre entière. D'ailleurs on a
' NYiotàia Ï/ovtk èv tal€ ÊXeaC sv \ùv o jv xai; troiiSpiai; i<r?otX«tç tàç xaTaç'jyi; îfyov. sv
ôè toï; *$x|iotç rfkioxovo-m fcMuz (Strabon, IV, 3, ."»).
2 Ci: Rigaux, Ktude sur la topographie, p. .«); — I)e hast, Kecueil, l, p. ; —
de Loe, Fouilles à la Panne, p. b.
3 Vredius, Flandria Ethnica, pp. »>42-<>iH.
* Le Recueil de de liast, (1, pp. iUO-V.'ij on indique 10: Meerlebeke, Segelsetn.
Melden, Yelsicque, Cassel, Gand, Lokeren, St-.Nicolas, St-Ueuis-WCstreni, Audeuarde.
— M. Yan llesstd ajoute à la liste : Helcele, M.dle, W aesmunster, Killeni ^ Statistique
archéologique, passiiu j.
i Kurth (,0.), Clovis, 1, pp. St-Si.
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LA DATK DK L'INONDATION
145
découvert çà et là dans la plaine maritime des médailles postérieures à
Posthumus, dont la trouvaille a échappé à la plupart des érudits: a
Sangatte une médaille de Constantin le Grand 1 ; à Calais, une pièce à
l'effigie de Maximien * -, dans les tourbières de Hames des monnaies de
Dioctétien, Maximien et Constantin 1 ; a Dam me, des effigies de Tetricus,
Victorinus, Constantin et Maxenco 4. La date de l'invasion marine se
trouve donc reculée jusqu'après la mort de Constantin le Grand, c'est-à-
dire après 337. On pouvait déjà se rapprocher de celte date rien qu'à lire
le panégyrique adressé vers '300 au césar Constance Chlore à l'occasion
de sa lutte contre Carausius par un rhéteur que l'on croit être le Gaulois
Eumène. Ce pays des Ménapiens « qui mérite peu le nom do terre, mais
est tellement imbibé par les eaux que non seulement dans les parties
marécageuses il cède aux efforts et se dérobe sous nos pieds, mais, dans
les endroits même où il paraît le plus ferme, il frémit sous les pas et
semble flotter sur les abîmes. . . »*, c'est, bien la plaine de la tourbe, que
la nier ne recouvrait donc pas au début du IVe siècle. Enfin la Notice des
dignités permet do reculer jusqu'au Y- siècle la date de l'inondation. Klle
mentionne en effet la présence d'un escadron de cavalerie dalmale sur
la côte flamande : «Equités I)almatae Mareis in lit tore Saxonico»8.Le Liltus
Saxonicum, c'est la cote défendue contre les Saxons ; Marcis a été identifié
avec Marck, près Calais ; et il se trouve ainsi que vers l'an 400, époque
à laquelle on rédigeait ce vaste almanach officiel qu'est la Notice des
dignités, la mer n'avait pas encore envahi la plaine au delà de Marck 7. Il
est vrai que l'inondation n'a pas dû tarder à se produire. C'est l'époque où
les peuples germaniques envahissent la Flandre et s'y établissent : or ils
n'ont pas laissé trace de leur présence sur la tourbe, ce qui donneà croire
qu'ils ont trouvé la plaine inondée. L'invasion marine se serait donc
» Debray, Tourbières, p. R».
s Mém. Soc. Ant. Mor., IX, 2* parti.-, p. Mil.
:< Notes manuscrites de H. Pcbray, à la bibliothèque communale .le l.ille, Catalogue
manuscrit, N'J 1-'J8.
* Macquet (L.j, Histoire .le la ville de Damme, de ses institutions civiles et politiques
et de -es monuments ( Hi tiges, paveluy, lK"i»it in-*'\ 2ï'i p. i— Cf. p. 11», note 1. L'auteur
déclare avoir acheté lui même les pièces, au nomb.e de M7.
3 XII Panegyrici Latim, (éd. Kehrcns), VUI. p. 137.
« Notitia dign.imp. roui.. Kd. Pm-king. Il, p. Ut*.
" On peut objecter que remplacement de Marck. situé sur le banc des Pierrettes
n'a pas été inondé par l'invasion marine. Mais c'aurait été j>our un corps de cavalerie
une garnison bizarre que ce banc isolé par la mer, et élevé de '> à métrés au-dessus
des flots.
lu
Dig
FORMATION DE I.A l'LUNE MARITIME
avancée sur la plaine au cours des premières années du Ve siècle, en
même temps que l'invasion germanique prenait possession des valléos de
la Lys et de l'Escaut ; lo désarroi était complet, et l'on s'explique que
personne n'en ait parlé '.
Nature de l'invasion marine.
Ce fut bien uoe véritable invasion marine qui se produisit. Le dépôt de
sables et d'argiles n'est pas le fait d'une simple inondation ; il est trop
épais et trop continu pour cela ; d'ailleurs les mollusques lamellibranches
découverts dans ces alluvions marines s'y trouvent avec leurs deux
valves, dans la position où ils ont vécu, verticaux, le crochet en bas, le
siphon en haut !. I,a mer a donc séjourné quelque temps dans la plaine,
tout au moins dans les dépressions. Il ne semble pourtant pas que son
entrée sur cette terre ait été une effroyable catastrophe, comme on le
croirait on songeant à la submersion d'un territoire si étendu. L'invasion
a dû être lente et continue, car le ravinement de la tourbe ne fut nulle
part bien considérable, étant donné le peu de solidité de cette couche. On
a même observé que la partie inférieure des sédiments déposés par
l'inondation est parfois formée de potits lits argilo-sableux bien stratifiés
traversés par des trous oii l'on trouve encore une tige presque
charbonnée, ce qui prouve la lenteur de l'envahissement, pendant lequel
la végétation a essayé de lutter en traversant les sédiments marins 3. Les
choses, comme le dit I^aveleye, se passèrent avec calme 1 ; c'était encore
une raison pour qu'on n'en parlât pas. Même phénomène, d'après
Chèvremont, dans la baie du Mont-Sl-Miehel ; commencée sous l'époque
romaine, l'invasion marine fut extrêmement lente et n'atteignit son
maximum qu'au Y*" siècle. Ces inondations n'avaient rien d'un cata-
clysme.
i I /inoffensive phraséologie .le St-Paulin de Noie dans une lettre à St-Victrice
(Migne. Patrologia latina. vol. (il, p. 2.R»i, invoquée parfois pour fixer la date de
l'invasion marine, n'apporte aucun renseignement : au pays des Morins, « les chœurs
vénérables et angéliques des fidèles s'élèvent pacifiquement des églises et des monas-
tères, dans les villes et dans les bourgs, au milieu des Urs et des bois. » Discussion
sur cette date de l'invasion marine dans Blanchard (R.), Sur la date de l'invasion
marine dans la plaine maritime de Flandre à l'époque historique. (Ann. E. N.. I, l<<r>,
pp. :&'i-r>îl).
* Gosselet. (îéog. physique, p. ~5.
3 Gosselet, Esquisse, Quaternaire, p. ."fc!8.
» Laveleye, Géologie (l'aris, bi.roix, IKV.», 'i'i p.), p. |S.
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LA NAITRE DE L'INVASION MARINE
147
D'ailleurs, «Uant donné l'altitude actuelle du niveau de la tourbe, on
s'aperçoit que la mer ne devait s'étendre sur toute la plaine qu'à marée
haute. Encore faut-il tenir compte do l'affaissement que les couches
tourbeuses ont certainement subi sous le poids des nouveaux dépôts
marins, et qui en ont abaissé le niveau. Le banc des Pierrettes, près de
Calais, offre un autre point do repère. La mer ne l'a pas recouvert, il est
resté émergé de 2 à 3 mètres, et cependant les marées de la côte calai-
sienne atteignent ordinairement 5m,30 d'amplitude ; or on trouve partout,
autour du banc, la surface do la tourbe à moins de 8 mètres au-dessous
du niveau des Pierrettes ; à marée basse, il n'y avait donc plus d'eau
sur le sol tourbeux. D'ailleurs la faible épaisseur des couches indique
la faible profondeur de la tranche d'eau. Deux fois par jour, la mer
venait donc recouvrir la plaine maritime, et s'y décantait; deux fois par
jour, la plus grande partie du territoire se retrouvait à sec. Alph. Delpairo
avait même calculé, d'après le rapport entre l'épaisseur des sédiments
déposés et le temps que la mer avait dû occuper la plaine, que les eaux
salées ne visitaient guère leur conquête que 2 à 5 fois par an, probablement
dans les grandes marées d'équinoxo Belpaire se trompait sur l'un des
termes du rapport, car il évaluait à 12 siècles le séjour de la mer dans la
plaine, taudis que les documents historiques publiés depuis 50 ans permet-
tent de réduire à i siècles environ la durée de l'inondation ; mais il est vrai
que la mer ne recouvrait pas constamment la plaine, et qu'elle ne pénétrait
peut-être dans tous ses recoins que lors des marées do vive eau. Il faut
faire exception pour les chenaux que la nier s'était creusés au milieu de
la plaine tourbeuse, ot qui gardaient probablement de l'eau a marée basse,
de même que dans un polder qu'elle vient d'envahir, la mer approfondit
une crique sinueuse par laquelle la marée pénètre et sort.
Au milieu de l'inondation, il est resté dans la Plaine quelques parties
émergées. Il existe dans le Calaisis, dépassant de quelques mètres le
niveau des alluvions modernes, quelques ondulations formées de galets
que l'invasion marine a respectées. L'une d'elles, qui porte le nom
significatif des Pierrettes, s'étend de Nieulay à Marck, ses éléments
devenant de plus en plus fins vers l'Est ; les galets disparaissent après
Marck, de même que sur la côte actuelle ils ne dépassent guère Calais,
mais les hautes terres continuent vers Oye, dans la direction de l'Aa, et
derrière Gravelines on en retrouve d'autres qui se dirigent vers
Dunkerque par Loon et Synlhe. Au Sud de cette première ligue s'en
« Belpaire (Alph.). U plaine maritime de Houlogne au Danemark', pp. ltfM.ÎI.
148
FORMATION DE LA 1 M. AI NE MARITIME
amorce une seconde au pont de Coulogno ; c'est encore un banc de galets
formant un monticule d'environ i mètres, très visible du canal et du
chemin de fer de St-Omor a Calais ; on l'appelait jadis l'ile de Colne Sa
direction est un peu différente de celle du premier: il s'oriente à l'E.-S.-
E. ; mais sa pointe, connue celle des Pierreltes, regarde vers Sangatte,
vers le détroit. Après le village de Coulogne, où le banc porte le nom des
Hauts - Champs,
le sol s'abaisse
légèrement puis
se redresse près
des Attaques en
un deuxième
tertre qui vient
se terminer aux
hautes terres de
Guemps. Enfin,
à l'Est «le Dun-
kerque, le village
de Ghyvclde se
trouve sur une
éminenec sableuse, plus élevée que la plaine d'environ deux mètres,
qui commence au Meulhouck de Zuydcoote et se continue jusqu'au
village d'Adinkerke. C'est encore là un de ces bancs formés proba-
blement dans la mer Haiulrienne, et qui ressemblent aux levées de
galets des Bas-Champs de Picardie; respectés par l'invasion du Y*' siècle,
ils ont offert aux habitants revenus dans la plaine les premiers empla-
cements favorables à un établissement humain.
D'autre part, il a existé sur remplacement actuel de la côte un autre
territoire émergé, dont il est difficile de définir l'étendue, mais qui
comprenait en tous cas un petit rayon de pays autour de la frontière
franco-belge, dans les dunes entre la Panne et Hray-Dunes. On a trouvé
là, à 200 mètres à l'Est de la frontière, une station archéologique
contenant des objets qui se rapportent à toutes les époques entre l'âge de
la pierre polie et le VIII'' siècle de notre ère: silex, poteries du premier
Age du fer, monnaie gauloise, poteries romaines, médailles d'Hadrien,
Faustine jeune et Posthurnus, fibule barbare, denier mérovingien en
i Au XV- siècle, d'après Laridrin (G.), Essais historiques sur le Galaisis d.qmis les
temps les plus reculés jii>qu'à la lin du X\T siècle (Gâtais, Y1' Oontier, IHs'.l, iu-8\
15*8 p.), p. 80.
Fui. 'M. — Altitudes dans le Galaisis calculées
d'après le zéro des caries marines.
Bancs des l'ierreltes et de Goulo^ne.
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LA NATURE I»K L'INVASION MARINK
140
argent, scealtas anglo-saxons Ainsi ce point paraît avoir été habité
d'une façon constante jusqu'au YIITsièeleau moins; il faisait doiio partie
d'une terre émergée au Y*" sièele. Peut-être était-il un tronçon d'une ligne
de dunes qui protégeait la plaine de la tourbe et que la mer aura rompue
a la lin du \\r siècle. Au delà vers l'Est, on ignore s'il y avait encore des
bancs hors de l'eau, et quelle était leur position, quoiqu'il paraisse
infiniment probable que d'autres fragments fussent étendus dans cette
direction, jusqu'à l'estuaire de l'Escaut : il n'y a guère à faire fonds
sur une tradition populaire qui veut que le plateau sous- marin de
Schoonevcld, au large de l'estuaire, ait été une terre habitée qui
possédait encore un château à l'époque de (luy de Dampierre s. Vers
l'intérieur des terres, l'inondation marine entourait quelques îles, cernait
des presqu'îles. La petite élévation qui porto le village d'IIolque, à la
tète du delta de l'Aa, était préservée des flots; le mont St-\Vinoc,
devenu Bergues, tenait par un isthme au continent. La mer pénétrait
largement dans le golfe de l'Yser, où elle ne respectait qu'un îlot à l'Est
de Loo. Vers Ghistelles, elle dessinait une baie assez profonde, à l'entrée
de laquelle s'étendait l'île de Zevecote. Enfin tout a l'Est elle détachait
du continent les lambeaux de St-Kruis, Zuiddorpe, Kieldrecht et
Meerdonek. Aujourd'hui encore on reconnaît ces anciennes îles au
premier coup d'œil. Au milieu de la plaine poldérienne nue, champs
immenses sans arbres et presque sans maisons, on voit apparaîtra un ilot
de verdure, des haies autour de chaque champ, des rangées de saules et
de peupliers entourant de nombreuses petites maisons qui contrastent par
leur nombre, leurs dimensions restreintes, leur aspect pittoresque et
pauvre, avec les rares grandes fermes du polder.
Dans ces conditions, la plaine flamande inondée devait singulièrement
ressemblera une région encore aujourd'hui submergée, les Wadden de la
Frise. Mômes îles de sable allongées vers le large, môme étendue vaseuse
tour à tour asséchée et noyée, découpée par d'innombrables criques et
chenaux. A marée basse, une vaste plaine grise, couleur sale, avec des
paquets d'herbes marines jetés çà et là; une surface inégale, parsemée
d'une quantité de petites bosses, pareilles à des vagues figées ; des
nuées d'oiseaux s'abattant sur les flaques, goélands, barges, hirondelles
« De Loë, I,a Station de la Panne, passim.
2 Van Vaerncwijek (Historié van Helgio, éd. 1611», IV. p. .TV), rapporte qu'il a vu
(XVI'- siècle) a Sluis des pierres tombales apportées île H le «le Schooneveld, laquelle
existait encore au temps de Guy de Dampierre. dépendant aucun document historique
n'atteste l'existence de cotte île au XIII' siècle.
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FORMATION I)K LA PLAINE MARIT1MK
de nier. Puis le flot réparait, l'eau remplit les chenaux, pénèlro par toutes
les rainures, déborde rapidement sur la plaine; d'un désert grisâtre et
aride elle lait en peu d'instants un vaste détroit aux eaux vaseuses,
séparant la côte des îles basses qui semblent des vaisseaux a l'ancre ; et
pour quelques heures, la plaine est redevenue une mer • .
Alors pendant quelques siècles, l'histoire du pays reste comme
suspendue; la plaine est livrée à la mer, qui y prépare les magnifiques
terres fortes dont h» sol est aujourd'hui formé. Les documents qui
permettent désormais d'évoquer les vicissitudes du pays changent de
caractère : jusqu'au Y° siècle on ne pouvait guère s'appuyer que sur des
données géologiques et archéologiques; à partir du VIIe, il s'agit surtout
de commenter des textes historiques. A coup sûr un grand nombre restent
encore cachés dans les dépôts d'archives; à leur défaut ou ne peut
qu'essayer, à l'aide des documents publiés, de dessiner les grands traits
de celle lutte entre la terre et l'eau, d'où sortit la plaine maritime *.
1 Cf. Winkler, Considérations géologiques (Areh. Musée Teyler, V, 1880, pp. 10-72,
1 carte).
2 C'est sur les documents écrits qu'il faut s'appuyer, et non sur les cartes de l'état
du pays aux différents sièeles. Les fameuses cartes de la Flandre au XIII* siècle,
conservées aux Archives de la Flandre Orientale à Gand, et qui procèdent toutes d'un
même type, ne méritent aucune confiance. Naïvement, elles tracent les cours d'eau du
Franc suivant leur direction actuelle, mais n'osent pas les pousser plus loin que
l'endroit ou ils rencontrent aujourd'hui la mer, tandis qu'elles dessinent la cote
beaucoup plus loin au large. Ou ne peut guère accorder quelque confiance qu'aux
canes du pays depuis le XVI" siècle. Excellent catalogue dans : Pejardin (A.). Cane^
de la Flandre ancienne et moderne, plans de la ville de Gand (Gand, Hebbelynek.
18(>7, in -8". 220 p.). Pour les cartes de Flandre depuis le XYP sièele, on peut y joindre
les figures de l'ouvrage de Sanderus (Flandria lllustrata). et de Smallegange (Cronyk
van Zeeland), la carte de Menator. celle de Pourhus, les atlas de de Wit (Niem
kaerto-boeck van de XVII Nederlands Provincie, Amsterdam, hij Fred. de YVidt,
s. d.), Sanson (Atlas nouveau ilu voyageur pour les 17 province-, des Pays-Has.,
Amsterdam. Mortier, s. d.), Fncx (Table des cartes des Pays-Has et des frontières de
France, Hruxelles, Fricx. 1712, 7!' c). la belle carte topographique de Ferraris, etc.
Les principaux travaux à consulter sont : Guérard (H.), Cartulaire de l'abbaye do
St-Rertin [Cartulaires de Folcuin et de Simon]. (Paris, 1840, in-4") ; — Haigneré et
Rled, Les Chartes de St-Rertin d'après les cartulaires de dom de Witte (St-Onier,
1880-811, 4 vol. in-43) : — Pruvost (A ), Chronique et Cartulaire de l'abbaye de
Rergues St-Winoe, de l'ordre de St-Renoit (Rruges, 1875-1878, Soc. d'Km., 2 vol.
in-4°, 883 p.) : — Van l.okeren, Chartes et documents de l'abbaye de St-Pierreau mont
Rlandin (Gand, 1871, 2 vol. in-4-) ; — Yan de Putte (F.). Annales abbatiae S. Pétri
Rlandiniensis (Gand, Annoot-Rraeckman, 1S42, in -4% 208 p.); — Cronica et Cartulariuni
monasierii do Punis (Pruges. Soc. d'Km., 1804, in-4", XIX -f KW -f 23 p.); —
Mussel v et Molilor, Cartulaire de l'ancienne église collégiale de Notre-Dame de Courirai
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LA NATURE DE L'INVASION MARINE
151
II.
ASSÈCHEMENT DE LA PLAINE : Y'-XII" SIÈCLES.
Du Ve au milieu du VII' siècles, depuis l'apparition de la Notice des
dignités (vers 400) jusqu'à l'année (548, soit pendant 250 ans, c'est la nuit
complète. La mer travaille silencieusement dans les Wadden flamands.
Il semble que le désert se soit fait jusque sur les bords de la plaine
inondéo. Pas de mention de villages sur cette côte : les habitants ont
peut-être fui, craignant que la mer ne continuât son lent mouvement
d'invasion. Derrière le rideau de forêts qui va d'Anvers à Dixmudo, par le
pays de Waes, le Meetjesland, les bois et bruyères de Thourout et
d'Houthulst, les Francs s'établissent dans les vallées de la Lys et de
(Gand, Annoot-Braeckman, 1N^>, in-4", 434 p.) ; — de Coussemaker (I.), Cartulaire do
l'abbaye de N.-D. de Bourbourg (Lille, Diicoulombier, 1882-iJl, 3 vol. in-8u); — Haut-
cœur (E.). Cartulaire do l'église collégiale de St-Pierre de Lille ( Lille, Quarré, lxlt'i,
2 vol. in-8») ; — (ïilliodts van Severen (L.), Inventaire «les archives de la ville de Bruges
(Bruges. I87«î, in-4", t vol. Introduction, (î vol. texte. 1 vol. table); — Delepierre (0.)
etPriem (F.). Précis analytique des documents que renferme lo dépôt des archives de
la Flandre Occidentale (Bruges, lK40-IH'i!», 2 séries de 3 et »i vol. in-Hn) ; — Coutumes
des Pays et Comté de Flandre : Quartier de Bruges : Coutumes de la ville de Bruges
(Bruxelles, |K7'i-7.*>. 2 vol. in-4°); Coutumes du Franc de Bruges (Bruxelles. I87.I-H0,
3 vol. in î 'j ; Coutumes du Bourg de Bruges (Bruxellos. 1KK3-K~s 3 vol. in-V') : Coutumes
de Li Prévôté de Bruges (Bruxelles, |ss~, 2 vol. in-'iu); Coutumes des Petitos villes et
seigneuries enclavées (Bruxelles, 1 81(0-1 »2,(ï vol. in-4".): — Quartier tic Fûmes : ('ont unies
de la ville et chàtellenie de Furnes (Bruxelles, IKK7-1W, î vol. in-V") : Coutumes de la
ville et du port «le Nieuport (Bruxelles, 100 1, 1 vol. in-V): Coutumes «!«• Lomharsidc,
Loo et Poperinghe (Bruxelles, 1002, 1 vol. in-'i°) : — Kluit, Historia critica comitatns
Hollandiae et Zeelantliae ab antiquissimis inde deducta temporibus (Medioburgi.
Gillisscn, 1777-K2, 2 vol. in-4") : — Dresselhuis (J. ab l'treclui, De Provincie Zeelan.l,
in hare aloude gesteldheid en geregelde vorming beschouwd (Middelburg. Abrahams,
IS'O, IV -f 151 p., 1 carte); — Roos ((î. P.), Bekuopt geschied-en aardrijks-kundig
woordenbock van Zceuwsch-Vlaanderens weestelijk deel (( lostburg, Bronswijk. 1 HT 4 ,
in-*\ SJ'i p.) : — Haigntré (D.), Dictionnaire topographique ■!«• la France comprenant
le* noms de lieu anciens et modernes : Arrondissement de Boulogne- s mer (Méin. Soc.
Ac. Bout., XI, IHK^, (]\IA -f 392 p.); — Courtois (A.), Dictionnaire géographique «le
l'arrondissement de St-Omer avant 1785» (Mém. Soc. Ant. Mor.. XIII, 1N?.I|; —
Mannier, Etudes étymologiques historiques et comparatives sur les noms des villes,
boorps et villages du département «lu Nord (Paris. Anbry, tNlil, in-8", 3H"> p.) ; —
Chotin (A.-C), Etudes étymologiques sur les noms de lieu de la Flandre occidentale
lAnn. S. H. Ypres, VII, 187(5, pp. 18T>-328 et VIII, 1*78, pp. 1 -T>! #> ; — De Smet, Essai
sur l'étvmologie des noms do villes et communes des deux Flandres (Mém. Acad. Brux.
XXVI, 1851, 41 p.).
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i:»2 FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
l'Escaut; ils ne se risquent pas plus à travers cette solitude boisée que
dans les fourrés de la Charbonnière. Ce n'est qu'au VIIe siècle que des
établissements humains sont indiqués le long de la côte: Sithiu, le futur
St-Onier, est occupé en CiS par St Berlin 1 ; Oudenbourg, la « vieille
forteresse », reçoit la visite de St Eloi ! ; Bruges s'élève peut-être déjà au
fond de l'estuaire du Zwin. On ne pouvait espérer trouver des habitants
dans la partie émergée de la plaine tant que l'homme ne serait pas revenu
sur ses bords. Il ne resto guère de cette époque qu'un témoin archéolo-
gique : un bateau trouvé près de Bruges, sous trois mètres de sédiments,
et dont on fait un bateau saxon du VIe siècle, échoué dans une crique
des Wadden 3.
Pendant ces ^50 années, la marée poussait activement le comblement
de la région inondée. Elle déposait ces petits lits argilo-sableux bien
stratifiés que MM. ('.osselet et Kutot ont reconnus à la base des dépôts
modernes. Etant donné la faible épaisseur de la tranche d'eau et les
conditions spéciales de l'inondation, le comblement devait se faire
rapidement, à l'abri des îles qui constituaient des brise-lames derrière
lesquels les flots pouvaient se décanter tranquillement. Pour que des
localités pussent apparaître, comme on le verra, dès le début du IXe siècle
au beau milieu de la plaine, il faut que l'envasement ait été rapide, car il
dut s'écouler encore bien des années avant que des habitants osassent se
risquer sur un sol tout neuf, qui restait à la merci des hautes marées.
Aussi, tandis que le sable continuait à se déposer dans les chenaux, des
sédiments de plus en plus fins s'accumulaient sur les parties élevées,
formant cotte argile grise romplie iVHyrtrohitr ulvae que l'on trouve à la
partie supérieure des couches de la plaine, et qui constitue la plus grande
partie de son sol. Bientôt ces dépôts argileux, que les paysans zélaudais
appellent blikken paire qu'on voit luire au soleil la grève laissée à sec,
furent assez élevés pour que les plantes marines pussent commencer à y
croître ; à leur suite l'herbe paraît lorsque l'eau salée n'inonde plus le
sol que pendant un quart du temps de la marée, et l'on obtient ces prés
marins que l'on appelle des schorres, vasles laisses de mer couvertes
d'une végétation épaisse, aux couleurs gris et vert sombre, coupées d'un
lacis de criques tortueuses. Ainsi le bras de mer s'envase de lui-même, et
finit par accumuler ses alluvions jusqu'au-dessus du niveau des hautes
marées ; la plaine a donc pu sortir de la mer sans qu'il y ait besoin
* Haigncré, St-Uertin, L |>. I, n' 1.
* Act. SS. Holg., 111, p. 22î*.
3 Jouckhceru, L'Origine «le la côte, 2* partie. Surtout pp. 8-11 et 14-15.
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LES PREMIÈRES LOCALITÉS : VII--V SIÈCLES
ira
d'expliquer l'assèchement par une oscillation du sol. Aujourd'hui encore,
la plus grande partie de ce sol n'est guère qu'à la hauteur dos hautes
mers ; sans les digues et les dunes, «die pourrait être inondée par quelques
grandes marées.
Aussi, par crainte de ces retours offensifs, les premiers hommes qui
s'aventurèrent à mener leurs moutons sur les pâturages des schorres
prirent-ils la précaution d élever ça et là des tertres de refuge, huttes qui
atteignent île 7 à 10 mètres de hauteur en Zélande, et où l'on peut s'établir
pour laisser passer la marée; ce sont les Terpen «. La mer est revenue
visiter la base des terpen , puisqu'on ne voit plus trace à leur pied des
excavations où on a pris les matériaux de la butte, ce qui indique que la
marée les a comblées. Tu de ces monticules de refuge se voit encore près
de Steene (Belgique), et porte le nom de de Sicile * ; on en a fait explorer
un autre à Vlisseghem *.
Les premières localités : VIT - X' siècles.
A partir du milieu du VII0 siècle, des noms do localités com-
mencent à apparaître dans la plaine maritime, fournis par les cartu-
laires des grands monastères, St-Berlin, St-Pierre, St-Havon, ou parles
vies des saints, ('es données sont d'un maniement délicat. La présence d'un
nom de lieu h telle date prouve seulement que la localité existait a cette
date, mais n'indique pas à quelle époque elle a commencé d'apparaître.
En général, on peut cependant tenir pour certain que les données fournies
par ces cartulaires sur l'époque approximative où apparaissent les localités
ont de la valeur; on peut s'en assurer en comparant les dates données
pour les villages des bords de l'Escaut et pour ceux de la plaine
maritime; entre 700 et 1050 le cartulaire de St-Pierre dedand mentionne
environ 80 paroisses de la Flandre intérieure, contre lô de la région
1 Cf. Mathieu, Sur les huttes de terre «le la Zélande (Mém. Soc. antiq. Franco. II,
1820. pp. I'i3-I.~>4); — Cumont (<;.), L-s tertres *!■ * refuge de la Zélande (Ami. Soe.
Areh. Hrux., XII, lSîft*, pp. 21'.>-22!') ; résume un hon article de De Man. paru
dans les Archives de la Société zélandaise des Sciences, sur les collines ou tertres de
refuge de Sehouwen, Ueveland et Tholen (Middelhurg, Alterner, 1H!»7, in-S', 142 p.,
1 carte).
2 De Loë (A.), Rapport sur les fouilles exécutées par la Soc. d'Arch. de Hruxelles
pendant l'exercice 1ÎKX) (Bruxelles, Yrotnant, iiJUl, 23 p.), p. t.").
3 De Loë (A.), Rapport sur les fouilles de ÎSUJ, pp. '.MO.
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\m' formation dk la plaink maritime
poldérienne, tandis que la proportion se renverse après la IXe siècle
Il reste, il est vrai, la crainte que la découverte d'une pièce nouvelle ne
vienne bouleverser des résultats qu'on croyait acquis ; il faut donc tenir
ces données pour provisoires, et s'attacher surtout aux ensembles.
A l'année 618 apparaissent donc à la l'ois b>on et Synthe, réunies dans
le vocable Losantanas », que tous les érudils identifient avec « Loon ad
Senlenas » 9 ; d'ailleurs l'abbaye de St-Bertin possédait en effet des biens
à Loon, qui reparait en 877 sous la forme Loom ad Sentinas »,cn 1040 et
107Ô (Lho et Lon) s, et est encore indiqué dans îles chartes de 1211 et
1212 b. Les parties élevées qui bordent aujourd'hui la mer auraient donc
été peuplées les premières. Constatation confirmée par d'autres textes
qui font apparaître aussitôt après Loon les îles de Wulpcn 7 et de
Walchercn. C'est vers 695 que d'après Alcuin, qui écrivait un siècle plus
tard la vie du saint, le bienheureux Willibrord fondait une église à
Wulpen et abordait dans une île du nom de Walchercn 8. De même que
pour I/>on, on retrouve au IXr siècle Walchercn, mentionnée comme une
île dans laquelle débarquent les Normands en 8!}79. Si l'on songe qu'a la
même époque (VIIe siècle) la station de la Panne était habitée, et que
I Do même «huis les listes que donne le travail de Vlaminck (A. de), La Ménapie et
la Flandre (Ami. Sue. d'Arch. de Belg...T série, t. IV, p. M) sqq.)
î Haigneré. St-Bertin, I, p. 1, ir> t.
3 Haignerë. St-Bertin, ibid. ; — de Coussemakcr (K.). Documents historiques sur la
Flandre maritime : l*r fascicule. Résumé analytique des chartes du grand cartulain- de
St-Bertin relatives à la Flandre maritime (Bull. Corn. 11. Fr., V);— Mannier, Ktudes
étymologiques, p. 2T>; — Bigaux (H.), Topographie, pp. l'.K>l«.i7 ; — Bigaux <E.i,
Quelques noms de lieu du Cartulaire de Folquin (Bull. Soc. Ac. Boni., V. ISiU-lC»,
pp. r>!i'i-3.X)).
* Cucrard, St-Bertin, p. l^i.
Ibid., pp. -'i et :ti, 70 et S3.
Ibid.. pj». t£0 et Z*.K n"' ."»U> et ."^.'1. Bemarqucr que jusqu'au XII' siècle il n'est
pas question do Mardick, situé entro Loon et Synthe, et dont on a voulu quelquefois
faire un grand port île l'époque romaine, qui se serait maintenu jusqu'en îrvJO.
~ 11 >'agit ici de l'ile de Wulpen, disparue aujourd'hui, et dont le banc du
Paardcmarkt, le long de la côte de Kad/.and, semble indiquer l'emplacement. Il n'e>t
nullement question, comme l'a cru Hein.lerickx (Jaerboeken van Veurnc en Veurnam-
baeht, P Beel. p. .Tu, du village de Wulpen près Fumes, qui parait seulement au
XII1' siècle. Cf. (ïilliodis van Severen. Coutumes de Furnes, I, p. 2T>.
* « Venit ad quamdam insulam Walachrum noniine ». (Migi.e, Palrologia. CI,
p. 7(12). La forme insulam est de Mabillon. Mijjnc écrit « villum ».
» Annales Bertiniani. nnno 837 (M. (i. SS., I, p. i.'iO). |,a Pc mention des îles de
Zélande serait de (TH, dans le testament de (iertrude, fille de Pépin de Lmden
(Miracus, Opéra diplomalica et historica, éd. Foppens, 1, 1723, p. «v>4).
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LKS l'RKMIKRKS LOCALITÉS : VIF-X» SIKCLKS
I.»
Marek, dont le nom reparaît en 877 n'avait peut-être pas cessé de
l'être depuis l'an 100, on s'aperçoit que les premières parties habitées
furent bien cette ligne de terres hautes que la mer avait fractionnée en un
long archipel semblable aux îles frisonnes. Face au «large, des dunes avec
leur végétation particulière d'argousiers et d'oyats; vers la plaine
inondée, des schorres asséchés, coupés d'anciennes criques zigzaguant
dans tons les sens, tantôt larges, tantôt étroites et profondes; entre les
dunes et les schorres, le village aux maisons jetées comme au hasard,
séparées par des pistes de sable et des clôtures de bois, entourées de
peupliers et de saules penchés sous l'effort du vent; l'aspect fruste et
pauvre d'un hameau de montagne. Ainsi se présentent aujourd'hui les
îles frisonnes, Ameland, Sehiermonnikoog : il est probable qu'il en fut de
même pour les anciennes îles flamandes; et le village actuel de Loon,
avec ses petites maisons exiguës, ses jardins enclos de haies et bordés de
saules, dominés par des peupliers tordus, son air de bocage poussé dans le
sable, ressemble encore à Nés ou Ballurn, les villages de l'île d'Ameland 2
(phot. 18).
Après les îles, de nouvelles terres émergent définitivement vei-s le Sud,
contre le bord de la plaine. Aardenburg est mentionné en 707 3 ; une
tradition veut même que St Kloi y ait prêché l'Evangile en (ii9 1 ; un peu
plus loin, la ville d'Oostburg aurait été visitée, entre 7(M) et 713, par
Si (Trsmar, qui y trouve 400 milites de mœurs rudes et de passions
sauvages5. 1^' territoire entre ces deux villes semble d'ailleurs complè-
tement émergé à la fin du VIIIe siècle : en 793, donation à l'abbaye de
St-Picrre du schorre de Cumbescura près d'Oostburg fi ; entre XI 1 et 871»,
le Pages Rodensis, ou région d'Aardenburg, nous paraît entièrement
constitué, avec ses schorres de Yaeke, Locwirde, (îreveninge, sur lesquels
paissent des troupeaux de moulons, sa rivière de l'Absentia (tëedc ?), et
1 (imrard, St Berlin, p.
2 D'après Chèvrcmont (l^a Mouvements du sol. ete., pp. ^ftM^iX), un aneien
b* >urr«îl«* t littoral aurait subsiste' dans le golfe du Couesnon inondé .tu \° siècle, et là
s'établit dés te \c si«*vle le village de St Henoit des Ondes. — Kn Hollande, le
peuplement a eommeneé .'gaiement parla région des dunes: Kgmont est de fîilî,
Alkmaar de «7*, Haarlem de 1177. ave.- Nonlwijk. Ileiln. Sassenbeim. (Cf. Kluit.
Ilistoria eritica. pp. (i-.Tfl).
3 Van Lokeren, St-I'ierre, L p. 7, n"
4 Warnkônig, Flandrisebe Stuns- und Rechts-fiescbichto, lus znm .labre I :<0T»
(Tubuigen. ISS> vol. in-S>), IIL p. X>.
s Yiia S. I" remari, Actn SS. Holl., Aprilis. 11, p. ">7(i.
>> Van de Hutte. Annalos S. l'etri Hlandiniensis, Chronicuu, p. i.
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FORMATION RK I.A PI.AINK MARITIME
le bras de nier qui en 840 s'avance encore jusque vers Adegem 1 , à la
limite Su»! de la plaine.
Mais on môme temps, dans tous les coins du pays inondé, et jusqu'au
milieu des Wadden, surgissent des villages. Au Nord de Bruges, Dudzeele
existe en 830 i . Dans le golfe de l'Yser, Lampernisse est indiquée en
857 3 ; [dus loin Furnes groupe, vers 8(iU, quelques habitations autour
d'un château destiné â repousser les Normands 4 . Guemps, derrière
Coulogne, est signalé en 820 5 ; sur son banc de galets, Coulogne parait
en 891 6 ; il est question de Marck en 877 7 ; Holque, sur. son îlot, est
probablement de la même date8. Chose intéressante: parmi ces localités,
il y en a qui sont établies sur des endroits élevés, asséchés de bonne
heure ou à l'abri de l'inondation, Holque, Marck, Coulogne, Guemps;
mais les autres sont situées à des altitudes moyennes ou basses (Lamper-
nisse), ce qui semble indiquer que l'assèchement était déjà très avancé.
D'ailleurs c'est le moment où les bords de la plaine se couvrent de
villes et de villages, dont les habitants trouvent évidemment des res-
sources sur les nouvelles terres émergées : (iuines, Ruminghcm, Millam,
Drincham, Steene, Bergues, Vinckem, Oudenbourg » ; Bruges est déjà
une ville commerçante, où l'on frappe des monnaies à l'effigie de Charles
le Chauve.
Il est donc à peu près certain que l'ensemble de la plaine était asséché
à la (in du IXe siècle. Sans s'arrêter à cette date brutale de 8i() que l'on
lixe parfois comme la fin de la période de submersion 10, on peut dire
que la région poldérienne est à ce moment sinon habitée, du moius
i « Res suas supra mare in Addingahim » (Van de Putte, Chronicon, p. ">). Pour les
.•mires noms de lieu, voir Chronicon aux pages 70, 78, 71». SU. 81, 82.
5 Van l.okeren, St-Pierre, I, p. 11, n° 0.
3 Haigneré, St-Rertin, I, p. VA, n" 30.
» Gilliodts. Coutumes de Fumes, I, p. 25. Cf. dans Guérard, Si-Rertin, p. 124 : « in
Kurnis ». dipl. de 877.
5 Haigneré. St-Rertin. I, p. 10, n'J 30.
6 Haigneré, Quelques chartes de l'abbaye de Samer. — Mém. Soc. Ae. Roui., XII,
p. S «8, note 2.
' Guérard, St-Rertin, p. 124.
8 Ibid.
*J Pour les références, cf. Guérard, St Hertin. pp. 80-124; Malou (.1.-R.). Chronique
du monastère d'Oiidenbourg (Hrugos, Soc. d'Kni., 1840, 2 vol. iu-V), I, p. 3i.
<o Rutot, Antiquités découvertes, p. (i; Esquisse d'une comparaison, p. 88.
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X' ET XP SlKCLES: RSTI'AIRES, DIGUES. DI NES
abandonnée par les eaux. Il n'y en a pas de meilleure preuve que l'appa-
rition, pendant le Xe siècle, d'un grand nombre de localités
X' et XP siècles : Estuaires, digues, dunes.
De l'Ouest à l'Est, on voit surgir en Petresse, le futur St-Pierre-lès-
Calais ; Oye en 91 i ; Hourbourg entre 9S7 et 995 ; Teteghem en 904 et
l'xem en 9S1 ; Ix)o en 944 ; Leffinghe en 988, et Testerepb, à peu de
dislance de l'emplacement d'Ostendo, en i)92. Le groupe du Nord de
Bruges prend de l'importance : Meetkerke, Houttavo, Vlisseghem, Lisse-
weghe, l'ytkerke, Oostkerke, Lapscheure, apparaissent entre 901 et 988.
I.e Pagus Rodensis étend au delà d'Oostburg ses prés salés vers Ijzendijke
et Galcrnisse (98 i) ; l'île de Wulpen reparait. Enfin pour la première fois
on soupçonne des terres habitées à l'Est d'Aardenburg : au milieu du siècle
on mentionne les Quatre-Métiers ; les environs de Watervlietsonl signalés
en 972; lioterzand, au N.-E. du liraakman, est de 990, Axel de 991, s'il
n est pas de 821 comme l'indiquerait une charte citée par Sanderus.
Mais il est probable que beaucoup de ces terres élevées au-dessus des
hautes mers n'étaient pas encore habitables. Los eaux douces, s'attardant
dans les dépressions, cherchant leur voie sur ce sol sans pente, tonnaient
de nombreux marais. Les mots marisei, prata, pastoralia, bientôt le terme
moer. indiquant la présence de prés bas et de marécages, sont nombreux
dans les chartes. Enfin il y a encore sur la plaine des bras de mer,
qui sont pour la plupart des estuaires.
Nous possédons deux moyens de connaître ces estuaires du Xe siècle.
1^ premier est de s'en tenir à l'altitude, et de chercher les parties basses
où la mer s'est évidemment maintenue le plus longtemps ; le second est
• Petresse : Haigneré, St-Hcrtin, I, p. 111, rr 62 ; — Oye : Vie de St Wandrogisilus,
Acta SS. Boll., Julii. V, pp. 21)8-300 ; — Hourbourg : Van Lokeren, St-Pierre, L p. 50,
ir (53; — Teteghem : Ibid., I, p. 38. n" 35 ; — l.'xero : Ibid., I, p. 50, n° 53 : — Leffinghe
••t \ li--tgh.Mn : Le Vasseur, Annales de l'Eglise de Noyon (Paris, 1033, in-4 '), p. 734 ;
— T'M. rcpli : Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 00, n° 71 ; — Loo, Meetkerke, Houttave,
Lixoweghe, L'ytkerke, Oostkerke, Wulpen : dans la charte d'Arnoul le Grand érigeant
la Prévôté de St-l)onat, reproduite dans Gilliodls, Coutumes de la Prévôt*!- de Si-Donat
à Bruges, II, pp. 3-H ; — Oosiburg : Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 25, nJ 18 ; — Ijzendijke
et Gatenns.se : acte inconnu cité par Sanderus, Klandria illiistrata, IL p. 207 ; — les
Quatre-Métiers: Vanderkindere, Formation territoriale des principautés belges, 1,
[>.77: — Osthold près Watervliet : Van Lokeren, St-Pierre, I, p. VI, n 'i7 ; —
Boter/and : Ibid., I, p. 00, n' (?.) ; — Axel : Ibid., I, P- 6», n8 "0 ; cité en 821 dans une
charte de Louis le Pieux, reproduite dans Sanderus, Flandna illustrât», II, p. 220.
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FORMATION I)K I.A 1M.AINK MARITIME
de s'adresser aux textes. Les plus basses terres s'étendent de la Bredenarde
à Calais, le long des rotes crayeuses; au Sud de Dunkenjue, de 1 {orgues
jusqu'au fond des Moëres ; dans le golfe de h>o, où certaines parties ne
sont guère qu*jiu nive;ru moyen de la nier ; dans les tnoeivs de Ghistelles,
et le long du Houtland entre Oudenbourg et Bruges; enfin vers Damme,
Moerkerke et Westeapelle Or ce sont bien là les emplacements que les
documents historiques assignent aux anciens golfes. Dans l'Ouest, le
cortège qui transporte de Boulogne à Bruges les reliques des saints
Ausbert, Wulfran et Wandrille (944) trouve a Fretbun nu golfe; « villa
Woretha secus mare sita est » : et la mer, dans une furieuse tempête,
menace d'envahir le rivage, ce qui indique qu'il était encore fort bas !. O
golfe (alveus) qu'on appelle la Neuna, le cortège le traverse le lendemain,
à marée basse évidemment, pour gagner Oye où l'on fait étape 3. Après
Oye, on va jusqu'à Bergues sans qu'il soit question d'un estuaire aux
bouches de l'Aa ; c'est que cette baie, qui existait pourtant encore au
XIIIe siècle, était déjà de dimensions assez restreintes pour qu'on pût, entre
Oye et Bergues, l'éviter sans faire un trop grand détour vers le Sud. Au
contraire la mer vient jusqu'il Bergues, comme l'indique un texte de 1107,
confirmant la possession d'une bergerie de cent tètes à Bergues au bord
de la mer (juxta mare) 4, et un autre de 981, où Bergues est encore indi-
quée comme située dans la Gorsta (?) sur la mer8. Or cette Gersta, où
l'on trouve un bras de mer, s'étend vers l'xem, comme en témoignent
des documents de 9SI et 1037 '"' ; il est donc probable que cette crique, par-
les terres basses qu'assèchent aujourd'hui les « anaux des ChaLs et des
Glaises, joignait à lit mer, vers Synth»', la dépression des Moëres. Au
delà s'étendait le golfe de l'Yser, qui remontait encore dans les terres au
moins jusqu'à la hauteur de Loo ; la procession de 94 île traversa à un
endroit nommé Driulil, " les trois branches ", vraisemblablement celui
« Vers l'Est, les changements ont été si considérables qu'il est difficile .le retrouver
dans lViat actuel .les traces authentiques d'un passe lointain.
* ('eue rainure profonde au pie.l des terres hautes rappelle un peu la fosse par ou la
marée sort du Zuider/.ée. à Nieuwdiep. Cf. t]>[. 'M.
3 « Mare funditus eversum ita se mole fluctuum subri^ehat in altum, acsi divino
mo\ imperio terminos proprios egressiirum, et superfieieni lerrae occupaturum »
(p. 2M>. « Alveum. quem dicunt Neunam. Sanctorum suorum ohsequio iransveeti... .»
(p. 3 KM. (Acta SS. Holl., Julii, V).
* Huile du pape I*;iseal II. donnée par Pruvost, Berpues, p. 87.
5 Van de l'utle, St-I'ierre, p. 1^1. «Juxta castruin Herga in (iersta supra mare ».
6 Van Lokeren. St Pierre, 1, p. ">0, ir .\t et I, p. 8Î, n" Mit.
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X* ET XI- SIKGLKS : KSTT AIRES, DIGUES, IUNKS In'.»
où la crique recevait, par des chenaux secondaires, les eaux de l'Yser, du
Kemmelbeek et de l'Yperlée. \x baie existait au IXe siècle sous le nom
d' « Isère portus » \ ce qui indique que le pays environnant était déjà à
sec; la relation du Xe siècle précise que la marée avait l'habitude d'y
|>énétrer, et que la cavalerie du comte eut grand mal à la franchir *.
A l'Est de Dixmude, la carte est beaucoup plus imprécise. 11 y eut,
semble-l-il, un bras de mer devant Oudenbourg au IX" siècle 3 ; mais
Erbellu de I : 1W0 000
Fig. — Essai de reconstitution de la Plaine à la fin du X" siècle.
Hivage actuel.
Extension maïimn Je l'inondation itu V* siocte.
gagnait-il la côte par le Zwin, ou par l'Yser? L'incertitude est complète,
< iir le murs d'eau qui remplaça cette crique, l'Yperleet, allait, presque
sans pente, de Dixmude à Bruges. Au delà, le vaste estuaire du Zwin
sépare Wulpen du continent, et vient longer les terres du Pagus Rodensis;
Cumbescura, localité toute voisine d'Oostburg 4, est en 951 au bord
d'une mer qui pourrait bien être un bras du Zwin 8. Peut-être faut-il
lui rattacher le bras de mer signalé en 8i<) près d'Adegem ? Enfin après
le Zwin, les textes ne laissent plus rien paraître. On en est réduit
i « In sinuin qui vocatur Isère portus » (8-4(1). (Cuérard, St-Bertin, pp. 107-IO<).
: « Ad alveum venere, cognomine Driulit, quod nos latine trinum fluentuni dicere
possuniiis. (lut scilicet alveo, quia ex mort* mare e.xaestuans jam inundnre cœpit,
nianhisus eu m omni exercitu, magno equoruin et labore et sudore vix transmeahilein
h.tbuit ». (Acta SS. Boll., .lulii, V, p. Cf. un commentaire, déjà vieilli, de ce texte
dans : Cousin (I,.). Un itinéraire au X'' siècle (Mêm. Soc. Dunk., XVI, p. '£H\ sqq).
3 Oudenbourg : « t ivitatem munitam et fortem, quum juxta litus maris sita a barbaris
(Normands) crebro impetebatur» (Malou, Chronique du monastère d'Oudenbourg, p. 'M).
» « In loco mincupante Cumbescura in Ostborch... ». Van de Putte. St-Pierre, p. 81.
5 « In loco mari proximo, vocabulo Cumbescura... ». Van de Putto, p. ÎK). — Sur les
origine» du Zwin, cf. ci-dessous p. 11)1.
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1*50
FORMATION DK LA PLAIXK MARITIME
aux conjectures. I>e diplôme d'Otton II à l'abbaye de St-I3avon (976).
en mentionnant Walchoren et lîeveland 1 laisse entendre que le Hont
existe bien, puisque ces îles sont séparées de la Flandre. Il faut même
croire qu'il avait déjà une certaine importance, puisque la keure (loi)
des Quatre-Métiers prévoit à l'article XXIV le cas des réparations à faire
au littoral de la mer s, et que la mer qui borde les Quatre-Métiers ne
peut être que le Braakman ou le Hont. De même il faut bien croire
que le Hraakman existe, puisque le territoire des Quatre-Métiers, distinct
du reste de la Flandro, appartient à l'évèché d'Utrecht dès la fondation
de celui-ci (696) \ et qu'au IXr siècle il fait partie de l'Empire, tandis
que les villages de Hiervliet, Pieté *, situés de l'autre côté du bras de
mer, sont compris dans le Franc de Bruges.
(les données sont encore bien imparfaites ; néanmoins elles permettent
do se faire une idée de ce qu'était, aux environs de l'an 1000, la plaine
maritime à l'Ouest du Pagus Hodensis. En dehors des estuaires, assez
étroits pour qu'on puisse les franchir, presque tout le pays est émergé.
Une partie du sol est encore inhabitable, coupée de marais où s'abattent
pendant l'hiver des bandes criardes d'oiseaux du Nord 5 ; ailleurs sont
des schorres où l'on mène paître des troupeaux de l.'fl) et 190 tètes de
moutons B. Cependant l'homme, attiré par la fertilité de ce sol vierge,
essayait de prévenir le retour des hautes marées sur les territoires
où il s'établissait : les premières digues nous apparaissent au Xe siècle ; le
premier, le nom « Isendic » (984) en fait mention ; mais elles sont
probablement beaucoup plus anciennes. Vers la côte, le rivage est déjà
fixé dans ses grands traits, et ressemble singulièrement au rivage actuel ;
St-Pierre, Marck, Oye, Loon, Synthe, la Panne, Testereph, Wulpen,
en jalonnent la direction. File est bordée de dunes : le nom de Dunkerque,
cité en 1067 dans la grande charte de Baudouin de Lille en faveur de
St-Winoc 7, atteste leur existence au milieu du XIe siècle, à l'endroit où
• Serrure, St-Havon, p. 10, n° 8.
î Warnkûnig. Flandrische Geschichte, III, pp. I9T'»-I1J7 : «De réparation* littons
maris ».
:i Cf. Vanderkindere, Formation territoriale, 1. p. 14.
1 l'iete, bourgade au S. de Biervliet, disparue au XV' siècle.
3 Harold, fils de Godwin et futur roi d'Angleterre, veut venir chasser vers 10(53 sur
les cotes marécageuses de la Flandre les oiseaux qui y abordaient en grand nombre
des contrées du Nord. Cf. Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, I. p. 'Mi ;
nombreuses références indiquées.
6 Van de l'utte, St-Pierre, p. 81.
' Pruvost, Hergues, p. 59 : Dunkerka.
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X' KT XI' SIÈCLES: ESTC AIRES, DHHES, DUNES KM
elles sont encore aujourd'hui ; d'où la probabilité qu'elles existaient déjà
au moins à la fin du IX' siècle. Les « sablières» des salines de Synthe
sont citées pour 1097 Enfin Lambert d'Ardres, au XIIe siècle, parle des
dunes de Snngatte comme existant depuis longtemps, « ab antiquo » s.
Lorsque l'abbaye des Dunes est fondée en 1107, on l'établit dans les
dunes, dans une solitude de sable •', où son emplacement so trouve
encore aujourd'hui, ce qui prouve que les dunes n'ont guère changé
depuis cette époque. A coup sûr elles existent en l'an 1000, et ne sont pas
éloignées de leur emplacement actuel. Les déplacements qu'elles subi-
ront depuis cette époque, et dont nous connaissons quelques détails,
montrent qu elles n'ont pu faire depuis le X" siècle des progrès assez
sensibles pour que le rivage actuel fût sensiblement différent de celui de
l'an 1000.
A l'abri des dunes, la plaine so peuple rapidement. Dans cette région
de la Gersla par où la mer s'avançait jusqu'au pied du mont St-Winoc,
huit noms de villages sortent do terre : Bierno et Steene en 1022 4 ; Arm-
bouts-Cappel, ( loudekerque, Dunkcrque, Ghyvelde, Hoymille, Spyeker
en 1067 5. Dans le Furnambaeht, Steenkerque est de 1040, Caeskerke de
1060; Pervyse et Eggewaertscapelle indiqués comme existant au
XIe siècle 6. A l'Est du golfe de l'Yser paraissent Slype, Snaeskerke,
Hreedene, Clemskerke, Ter Doest 7. Les derniers villages se montrent
au XIIe siècle, quelques attardés au XIIIe. Les anciennes paroisses se
démembrent ; des chapelles sont élevées sur leur territoire, qui devien-
1 Coussemaker (E. de). Documents relatifs h la Flandre maritime extraits du cartu-
laîre de l'abbaye de Watten. (Ann. Corn, il. Fr., V, 1850-00, p. .334).
* I^mbert d'Ardres, éd. Codefroy-Ménilglaisc ( Paris, Renouard, 1855, in-8"), p. 17'.*.
3 Meyer, Annales, ad annum.
» Pruvost, Rergues, p. 31.
s Ibid. p. 50.
« Steenkerque : Haigneré, St-Bortin, I, p. 24, n» 70;— Caeskerke: Miraeus, Op.
diplom., I, p. (Eï; — Pervyse: Van de Pu lté et Carton, Chronicon et Cartularium
abbatiae S. Nicolai Furnensis, 1120-1354 (Bruges, Soc. d'Emulation, 1840, in-4°), p. 30:
— Eggewaertscapelle: Haigneré, St-Bertin, I, p. il, n° 115,
• Slype : Spic. d'Achery, II, p. !*1!»;— Snaeskerke: Pruvost, Berguos, p. 50; —
Breedenc : lettre de Badbod, évèque de Tournai, dans Duvivier (C), Actes et documents
anciens intéressant la Belgique (Aead. roy. de Belgique, Connu, roy. d'histoire, 18î*8),
p. 153 ; cf. Opdedrinck {.!.), Notice concernant certains centres d'évangélisation et de
civilisation au N. de la Flandre au VII* et au Vlll" siècles. (Congrès archéologique de
Bruges, 1!*I2, C.-Rendu, pp. 350-3J4);— Clemskerke : Van Lokeren, Si-Pierre, I, p. 71,
n" 1)1 ; — Ter Doest : Van de Putte et Carton: Chronique de l'abbaye de Ter Doest
( Bruges. Soc. d'Ém., 1845, 82 p.), p. 5.
Il
â*§*Mé*>y Google
102
FORMATION RE LA IM.A1NR MARITIME
dront paroisses à leur tour : Capelle-Brouck est formée de Uourbourg,
Dixmude de Eessen, Zoetenaye d'Alveringhem. Dans le Calnisis, toutes
les paroisses actuelles sauf les Attaques, créée au XIXe siècle), existent
au début du X IIP siècle *. A l'Est de l'Aa, dans la partie française, la
seule église de Leffrinckoucke n'est pas encore apparue en 1200 *. En
Êchpllc .Je 1 : I .VKmmni
Km. 33. — Ri-partition des n s de paroisses en Kerke,
Eglise, Capelle. dans tonte la Flandre.
Rares dans l'intérieur, ils forment des groupes compacts dans la plaine maritime
et l'île de Waleheren.
« Sangatte au XI*- siècle: éd. Chronique de I,ambert d'Ardres, (îodefroy, p. 177 ; —
Calais en 11»): Maigre. St-Rertin, I, p. 1»», nu308; — Oflekerque et N'11' Eglise en
1100: Courtois, Dictionnaire, pp. 171 et 174; — St-Folquin en 1040 : Haigneré. St-Rer-
tin, I, p. 24, n" î<> ; — Vieille- Eglise en 1119 : Haigneré, St-Hertin, 1, p. 52, n° 135 ; —
St-Omer-Capelle en 121»'»: Courtois, Dictionnaire, p. 240; — S«-Marie-Kerque en
1221 : Haigneré. St-Rertin, 1, p. 28fi. n" <m
* Mardick en 1107 (l'ruvost, Rergues. p. 8»î); — St-Rierrebrouck en 1113 (Cousse-
maker, Rourbourg, I, p. 13, n° XVII); — Craywiek et St-Georges en 1119 (Cousse-
maker, Rourbourg, I, p. 21, n° XXV et Haigneré, St-Rertin, I, p. 52, n° 135); —
Zuydcoote en 1121 (l'ruvost, Rergues. p. 90>; — Rrouckerque en 1102 (Coussemaker,
Rourbourg. I, p. 50, n° LUI ) ; — Capellebrouck en 1 181 (Haigneré. St-Rertin, l, pp. 139-
140, n- 314-317).
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I.A DISPARITION HKS ESTUAIRES 163
Itelgique le peuplement se fait moins rapidement, peut-être à cause de la
persistance des estuaires; Wulpen près r urnes. Adinkerke, Ramscapelle,
Houthem, Oost-Dunkerke, Mannekensvere, Boitshoucke, sont du XIIe
siècle; Bulseamp, S'Heerwillemscapelle, Schoore, Nieuca pelle, Zoete-
naye, Oostkerke près Fumes, Oudecapelle, Coxyde, Heyst, Knocke,
Nieuwmunster, du XIIIe siècle On voit iippu raitœ en foule ces noms en
herke ou capelle, qui caractérisent la toponymie de la plaine maritime, et
dont la répartition, due à leur origine chrétienne et récente, suffirait
presque pour tracer les limites du golfe , à défaut d'une carte géolo-
gique s. Les conquêtes de l'homme se font maintenant aux dépens des
marais; la mise on culture des «terres neuves» emplit les chartes.
On fait une rude guerre aux palus de l'Aa, entre Watten et Hourbourg,
et Philippe d'Alsace célèbre en termes pompeux son triomphe sur les
eaux \ Enfin on s'attaque aux estuaires.
Disparition des estuaires.
Les premiers disparurent ceux de Frethun et de Hergues. Au XIe siècle,
pour qu'on pût habiter dans le marais d'Ardres le château de Selnesse,
il fallait que la mer se fût retirée assez loin déjà vers le Nord ». Lorsqu'est
fondée en 1090, vers l'emplacement actuel des Attaques, l'abbaye de la
Capelle, il est encore question de terres à gagner vers l'endroit où le
Merckled (rivière de Marck) se jette dans la mer; mais il est fort possible
que cette embouchure fût située au Nord des Pierrettes, et que déjà le golfe
« Wulpen, 1114 (Haigneré. St-Rertin, 1, p. 47, n° 123): — Adinkerke, ontro ll.rx» et
1107 (Van de Putte, Dunes, p. 20); — Ramscapelle. 1130 (Van de Putte et Carton,
Cart. de St Nicolas de Fumes, p. fiO) ; — Houthem, 1121 (Pruvost, Hergues, p. 101);
— Oost-lJunkerke, 11.33 (Van de Putte et Carton, Cart. de St Nicolas de Fumes, p. 4);
— Mannekensvere, 1170(I)uvivier, Actes et documents anciens, p. 230); — Roitshoueke,
1 100 (Van de Putte ot Carton, Cart. de Si Nicolas de Fûmes, p. 22X) ; — HuLseamp. 1203
(Guillaume le Hreton, Philippide, vers 33Nj ; - S'Hcer-Willeniscapelle, 1218 (Van de
Putte et Carton, Cart. de St Nicolas de Fumes, p. !7.i) ; — Schoore, 1281 (Van Lokcren,
St-Pierre, I, p. 401, n»896); - Nieucapclle. 1202 (Miraeus, Op. dipl., III, p. 674); —
Zoetenaye. 1204 (Van de Putte et Carton, Cart. de Si Nicolas de Fûmes, p. 84) ; —
Oostkerke, 1244 (Ibid.. p. 223) ; — Oudecapelle. 1212 ( Ann. Soc. Km. Hr., 2* série, t.
IX, p. 200); — Coxyde. 12UTi (Van de Putte, Dunes.p. 130); — Hoyst. 1221 (Haigneré.
St-Bertin, I, p. 200, nu 010) ; — Knocke. 12Ti3 (Ibid., H, p. TiS, rr 1007) ; — Nieuwmunster,
1214 (Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 233, nn 437;.
5 Rigaux (H.), Topographie, p. 220.
* I^mbert d'Ardres, éd. (îodefroy, p. 1(58.
* lbid., pp. 220-227.
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if»', • FORMATION DK LA PI-AINE MARITIME
ne dépassât guère Nieulay En 1112 on trouve dans cet ancien estuaire
de la Neuna que rencontrait la procession de 944 une pâture à moutons
« Bercariam de Nivenna » * ; la crique du X' siècle était remplacée par
une " saline ". Au début du XIIIe siècle, une controverse au sujet de la
pèche des cours d eau nous montre, entre Guînes et les Pierrettes, un pays
marécageux, avec de nombreux watergands, où l'écoulement des eaux
est arrêté fréquemment, « necessilatibus patrie », probablement par le jeu
des écluses qui gardent la contrée 3. Mais il n'y a pas trace d'un golfe,
pas plus qu'en 1210 ou en 1280 où la région est toujours qualifiée de
« marais » 4. Cependant cette disparition du golfe ne dut pas aller sans
à-coups. Lambert d'Ardres, qui vivait au XIIe siècle, raconte qu'un jour
(quondam) la mer fit irruption à travers les dunes de Sangatte et inonda
la terre ferme (solida terra)5. La date n'est pas précisée: mais l'événe-
ment lui paraît ancien, peut-être du début du XIe siècle. Enfin M. Gosselet
indique qu'entre Ardres et Guemps, on a trouvé au-dessus de la tourbe et
sous une petite couche de sable marin des vases el poteries du XIIIe
siècle, ce qui indiquerait, à la fin de ce siècle, un retour et un court séjour
de la mer en cet endroit fi. L'événement a de quoi étonner, car personne
n'en parle ; et ce silence n'est pas aussi explicable que celui qui accom-
pagna de son indifférence l'invasion du Ve siècle. Ce ne pourrait être
que le résultat d'une inondation rapide, dont aucun chroniqueur n'aurait
parlé, à laquelle aucune charte n'aurait fait allusion. Mais est-on bien sûr
que les poteries trouvées sous le sable soient du XIIIe siècle ?
Le golfe que l'on a cru apercevoir au X" siècle, entre les Moëres,
Bergues, et la mer, n'est pas disparu moins rapidement que celui de
Frcthun. En 1107 cependant, Bergues est encore qualifiée de «juxta
mare » 7 ; mais la Gcrsta s'assèche ; on y trouve fréquemment des seborres
* Desplanque. L'abbaye de la Capelle. (Ann. Com. fl. Fr., IX, pp. 0-7 et 39). Il est
question d'une terre neuve située entre les bergeries du Merckled et la dune chauve
(1110).
* Miraeus, Op. diplom., III, p. 87.
* Haigneré, St-Hortin, I, p. 215, n° 493.
* Duchesne (André), Maisons de Gand et de Guînes. Preuves (Paris, 1031, 1 vol.
in-fJ), p. 295. — Voir également la description donnée par Godefroy-Ménilglaise dos
cours d'eau du comté de Guînes au XIII' siècle, dans son édition de Lambert d'Ardres,
pp. 514-510.
5 Lambert d'Ardres, éd. Godefroy, p. 179.
6 requisse, Quaternaire, p. 329.
' Pruvost, Morgues, p. 87.
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LA DISPARITION DKS KSTUAIRKS
irr>
pour moutons1. Les Moêres sont désormais distinctos du golfe; elles
portent déjà le nom qui leur est resté : c'est « la solitude qu'on appelle
Moere » (1144) * ; c'est « un territoire situé à Houthem et que les habitants
appellent Moor»3 (1183 . Cependant une crique devait subsister entre
Dunkerque et Synthe. L'abbaye des Dunes possédait là un domaine sur
l'emplacement actuel de la ferme Groote-Meunycken, au Sud de Petite-
Synthe 4, qui pouvait vers 1171 s'accroître par conquête sur la mer, ou
craindre une inondation 5. (/étaient là les restes du golfe qui allait peu
à peu se rétrécir jusqu'à devenir le port de Dunkerque, comme celui de
Frethun est devenu le port de Calais, et comme ceux de l'Aa et de l'Yser
ont formé, les ports do Gravelines et de Nieuport. Vers 1183, on ne
considère plus comme paroisses maritimes (maris contiguae} dans la
chàtellenie de Bergues que Mardiek, Synthe, Dunkerque, Tetoghem,
Zuydcoote et Ghyvelde 6. La côte serait donc arrivée à peu près au même
état qu'aujourd'hui.
L'estuaire de J'Aa était déjà peu de chose au Xe siècle; aucun texte n'y
fait allusion, et la Translation de St Wandrille parait l'éviter sans peine.
Au XIe siècle, la rivière gagnait la mer, nous dit la chronique de Watten,
par de nombreuses et petites embouchures 7 ; ce qui laisse supposer une
plaine basse et marécageuse, qu'allaient envahir peu à peu les endiguo-
ments du XIIe siècle 8. Cependant la mer n'a pas encore quitté complète-
ment, au milieu du XI" siècle, le pays au N.-W. de Hourbourg9. C'est en
1040 qu'on voit apparaître le village de Sl-Folquin. « in Gravenenga
sita » ,0. Cette Gravenenga ou Greveninga n'était pas une ville, mais
toute une région de schorres où se trouvaient éparses les habitations de
1 1120: Henarias in Gersta (Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 12.'?, n° 11(7).
* Van de Putte et Carton. Gart. <!r St-Nieolas de Fumes, p. 07.
3 Pruvost, Hergues, p. Pif}.
* Sur l'identification du domaine des Dunes avec la ferme Groote-Meunycken, cf.
Archives dép. du Nord, série C. Kl' maritime, liasse l'A.
î « Si quid ex fratrum dunensium labore, aut ex maris adjeitione eidem terrae accre-
vorit.... Siquid vero ex C. mensuris vi maris iinminutum fuerii... (Van de Putte. hunes,
p. m n° 4<il).
6 Charte de Philippe d'Alsace (Pruvost, Hergues, p. Pifi).
'< « .... Ah Occano, rui multis ostirdis infusus exeipitur ». (Chronica Walmensis,
M. G. SS., XIV, p. îai.
8 Cf. Coussemaker, Mourbourg, I, p. (>, n" VII ; I, p. 11, n'' XV; I, p. l'A. W XVII ;
I, p. 1<>, w XIX ; I, p. 17, n^ XXI ; I, p. L'S. n^ XXXII. etc. : endipiements dans les
mamis de Millarn, St-Pierre-brouck. Capclle-brouck et Bourbourg au début «lu
XII' siècle.
» Guérard, St-Bertin, pp. 18o-187.
"> Haigneré, St-Bertin, I, p. 24, n" 7U.
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FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
St-Folquin ci plus lard celles de St-Willebrord et de St-Georges 1 . Le môme
terme se retrouve d'ailleurs le long du Zwin, où un schorre de Greve-
ninga est indiqué au IXe siècle !. En 1095 on élablit sur cette Greveninga
une seconde église qui forme la paroisse de St-Willebrord 3 ; en 111 i une
ecclesiolade St-Nicolas, au bord de la Grevoninge (juxta Greveningam) 4;
eu 11 19 on fonde la paroisse de St-Georges 5. I,a mer est refoulée vers
l'emplacement actuel de Gravelines ; mais ello se maintient longtemps
à cet endroit. Il y a là, devant St-Folquin, un schorre ou « hem me »,
comme on dit dans le Calaisis, appelé Bonhem dans les lextos du
XIIe siècle, et qu'on espère dès 1106 agrandir aux dépens de la mer6:
mais en 1 183 les choses, de ce côté, paraissent être restées on l'état 7 ; et
en 1211 on craint qu'avec les tempêtes de l'hiver Honhem ne soit envahi
par la mer 8. Si la terre ferme gagnait sur la rive Est, puisqu'on y édifiait
en 11(50 une ville que son fondateur, le comte Thierry, appelait « Novus
portus de Greveninge s> 9, il restait à l'Ouest de cette nouvelle ville, le futur
Gravelines, une large crique s'étendanl vers St-Folquiu, car en 1218
les paroisses de St-Folquin, St-Nicolas do Liage, St-Georges, sontau même
titre que Gravelines et St-Willebrord considérées comme riveraines de la
mer, et doivent payer la dime des harengs que pèchent leurs habitants ,0.
Entre 1250 et 13IX), la mer est encore au large de Bonhem 11 , n'aban-
donnant que peu à pou de nouveaux schorres qualifiés Hernisses **.
Ce qui reste du golfe subsistera longtemps encore; au XVe siècle il ne
dépasse plus Gravelines au Sud, mais ce n'est guère qu'au XVIIe qu'on
voit émerger les terres des Hems Sl-l'ol et c'est au XVIIIe seulement
que disparaît ce qui reste de l'estuaire (p. 203).
i D'après M. Finot(J.). Inventaire <li\s archives de la ville de Cira vélines (Lille, Danel,
1000), p. VIL Gravenenga signifierait région des grèves ou des «lunes,
î Van de Putte, St- Pierre, p. HL
3 Haignerë, St-Bertin, 1, p. 47, n" 124.
i Ibid. I, p. 48, n» 120.
s Ibid. I, p. .r»2, n- 135.
<"• Coussemaker. Hourbourg, I, p. '5. ir III.
- Ibid. I, p. 70, n- LXXVI.
8 Ibid. I. p. 1(14, n" CM.
,J I n vidimus de l'acte de fondation existe #aux Archives du Nord. H. 1~>01, 1" rariu-
laire de Flandre, picee 44. — Gravelines, comme devait bientôt s'appeler le Novus
portus, resta distinct de St-Willebrord, paroisse rurale s'étendant à l'Est delà ville,
vers Loon.
«o Haignerë, St-Bertin. I, p. 13<3, n" 308 ; p. 140, n° 320 ; p. 247, n° n»».
n Goussemakcr. Hourbourg, I, P- 218, n°CCXX.
12 Ibi.l. 1, p. 114. n" GX1X ; p. 123, n» CXXXII : p. 12»}, n' GXXXVI, etc.
13 Goussemaker (E.). Document historiques. 1" fascicule, pp. 40-40.
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LA DISPARITION DKS KSTTAIRKS
un
Le golfe de l'Yser, le plus vaste des estuaires du Xe siècle, diminue
aussi rapidement que les autres et se réduit au XIIIe siècle à une petite
crique. En 014, il s'étend jusqu'à b><> ; au milieu du XIe siècle, c'est encore
une baie imposante où pénètre la Hotte de Godwin ». Cependant la partie
méridionale s'assèche; en 1000 remplacement des communes de
St-Jacques-Capelle, Oudecapello, Caeskerke, Stuvvekenskerke, forme
un grand schorre, une bergerie appelée Bircla, et dépendant de la paroisse
d'Eessen *. Une longue digue, l'Oudenzeedyck, protège les parties
émergées les premières, Lampernisse, Fumes, Eggewaertscapolle, contre
un retour offensif des eaux ; la levée part des dunes vers Oost-Dunkerke,
passe par Avecapelle et Zoetenacv, et aboutit a la rivière vers le fort de
Knocke 3. Au Nord, la côte forme une échancrurc assez prononcée, car la
ligne de dunes, à partir d'Oost-Dunkerke, va droit à l'Est; c'est la vieille
ligne qui borde encore aujourd'hui le Sud du polder Lens, passe sous la
ville de Nieuport et continue jusque vers St-Georges, contrastant par la
nature de son sol et par son élévation avec les basses terres qui
l'entourent au Nord et au Sud. (l'est là qu'entre 10&5 et 1093 apparaît la
terre de Sandeshoved *, sur laquelle Philippe d'Alsace établira un siècle
après la ville de Nieuport. Sur la rive Est, le bord «le la baie est constitué
par les vieilles dunes de l/unbartzvde et de Westende ; peut-être même
un bras sépare-t-il Eorabartzyde de Westende, si l'on en croit le dicton
qui veut que le premier de ces villages ait jadis fait partie du Furnam-
bacht 5. Par les tempêtes du N.-W., la mer pénètre largement dans le
golfe, et fait encore sentir l'effet du flux jusqifau delà de Loo, puisque les
moines d'Eversham ne sont pas quittes des dégâts de l'inondation de 1105 6.
Mais le recul définitif du golfe s'accuse au XIT siècle. Au Sud, on
s'empare des terres neuves de Dixmude (1104) 7, et en 1 106 l'Yser devant
1 Kervyn de I>ettenhove, Histoire de Flandre, I, p. 2i0.
' Hautcœur, St-Pierre de Lille, l, pp. :>-»•.
3 Van de Velde (H.), Dissertation historique et topographique sur lVi.it ancien du
Furnambacht, (Ann. Soc. Km. Rr., IV. 1SÎ0, pp. \M -i(>Vs p. 1 «2. — Cette «ligue
est indiquée, entre Avecapelle et Limpcrnisse, sur la feuille Laniperuisse de la carte
topographique belge à 1 : 20.000.
» Cf. I'ruvost, Hergues, p. 8T>.
s l)'après Van den Hussche. le Veuniambacht (la Fl., t. II, pp. .Vi).
I.omtiiiorl7.ije
liKhet ji.-t Vrije.
wnret wi'l otiilerMirht
"t luge jn Vt'iirmimborh!.
fi Chronicon monasterii Kvershainensis (Hruges, Soc. d'Km., 18T>2, 70 p.», pp. 10-11.
" Cuussemaker, Bourbourg, 1, p. 1, n" 1.
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il» FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
cette ville paraît bien n'être plus qu'une rivière «. Au Nord, la langue de
terre de Sandeshoved s'accroît aux dépens de l'estuaire, et le monastère
de Bourbourg se partage les terres neuves avec le chapitre de Ste-Walburge
(11 11-11 12) ». Il semble qu'un bras existe encore vers l'Est, rejoignant
les terres basses . des
moeres de Ghistelles 3 ;
il est encore question en
1 171 de terres que le flot
avait abandonnées jadis
dans les paroisses de
Slype, Leffinghe et
Stcene * , ee qui ferait
songer à une communi-
cation entre le golfe de
l'Yser et les terres basses
d'Oudenbourg par une
crique, qui sorait deve
nue plus tard l'Yperleet.
A son tour en 1138,
l'abbaye des Dunes ac-
quiert des terres neuves
dans l'estuaire s. On
s'empare des grèves si-
tuées devant Ramsca-
îiriwiu- <i<- 1 : :i*i.<mm>. pelle, devant Pervvse
Fi<i. .'Vt. — ReeoiiMitutiun .le lestuaire «If l'Yser (1130)°; à l'embouchure
;,u début du XII- siècle. lle ia Vencpc, qUi amène
les eaux de Fumes, les schorros ont tendance à s'accroître, et on peut
prévoir qu'ils seront un jour mis on culture 7. Do l'autre côté, les terres
■ Cousscmaker. Bourbourg, I, p. ,">, n° IA II et p. f>7, n° L1X.
» Ibid. I, p. !», u" XII; p. 10, n» XIII.
:< « Terrain quam in loeo «[«ai Gistelamor vocatur juste pos>idetis, et quidquid ip.-i
terre deiuceps mare adjecerit >>. Bulle dTlonorius II, vers 11^7, in l'ruvost, Bergues,
p. 101.
» Miraeus, Op. dîplom., IL p. l'?10.
5 Van de l'utte, Dîmes (Chronie.i), p. 138.
6 Coussemaker, Bourbourg, I, p. iO, ir XIA ; Van de l'utte, Dunes, pp. ViO-UI,
n"435.
i Van do l'utte, Dunes, p. U3, n" UO.
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LA DISPARITION DES ESTUAIRES
s'augmentent vers Schoore (1176) 1 ; enfin à Wostende Philippo d'Alsace
donne à l'abbaye d'Oudenbourg les terres neuves où s'élèvera la ferme de
Bamburg, « entre les dunes et l'Yser », resserrant ainsi les passes de
l'estuaire (1173) \jcs scborres continuent de s'accroître en 1205 à i'ein-
boucbure de la Venepe :'; l'apparition des paroisses de Mannekensvere
(1239)* et St-Georges5 (1^10) indique un nouveau rétrécissement de la
crique, quoiqu'il soit encore question, dansées nouveaux territoires, d'inon-
dations de la mer a empéeher. Pendant toute la fin du XIIP siècle on
continue a endiguer, à délimiter les terres neuves, du côté des Herames de
l'abbaye des Dunes, a Westende, à St-Georges fi. Enfin en 1291 le comte
Guy de Dampierre accorde l'octroi de faire une écluse qui barre la crique de
Nieuwendam 7 ; c'est la fin du golfe intérieur ; en 1309 on peut construire
un pont entre lx)mbartzyde et Nieuport 8. Les atterrissements se forment
dès lors entre la nouvelle ville de Nieuport et la mer; en 1271 le llemme-
kin « ke li mors a jetée et ki onques ne fut dikée » 9 ; en 1280 un « jet de
mer » entre Nieuport et les dunes 10 : c'est le futur polder Lens, que
viendra protéger bientôt la digue du comte Jean.
Désormais, tout l'intérêt abandonne cette partie occidentale de la
plaine. 1,0 pays est délivré de la mor; il ne reste plus qu'à organiser le
mieux possible l'évacuation des eaux intérieures. Au XIV siècle les marais
disparaissent à leur tour; les terres cultivées l'emportent. Les deux
étangs des Moêres, entre Furncs et Hergues, restent les derniers témoins
de l'invasion marine : on ne les dessècbera qu'au XYIP siècle. I,a mer
réussit parfois à rompre les digues, ou à faire des brèches aux dunes :
mais l'inondation n'ost l'affaire que do quelques marées, et les dégâts
sont promptenient réparés. En 1393, la ville d'Ostende est obligée de
reculer l'emplacement de ses maisons, et de les abriter derrière la digue
1 Van de l'utte et Carton, Cari. St-Ni ■. de Kurues, p. 70.
1 Ft'vs et Van Je Castcele. Histoire d'Oudcnboiirp (Hrupes, Soc. d'Km.. IS7."t-7i»,
2 vol. in-'o, II, p. !«».
3 Van de l'utte. Dunes, p.
» Ibid., p. ."I, n« 7*1.
'■' Van de l'utte et Carton. C;irt. St-Nicolas de Kurm-s, p.
« Cf. Coussemaker, Hourbourp, p. i:n, n ' Cl.XXX Y : pp. n • CXC1; pp.
n° CCXX; — Feys, Oudenbourg, I, p. 'M\.
' Gilliodts. Coutumes de Nieuport, p. 174.
» Feys, Oudenbourp, II, pp. 102-103.
» Coussemaker. Bourbourp. I. p. 17M, ir CLXXXll.
»• GilliodLs, Coutumes de Nieuport, p. ltiG.
170
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
du Franc 1 ; on 1 i()9 c'est le tour do la châtellenie de Morgues 2 a souffrir
des eaux ; on 1508, du pays de Langle 1 ; en 151*), de toute la côte ; en
l.V>2,de Niouport J. \a uiouotono liste continua jusqu'au XIX'' siècle, où
rinondalion de 1808 fait des dégâts sur toute la côte, jusque dans le
Calaisis. On sonnait le tocsin, la population valide accourait ; on jetait
dans la brèche, à marée basse, dos fascines, des sacs de terre ; on conso-
lidait en toute hAte avec dos liens de paille; le danger était conjuré 5.
Mais à l'Kstde Hruges, la lutte de la terre et de l'eau continue, violente.
De terribles inondations se succèdent, et ce n'est guère que depuis la fin
duXVlTsiècle que l'homme reprond définitivement l'avantage.
III.
vicissrrrnKs de la Flandre zélandaise.
Apparue la dernière dans les eartulairos, la Flandre zélandaise semble
se développer rapidement au XIIe siècle. Vers 1200, toutes les parties du
pays paraissent habitées : à l'Kst Calloo, Ilulsterloo, Graauw, Hulst,
Vorrebroeck. Hengstdijk, Hontenisso, Ossenisse ; au centre ïramsblide
près d'Axel, Zatfmslag, Vronendicke; à l'Ouest, Hiervliet, Hamere,
Kl marc. Hoeslaore. llenekinswerve, Kadzand, viennent s'ajouter aux
localités dont nous connaissons déjà le nom au début du XIe siècle. Le
pays d'Oostburg est particulièrement florissant: Ijzondijke devient
paroisse; Vulendik, Oostmanskapello, Gatcrnisso, Groede, Hughevliet,
Ueiderwan, sont fondés de 1150 à 12iMI «. Wulpon et Kadzand sont à l'état
< Delepicrrc. Précis analytique, III, p-
î Pruvost, Herbues, p. J9i.
3 Arch. Pas-de-Calais, série C, 3U"», pièce »Vi.
* Oilliodts. Coutumes de Nieuport. p. 329.
!> Pour des détails sur es inondations partielles : cf. Feys. Oudenbourg, I, p. 323
fl'ieil): I, p. 273 Ll!Y.{(h, etc. Les habitants de la répion entière n'étaient jamais sûrs de
ne pas se réveiller dans l'eau. Le 1K février 10(19, une forte marée inonda et noya
Moerkerke et la banlieue de Damme. recouvrant tout au point (jue la population dut se
réfugier dans les arbre* et sur le liant des maisons ; on alla les ebereber, tous presque '
pelés, le lendemain de Damme en bateau par dessus l'inondation, abandonnant les
bestiaux qu'on n'avait pas pu sauver aussi subitement eu pleine nuit (Extrait d'un
registre en flamand de la cure de Damme, publié dans F. -Y.. L'ancien port de Damme.
Afin. Soc. Em. Hr., 2- série, 1. p. *f>i.
« Calloo, 11.7.» (Van Lokeren. St-Pierre, I, p. l.Y>, n* 204): — Ilulsterloo, il:»»;
Verrebroeck. 1 1 i7: llenpstdijk, lt<»"7 i De Smet. Chronique de l'abbaye de Troncbiennes.
| Re.neil des Chroniques de Flandre, I (1*37), pp. 7.11-73!"]. pp. (iOti, 7oti, 712;; —
Hulst, ll'.M (Mussely et Molitor, Courtrai, p. i) : — draauw, 1170 (Serrure, St-Havon,
p. 5.'5.n ' -Td) : — Os.sentssc et Tramsblide, Hii-i (Van Lokeren, St-Pierre, I, pp. ltlil-170,
i."29U>; - Hontcnisse. 11*3 (Ibid. I, p. 1*9, «r< 342,1 ; - Zaan.slag, lH«(lbid. 1, p.
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LA PROSPÉRITÉ DES RNDIGUEMF.NTS AUX XIII» KT XIV- SIÈCLKS 171
d'îles, entourées par des bras du Zwin ; le Hont sépare toujours Waleheren
du continent 1 ; il borde les terres d'Ossenisse et Hontenisse 1 : et déjà
l'aspect général du pays no paraît pas si différent qu'où pourrait le croire
• le celui qu'il avait au début du XIXe siècle. Des terribles inondations de
1170 que citent avec épouvante les chroniqueurs, il n'est pas question.
Prospérité des endiguements aux XIII et XIV' siècles.
D'ailleurs la prospérité du pays continue au XIII" siècle. Partout on
assèche, on endigue, on réendi^ue. Dos particuliers, de riches bourgeois,
s'y mettent : mais rien n'égale l'activité monastique. Les Cisterciens des
Dunes, dans leurs domaines éloignés d'Ossenisse et Ilontenisse. donnent
l'exemple ; en 1240 ils possèdent dans cette seule région 5.000 mesures
•le terres endiguées et 2.400 de schorres, soit 8.00(3 mesures :|. I,es
vieilles abbayes bénédictines suivent cet exemple; St-Pierre de (landa
des domaines partout, et possède presque la totalité des territoires
n» 277) ; - Vronendieke. 1114 (Ibid. I. p. US, n" 187) ; - Hicrvliot, 1 1*3 (Gilliodts,
Petites villes, I. p. 51.".); — Manière, ll'.O (Ibid. I, p. 51<i) ; — Elmare. H2-S(\ ;ui Loke-
ren. St-Pierre. I, p. 128, n" 20»>) : — Koeslaere, lUV» (Ibid. p. *2) ; — Henekin>werve,
llfï» (Ibid. p. ii>. n" î.">> : — Kad/and, 1112 (Ibid. p. 2f>, n" 18) ; — Vulendik, Oostmans-
kap.-lle.datemisse, ll.-|U(Ibid.. 1, p. 1 ',5, n" 244>; - llu.iîhevlict, 1174 (Ibid. I. p. IS'2,
u 32T>) ; — Heiderwan, 11KÎ (Ibid. I, p. 2(«, n" 371).
1 On a prétendu, d'après le récit de la Translation des reliques de S le Lidwinne
iProgoms Trauslatio S. Lowinnae. M. G. SS. XV, pp. 7SS-7S9). opérée en 10r>8. que le
Mont n'existait pas à cette époque, ou du inoins n'avait aucune importance, ('.. pendant
le texte dit bien « Walacra insula », ee qui implique l'existence du Hont. l\t rien dans
le texte n'indique qu'on y soit allé- à pied. 11 est puéril de dire que la procession rie
pouvait se rendre dans Waleheren si le Hont avait été déjà aussi étondu qu'aujourd'hui :
il ne faut guère que trois quarts d'heure à un bateau à voile pour gagner l'île, eu
partant de Hreskens. Kn réalité, le Hont était plus large encore que de nos jours,
puisque Groede. ni Mreskens n'existaient à cette époque; Grocde, en 1133. est une
terre nouvelle, qui s'est jointe peu à peu à la terre ferme (Van Lokcron, Sl-Pierre, I,
|». 132, u" 2lî). Quant au Zwin. qui existe des le VHP siècle sous le nom de Smeial,
d'après les lois du peuple frison, il entoure de ses bras Yv'ulpen des Kf.tti (Serrure.
St-Havon. p. 22, n" ITn : et Kad/and est depuis longtemps une île, puisqu'en i'SM
l'abbé de St-Kavon déelare que l'ile a toujours é»é entourée par la mer. «< praediela
insula semper, ut nunc, fuit cincla mari » (Serrure. St-Havon. p. 171, n- ÎTÔ). H'ailleurs
en ll'.m la Keure du Franc, donnée par Philippe d'Alsace, reconnaît au paragraphe l.">
que Wulp«m et Kadzand sont des îles. Cf. Gilliodts, Coutumes du Franc de Drupes,
H, p. 23.
ï « Totam illam terrain maris inter Hossenesse et Hontenesse ... ( Van <le Putte.
Dunes, p. 42G). II!*'».
î Van -le Puttc, Dunes, pp. m -Mi. Soit près -le 4.<HK) hectares.
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172
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
d'Oostburg, ( Iroede el Ijzendijke ; St-Havon étend son autorité sur Wulpen
et Kadzand. I)'autres plus récentes, Cambron, Courtrai, Ter Doest. se
taillent leur part dans les terres neuves. A la fin du siècle, presque toutes
les localités sont apparues, et parmi elles, quelques-unes qui disparaîtront
plus tard I .a carte se précise. La plaine n'est pas continue: on y voit
quelques bras de mer, le long desquels on endigue sans relâche. Déjà
on devinait leur présence au XIIe siècle : Kad/.and et Wulpen séparés de
la côte : la mer entourant vers le Nord et PHst les terres de l'ambacbt
d'Oostburg, et y découvrant les schorros sur lesquels s'établissent Groedc
i.i lu-Ile de I : :»0rt.ixnt.
Fli». .T». — Ess.ii de rceunstiliilion île la Flandre //-landaise au début
du XIII- S.ède.
Hiviige ïi.-tiu*l.
et Biervliet ; le « fluviolun» » appelé Ilelmara vers 112N, devenu « Klma-
riam mare» en 1188*. indique qu'un bras de mer se trouve dans la
1 Haarzande près Breskens, 1212 (Van Lokeron, St-Pierre, 1, p. 234. nj 433) ; —
Sehoondijke. 1248 (Ibid. I, p. 2*5. n" 5'.«K) : — Heille. 1204 (Van de Putte, Dunes,
p. 4*3. h" 503) : — Moiikewerve et Steenlant, ll'.Cl (Limburg-Stiruin. Cartulairo d<*
Louis d.> Mate, [Soc En.. Dr.. \K*<-\\H\ . 2 vol. in-4"]. L pp. 5i?.<-572i : — Willemskerkc.
1221 (Van Lokercn. St-Pierre, I, p. 245. n- : — Wevelswalc, 1227 (Serrure. St-
Kavon, p. 141. n' I5H) : — Koudekcrque, 12*7 (St-denois. Inventaire analytique do>
chartes .L-s comtes de Flandre ( Cand, Yanryeke^hem. 1S43-40. in-4\ XL! Y + 070 p. |,
p. l.T>. n- 445) ; — Pieté. 1242 (Van Uikeren, St-Pierre, L p. 271. n1' 554) : — Pelchein.
124* (Ihid. I. p. 287. n" »i( 14) ; — Zuiddorpe. 12X8 ilbid. L p. 430, n" 102); — West-
dnrpe. 1270 (A'jiii de Putte, Dunes, p. 4I3i ; — Adendijk. 1220 (Ibid. p. 505. n" 555) ; —
Copwijk. 122* (Ibid. p. 340>: - Smppeldijk. 1220 (Ibid. p. 520, ir 500) ; - Deoosten-
blij. 1240 (Yan Lokeren, St-I'ierre. I. p. 27*. n" "8i) : — l.anis\vaarde, 1233<Musselv
et Molitor, Courtrai. p. 3710; — l'au lus Polder. 1242 (Kluit, Historia entier. II.
p. 4*5); — Saaltinpe. 1231 (Yan de Putte. Dunes, p. 550, n» «îT4») ; — Kieldrecht, 1200
(De Sni-t, Tronehiennes. p. (112); — le Doel, 1207 ! (Kùmnier. Notice historique sur
les Polders du Pas-Escaut. |Aiu.. Tr. |). Hel-r., II. 1*44. pp. 5-00, 0 cartes], pp. 12 22).
î Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 128, n- 200: I, p. 100, n» 3T.7.
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LA PUOSPKRITK I>KS KXDUU'EMKXTS M X XIII* KT XIV- SIÈCLES 173
région de Watervliet, probablement un bras du Braakman, dont l'existence
est pleinement confirmée au XIIIe siècle. Les criques du pays d'Axel ne
se montrent pas encore, mais la mer est indiquée à Ilulst en 1 1 09 1 . Après
1200, la fréquence des endiguomenls resserre et précise les chenaux.
Kadzand et Wulpen sont de grandes îles, toutes coupées d'anciennes
criques, des ♦ Vliel », et agrandies peu a peu par l'adjonction de nouveaux
polders, comme une cellule qui pousse tout autour d'elle des prolonge-
ments *. Les détroits se resserrent entre les îles et le continent : en 1257
on voit émerger sur la côte du pays d'Oostburg, en face Wulpen, un
schorre qui forme le nouveau polder d'Yzendorp, et en 1261 on endigue
entre Yzendorp et (iroede :i ; aussi organise-t-on mieux le service de
passage entre la terre et les îles; Arneuld de Maldegem lègue par
testament de 1275 deux grosses sommes pour que la traversée soit
gratuite l, et un acte de 1280 nous apprend qu'en effet au bac de Veere
(passage) on passe sans payer dans l'île de Kadzand 5. Enfin une nouvelle
île s'est formée sur la côte orientale de Wulpen ; c'est Koesant, qualifiée
en 12'i7 de jet de mer, dont les accroissements sont signalés en 1276 R,
et qui dès le XIVe siècle se joindra à Wulpen, agrandie d'autant7. En
face, sur la côle, il n'existe pas do bras de mer joignant le Zwin au
Hraakman. Delleilleà Aardenburg et Oostburg, rien que des terres
cultivées et endiguées ; aucune allusion à une crique*. Aardenburg est
déjà aussi éloigné de la mor qu'il l'était au XYIN'" siècle, puisque les
échevins obtiennent en 1241 l'autorisation de creuser un canal entre leur
ville et la nier, à Slependamme9. L'évêque de Tournai Walter de Marvis
i Kluit, Historia Critica, IL p. 241.
î A Kadzand en 1171 et I18λ, on voit 1»? Suilpolre, le Uoudelinsvliet, 1e Grotvliet,
le Tarwedie, le Wertvliet, le Kerpolre, le Dumbinsvliet ; un « Utdic, id est incre-
mentum » (Serrure. St-Uavon, p. IX. n° ;77, et p. f>7, n° 71). Dans un dénombrement
de 1227, on n'y compte pas moins de ir» polders (Ibid. pp. rrfMHO, n" Kit).
a Van Lokeren. St- Pierre, I, pp. 314-317), n« 672, et p. 331, n» 728.
» Ibid. L p. 377, n"8T)9. — Cf. Voisin, Le Testament d'Arnould de Maldeghem,
Ann. Soc. Em. Hr., 2" série. VII (18W), pp. 3<'i3sqq.
5 Delepierre, Précis analytique, l" série, I, p. LXXV.
* Inventaire analytique et chronologique des archives hospitalières de la ville de
Lille (I- vol., Lille, Leiebyre Ducmer,, in-4", 1871 : 2- vol., Lille. Le Bigot, in-',», 1SW)
I, p. L et 1. p. 10.
' Cf. le texte de 1Ô10 dans Areh. hosp. Lille, I, p. Ni.
» Cf. Serrure, St-Havon, pp. 233-234, n»2il (1244).
9 Charte publiée dans Gilliodts. Petites villes, I, pp. 83-8T». — C'est déjà, en 12711
comme aujourd'hui, la rivière de l'Hee (Lede) qui coule d'Aardenburg à Slependamme
(StrOenois, inventaire, p. 78, n° 2Tj0).
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17'i
FORMATION PK'LA PLAINK MARITIME
délimite en 12-W les paroisses de St-Nicolas de Varne, Oostmanskerke,
Ste-Catherino et St-liavon d'Oostburg. Iloeslaere, Aardenburg et
Maldegem ce qui prouve la disparition des criques qui auraient pu
servir de limites naturelles. Mais au N.-E. des ainbachten d'OosIburg et
d'Ijzendijke, nous retrouvons la mer. La wateringue de l'Onde- Yevene,
dont on entend parler en 1239, mais qui existe probablement depuis la
tin du X': siècle, écoule ses eaux par Haarzande s, vers le N.-të. : ce qui
indique que la côte du Ilont se trouve à peu près à la hauteur de
Haarzande, c'est-à-dire à la môme place qu'aujourd'hui. Plus loin, Uicrvliet
est également terre ferme 3. Mais en face de Bicrvliet s'étend un large
bras de mer, le Hraakman, séparant la petite ville et le métier de Bruges
de l'île de Milme, et des terres du métier d'Assenede, Willemskerke,
Vronendic, sur l'emplacement actuel de la commune de Hoek *. Ce bras
de mer pénètre profondément au Sud. Roeslaere, à côté de Watervliet,
est près de la mer en 1218 5, probablement l'ancienne crique d'Klmare ;
la paroisse de Watervliet, à la même date, comprend des parties qui
louchent à la mer 6 ; on prévoit en 1260 que dans un de ses hameaux des
1 Descamps (A.-P.), Notice sur Walter de Marvis, évéque de Tournay (Mém. Soc.
hist., Tournai, I, [18Tv3], pp. îaVttK)), pp. 272-273.
1 Van Lokeren, St-Pierre, I., pp. 2»i8-2fî9, n° 742. Charte de wateringue extrêmement
intéressante. Située entre Oostburg et Ijzendijke, l'Oude-Yevene correspond exactement
au Partis Gasterna apparu à la fin du X» siècle (cf. p. 1.77, note I) ; c'est sur son liane
occidental que s'est l'orme le schorre de Groede, sur sa côte N. la terre de Haarzande.
La charte prévoit les cas où la mer, attaquant la côte do Haarzande, obligerait à
reculer la digue vers l'intérieur, et celui oii l'accroissement des schorres nécessiterait
la construction d'une nouvelle digue plus loin en mer. — Publié également dans
Wolters, Recueil de lois, II, pp. 1-2. — Pour Haarzande: Van Lokeren, St-Pierre, l,
p. 173, n" 303.
3 12S1 : « si le fermier de St-Pierre dans l'Abbekinspolre ne paie pas le montant de
son fermage, l'abbé peut envoyer un homme à cheval à Riervliet demander assis-
tance. . . », etc. (Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 413, m>S9t>i. L'Abbekinspolre élaità Pieté,
entre Watervliet et Houehaute (lbitl. I, p. 271. n" îïïi).
* Les textes sont formels : 124(1 : Cession à l'abbaye de Groeninghe des dîmes de la
terre « vi marini fluctus jacte, vel post modum jaciende iuter Milmcn et Hiervliel-
termuden ». (Van <le Pulte, Chronique et Cartulaire de l'abbaye de Groeninghe
| Hruges. Soc. d'Km., 1S72. iri-'r], p. 3) ; — 12il : terra inter insulam quae vocatur
Milme. quai est in officio de Hasscnede, et Saternessoort. (juae est in offieio de Hrugis;
. .. et niedietatem totius lerre que per jaetum maris torris predietis accrevit, vel futuris
lemporibus accrescet, seu quoeumque modo mare jacet contra terras predictas (Ibid.
p. 12). — Plus loin est indiqué que ces terres de Milme sont situées sur les ] croisses
de W illemskerke et Vronendieke (Ibid. p. 7V).
3 \'an Lokeren. St-Pierre. I, p. 23i), n 44lî.
« Circa maritima (Ibid. 1, p. 240, n° 448).
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LA PROSPÉRITÉ DES KNDHU'KM KNTS AUX XUP KT XIV' SlKCLKS ITT»
schorres pourront continuer à se former1. Houchaute, Assenede, doivent
être encore au boni de la mer, puisque la keure des Quatre-Métiers de
12-42 leur prescrit de fournir chacune un bateau ponté de guerre (hercog-
ghen) *, et que la sentence de 1281 pour l'évacuation des eaux de Caprycko
et I^nibeke indique que les écluses sont à Houchaute :i. Vers Axel, les
données du XIIIe siècle sont moins précises, et on pourrait hésiter sur la
direction de la crique qui s'étendait certainement jusqu'à Axel 4, si un
texte très précis du XIVe siècle ne venait donner tous les éclaircissements
désirables, en indiquant qu'autrefois les paroisses de Zaamslag, ( Mhene
et Aandijke formaient une île entourée par les eaux de la mer \ et qu'à
ces bras se joignait le « havene d'Axele exstendant en la meer » Aucune
communication n'est indiquée avec le Hraakman, et le métier d'Assenede
s'étendait vers le Nord sans solution de continuité. Au contraire le bras
de mer qui contournait l'île de Zaamslag rejoignait en face d' Aandijke
la crique d'Hulst. Celle-ci, dont les traces s'aperçoivent encore fort bien
sur la carte néerlandaise à 1:50.000, suivait au N. d'Hulst le bord Ouest
du Dullaarl-polder 7, le bord Kst des terres de l'abbaye de Cambron 8,
passait devant Stoppeldijk 9 ; c'est dans cette crique pompeusement
qualifiée en 1221 par l'évôque de Tournai de « Neptuni mare > 10 que se
1 Van I/okeron, St-Pierre, I, p. 328, n» 708. Des textes de 127i> et 12S2 confirment
la présence de la mer à Watervliet (Ibid. I, p. 38»», u° 884 et I, p. 427, n» !«*)).
i Warnkônig, Flandrische Geschichtc, III. p. 187.
3 Wolters, Recueil de lx>is, II, pp. '.-.">.
1 En 12T.7, endiguements à Oostenblij de terres qui doivent être mises à l'abri «les
inondations «le la nier ( Van Lokcnn, St-Piurre, I, p. '.Vf.*, n" ImU). Kn 1^»S. endigue-
nient de terres inondées par la mer entre Axel et Peerbooni (Ibid. I, p. ,'til, nu 7.'53) ;
Peerbooni est situé vers l'emplacement actuel du Sas-de-Gand. (Van de Putte, Dunes,
p. 337). Eu 121 M, défenses contre les inondations de la mer dans le Canisvliel, au
Sud d'Axel (Ibid. p. 343).
5 Réponse de la comtesse de Namur à une supplique, vers 13T>4 (Van Lokeren, II,
p. 117. n° 120T>, note 1). Gf : Ab l'trecht Dresselhuis, De Provincie Zeeland, pp. 8<i-87.
— Des schorres sont indiqués à Zaamslag en 1281 (Van Lokeren, St-Pierre, l, p. 401,
« Ibid. II, p. 78, n- 12iT) (i»>3).
" Terres dans le Dullaart polder, près du bord de la mer, en 12517 (Archives du
Séminaire épiscopal de Rruges, nJ37!<; cite dans Van Hollebcke, Lisseweghe, son église
et son abbaye, [Hruges, Soc. d'Em., 18»i3, in-4°, 282 p.), p. 122).
8 Charte de la comtesse Marguerite, i'AYJ (Kluit, Historia Critica, II, pp. 77s-78'i).
9 Mussely et Molitor, Courtrai, p. î(2 (1240).
10 Ibid. p. T>3. — I/Oude haven actuel, entre Stoppeldijk et Rummersdijk, est le
dernier reste de la vieille crique de Hulst.
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ITti
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
jetait à Hengstdijk la crique de Vogel, endiguée en 1270 Kntin tout est
endigué à l'Ksl d'Ossenisse ; les polders de Saaftinge, de Nainen, existent
en 1280 au boni du Hont 1 et se relient par des schorres nouveaux (1267)
aux polders de Kieldreeht, Calloo et le I)oel ■'.
Ce tableau un peu minutieux, niais qui ne peut avoir d'intérêt que par
le nombre et l'exactitude des détails, n'éveille pas l'idée d'un pays qui
s'affaisse. L'homme y est en progrès continuel, et ses conquêtes se font
avec une rapidité qui inspire le respect pour cette <euvre des particuliers
et des moines. Le gain de la terre est constant ; la mer ne paraît dans
l'action que pour préparer de nouveaux schorres. A peine signale-t-ou une
inondation, qui s'est accomplie vers 1214 sur les terres de (Iraauw et de
Frankendijk. et dont les dégâts sont réparés par un réendiguemont en
I2.'i2et 1233*. C'est la monnaie courante dans une région de polders.
Les bras de mer entrevus depuis le X" siècle sont toujours là. mais ils
vont sans cesse se resserrant, avec, rapidité. Cette région zélandaise est
sortie plus tard des eaux que le reste de la plaine parce que la présence d'un
grand estuaire augmentait à cet endroit la force et la hauteur des marées "•;
mais avec un ou deux siècles de retard elle s'est asséchée et peuplée aussi
rapidement que le pays à l'Ouest de Bruges. On n'y trouve, pas plus qu'à
Dunkerque, Calais ou Nieuport, trace d'une oscillation négative qui eût
précipité la mer à travers ses polders. Au contraire à la fin du siècle, en
1282 et 1286, le gain de la terre s'annonce comme plus fort que jamais.
Guy il*1 Dampierre, pauvre d'argent, est riche de schorres: et pour doter
son tils Jean de Namur, il lui octroie toutes les terres neuves formées aux
replis des estuaires et au front des digues. La liste en est longue : la mer
a perdu du terrain partout, depuis le fond du havre du Zwin jusqu'aux
lointains polders de Saaftinge (1. L'envasement a marché si vite qu'on
1 Musselv et Molitor. Courtrai. p. \'iK
* Hautou'ur, Cartulaire <le l'abbaye de Flincs (Lille, Quarré, 1873. 2 vol. iu-'c). I.
pp. 23SU240.
3 Van l/jkeren, Std'ierre, I, p. 3T)3, nJ 7*7.
* Mussely et Molitor. Courtrai, pp. f',i-4i2, <>7, 7.% 83.
5 Li marée à Anvers a une amplitude sensiblement plus forte qu'à We^tkappel :
'i-,3i contre 3»,!»2 (syzygicsj. (Wolters. Mémoire sur les marées, pp. 11-17).
s L-s deux chartes sont publiées dans Gilliodts, Coutumes, Petites villes, t. III.
p. 3T»1 et VI, p. 331. l'our la première, M. Cîilliodts accepte la lecture Asscnede au
lieu d'Alkems, inintelligible : il tant doue lire : « tous les utdi- (hors des digues) entre
Damme, Hiervliei et A-senede ». Cette lecture est conforme à l'état du pays à cette
date; Jean de Namur reçoit les schorres formés dans le Zwin et dans le Braakuian.
La charte de 1 2» '» lui donne ceux qui se sont formés dans les criques d Axel .-t
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LKS INONDATIONS KT RKKN DKU' KMKNTS : XIV'-XIX* SIÈCLES 177
dispute à Groede dès 1267 sur les alluvions formées depuis que l'évêque
Walter de Marvis est venu (1243) partager entre les paroisses riveraines
les nouveaux schorres 1 .
Inondations et réendiguements : XIV* XIX* siècles.
Rôle des événements historiques.
On était peut-être allé un peu trop vite. La spéculation sur les endi-
guenients faisait oublier les précautions nécessaires ; on s'emparait des
schorres avant qu'ils fussent mûrs. Les criques restaient profondes ; la
marée prenait plus de force dans les chenaux resserrés, et la mer
commença à jeter bas les nouvelles digues Aussi les inondations
commencent-elles à devenir graves depuis la fin du XIIIe siècle. Il s'en
produit une en 1277 3 : ses effets durent être négligeables, car les chartes
laissent aux chroniques le soin d'en parler. Celle de 1288, que Meyer
donne pour prodigieuse *, mit sous l'eau la terre d'Ossenisse, qui fut
réendiguée quatre ans après 5.
C'étaient là des avertissements, qu'on négligea. On continua d'endiguer.
Wulpen s'agrandit encore ; l'île comprend 5 paroisses à la fin du
XIVe siècle 8. A Oostburg et Ijzendijke, rénumération est longue, dès
1357, des terres endiguées depuis 1348 '. Au Nord d'Axel, on s'empare
des schorres de l'île de Zaamslag, et en 1350 on voit apparaître le polder
de Terneuzen 8. Devant ces entreprises nouvelles, la mer se cabre. Les
inondations partielles deviennent fréquentes. Dans la liste dressée en 1357
des terres nouvelles d'Oostburg, on découvre plusieurs petits polders
Hulst, ainsi que devant Frankendijk et Saaftinge. — Sur la question voir : Chartes au
sujet des alluvions et schorres ou jets de la mer dans les Quatre-Métiers (1285-1 3(58),
Mess. Se. Hist., t. 50, 1888, pp. 242-248.
1 Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 353, n° 787.
* De même en 180!), les ingénieurs remarquent que les marées depuis quelques mois
s'élèvent plus haut dans le Braakman, et qu'il y a plus souvent des marées extraor-
dinaires ; que cela répond à la fréquence des endiguements. — Arch. Nat. F«»
1122.
3 Meyer, Annales, ad annum.
* Ibid.
5 Van de Putte, Dunes, p. 219.
6 Cf. Voisin, Testament d'Arnould de Maldoghem, p. 382.
" Van Lokeren, St-Piorre, II, pp. 01>-70, n» 121<i.
» U>id, II, p. 52, n° lim ; p. m, n« 1188 ; p. 61, n» 1102 ; p. 78, u- 1245.
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178
FORMATION DR LA PLAINE MARITIME
submergés, dont Pun endigué dans le courant de l'année et inondé
aussitôt ». Le Westpolre de Saaftinge est sous l'eau en 1338 * ; le détroit
de Biervliet s'agrandit, réduisant les terres endiguées à Milme au siècle
précédent 3. On finit par s'inquiéter et par réparer les digues; en 1353
on rétablit celles de Kieldrecht et de Calloo *; en 1376, on en hausse,
élargit et renforce une qui protège le Nord du pays d'Oostburg 5 ; on
allait commencer des travaux analogues du côté d'Ijzendijke 6, lorsqu'une
grande inondation survint.
Cette catastrophe de 1377, qui ne paraît pas avoir frappé les contem-
porains, a épouvanté les historiens. Meyer, Gabbema, Smallegange, Van
Waernewyck, en parlent avec terreur : c'est la mer s'introduisant par les
écluses mal fermées (?) d'Hughevliot et noyant 22 villages daus le pays
de Biervliet, Ijzendijke et Watervliet 7; le Hont est élargi, lo Braakman est
formé. C'est beaucoup de dégâts pour une seule inondation. On a vu que le
Braakman existait avant 1377, sur le même emplacement qu'aujourd'hui, au
moins entre Assenede et Biervliet ; quant au Hont, les textes du XIVe siècle
nous le présentent comme aussi important que de nos jours8. Enfin un
i Cf. p. 177, note 7.
s Mussely et Moliior, Gourtrai, p. 244.
3 (1341) Van de Putto, Groeninghe, p. 74.
* Limburg-Stiruin, Cartulaire de Louis de Maie, II, p. 120.
5 Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 88, n» 12tr7.
« 31 août 1377 (Ibid. IL p. 04, n- 1300).
7 Meyer, Annales, ad annum ; — Gabbema (S.-A.), Nederlandsche Watervloeden,
of naukeurige beschrijvingo van aile Watervloeden voorgevallen in Holland, Zeeland,
Flaandren, eng. (Gouda, Cloppenburg, 1703, in-Hu, 3(58 p.), pp. 137-138; — Smalle-
gange, Cronvk van Zeeland, V, p. 22T> ; — Van Waernewvek, Historié van Belgie, I,
p. 174.
8 L'opinion qui fait du Hont, avant la fin du XVe siècle, un bras insignifiant, peut-
être discontinu, date de loin ; Kluit la formule (I, 2e partie, pp. 13*1-140 et 104), et tous
les historiens et géographes l'ont reprise après lui. Kilo repose uniquement sur une
charte do Jacqueline de Hollande (XV0 siècle), rappelée à la cour de Malines en 1Ti04
(Kluit, I, p. 104) qui déclare que « par les grandes inondations qui advinrent en son
temps et aussi auparavant, la rivière de la Honte qui avait été petite, étroite et peu
profonde, était devenue si large et grande et profonde, que les marchands étrangers
commençaient à prendre leur chemin par icelle Honte, ete. ». Cependant la cou-
flamande du Hont n'était pas située plus au N. qu'aujourd'hui : Saaftinge, Ossenisse,
Terneuzen, Hughevliet près Biervliet, Baar/.and, la jalonnaient. A Ossenisse, à Saaf-
tinge, le Hont est qualifié de mer en 1183, en 1280, ce qui ne laisse guère supposer
un bras étroit et sans profondeur (Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 181), n° 3'i2 ;
Hautcœur, Cartulaire de Flines, I, pp. 239-240). Cet estuaire était navigable;
Kluit cite des tonlieux, cAté zëlandais. à Rieland, à Valkeniase, en 1270 et 1283
(pp. 130-140); l'abbaye des Dunes se fait exempter en 1201 des droits do tonlieu
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LES INONDATIONS ET RÉENDIGUEMENTS : XIV-X1X- SIÈCLES 1*70
certain nombre des villages donnés comme inondés ne paraissent pas en
avoir beaucoup pâti. Willemskerke existe toujours en 14021; Gaternisse
en 1395 et 1398*; Nieuwerkerke près d'Oostburg en 1410 3. Il est
probable que l'inondation ne recouvrait les parties envahies que d'une
tranche de 1 à 2 mètres d'eau à marée haute, et quittait les terres à marée
basse : aussi essaie-t-on de réendiguer aussitôt. En 1388, on projette une
digue pour assécher le métier d'ijzendijke, et en attendant on en fait une
pour protéger l'Oude Yevene *. Ce n'est qu'en 1399 que l'on s'informe
du nom des locataires qui ont l'intention d'abandonner les terres inondées 5.
L'on n'avait malheureusement pas accompli les travaux nécessaires avec
la célérité désirable. C'est l'époque des troubles qui agitent la Flandre
sous Louis de Nevers ; occupés au Heverhoutsveld et à Roosebeke, les
gens du Franc négligèrent leurs digues 6 ; par passion politique, on les eut
plutôt crevées, s'il l'eut fallu 7. Et l'on découvre là la principale cause
des désastres de la Flandre zélandaise. Si l'inondation pénètre dans les
sur tout le parcours du Hont (Van de Putte, Dunes, p. 218). Enfin la largeur de
l'estuaire est démontrée par la position des villages placés sur les bords ; on a énuméré
ceux du côté flamand ; du côté zélandais, Rieland, Valkenisse, sont aujourd'hui un
peu dans les terres ; Melis Stoke (Rijnikroniek van Holland en Zeeland, VII, v. 1117)
qualifie le Hont de « mer s'étendant d'Arnemuiden (Walcheren) jusqu'en Flandre ».
Un précieux point de repère est fourni par le procès-verbal de délimitation d'un schorre
à Hontenisse en 1308 ; on prend comme point de mire la tour zélandaise de Kruiningen
(Van de Putte, Dunes, p. 75*5). Cela indique que la largeur du Hont n'a guère varié à
cet endroit. S'il y a eu un changement depuis la fin du XIIIe siècle, il faut le chercher
dans un rétrécissement lent, mais continu, de l'estuaire.
• Mussely et Molitor, Gourtrai, p. 288.
• Van Ukeron, St-Pierre, II, p. 123, n« 1421 et II, p. 139, n« 1449.
5 Ibid. II, p. Kr>, n° 1554. — Oosemanskerke est citée en 1495, mais peut-être après
rôendiguement ; St-Nicolas de Varne est indiqué comme inondé en 1424 seulement
(Ibid. II, p. 402, n° 2221). Enfin dans les Comptes du Franc, on indique au 29 avril
1404 qu'un messager fait en 3 jours la tournée de Bruges à Moerkerke, Coxydo,
ljzendijke, Hulst, avec retour par Ursel et Sysseele (Delepierre, Précis analytique,
2e série, I, p. 70). Pour que cette course pût se faire en 3 jours, il fallait que le pays
fut à sec.
• Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 107, n» 1350.
s Ibid. II, p. 141, n° 1459.
6 En 1387, les digues de l'Oude- Yevene sont en très mauvais état, à cause des troubles
de Flandre qui ont empêché de les réparer (Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 101, n" 1341).
En 1395, nomination d'inspectours de digues dans le métier d'Oostburg, ou l'entretien
des digues a été négligé depuis longtemps, par suite des troubles (Ibid. Il, pp. 123 et
125, n» 1421, 1422, 1424).
7 C'est ce qui se produit en 1384 à Hontenisse, où Arnould Janssoone rompt les
digues, au cours de la lutte de Gand et du comte. (Meyer, Annales, ad annum); cf.
Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 141,n° 1402.
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ISO
FORMATION I)K LA PLUNK MARITIME
terres et s'y maintient, c'est que l'homme, occupé à la guerre civile ou
étrangère, néglige l'entretien des digues et ne répare pas aussitôt les
dégâts de l'inondation; le vent du N.-W. , qui pousse les flots dans
l'estuaire et dans le Braakman, est moins coupable que le spéculateur
pressé qui a endigué trop tôt et que le dykgraaï de la wateringue, dont
les préoccupations vont à Yoens et Van Artevelde plutôt qu'à l'entretien
de ses digues.
Aussi le pays d'Oostburg et d'Ijzendijko, où les dégâts de 1377 avaient
été mal réparés, restait à la merci d'une nouvelle inondation. Elle se
produisit en 4404, et eut des effets beaucoup plus considérables que la
première. A Damme, la marée reste 24 heures sans descendre Cette
fois, les chartes en parlent *. Le Transport de 1408, qui est un véritable
dénombrement de la Flandre pour cette date, énumère les paroisses
disparues : à l'Est du Braakman, Wevelswale, Koudekerke, Boterzande,
Visschersdorp ; à l'Ouest, Watervliet, Elmare, Hamere, Roeslaere,
Ijzendijke ; Biervliet est fortement diminué ; le pays d'Aardenburg perd
Coxyde et Lang-Aardenburg 3. La mer s'avance jusqu'au Houtland de
Caprycke et Lembeke 4, elle joint le Zwin au Braakman par le Coxijsche-
Gat, qui s'ouvre entre Slependamme et Oostburg 5. Tout le pays entre
l'Oude-Yevene, qui reste intacte, et la ligne des terres hautes, par
St-Kruis, Bentille et Bouehaute, est sous les eaux. Biervliet, avec les
deux Zouto-polders, forme une île ; le Braakman s'allonge vers Peerboom,
dans la direction d'Axel 8.
Ainsi le domaine de la mer paraît démesurément accru ; le Braakman
« Comptes de Panime, 1403-4, f* 30, ir t. Cité danH Gilliodts, Inventais, Introduction,
p. 41)7.
* Charte de la duchesse Marguerite de Maie, de février 1405 (datée à faux de 1404
par Van Lokeren, St-Pierre, II, p. ir>4, n° l."i03); — attestation de 1411 que les terres
do l'abbaye à Watervliet sont couvertes par les flots de la mer (Ibid. II, p. 100, n" 1550) ;
— charte de 141(5 pour l'abbaye des Dunes (Van de l'utte. Dunes, p. 773) ; — charte
de Maxiniilien de 1403, rappolant l'inondation de 1404 (Gilliodts, Inventaire des
Archives de Hruges, VI, pp. 430-437) ; — octroi de Philippe le Heau, de 1497 (Wolters,
Recueil de lois, II, pp. 38-30) ; — « Payé 40 scli. par jour à Nicolas Tolnin pour aller
examiner, le long des côtes, où la mer a rompu les digues » (Comptes du Franc, 1403-4,
dans Delepierre, Précis analytique, 2< série, I, p. 70).
3 Cf. Gilliodts, Inventaire des Archives de Hruges, IV, pp. 23-25 ; — Priem, Précis
analytique, 2" série, VI, pp. 151-175.
4 Van Ijokeren, StrPierre, II, p. 154, nu 1503.
s Cf. Charte de Jean sans Peur, de 1410, dans Wolters, Rocucil de lois. II, p. 13,
et Gilliodts, Coutumes, Petites villes, I, p. ».K).
6 Van de Putte, Dunes, p. 248.
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LES INONDATIONS ET RÉENDIGUEMENTS : XIV«-XIX« SIECLES 181
devient énorme. Mais en réalité, ces terres inondées restent à l'état de
schorres, d'où pointent des débris d'édifices, tours, églises. En 1557, quand
on retrouve le cimetière de St-Christopho d'Ijzendijke, on constate que
les ossements humains sont éparpillés à la surface du schorre *, ce qui
prouve que les courants ont été bien faibles à cet endroit, et le dépôt
d'alluvions très restreint; d'où l'on conclut que le territoire inondé n'était
recouvert que par les très grandes marées. L'eau s'était établie seulement
dans trois chenaux principaux : le Passegeule, qui faisait suite au Coxijsche-
Gat, et occupait l'emplacement de l'ancienne crique d'Elmare ; le Droochte
et le Zuiddiep, qui prolongeaient le Passegeule au Nord et au Sud de l'île
de Biervliet, et rej oignaient le Braakman
Aussi recommence-t-on aussitôt à réendiguer 3. On prend cette fois des
1 Procès- verbal de la visite dans Van Lokeren, St-Piorrc, II, p. 410, ii° 225T>.
! Détails tirés des chartes accordant des endiguements au cours du XV" siècle, et
citées par la suite. On peut hésiter sur la question de savoir si c'est bien après 1404
que le Braakman entre définitivement en communication avec le Zwin. Il s'est produit
an XV« Biècle d'autres inondations, celle de 1450 notamment, à laquelle des histo-
riens zélandais attachent une grande importance (Hunnitis fil.], Het Staatische
Vlaanderen of rte Zeeuwsche lmize, me1 de veranderinpe, dio 't zeewater aan de
Zeeuwsche eylanden heeft gegevr-n, eng. fMiddelburg. Clément, 1718, in-8°, 388 p.],
p. 'SV.i ; — Dresselhuis [ab Utrecht], Het distrikt van Sluis in Vlaanderen [Middelburg,
Van Heu t hem. 181!>, in-S", 1<>2 p.], p. 2T>>. Li communication n'est pas indiquée sur
la carte du pays au début du XV" siècle, à d'autres égards satisfaisante, par Willems
(Historisch Onderzook, etc. Autwery>en, Van der Hey, 1828, in-H",2;« p.). Mais M. Roos,
dans son travail, la croit même antérieure i Woordenboek van Zeeuwsch-Vlaanderen,
pp. 40-41).
Dès décembre 1404, on travaille dans tout.' l'étendue des ambachten d'Oostburg
et Aardenburg. Cf. Van Lokeren. St-Pierre, II, p. 150, n" r>lf>.
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1*2
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
précautions : c'est alors que s'élève, tout le long du Houtland, de St-Laurent
jusqu'au delà d'Assenede, cette « digue du comte Jean > que l'on attribue
à Jean de Naraur, fils de Guy de Dampierre, et dont on doit reporter
l'honneur à Jean sans Peur, dont le règne est contemporain de l'inon-
dation et de la reconquête du sol *. On protège ainsi les paroisses de
Bentille, Caprycko, Bassevelde, Bouchaute, effrayées par la catastrophe,
et on constitue une base solide sur laquelle vont s'appuyer les endigue-
ments. Puis on se met à l'œuvre avec prudence. En 1409 le Hellenpolder,
en 1410 le Kokhuijtpolder, en 1412 le Fazierspolder sont conquis 1 ; la
région qu'on appellera désormais « Waterlanden », le pays des eaux,
commeace à redevenir une terre habitée. En 1416, on se dispute déjà les
dîmes des schorres de Watervliet et de Varne 3. Après un temps d'arrêt,
dû peut-être à l'inondation de 1440, les endiguements recommencent : en
1448, on songe à s'attaquer aux schorres d'Ijzendijke ; en 1467, il existe un
polder St-Georges « au lieu appelé jadis Watervliet », et à côté un
Mariapoldre ». La marche en avant est lento et sûre. De l'autre côté du
Braakman, on reprend, à partir de 14,'M, les terres inondées de
Wevelswale, Koudekerque, Vronendijk 6 ; de ce côté le liraakman
commence à retrouver ses anciennes limites. Partout ailleurs, où les
inondations du début du siècle avaient envahi des territoires, on réendigue
activement : à Othene en 1461 7, à Saaftinge où on a repris on 1421 les
terres perdues par « les grandes tempêtes et inondations des eaux de la
mer » 8, qui sont celles de 1404 9 ; à Ossenisse où on répare en 1467 les
dégâts causés par Arnould Janssoone 10 ; dans les polders du pays do
Waes, où on reconquiert les terres de Calloo, Kieldrecht, Verrebroeck,
1 Jean devient comte en avril 1404. On a vu qu'à l'époque de Guy de Dampiorre et
de son fila Jean de Namur, la mer est retirée au delà de Groede, Biervliet et Assenede ;
pourquoi serait-on allé construire à co moment une digue à 15 kilomètres dans
l'intérieur ?
» Roos, Woordenbock, pp. 113-115.
s Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 180, n° 1508.
» Ibid. 11, p. 234, n° 1753.
» Ibid. II, p. 273, n° 1872.
« Placcaetboek van Vlaanderen, III, p. 43f.
i Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 270, n» 1858.
» Hautcoeur, Flines, II, pp. 740 et 752-754.
» Van de Putte, Dunes, p. 7(54. — Do même : Van de Putte et Carton, Ter Doesi,
pp. 79-81.
<• Van Lokeren, St-Pierre, II, p. 273, n° 1870.
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LES INONDATIONS ET RÉENDIOUEMENTS : XIV'-XIX* SIÈCLES 183
Melsele *. Malheureusement le pays est de nouveau agité, après la mort
de ( lharles le Téméraire, par la guerre civile et la guerre étrangère. De
1477 à 1500, sous le règne de Marie de Bourgogne et la régence do
Maximilien, se déroule un des plus tristes moments de l'histoire de Flandre.
[ai mer en profite; l'inondation de 1477 ravage toute la côte, de Nieuport
à l'Escaut s ; le métier d'Aardenburg est endommagé, et l'on voit bientôt
se reformer entre Aardenburg et Damme l'énorme crique du Lapschuurs-
che-Gat.
Mais lorsque l'archiduc Philippe et son fils Charles-Quint eurent rendu
la paix au pays, l'éternelle lutte reprit contre la mer, avec un plein succès.
De 1495 à 1560, l'homme gagne sans cesse sur les flots s, et cette continuité
de succès marque bien qu'il ne faut pas chercher dans des oscillations
du sol la cause des retours offensifs de la mer en Flandre zélandaise;
quand l'homme sait se défendre, la mer n'avance plus ; quand on l'attaque,
olle recule. Les inondations de détail qui se produisent, et elles sont
nombreuses, n'y font rien ; une population active et bien dirigée veille*.
Il est à peu près certain qu'il ne se passait guère d'années sans que, çà et
là, une digue ne fût rompue, un polder inondé, un village submergé. Huit
jours après, le dommage était réparé. On obstruait la brèche avec des
toiles à voile et des sacs de sable ; on réparait la digue avec la terre grasse
du schorre, et il ne restait guère de traces qu'un peu d'eau saumâtre dans
une crique. A l'automne suivant, il y avait un peu plus de fièvres, mais
les moissons ne s'en portaient pas plus mal.
L'activité des ondiguements se porte do deux côtés ; on reprend les
territoires perdus en 1404, et on en conquiert de nouveaux entre Kadzand
et la côte. Ia tâche était considérable. Une partie des polders rétablis
' Woltere, Recueil de lois, II, pp. i(»-2fj, 27-38; — Van lx>keren, St-Pierre, II,
p. 250, n° 1780.
î Comptes du Franc, 1477-78 (Priem, lYéeis analytique, 2* série, II, pp. 138-13!)).
— Dans une charte de 1403, Maximilien constate qu'à la suite des guorres les digues
et écluses de mer abandonnées sont près de se rompre (Gilliodts, Inventaire, VI,
pp. 43K-437).
3 Dates d'octroi pour endiguetnent d'un grand nombre de polders indiquées dans
de Wulf, Generaolen Index van de vyf Placcaertboeckcn van Ylaenderen (Gendt, de
Goesin, 1770, in-4°, 000 p.) à larticlo Dyckon-Dyckage, pp. K»i-Hr>.
» Les Comptes du Franc indiquent des inondations pour 1502 (Wulpon), 1500, 1511,
1513, 1514, 1511), 1517, 1521 (d'Ostende à Hiorvliot). Celle du 5 novembro 1530 fut
particulièrement considérable : cependant on rcendigua aussitôt. Cf. : Delepiorre et
Priem, Précis analytique, lre sério, II, p. 40 ; 2* série, II, pp. 240-47, 203-<>4, 2»i8-(î0,
274, 277, 285, 288 ; III, pp. 4, 40, 54 ; IV, pp. 34, '.4. etc.
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18-4
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
avant 1477 avait succombé pendant les troubles de Flandre1. Ruinées
par les guerres et les inondations, les grandes abbayes étaient hors d'état
de reconquérir leurs anciens territoires. Ce furent des sociétés capitalistes
qui en assumèrent l'entreprise. La famille de Baenst, en 1497, reçoit la
concession de tous les schorros entre Assenede et Kadzand * ; c'était
vraiment trop, et les de Baenst passèrent bientôt à Jérôme Laureyns la
besogne et le profit d'endiguer les Waterlanden. Alors sous l'impulsion
de ce hardi homme d'affaires, en 50 ans le pays est transformé. Aux
polders de la lisière méridionale, St-Joris de l'Est, St-Jean in Eremo, St-
Liévin, St-Joris de l'Ouest, déjà reconstitués en 1497 3, viennent s'ajouter
en 1501 le Christoffols, en 1503 le Jeronemus, en 1504 les Maria, l,aurei-
nen et Helle-polders, en 1506 le Philippus *, dans lequel Jérôme laureyns
bâtit la même année, en l'honneur de son souverain, la ville de Philippine B.
Ainsi de ce côté, où le Kapel-Polder existe déjà en 1503 6, la côte est à
peu près au même point qu'aujourd'hui. Après un si beau début, la famille
Laureyns continue les traditions de son chef; Mathias Laureyns, fils aîné
de Jérôme, annexe à ses domaines l'Oudemans-polder (1521), l'Oosemans
(1523) 7 ; on était arrivé ainsi au bord de l'ancienne crique du Passegeule,
qui faisait communiquer leZwin et le Braakman, mais qui s'était si bien
comblée d'elle-même qu'en 1516 les Brugeois, désireux de rétablir cette
communication, avaient dû creuser entre Coxyde et Ste-Catherinc
d'Oostburg un canal maritime qui prit leur nom (Brugsche Vaart) *. En
1528, le Passegeule polder existe ; la crique est terre ferme ; vers 1530
1 Le polder St-.Jacques, endigué en 1472 (Van Lokeron. St-Pierro, II, p. 278, n° 1K1I7),
est indiqué comme inondé ensuite, puisqu'on accorde l'octroi do réendiguement en
1505 (Gilliodts, Coutumes. Petites villes, V, pp. 332-." 133). Et on lit dans cet octroi «que
durant les guerres et divisions de Flandres, la digue principale a été rompue », etc.
Mêmes indications dans Gilliodts, Ibid. II, pp. (Kio-'iM.
« Charte d'octroi dans Gilliodts, Petites villes, V, pp. 280-281.
3 Van Lokeren, St- Pierre, 11, p. 307, n° lMî-4. Les polders actuels de Si-Anna et
Barbara y compris.
* Dates dans Gilliodts, Coutumes, Petites villes, V, p. ir>i, note 3 ; — Roos, Woor-
denboek, pp. 113-11") et passim.
b Gilliodts, Ibidem, V, pp. 356-360.
« Van Ix>koren, St-tferre, II, p. 330, n» 2005.
7 Roos, Woordenboek, pp. 113-115.
8 Le canal est ouvert en 151(5 dans le Dierkenstenpolder. Cf. Gilliodts van Severen,
Bruges Port de mer (Ann. Soc. Em. Br., 5e série, t. VII, 1894, 540 p., 3 cartes),
pp. 170-186, et la suite, p. 66.
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LES INONDATIONS ET RÉENDKM EMENTS : XIV-XIX" SIÈCLES 187,
s'y ajoute le Vrijen polder'. Bientôt l'île de Biervliet s'agrandit par
l'endiguement de nouveaux schorres(lô38) ». Le Zuiddiep se réduit ; on le
diminue encore en 1542 du Gouden-polder, en 1516, du vaste Jonkvrouw-
polder 3. Entre la digue du comte Jean et les derniers schorres du Droochle,
toute une petite province est sortie de l'eau ; on y élève maisons et églises,
les vieux noms d'Oosemanskerke, Sl-Nicolas de Varne, Watervliet
reparaissent ; on y plante la garance et le colza ; on y dispute âprement
sur les anciennes dîmes ».
Pendant qu'on regagnait le terrain perdu à l'Est, on faisait de nouvellos
conquêtes à l'Ouest. Les chenaux entre le continent et les îles de Wulpen
et Kadzand avaient continué à s'atterrir pendant le XVe siècle. Le Vloel,
entre Wulpen et la côte, existait encore en 15 18 8, mais à peu près comblé,
comme en témoigne la carte du Franc, dressée en 1562 par Pourbus 6.
Un schorre s'élait formé devant la côte de (iroede, comblant peu à peu
l'ancien bras du l^mmer; dès 1500, il paraissait mûr. Entre Kadzand et
Wulpen, le gros bras du Zwartegat, le « trou noir » aux violentes
tempêtes, était encore ouvert en 1435 7 ; niais il devait s'être fermé au
milieu du siècle, puisque les Brugeois, pour ramener l'eau dans le Zwin,
projettent de le rouvrir en 1470 ». l,a réouverture a lieu dès 1471, sans
que le Zwin y trouve l'approfondissement désiré; si bien qu'on travaille,
dès 1485, à refermer la crique, sans succès d'ailleurs 9. Il resta donc,
derrière Kadzand, une sorte de canal que la mer remplissait à marée
haute. Mais de chaque côté de cette crique, l'activité des endiguements
est intense. Les de Baenst accomplissent sur ce terrain l'œuvre qu'ils
avaient abandonnée à Watervliet à l'activité de Jérôme Laureyns : le
' Cf. Van den Bussche, Inventaire des archives «lu Franc, p. 2.'** ; Gilliodts, Coutumes,
Petites villes, Y, pp. .'fir? et IHO.
i Yan Lokercn, St-Pierre, II, p. n» 2154
3 Ibid. II, p. 371, n'21%
» Cf. nombreux actes dans Yan Lokeren, II, pp. .*>7à 410, n- 214."», 2104, 2178.22171,
221<J, 2221, 2222, 2230, 2243, 227Û.
5 Comptes du Franc, l7»47-48 (Priem, Précis analytique, 2" série, II, p. 100).
" Pourbus, Carte du Franc de Bruges. (Ann. Soc. Em. Br., 2' série, YllI, 187»0,
p. 201).
^ Etat des fiefs de l'ile de Kadzand, 1437» (Gilliodts, Coutumes, Petites villes, II,
p. 27»),
8 Texte du projet dans Diegerick, Inventaire analytique et chronologique des chartes
et documenta appartenant aux archives de la ville d'Ypres (Bruges, 187)3-08, 7 vol.
in-8»), III, pp. 287-88.
» Gilliodts, Bruges Port de merv pp. 47-40 et 78.
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m
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
Haenstpolder est de 1510, le St-Jans de 1502 appuyé à l'Antwerpcr,
qui est créé en 1417 et réendigué en 1506 * ; l'Adornis est établi on 1535,
le Mettenijo en 1510, le Nieuwenhoven en 1554 3, le Lijsbet en 1556, et
après une inondation, en 1562 l. I*i lutte avait été dure, mais la victoire
restait à la terre, et il n'y avait plus en 1570 qu'un étroit chenal occupé
aujourd'hui par le Groote St-Anna polder. Au Nord de Groede, les schorres
qu'on appelle déjà Breskinszant au XVe siècle sont concédés en 1510 à
Philippe de Clèvcs 5, qui y établit entre 1511 et 1550 les polders Oud-
Breskens, Jong-Breskens, Kleefschen, Barbara et Grunters, en partie
disparus aujourd'hui 8. Ainsi au milieu du XVIe siècle, il semble que la
Flandre zélandaise soit près de prendre sa forme définitive. Wulpon et
Kadzand se joignent à la terre ferme 7 ; le comblement du Braakman
i Endigué en 1502, englouti en 1512, réendigué en 1527, onglouti en 1547, réendigué
ensuite (Roos, Woordenboek, p. 74).
* Roos, Woordenboek, p. 18.
3 Dates dans Gilliodts, Coutumes, Petites villes, VI, pp. f 504-4 >05.
* Ibid. 111, pp. 307-31». Il faut y joindre le St-Joris (1513), l'Eiken (1543), le Loodijk
(1550), (Roos, Woordenboek. pp. 70, 48, 100).
5 Van Lokeren. St-Pierre, II, p. 333, n° 2024.
s Gilliodus, Coutumes, Petites villes, III, p. :*».
7 Cependant les deux îles commençaient à courir de sérieux dangers du côté de la
pleine mer. L'ile de Wulpcn. qui compte encore au moins 5 paroisses au milieu du
XVe siècle (Gilliodts, Coutumes, Petites villes, 11. p. 5) est extrêmement menacée
au XVIe ; les Brugeois déclarent en 1513, avec une exagération calculée, qu'elle a
perdu 4 villages (Gilliodus, Bruges Port de mer, p. 145); l'inondation do 1530, celle de
Échelle de I : 500.000.
Fig. 37. — Ijx Flandre zélandaise vers 1570.
Rivage ncluel.
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LES INONDATIONS ET RÉENDIGUEMENTS : X1V--XIX» SIÈCLES 187
s'accomplit lentement et sûrement; pendant que la famille Laureyns
pousse ses digues vers Biervliet et Philippine, on établit sur l'autre rive
les Kouden et Lovenpolders (1511-42) 1 ; de grands schnrres prêts à
l'endiguement s'étendent de Philippine à Axel. Hulst a toujours une
communication avec le Hont par l'étroit chenal de l'Oude-Haven * ;
Saaftinge, Ossenisse, Frankendijk, Namen-polder résistent aux inondations
qui les assiègent \ et l'on reconquiert en 1567 les schorres du Doel,
abandonnés depuis plus de 200 ans *.
Quarante ans après, la Flandre zélandaise est presque complètement
sous l'eau. Depuis le XIIe siècle, jamais le pays n'avait été aussi largement
inondé. La nier a reconquis le Zwartegat, agrandi le canal de Nieuwer-
haven ouvert entre le Hont et le Zwin vers 1515, de Gaternisse à
Oostburg s. Wulpen n'existe plus •. A la place du Hrugsche Vaart comblé,
1542 ou elle fut submergée « par les grans vens et glaces qui rompirent les dicques »
(Arch. hosp. de tille, I, p. 421», n° 4.721), compromettent jusqu'à son existence, l/île
est singulièrement réduite en 1502, d'après la carte de Pourbus. Kadzand soufl'ro des
mêmes catastrophes ; mais l'île est plus grande, et moins exposée à l'attaque des
courants qui vont et viennent dans l'estuaire. Elle perd pourtant 500 mesures en 1531,
et Charles-Quint, en 1537, pour rendre plus énergique la résistance, fusionne les
innombrables petits polders qu'indique le dénombrement de 1435 (Archives de la ville
de Bruges, Reg. de dén. de l'i35, fol. 'û à 53) en une seule association de wateringue
(Charte dans Gilliodts, Coutumes, Petites villes, II, pp. 1.3-22) ; en même temps il fait
abandonner à la mer une partie du polder dos Mille Mesures, « a cause des passes
profondes et des brisants de la mer qui se trouvent à proximité de la digue du dit
polder » (Ibid.). Ainsi la passe de Wielingen semble se rapprocher de la côte, dont
elle dévore des lambeaux.
1 Seharp (.).), Gesçhiedenis en costumen van Axel (Middelburg, AbrahamB, 1787,
in-8°, 3 vol.), I, p. 300. — La carte de 1'. Verbist, pour 15ti5, montre que le Braakmau
rejoint toujours, derrière Zaamslag, la crique d'Axel (Arch. Flandre Orientale, carte
n° 434).
2 Cf. Gheldolf (A.-E.), Notes sur la carte des pays inondés en 1583 au Nord de
Hulst, St-Gilles, Vraccne, Beveren, Melsele et Zwyndrecht. Mess. Se. Hist., X (1842),
pp. 348-358, carte.
3 Par exemple celle de 1530. — Cf. Hautcœur, Flines, I, p. 4S8 ; — Schouteto de
Tervarent, Inventaire général analytique des archives de Ja ville et de l'église do
St-Nicolas (Bruxelles, Muquardt, 1872, in-4», X + 350 p.), pp. '.0-47 et 50, n« 10. 94,
109,
* Van Lokeren, St-Pierre, II, pp. 420 et 421, n" 2290 et 2298.
5 Cf. Diegerick, Arch. d'Ypres, III, pp. 287-K8 ; — Delepîerre, Précis analytique,
P" série, III, p. 227 ; — Van Dale (.1.), De Heerlijkheid Breskens (Bijdragen tôt de
Oudheidkunde, etc., II, pp. 115-177), p. 134.
8 Le dernier indice que l'on possède de l'existence de Wulpen est un bail, daté do
1593, de diverses pièces de terre en la paroisse St-I.ambcrt (Arch. hosp. de lille, 1,
p. 138). Les inondations de la grande guerre sont donc la cause de la disparition
complète de l'île.
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188
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
la mer s'est ouvert entre Zwin et Braakraan un nouveau Passegeule,
subdivisé en plusieurs bras, Haenljesgat, Brandkreek, entourant des
schorres dévastés. Toute l'œuvre des Laureyns est à refaire. Du pays
d'Axel, il ne reste que deux îles ; la petite ville voit les marées battre ses
remparts. Un énorme bras se dirige d'Axel vers Hulst, et de là au Hont,
entre Zaamslag et Stoppeldijk. Tout le pays à l'Est d'Hulst, les polders de
Saaftinge, Graauw, Kieldrecht, Calloo, Zwyndrecht, sont sous l'eau.
Des bancs d'alluvions grises on voit émerger des décombres, comme la
tour de Zaamslag, ([n'indiquent toutes les cartes. Sur les terres restées
sauves, il n'y a plus d'habitants ; les uns se sont enfuis eu Zélande, les
autres en Flandre.
Tout cela est l'œuvre de l'homme. \a lutte des Pays-lias contre
Philippe II a fait de nouveau négliger les défenses de la côte. I^a mer en
profite : dès 1570, une formidable inondation envahit le pays. Mais cela
ne serait rien, et on réparerait les dégâts, comme on l'a fait à Saaftinge J,
si les belligérants ne provoquaient eux-mêmes l'envahissement du pays
par la mer. En 1584, les Zélandais qui craignent un débarquement dans
Zuid-Beveland brisent l«s digues à Saaftinge, et le pays disparaît sous
l'eau *. En 1583, la garnison de Sluis inonde le Beoostereede 3 ; en 1586,
c'est le tour du pays d'Axel4. Ceux de Groede, en 1583, mettent leur
village sous les eaux plutôt que de le laisser prendre par l'armée
d'Alexandre Farnèse8. ta Flandre zélandaise devient la province sacrifiée
qu'elle est encore aujourd'hui. Désireux d'assurer la sécurité de Walche-
ren et de Zuid-Beveland, les Etats-Généraux devenus possesseurs du pays
ne se pressent pas de réendiguer. Quand on s'y mot, on commence parles
schorres du Nord, où viennent s'établir des Zélandais protestants; c'est un
bastion que l'on établit au delà du vaste fossé du Hont ; en avant, la ligne
d'inondations reste un excellent moyen de défense. Groede, Breskens,
Kadzand, Ijzendijke d'une part, le pays entre Axel et Terneuzen do l'autre,
réapparaissent ainsi après la trêve de 1609 ; mais le reste n'a la permission
de vivre qu'après la paix de Westphalie. Alors les endiguements se
précipitent, comblant le Zwartegat, le Passegeule et ses criques, le chenal
d'Axel à Hulst. Le pays se reconstitue avec une rapidité inouïe, soit que
l'art des endiguements ait progressé, soit que la mer pendant sou séjour ait
* Van Lokcren, St-t'ierre, II, p. 423, w 2302.
* Hunnins, Staatische Vlaandoren, p. 204.
3 Roos, Woordonboek, pp. 40-47.
* Himnius, Staatischc Vlaandercn, pp. 328-20.
5 Roos, Woorderiboek. pp. 58-f«<*.
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LES INONDATIONS ET RÉENDinUEMENTS : XIV' XIX» SIÈCLES i»)
haussé les schorres du dépôt de nouvelles alluvions. Parfois les Etats-
Généraux font mettre sous l'eau, à l'approche de l'ennemi, quelques
polders du Sud : la guerre de Hollande, la guerre de la ligue d'Augsbourg,
la Succession d'Espagne et la Succession d'Autriche, la lutte de Joseph II
contre la Hollande et la campagne de 1794 voient inonder les environs
d'Hulst, d'Axel, du Sas-de-Gand, dcSluis. lorsque les criques se comblent
et qu'en dépit des efforts pour la retenir, la mer s'éloigne et abandonne le
pays, les Etats-Généraux lui ouvrent et lui approfondissent un nouveau
Ér belle de 1 : 500.000.
Fi«. — Flandre zélandaise à la fin <lu XVIP siècle.
Limite de» tenv* découvertes il idmvr Ihissh.
lit; quand le Passegeule est disparu, l'ingénieur Wildschut en 1735
creuse entre le Zwin et le Braakman un nouveau lit baptisé Nieuw Passe-
geule, qui renforce la « Linie », cette ligne de redoutes et de bastions
dont la Zélande se protège contre une aggression venue du Sud
Ce ne fut guère qu'au milieu du XVIIIe siècle que le pays eut vraiment
retrouvé sa forme, et qu'on put conquérir prudemment les bras de mer
qui restaient au milieu des terres comme des menaces d'inondation. Le
Oude-haven de Hulsl, déplacé vers l'Ouest, était remplacé par la crique
du Hellcgat, qui passait entre Zaamslag et Stoppeldijk : en 1789 on en
supprime le fond on créant les Riet-cn-Wulfdijk et Absdale polders ; en
1795 on isole la Hulster Vlakte par la digue do Luntershoeck *. Au
XIXe siècle, on a refoulé le Hellcgat jusqu'à (lampen, à l'endroit où
• On trouvera les dates do récndiguement dans Roo.s, Woordenboek, pour le Pays
de Kadzand, c'est-à-dire la région à l'W. do Philippine ; \Voltors, Recuoil de Lois, II,
pp. 136-2TÀ»; Dresselhuis, De Provincie Zeeland, pp. 80-f<0 ; Hunnius, Staatischo .
Vlaandcren, pp. 2<î8-2*i9 ; Kûinmer, les Polders du Ras-Escaut, pp. 34-54, etc.
« Urcssolhuis, Uo Provincie Zeeland, p. 89; — de Potier (L-C), Beschrijving van
de stad on het ambacht van Hulst (Oorinchem, Noorduyn, 1844, in-8», 08 p.), p. 10.
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100
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
aboutissait à la mer cet Oude haven qui fut si longtemps le portdellulst ;
il n'en reste plus qu'un misérable tronçon d'un à deux kilomètres, que
guette le service des endiguements (fig. 56, p. 329). Le Braakman, au milieu
du XVIIIe siècle, poussait encore deux criques, séparées par desschorres,
vers ces parages d'Axel et de Zuiddorpe où il s'était avancé au XVe.
La crique du Sud, ou Canisvliet, fut réduile la première; le polder
St-François date de 1709, le Moerspuij de 1707 ; en 1787, on annexait à
la terre les deux grands polders do Canisvliet ; le golfe s'arrêtait au Sas-
de-Gand. Au Nord, le Beoosten-en-bewesten-Blij était conquis en 1780;
et les parties émergées entre les deux bras s'accroissaient en 1807 du
Nieuw-Vogelschor. Cependant de 1800 à 1810 on voit encore des frégates
françaises poursuivies par les vaisseaux britanniques s'avancer à pleine
voile vers Philippine, et y mouiller à marée basse'. Mais en 1827 on
barre les deux criques entre leSasetSluiskil par une forte digue derrière
laquelle on creuse le canal de Gand au Sas et à Terneuzen. Alors la
décadence du Braakman se précipite. Les barques ne peuvent plus passer
où stationnaient les frégates. De nouveaux polders sont établis au milieu
du golfe, le Kleine Stelle (1860), que deux nouveaux, Kanal et Mossel-
polders, sont venus en 1900 rejoindre à la côte. Philippine, que
Jérôme Laureyns établissait hardiment en 1500 au bord du golfe, est
maintenant entourée de terres cultivées ; il a fallu ménager un canal pour
que ses pécheurs de moules pussent gagner co qui reste du Braakman. A
l'Ouest, il y a longtemps que Biervliet l'insulaire, où Beukels inventa le
procédé de la caque, est devenue un village agricole ; l'Elisabeth polder
lui a fermé la mer en 1806, et récemment le Koningin polder a rejoint à la
côte le polder Angelina. Ce qui n'est pas endigué n'en vaut guère mieux.
La crique de Philippine, entre l'Angelina polder et le Kleine Stelle, n'est
qu'un grand schorre tout couvert do végétation, où il faut creuser des
chenaux pour l'écoulement des eaux intérieures vers la mer. La crique
de Mnuritsfort est dans le même état; le schorre n'y est plus couvert
qu'aux hautes mers de vives eaux; la maréo ne pénètre que dans quelques
chenaux tortueux. D'ici dix ans, une digue joindra le Kleine-Stelle aux
polders de Hoek, et Mauritsfort demande déjà un canal comme l'a obtenu
Philippine. I.e Waterstaat procède avec prudence, car la mer a le recul
capricieux ; en 1887 elle a rompu la digue du Pierssens polder.
Néanmoins il semble que dans un sircle, il ne restera guère du Braakman
que les canaux par où s'écoulera vers la mer le trop plein des eaux des
wateringues.
i Vifquain, Dos voies navigables en Helgiquc, p. 21t.
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LE ZWIN
191
IV.
LF. ZWIN.
L'histoire de l'agonie du Braakman de 175f) a nos jours montre bien
que la prolongation de l'état de paix dans le pays, la science des ingénieurs
et la vigilance des dijkgraafen, ont un rôle plus important que d'hypo-
thétiques oscillations du sol. Lt mort du Zwin est un exemple plus
remarquable encore do la stabilité du sol depuis le Xe siècle dans la plaine
maritime. Dès qu'on parle de lui, c'est porr signaler les diminutions
qu'il subit. L'histoire du Zwin, c'est l'histoire de sa disparition.
L'orientation du bras de mer, de Bruges vers Sluis (l'Ecluse), indique
qu'il fut a l'origine l'estuaire commun de l'Yperleet, venu de Dixmude par
Oudenbourg, et de la Waerdamnie, qui traverse Bruges sous le nom do
Reye !. A la fin du VIIIe siècle, c'est encore un vaste golfe que la loi des
Frisons appelle le Sincfal, et qui forme la limite de ce peuple * vers le
S.-W. On l'a vu au Xe siècle établi le long des pays d'Aardenburg et
Oostburg, au XIe entourant de ses bras Wulpen et Kadzand. Mais
l'envasement se produisit vite. Les eaux intérieures, trop peu abondantes,
ne pouvaient suffire à entretenir l'estuaire. Le Hont avait au moins
l'appoint de l'Escaut : le Zwin n'avait que les quelques ruisseaux descendus
du plateau de Wynendaele. Tant qu'il put aux grandes marées s'épancher
à travers les schorres, il conserva ses dimensions de bras de mer, entretenu
par la forte quantité d'eau qui circulait à travers ses passes. Mais quand
le grand commerce s'établit le long do l'estuaire, il fallut en fixer les
bords et ceindre le Zwin de digues, qui restreignirent le champ de
débordement dos hautes martes. Ainsi la masse d'eau qui parcourait le
golfe fut diminuée, et les alluvions se déposèrent rapidement à l'abri dos
digues, dans les replis où l'eau tranquille pouvait se décanter facilement,
l^es chasses insuffisantes d'amont n'y pouvaient rien. Le Zwin s'est ainsi
rétréci et atterri dès sa première utilisation. Les riverains ont peut-être
hâté l'envasement, dans la fièvre des eudiguements du XIIIe siècle : mais
1 Le nom de Zwin est un ancien vocable signifiant cours d'eau. M. ûilliodts en
donne quelques exemples, tels que le Swin de Zuyenkerke (Uilliodts, Inventaire,
Introduction, p. 380, note 1).
* Mon. Germ. I^gum III, I^x Krisionum, éd. Kichthofen, pp. 031-711. Le texte
porte Sincfal et Sincfalam fluvium (tit. XIV*), ce qui indique bien un estuaire. Discussion
sur l'identité du Sincfal et du Zwin dans la préface, pp. (»32-635. Deux ebartes de
1241 et 1275 déclarent que le Zwin est l'ancien Sincfal ; de même le poète Maerlaut
(Xlll* siècle), dans son Spiegel Historiael (Leyden, Clignett, 1784), I, p. 51.
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102
FORMATION I)K LA PLAINK MARITIMK
il était inévitable, par l'absence d'un grand cours d'eau en arrière. Le
Zwin ne fut guère qu'un hasard heureux, dont on a tiré tout le parti
possible.
Le premier disparut le tronçon de Bruges à Damme. Au XIe siècle, la
mer venait encore jusqu'à Bruges, et sur ses rives s'élevaient de vastes
chantiers dont l'existence est attestée par les noms du quai « Houtbrekers-
dam » et de Rombautswerf 1 . Or ce bras n'existe plus au début du
XIIIe siècle, et l'on creuse pour le remplacer un canal de navigation
prolongeant la Reye jusqu'à
Damme: le Varssche vaart,
canal d'eau douce, par oppo-
sition au Zoute vaart , canal
salé , qui désigne la partie
restée marine en aval de
Damme. C'est alors que cette
ville, terminus de la naviga-
tion maritime, prend do l'im-
portance. Philippe d'Alsace y
fait élever en 1180 de grandes
digues par des ouvriers zélan-
dais. Une écluse à sas, proba-
blement la première construite
en Europe, y fait communi-
quer le nouveau canal avec le
Zwin ».
Kchelle <l« 1 : MO.000. . ,
Fig. 35». - Essai de reconstitution du Zwin U deuxième période , du
au début du Xlii- siècle. XIIIe au XVe siècles, voit la
Rivage «ctuei. décadence du Zwin entre
Damme et Sluis. La description de Guillaume le Breton nous montre,
vers 1204, un golfe marin qui se resserre brusquement à Damme,
et forme devant la ville une vaste rade soumise à l'action des marées 3.
m. m.
1 Gilliodts van Severcn, Bruges ancienne et moderne ; notice historique et topo-
graphique sur cette ville (Bruxelles, I81K>, in-i", 81 p., pl.), p. 11.
* Uilliodts, Inventaire, Introduction, p. 470. Le nouveau canal s'atterrit lui-même, et
on est obligé de le recreuser en 1333 et 1399. (Bruges ancienne et moderne, p. 80).
3 Ubi faucibus arctis
A pelago refluit in Danica littora fluctua (v. 439)
Portus
Qui tain latu.s crat, tantaeque quietis, ut omnes
In se sufticiat nostras concluderu naves (v. 375).
Hetracto
Quippe mari stccuui naves navale tenebant (v. 508).
Pbilippide, M. G. SS. XXVI, pp. 310-3-19.
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LE ZWIN
m
Le lit se fixe et se rétrécit au delà de Damme ; des bourgades s'établissent
sur les bords : Monikerede, apparue en 1243 « super rivum maris » 1 ;
Houcke, indiquée dans la charte de Guy de Dampierre de 1282; Mude
(St-Anna ter Muiden) et Sluis, qui datent du début du XIIIe siècle *. C'est
l'époque de la grande prospérité de Damme, et cependant le Zwin n'est
déjà pas sûr. Des atleirissemenLs se forment. En 1240 il y a à Monikerede
un terrain « extra dicum » :t, un schorre. En 1274 la comtesse Marguerite
vend 200 mesures dans un nouveau polder entre La pscheure et Moerkerke *.
En 1282, Guy de Dampierre donne a son fils Jean de Namur « un seor à
la Moenkerede entre deux havenes, encore un scor encoste Lapscure,
encore un scor entre Moenkerede et le Houke, et tous les utdis gisans
entre Dam et Bierulet » 3. Le bosoigneux comte s'empressait de faire
argent des terres neuves, encore toutes fraîches du passage des marées ;
au moins sa hâte a en profiter indique-t-ello les rapides progrès de
l'envasement. Il est probable qu'on se réjouit d'abord de voir sortir des
eaux ces terres fertiles : mais bientôt on comprit l'imminence du danger,
et la lutte s'organisa au XIVe siècle. Les Brugeois portèrent leurs efforts
de deux côtés. A l'amont, on creusa des rigoles pour recueillir et amener
rapidement au Zwin toutes les eaux des plateaux : on les poussa jusqu'à
Ursel, Bellem et Hansbeke, à trois lieues de Garni 6. Si près de la Lys, il
était naturel de songer à pratiquer vers Damme une dérivation de cette
rivière : c'était débarrasser sa vallée d'inondations incessantes, produire
dans le Zwin des chasses efficaces, et créer vers Damme une magnifique
voie de communication. Bruges s'y employa dès 1330, puis en 1301 ; mais
ce n'est qu'en 1378 que le canal, débouchant d'Aeltre, parut devoir
atteindre bientôt la Lys par Poucques et Deynze. Mais Gand ne voulut pas
laisser détourner vers sa rivale la rivière qui faisait sa fortune; les
chaperons blancs de Yoens massacrèrent les terrassiers de Bruges, et
le projet du canal disparut dans la tourmente de Koosebekc. On no devait
le reprendre qu'en 1604 lorsque le Zwin de Damme était depuis longtemps
disparu 7 .
En môme temps on luttait dans le chenal même. On fait venir des
* Van de J»utte, Dunes, p. .".77, n" 7."m et p. 200. n
* (îilliodts, Coutumes, Petites villes, IV, pp. ViT-toO. UL p. ZK.
;» Van de Putte, Dunes, p. 200, n''
* Schaeyos, Les Pays-Ras. IL p. 178, note.
3 Charte dans Gilliodts, Continues, Petites villes, III, p. 3ôL
•*' Gilliodts, Inventaire, Introduction, p. iHS. Compte de Druires pour 1300, f1 IL
' Ibid. pp. 40K-470.
U
m
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
ingénieurs étrangers, des Hollandais experts aux chasses et aux dicagos1 ;
on s'inspire de leurs conseils. Une drague fonctionne dans les passes * ;
on se préoccupe d'empêcher de nouveaux endigueraents 3. En 1375 et
1384, on recreuse l'Yperleet et on augmente la section de tous les cours
d'eau qui convergent vers Damme 4. Après 1395, il ne se passe pas d'années
sans sondages, inspections; on ne peut imaginer plus grande sollicitude.
Déjà approfondi deux fois, le canal Bruges-Dam me est abandonné en 1402,
et on en creuse à l'Est du premier un nouveau, à grande section, dont le
jeu put augmenter les chasses 5. Pour ces chasses, il faut de l'eau : on va
en chercher jusqu'à Heysl ; on endigue l'Eede pour ne pas perdre une
goutte de ce qu'elle fournit ; on pratique dans les digues des débouchés
pour laisser passer le trop plein des watoringues ; les Brugeois redeman-
dent du renfort à l'Yperleet, aux ruisseaux du plateau ; ils élargissent
les fossés de leur ville pour en faire des réservoirs c : on ne perdrait pas
un hectolitre. On sacrifie un polder sous les remparts de Damme pour en
faire un bassin de chasses 7. Quand un sehorre se forme en dépit de la
drague et des chasses, la ville de Bruges le loue, pour qu'on ne l'endigue
pas * . Et sans trêve on continue à sonder, draguer, consolider les
digues, rectifier et baliser le chenal.
Rien n'y fit. LoZwin de Damme s'envasait avec une elfrayante rapidité.
En 1421, le lit entre Damme et Mude n'est plus qu'un canal sinueux entre
deux digues, tantôt large, tantôt étroit, passant de 10 à 50 verges (30 à
150 métrés), frangé au long des digues d'allerrissenieuts couverts de végé-
tation, et découvrant à marée basse des « plaaten » jaunâtres et allongés.
Des bancs de moules viennent encore rétrécir la passe La navigation
soutire ; déjà en 1350 les grosses nefs espagnoles ne dépassent pas Sluis,
et en 1307 les lettres patentes accordées par Louis de Maie considèrent
1 Eu 1.331, Michel de Calo est appelé et remet au magistrat un mémoire sur les
moyens d'améliorer le régime du Zwin entre Damme et Sluis. En 13T>3. l'ingénieur
.lau Vlucghon de Délit e.si prié do venir donner son avis. En 1412 on envoie des
ingénieurs à Middolburg examiner le chenal d'Arnemuiden, et on fait venir des
praticiens zélmidais. (Gilliodts, inventaire, Introduction, pp. 470-71, et IV, pp. 210-2141.
* Dragages incessants de 1380 à lift*) (Ibid. III, pp. 341-314).
•i Limburg-Stinim, Gartulaire de Louis de Maie, II, p. 128.
* Gilliodts, Inventaire, LU, pp. 341-344.
5 Ibid. 111, pp. 404-465.
f> Ibid. IV, pp. 215-210, pp. 308-361 ».
" Ibid. IV, pp. 317-318.
« En 1417 et 1421 (Ibid. IV, pp. 344-340, p. 308).
9 Ibid IV, p. 308.
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LE ZW1N
195
Dammo comme le port où passent les barques, mais où le « défaut de
marée» empêcherait l'accès des navires En 1403 à leur tour, les
Osterlings de la Hanse se plai-
gnent que le Zwin est trop
étroit et présente de grands
dangers pour leurs vaisseaux*.
I>es Brugeois songent déjà en
1415 à s'ouvrir vers Ostende,
par l'Yperleet, la communica-
tion avec la mer que le Zwin
ne leur procure plus 3 . Dam-
me, le grand entrepôt du XIIIe
siècle, est déchue dès 1400.
La ville se débat entre ses
créanciers; au XVIIe siècle,
une description du pays dé-
clare que son unique impor-
tance vient d'une grande foire
aux chevaux *. Le Zwin de
l)amme existeencoreen 1 488 5 ,
mais en 15G7, son rôle se
borne à celui d'émissaire prin-
cipal des wateringues de la région0; le bras de mer est devenu un
Echelle de I : 3*0.000.
Via. '•<>. — Rasai de reconstitution du Zwin au
milieu du XIVe siècle.
Rivage actuel.
Sluis hérite dès le XIVe siècle de la prospérité de Damme. Philippe le
Bon en 1430 la qualifie de « plus principal port de mer de nostre pais de
Flandres 7 ». Mais la décadence fut aussi rapide que pour Damme, car ce
« Finot (J.), Le commerce entre la France et la Flandre au moyen-âge (Ann. Coin,
il. Fr., XXJ, pp. l-3l/2>, pp. »» et 77.
i Delepierre, Précis analytique, 2' série. I, p. 03 (Comptes du Franc, 1403-04).
••» Gilliodts, Inventaire, IV, pp. 338-331».
* Nouvelle description des Pays-Bas et de toutes les villes des dix-sept provinces
(Cologne. Van don Boom, l«kX », in-l^, 2Î*0 p.), p. l-">- — Pour l'agonie de Damme. voir :
Van den Bussche, Inventaire des archives «le l'Klat à Bruges, Franc de Bruges, 1, pp.
227, 231, 273, 278, 301, 3>7. Pour la décadence de Mude, Houcke, Monikeredo. voir
Gilliodts, Coutumos, Petites villes, III, pp. », pp. r»l-07, pp. 337-3Î8.
5 Comptes du Franc, 1-487-88, dans Priom. Précis analytique, 2" série. U, pp. 101-
LU2.
« GilliodLs, Coutumes du Franc de Bruges, II, p. 771.
- Oilliodls, inventaire, V, p. lit).
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FORMATION DE LA PLAINE MARITIME
qui restait de l'estuaire, entre Sluis et la mer, se trouva bientôt dans une
fâcheuse situation. Ce beau golfe qu'une charte de 1243 qualifiait de
« corpus maris 1 », se rétrécissait sur les bords et s'envasait au milieu.
Le Vieux Polder du Hazegras existe dès 1304 * ; la région des grèves, la
Greveninge de Mude, était endiguée en 1282 jusqu'au Maneschijn polder
inclus 3. De l'autre côté de l'estuaire, Ter Hofstede, dans Kadzand, était
déjà indiquée en 1303 par Melis Stoke v. En 1450, l'endiguement de
Hobbemoreel restreint des deux tiers la largeur du chenal entre Mude et
Sluis 5. 11 est grand temps de faire des travaux en aval de Sluis ; la
charte de Fhilippe-le-Bon de 1403 constate que les marchands n'osent
plus hanter le port, qui s'amoindrit de jour en jour 6. Il fallait faire
grand, car ce n'est pas une mim e besogne que de ressusciter un bras de
mer. Les projets proposés en 1470 se réduisent à deux : rétablir par un
canal parlant de Gaternisse ou d'Ooslmans-Capelle la communication
entre Zwin et Braakman; ouvrir le Zwartegat, le détroit entre Kadzand
et Wulpcn, qui s'était eomblé au cours du siècle 7. On espérait que le
flot de marée, passant violemment par ces ouvertures, nettoierait le
cbenal et ferait l'oftice de ces chasses que les eaux douces étaient impuis-
santes à fournir. On se décida pour le Zwartegat. Mais à peine était-il
ouvert (1471) que l'on s'apercevait que le flot de marée qui entrait par le
redoutable « Trou noir », loin de débarrasser le Zwin, venait accumuler
les dépôts au Sud de Kadzand et faisait augmenter l'envasement avec une
effrayante rapidité 8. Dès 1485, on essayait, sans succès d'ailleurs, de
refermer la passe 9.
Cette fâcheuse expérience avait augmenté le danger. Ordonnances sur
le pilotage, création de stations de pilotes Rengageant à ne conduire
aucun navire ailleurs que dans le Zwin ,f\ amélioration des balises et
1 Charte du comte Thomas, dans Kluit, II, p- '«87.
â Comptes do Bruges, 1304, f° 30 (Gilliodts, Inventaire, Introduction, p. \h~j>).
•'< Rons, Woordenboek, pp. vkS-'û.
* (Rijmkroniek, VU).
■> Gilliodts. Inventaire, Y, p. 322.
« Delepierre, Précis analytique, lr" série, I, p. 102.
" Diegerick. Inventaire des archives d'Ypres, III, pp. 287-288.
H Lettre de Mavimilien. du 2'« avril 1 48' î. Un y constate après '.I ans d'expérience que
la marée qui entre par le Zwartegat sort par le même trou, et « ainsi sont les dits bancs
et sablons de plus en plus accrus et augmentés et l'entrée du havre do l'Keluse
diminuée et devenue plus étroite ». (Gilliodis, Inventaire, VI, p. ~>Sj.
9 Détail des travaux dans Gilliodts, Dbid. p. 2*it et Bruges Port de mer, pp. 4iV78.
1" ordonnances de |',Si h liSiV, ,l;,ns Gilliodts, Inventaire. VI. pp. £ï> e| 27»;.
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LE ZWIN
bouges 1 , consultation des pêeheurs tic (loxyde et des Zélandais *,
création de commissions 3, voyages d'études, enquêtes, rapports, n'empê-
chaient pas le hâvre d'être « tellement diminue, appovri et destruit....,
que la ville de l'Écluse est taillée de tomber en totale ruvne, perdition et
désolation » 4 (1500). I^es étrangers partent. I,es Portugais dont les
grosses nefs, bâties pour les grandes traversées des mers tropicales,
avaient un tonnage Irop considérable pour les passes atterries Hu Zwin,
transfèrent officiellement en 1503 leur résidence à Anvers. Les Italiens
les imitent en 1510. Les Hanséates, ces fidèles clients de Bruges,
s'éloignent définitivement en 151i5. Kn 1500. « le dit havre, ensemble
lanthise d'icellui et de la dicte ville de l'Ecluse, est comme du tout
tlélaissée et habandonnée »6. Pourtant Bruges s'obstine, l^e projet du Zwar-
tegat n'a pas réussi : on essaye de la communication avec le Braakman.
Elaboré en 1 190, le projet do canal Coxyde-Oostburg est mis à exécution
dès 1502, et le Brugsche-Vaart ouvert en 1515 7. Peut-être empècha-t-il
le Zwin d'être complètement comblé à la fin du XXV siècle ; mais l'enva-
sement était rapide dans le Braakman lui-même : les endiguements des
Laurevns gênaient l'entrée du canal ; il fallait percer en 1517 le schorre
de Vlaeke qui s'était formé devant la passe, et on finissait par délaisser la
crique, au moment où allait commencer la guerre de HO ans. Celle-ci, par
les inondations quelle causa, dut rendre quelque profondeur au Zwin,
puisqu'on 1518 les Brugeois, infatigables, commençaient à creuser tle
Damrneà Sluis un canal d'eau douce pour remplacer leur vieux Zoutevaert
1 (iilliodis. Inventaire. VI, p. 237.
2 Comptes du Franc, 14<JK-'.J!M."jlJ0, «tan* Priera, Précis analytique. 2"" série. Il, pp.
235-C, 239.
3 Gilliodts, Inventaire, VI, p. 4r»l.
* Charte de Philippe le Beau, dans (iilliodis, Coutumes, Petites villes, IV, p. r>8!'.
5 Kinot, Commerce entre la Flandre et la Franc»', pp. 242-24 4.
B Gilliodts, (Coutumes, Petites villes, IV, p. 603.
" Gilliodts. Bruges Port de mer, pp. '.KMJl. 170- IN». Lu charte de Philippe le Peau,
de 1Ô02, constate (pie le Zwin est « tellement rempli de terre et autre> ehoses que les
navires <pii y souloient arriver en grande quantité.... n'y povoient et encore n'y
peueiit entrer ne yssir, sinon en «rraii t danger et péril de jnunder ». Le canal fera
entrer « leaue de ladicle mer dedans ledict Zwin, aftin de par ee moien dehouier et
regeeter les bancs et sahlons, pour neetoyer, parfonder et amender icelluy Zwin ».
(GiUiodls, Coutumes, petites villes, IV. pp. .7»:}-.7X>). Le Brusgche Vaart, dont il
reste une crique profonde à l'Kst d'Oosthurg. n'a donc jamais été un canal «le navigation,
mais une passe permettant au Ilot de marée de circuler du Zwin dans le Braakman et
•le nettoyer l'estuaire.
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1!«
FORMATION DK LA PLAINE MARITIME
envasé1, et que ce travail termine en 1564, ils se mettent à en établir un
autre entre Damme ot Hruges, au Nord de la voie creusée au XITsiècle *.
Tout était terminé en 1572, lorsqu'intervinrent les Hollandais : maîtres de
Sluis, ils ne songèrent qu'à combler le nouveau canal, et cette dernière
tentative, le Nieuwe Gedelf des Brugeois, avorta misérablement.
Le Zwin de Sluis languit encore trois siècles. Les inondations de 158.'*,
en rouvrant le Passegeule, rendaient à la marée la force d'entretenir
l'estuaire. Maîtres de la Flandre zélandaise, les Hollandais avaient intérêt
à maintenir ce large fossé de défense devant Kadzand 3. Il fallut attendre
le XVIII" siècle et le comblement des passes de l'Est pour reprendre les
endiguements. Le Godefroi-en-Hurkel, le Gouverneurs polder à gauche
(1716-1718), le Casteel à droite (1737), rétrécissent de moitié l'estuaire.
La fermeture du Nieuwo Haven en 1742, et surtout la disparition définitive
du Passegeule en 1788 par la construction de la digue de Hakkersdam,
furent la véritable cause de la mort du Zwïn. Le Crâne polder est établi
on 1799; le grand Hazegras est de 1789; le Kleine Pas, qui prend encore
une moitié, est endigué en 1793. C'était un peu tôt : le Zwin l'inonda
aussitôt, et le reprit encore en 1808. Mais en arrière, les conquêtes étaient
définitives. Napoléon concède au général Vandamme le fond du golfe, et
celui-ci endigue l'Olieslager en 1803, l'Austerlitz en 1805, le Sophia en
1807, l'Aardenburgsche Haven en 1813, le Diomede en 1827. Le Zwin do
1830 n'a plus que 8 kilomètres de long, et on le traverse à marée basse
devant le Hazegras 4. Cependant on y navigue encore et en 183(3 une
canonnière hollandaise vient s'y embosser pour bombarder l'écluse belge
du Hazegras ; le Sluissche Haven ne disparaît qu'en 1860 : à cette date le
Zwin polder comble 5 km. de l'estuaire. Il restait deux petits bras
entourant un schorre, l'île Vandamme ; on les absorbe en 1873 dans le
1 Comptes du Franc, 1547-48, dans Priem, Précis analytique, 2™ série, III, pp.
10().
» Gilliodts, Bruges Port do mer, pp. 188-234.
' En 1748, « il part toutes les semaines de Sluis plusieurs bâtiments pour la Hollande
et la Zélande ». (Description abrégée géographique et historique du Brabant hollandais
et de la Flandre hollandaise [Paris, Bauche, 1748, in-12", 314 p.], p. 2.Y>). — Kn 1783,
d'après Dérivai, lo port de l'Écluse, négligé par les Hollandais, no contient que quelques
petits bâtiments (Dérivai, Lo Voyageur dans les Pays-Bas autrichiens, ou lettres sur
l'état actuel de ce pays, [Amsterdam, chez Ghanguion, 1782-83, 0 vol. in- 12"] vol. V, p. 22).
Encore n'est-il pas ensablé complètement, ce qui prouve que le Zwin s'était à peu près
maintenu depuis deux siècles.
* Andries (J-O.), Recherches historiques sur los voies d'écoulement des eaux dos
Flandres (Bruges, do Paehtere, 18.18, in-8û, K*2 p., carte) p. ."52.
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LE ZWIN
Willem-Leopold polder 1 . Aujourd'hui il n'y a plus du Zwin qu'une petite
crique d'un kilomètre, perdue dans un vaste schorre grisâtre où paissent
des moutons, et il ne s'y aven-
lure guère que de rares bar-
quettes de pêche à marée haute.
Bientôt cette crique disparaî-
tra : au long de la mer une
ligne de dunes s'avance avec
rapidité, qui finira paratteindre
Kadzand. I,e Zwin ne sera plus
alors qu'un souvenir *.
Ainsi le Zwin n'a pas cessé
de diminuer depuis qu'il appa-
raît dans l'histoire. Kn général,
on le fait mourir trop tôt ou
trop tard ; trop tôt puisqu'il en
existe encoro un débris ; trop EcheU« dc '= ™-m)0
tard puisqu'il était à peu près Fl,i- — Kndigiicmeius .lu Zwi.. aux xvui»
impraticable dès la tin du XV et X,X' siècks<
siècle. I/envasement a été plus rapide en amont de Sluis, oîi l'action de
la marée n'était pas aidée par un afflux puissant d'eaux intérieures ; plus
lent entre Sluis et la mer, grâce à la communication avec le Braakmau.
Mais le comblement a été continu ; il s'est poursuivi sans arrêt du Ve au
XXe siècle. Et cette étude permet de préciser l'histoire des vicissitudes de
la plaine après l'invasion du V siècle ; il paraît bien probable qu'il ne
s'y est produit depuis celto époque aucune oscillation du sol, et que le
comblement des estuaires s'y serait tranquillement et régulièrement
poursuivi, si l'homme s'y était prêté 3.
1 On trouvera los dates des endiguements dans Roos, Woordenboek, et Andries,
Recherche» historiques, pp. 4T>-47.
2 I>e Zwin disparu, le Rraakman en voie do disparaître, on s'occupe maintenant de
reconquérir le territoire que la guerre de 80 ans a fait perdre au pays du coté de
Saaftinge. l/s Nieuwen-Arenhorg est de 1781 ; le Saftingen polder . de 18UT» : les
polders l.ouisa, Van Alstein, l'rosper. du XIX" siècle. Il y a dix ans, on a endigué le
vaste Koningin-Kmma polder, et en l'iOi un nouveau polder au N. du l'rosper. Ces
travaux, exécutés pour le compte de la famille d'Arcnberg . rappellent ceux des
Laureyns a Watervliet.
' Voir dans Clouzot, Les Marais de la Sèvre Niortaise et du l.ay du X' siècle à lu
fin du XVI' siècle (Paris, Champion, Hrft'i, in-8', 282 p., pl.. carte à 1: 200.000),
pp. 47- 18. r«3-Tvi, tMi-71, les désastres que la guerre de Cent ans et les guerre** de Reli-
gion ont fait subir à l'œuvre du dessèchement, entreprise et achevée dès les XII'-
XIIIe siècles par les moines.
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M)
FORMATION I)K LA PLAINE MARITIME
Il n'y a pas do catastrophes dans l'histoire du Zwin, et il n'y en a guère
dans toute l'histoire de la Flandre zélandaise. Dépouillées de l'aspect
terrifiant que leur prêtaient les chroniqueurs, les inondations n'appa-
raissent plus que comme des accidents dont les hommes sont plus respon-
sables que la nature, et dont les effets sont temporaires et rapidement
réparés. Rien u'a beaucoup changé à l'Kst de Bruges, du X'au XXe siècle.
Le Braakman existait avant lo XIVe siècle ; le Hellegat a remplacé le
vieux chenal de Hulst; le Passegeule est toujours reparu sur rempla-
cement de l'ancienne criquo d'Khnare. Le Hont existait, et au lieu d'être
plus étroit, il était probablement plus large qu'aujourd'hui. S'il y a eu
changement, c'est toujours dans le môme sens: les criques se sont
comblées lontement depuis dix siècles, et continuent do se combler
aujourd'hui
1 La différence de niveau que l'on remarque dans toute la Plaine entre deux polders
endigués à des dates différentes, et qui fait que le plus récent domine parfois de 2 métrés
le plus ancien, s'explique autrement que par un affaissement général : il s'opère
évidemment un tassement important dans ces matériaux, d'ailleurs compressibles
(tourbe), lorsqu'on en assure convenablement le dessèchement. Certains polders des
Fens et de Vénétie sont descendus à un niveau si bas après l'assèchement que l'écou-
lement des eaux pluviales ne pouvait plus s'y effectuer. De là vient que les parties de la
plaino d'où la mer s'était jadis retirée d'elle-même sont descendus aujourd'hui à un
niveau un peu inférieur à celui îles grandes marées.
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CHAPITKU IX
LA COTE. — LES DUNES*
I. Asjivct et mourenuids de lu rôti-. Kt-eit I de la nier a l'Ouest. Recul de In terre à
l'Est. Causes des mouvements de la côte. — II. Les hunes; carnetères physiques.
Largeur îles dunes. Formes. Mouvements et fixation. — III. La rie d<nis les du tus.
L'agriculture. L'homme et l'habitation.
I.
ASPKCT KT MorVKMKNTS I)K LA C< >TK.
Pays bas, cote basse ; tout lo long de la mer du Nord, la plaine maritime
do l' Allemagne, do la Hollande, de la Flandre, aligne un rivage plat et
triste. Du large, sur le bateau qui se faufile entre les bancs, le voyageur
qui cherche la Flandre ne découvre d'abord que des tours lointaines et
embrumées, les grands phares blancs, les clochers et les beffrois, la rude
silhouette de St-Éloi de Dunkerquc, la flèche de Notre-Dame do Hruges.
même la vieille tour carrée do Watten, à cinq lieues de la cote*. Puis l'on
voit sortir des eaux des rangées de maisons étranges, des villes de rêve,
le « front de mer des stations balnéaires avec leurs villas où s'entrecho-
quent tous les styles. Fntin apparaît la côte véritable, le mur bas des dunes
blanchâtres dont parle Guillaume le Dreton '1, précédées de l'cstran de
sable fauve, large parfois de deux kilomètres. Il a fallu jalonner de
l Principaux travaux à consulter pour ce chapitre et le chapitre suivant : Ministère .le-*
Travaux Publics, Ports maritimes .le la Krauee : tome I"', île Dunkerquc a Ktr.-tat (Paris.
Impr. liât., t*7'i; : Plocq, Dunkerquc, pp. 1-107 ; Plocq, (Iravelines. pp. HKM'.fl : Aron,
Calais, pp. V£t-27>2 : — de M' y 'P.i. Ports en plage «le sable ; — Les Installations
maritimes belges (Imposition universelle de l'.IOH; .Notices -ur les Plans et Modèles
exposés dans le salon des Ponlsei-Chaiissées : Hru\c||-s. Striekaert, l'.KKI. in-S". 107 p.,
phot.. graph., plans, cartes) : — Monographie agricole de la Hégion des Dunes
(Minist. de l'Agriculture, Bruxelles, lt<UI, in-S", ,'>7 p.i.
i Kn 1X12. la manne à Dunkerquc -'oppose éncrgiquement à la démolition de la
tour de NVatteu, parce qu'elle sert d'amer pour reconnaître le banc d'( nn-Kuvtiugen.
(Areh. Nat. F* m).
3 Caudent.a littora (Philippide, M (i. SS. XXVI, p T.:., v XX).
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LA COTE. - LES DUNES
feux les bords de cette côte incertaine; les phares sont nombreux an long
do la Flandre, et leur usage y est ancien i.
Cette côte basse est rectiligne. De Sangatte à Kadzand, il n'y a guère
de pointas que les jetées des ports, de golfes que leurs chenaux. Sous
l'effort des courants de marée, les alluvions amenées par le gain de flot
ont comblé toutes les échancrures, et presque effacé les dernières traces
des estuaires. Il n'y a plus guère que deux angles, très arrondis : la pointe
de Gravelines et la côte de Kadzand, pour rappeler que devant elles les
golfes de l'Aa et du Zwin gagnaient jadis la mer. On a vu le Zwin se
combler au XIXe siècle, le golfe de Nieuport au XIVe. Ce qui restait des
estuaires de Calais et de Gravelines mit plus de temps a disparaître. De
bonne heure, ils n'étaient plus guère que des lagunes, enserrées entre la
côte et un cordon littoral de sable, une Nehrung, que le gain de flot pous-
sait peu à peu vers l'Est, ne laissant plus aux eaux de l'intérieur qu'un
étroit passage vers la haute mer. Ces lagunes furent réduites peu à peu.
Il semble quo ce fut au début de la domination anglaise que fut établie,
de Sangatte à Nieulay, la digue Royale appuyée sur l'extrémité du banc
des Pierrettes * ; mais l'espace entre Nieulay et le cordon littoral resta une
crique jusqu'en 1770(fig.45). Au Nord de Gravelines, il s'était formé aussi
une lagune entre la ville et une rangée de dunes appuyées a l'Ouest ;
mais cetto lagune était vite devenue un schorro, appelé les Hems-St-Pol,
à travers lequel serpentait l'Aa, qualifié en 1 140 de havre « tout atterry
et de petite valeur » \ Rejeté peu à peu vers l'Est par les progrès de la
Nehrung, le courant venait ronger les dunes qui formaient la côte de la
chAtellenie de Rourbourg, finissait par en « abattre, caver et emporter la
greigneure partie » », et il fallait y organiser au XVIe siècle de sérieux
travaux de défense 5. Le comblement du havre continua aux XVIIe et
XVIir siècles; les dunes de l'Ouest, poussées par les vents dominants,
obstruaient de plus en plus le chenal, causant de graves inondations dans
1 Octroi de Philippe le Hardi: « Que pour le sauveinent des diz marchons, leurs
biens et noifs, il soient ordenez encontre les costiercs «le Flandres sur le mer. à Dun-
kerke, Neufport. Ostendc. Hlnnekenberghe, nouvelles lumières et vierboetes si comme
soldent estre en ricttx temps ». (Arch. Nord. H. l.">0!t, b' reg. des Chartes, ^ 33, verso:
H. I.VVî, (i" cartulairc de Flandre, f° 34. verso).
* Aron, Calais, p. 202.
:* Octroi de Jean de Luxembourg à la ville de St-Omer. (Copie aux Areh. Nat.
0' 82!l).
I Haignerc, St-Hertin, 111, p. 3K",, n" 2!*Î8.
5 Plusieurs chartes de Charles-Quint, aux Areh. du Nord. Série C (Flandre maritime'),
liasses 44, 40, 60.
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L'ASPECT DE LA CÔTE 20.T
l'intérieur des terres. On se décida on fin en 1712 à creuser à l'Aa un
nouveau chenal vers le Nord-Ouest, à travers les Homs-St-Pol. Dès lors
ce qui restait do l'ancien estuaire devait disparaître rapidement ; les
demandes de concession affluèrent ou barra ce qui restait du golfe
Basse mer
Fig. 42. — Us Hems-St-Pol on 1747,
d'après doux plans aux Arch. Nat., Q< 82ï>, pièces * Kl et «IT> î.
par une digue recouverte aujourd'hui d'un amas de sable qui joint les
I Détails sur ces demandes dn concessions aux Arch. Nat., Q< S21I, et aux Arch. «lu
Nord, C (Fl. mar.), liasse
i Comme dans l'ensemble delà plaine maritime, les parties asséchées les premières
>e trouvent au Nord, le long des dunes: d'abord la I^ampernesse, qu'il n'a pas été
nécessaire d'endiguer, puis le Vieux et le Nouveau Poldre.
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204 LA COTK. - LES DUNKS.
dunes de Calais à celles de Dunkerque. Ainsi celte côte, laissé- A elle-
même, se fait forcement rectiligne ; elle allonge des levé» s littorales
devant les estuaires, et les comble ensuite A loisir.
On pourrait croire que cette tendance à raccorder par une ligne droite
les anciennes sinuosités indique que l'emplacement de la côte n'a pas varié
depuis l'invasion marine du Ve siècle, et que la mer s'est contentée de
réparer les brèches que l'inondation avait faites A l'ancien cordon littoral.
Pourtant la côte a subi, entre Calais et Kadzand, un double mouvement
d'avance et de recul. De Calais A Dunkerque, la terre a gagné, et parfois
une largeur de 1500"'. A l'Est de Xieuport, la mer avance, et la côte a
reculé d'une quantité difficile à évaluer, mais qui atteint peut-être un
ou deux kilomètres.
Recul de la mer a l'Ouest.
Le gain sur la mer, A l'Ouest de Dunkerque, n'a guère besoin d'être
prouvé par les textes: l'examen des lieux suftil. A la hauteur de Mardick,
on ne compte pas moins de sept témoins, sept étapes du recul do la mer.
C'est d'abord, au S.-W. du village, les vieilles dunes sur lesquelles est bftti
le village de Loon ; là était vraisemblablement le rivage des Vol VIe siècles.
Mardick lui-même est sur une légère éminence sableuse, que l'on suit A
l'Est jusqu'au canal envasé de Louis XIV. Digue ou dune ? Il est difficile
de le dire, car les sables s'accumulaient si bien sur les digues qu'elles
prenaient bientôt l'apparence d'une ligne de dunes naturelles. Peut-être
est-ce là ces dunes de Synlhe dont parle un acte de 1097? Devant vient
une saline, c'est-à-dire un ancien schorre cultivé, drainé par un watergand.
Cette fois c'est bien là la terre indiquée par l'acte de 1067, « Salinas in
Sintonis quas grevas vocant » 1 , qui ne tarda pas à être endiguée, car elle est
bornée au .Nord parla digue du Comte Jean(phol. II). Elle est bien décrépite
aujourd'hui, la célèbre digue que fit faire le comte, disent les paysans,
pour ne pas passer sur los terres dautrui ; les schorres qui se sont formés
devant elle ont fini par égaler sa hauteur, et on ne la distingue plus guère
qu'à la ligne de maisons qui se cramponne à son tracé: non que ce léger
renflement sableux constitue encore une sauvegarde contre les attaques
d'une mer refoulée à plus d'un kilomètre, (car dès 177 i l'intendant la
1 Pruvust, Herbues, p. l'A). Os salinrs partagées outre 1rs abl>ayo> de Herbues et de
Wallon dépendaient de la ferme du l'rédenibourg (Are h. Nord, C, Kl. Mar.. liasse 44).
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LE RF.Cn. OK LA MRR A L'OUEST
20G
donnait comme percée el même effacée en plus do 30 endroits) 1 ; mais
parce que la digue, jadis propriété do l'Etat, est devenue sans bruit la
Fin. 4M. — < lai us do la terre sur la mer à l'Ouest <lo Duiikerque.
I. Vieilles dunes de LOOB. IV. Dunes .lu XVIe llcclft
II. Ligne mbtoaM de Murdiek \\v rièolef). V. Ditfue de l?fl».
[II. Digue du Comte Jean, VI. Digue de M6R
vu. Dune* en for nation sUr l'entrai!.
possession de tous ceux qui en ont bien voulu s'emparer *. Devant la digue
s'étend une nouvelle ligne de dunes, la plus importante de la série ; celles-
ci existaient dès la fin du XVIe siècle, puisqu'un bail de 1003 parle des
terres situées entre le banc do Grave-Jean ot les Dunes, jusqu'à l'eau tlo la
* Arch. Nat. Q« 2H7.
* L'est pourquoi l'on voit des familles, simples localairos de maisons situées au
long de la digue, être les tranquilles propriétaires des enclos eontigus à leur maison,
niais situés sur la digue, sur le liane du comte Jean.
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LA COTE. - LES DUNES
mer1. Puis viennent les grandes salines, mûres an milieu du XVIIIe siècle,
endiguées à parlir de 1709 parle comte de La Morlière; et devant, une
nouvelle conquête, une saline conquise en 1859. Mais les progrès de la
terre ne s'arrêtent pas là, et devant la digue de mer se sont établies, en
50 ans, de nouvelles dunes déjà couvertes de végétation. Ainsi 3 ou 4 lignes
de dignes, alternant avec 3 ou 4 rangées de dunes, indiquent les étapes du
reeul de la mer, presque chaque siècle. Une conséquence intéressante de
ce progrès de la côte a été le comblement d'une fosse qui séparait un banc
de la terre ferme, et l'annexion de ce banc au rivage. Jusqu'au XV1F siècle
s'étendait devant Dunkerque parallèlement a la côte et aux autres bancs
de Flandre le Scheurken, découvert à marée basse, et dont il faudrait
aujourd'hui chercher remplacement vei-s l'ancien Sanatorium de St-Polet
le grand phare. Une passe, profonde au minimum de 4 pieds aux basses
eaux, appelée la fosse de Mardick, séparait le banc de la côte, et servait
de rade au port de Dunkerque, qui y débouchait s. Déjà en 1587 s'allon-
geaient entre la principale ligne de dunes et la fosse de Mardick des
schorres à peu près secs, servant de pâtures et appelés les Hems Au
début du XVIIe siècle, et probablement à la suite de travaux de forti-
fication exécutés afin d'interdire aux vaisseaux ennemis l'accès de la fosse
de Mardick vers l'Ouest, (construction sur les hommes de la batterie
dépendant du Forl île Mardick), on vit la partie centrale de la passe
s'atterrir avec une rapidité singulière, et le Scheurken s'allonger vers
l'Kst en se rapprochant de la côte. En 1(124, on avait devant la ville 3 à 4
brasses d'eau (de l^fc!) à marée basse ; en 1639 on n'y trouvait plus que
3 à 4 pieds, et il avait fallu creuser, entre le banc et la côte, un chenal
bordé de fasciuages. Kn 1645, la fosse de Mardick n'existait plus que dans
sa partie occidentale, dont l'amorce s'est conservée jusqu'à présent; à
marée basse le Scheurken était réuni à la côte, et le port de Dunkerque
réduit à une misérable crique qui gagnait la mer vers l'Ksl. L'ensablement
de la passe fut si complet qu'un navire espagnol sabordé vers la fin du
XVr siècle dans la fosse, devant l'entrée du port, a été retrouvé en 1900
• Série baux pour les terres île l'abbaye de Watten au (ïran.I Frédeinbourg, de
UUi à 1700 (Areh. Nat., Q» 287).
- Les phases de la jonction du Scheurken à la côte au XVII'' siècle nous sont connues
grâce au précieux rapport de Florent Van Langren, ingénieur au service du roi
d'Espague, qui proposait en Uî53 de creuser entre Ouukerque et Fort Mardick le canal
qui fut exécuté, en 1713, par ordre de Louis XIV. Ce rapport est publié dans : do Rive,
Frécis historique et statistique des canaux et rivières navigables de la Belgique et d'une
partie de la France (Bruxelles, iu-4», 1835), pp. 005-008-
3 Arcb. Nat., Qi 287.
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LE RECUL DK LA MKK A L'OUEST
207
recouvert de 7 métros de sédiments '. Vauban consacra la disparition de
la fosse et l'annexion du banc à la côte, en lançant vers le N.-W., à travers
leur ancien emplacement, le nouveau chenal do Dunkerque. Ce qui restait
de la fosse en face de Fort-Mardick disparut à son tour : en 10 ans le ter-
rain s'élevait de 5 pieds au droit des écluses du canal de Louis XIV, entre
1703 et 1779 ; eu 1778 on constatait que les schorres établis en face la partie
Ouest de l'ancien Scheurken s'étaieut accrus en 2.*i ans de .'38 toises dans la
direction du Nord *. Aussi en 1781 accorde-t-on au vicomte de Gand la
concession des « terres salines délaissées par la mer 3 » depuis Fort-Mar-
dick jusqu'à Dunkerque. La plage actuelle semble continuer à s'accroître ;
les courants passant par la dépression qui reste de l'ancienne fosse appor-
taient vers l'Est des quantités d'alluvious si considérables qu'il a fallu
prendre des mesures spéciales pour les écarter de la jetée Ouest du port1.
Les dunes formées devant la Digue de l'Ouest, crevée pourtant en 1875,
s'accroissent avec rapidité.
Les mêmes phénomènes se reproduisent à l'Ouest de Dunkerque et de
Mardick, jusqu'à Calais. A Loon, on retrouve au N.-W. du village, au delà
d'une ancienne ligne de dunes très effacée, la digue du comte Jean,
toujours bordée de nombreuses maisons, et au delà de la saline d'Enna,
possédée depuis le début du XIV" siècle par les dames de Clairmarais,
une épaisse ligne de dunes qui borde les Hems-St-Pol 5. A Oye, on ren-
contre en marchant au N.-E. uno ligne très continue de hautes terres
sableuses, parcourue tout au long par la vieille route de Calais à Grave-
lines, et qui paraît plutôt une ancienne digue augmentée par les apports de
sable qu'une véritable dune : c'est probablement, entre Graveliues et
Calais, le prolongement do la digue du comte Jean. Fuis vient le Banc
à Groseilles, dont le nom (banc) et la forme ne laissent aucun doute sur
l'origine ; c'est une digue, qui limite au Sud une large bande de terres fortes,
les Hemmes de Fort-Philippe et d'Oye, où une ferme porte le nom signi-
ficatif de Terre-neuve. Ces anciennes salines aboutissent vers le Nord aux
■
' Voir à ce sujot la note Je M. (Josselet, Note sur les sables tle la plage de Dun-
kerque, et l'intéressant travail <le MM. Luiery, Cleenewerek et Debacker, Découverte
•l'un navire profondément enseveli dans les sable- de Dunkerque, publiés dans Ann.
Soc. géol. N., XXIX (1!>U0), pp. 128-ir.i», 2 pl.
2 Arch. Nord, C (FI. Mar.j, 44, u« m et ïû.
3 Arch. Nat. Q' 2*7.
* Eyriauddes Vergnos, Etude sur l'établissement et l'entretien des ports en plage de
sable, (Ann. l'.-C, <i« série, l* année [lïWllJ, pp. iKViOtj, G pl.), pp. 328-332.
3 Copie d'un diplôme de Charles-y.iint de 1.712, aux Arch. Nat., OJ 257.
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LA COTE. - LES DUNES
dunes d'Oyc, accumulées le long d'une digne qu'éleva en 1630 le marquis
de Valençay ; mais ces dunes sont encore précédées, du côté de la mer,
par une nouvelle digue, celle-ci par une dernière ligne de dunes couvertes
de végétation, le Gros-Banc, en avant duquel on trouve enfin un estran de
prés d'un kilomètre. De Marck à la côte, même accumulation de dunes et
de digues : après cette large et triste bande de sables jaunes qui s'élend
du village aux remparts de (Valais, c'est le banc de la vieille route de
Gravelines, assez élevé à cet endroit pour que la différence de niveau avec
la saline siluéo au Nord soit rachetée dans un champ par un rideau.
Derrière, la ligne de dunes où se suivent les nombreuses maisonnettes des
Pelites-Hemmes ; dunes déjà bien aplaties, couvertes d'herbe, ayant l'air
de grandes vagues vertes; puis la vaste dépression d'argile grise gagnée
aux XVIIe et XVIIIe siècles par les digues Robelin et Taaf. Des dunes en
formation, hautes de 3 à \ mètres, s'adossent à ces dernières jsurl'estraii
s'étendent quelques monticules, couverts de végétation, où paissent des
troupeaux de moutons; ça et la circulent des chenaux remplis de vase
argileuse, où la mer pénètre par les très fortes marées. On pourrait s'y
croire revenu au IX' siècle, au temps où l'abbaye de St-Pierro do Gand
commençait à faire paître ses brebis sur les terres que «jetait » la mer
autour d'Aardenburg et Oostburg. Enfin dovant cette saline bientôt mûre
pour les endiguements, 1000 mètres d'un estran jaunAtre, qui parait
s'étendre à l'infini. A marée basse, on ne soupçonnerait pas la présence de
la mer sans l'apparition au-dessus des sables de quelques voiles et du phare
do Waldam, marquant de ce côté la limite provisoire des conquêtes de la
terre sur les eaux.
Ainsiïa mer a reculé tout au long de la côte, de Dunkerque à Calais,
depuis le X" siècle, peut-être même d'une manière continue depuis le
VIT. Ce progrès de la terre a changé légèrement la forme primitive du
rivage; la ligne qui prolongo vers l'Ouest la direction île la côte belge
passe par la ville de Dunkerque, au Nord de Loon, par Gravelines, Oye
et Marck. Au contraire il est probable que de Dunkerque à l'Vser. et
particulièrement entre la frontière française et Nieuport, la côte n'a guère
bougé. Zuydcoote était déjà une paroisse maritime au XIIe siècle ', et
entre la mer et l'ancien emplacement du village, il n'y a toujours qu'une
ligne de dunes, dont l'épaisseur indique l'âge avancé. L'emplacement de
l'abbaye des Dunes, établie à la fin du XIP siècle dans une dépression
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LE RECUL DE IJV TERRE A L'EST
200
ou panne des dunes de Coxyde est toujours environné de sables ; la
largeur des dunes à cet endroit, qui était en 123(3 de G32 verges *, soit
1.900m, est aujourd'hui d'environ deux kilomètres. A Westende, la situa-
tion n'a guère changé depuis 1241, où il est question d'un chemin allant
de l'église de Westende à la mer à travers les hautes dunes 3. Il y a là
comme un point mort, autour duquel la mer et la terre ont gardé leurs
positions. La terre y a du moins gagné l'ancien estuaire de l'Yser, devant
lequel la mer a accumulé une si grande épaisseur de sable, que la digue
du comte Jean est maintenant séparée de l'est ran par 1.400 mètres de
dunes, et que Lombartzyde est éloignée d'autant de la mer, qui la tou-
chait au XIIIe siècle 4.
Recul de la terre à l'Est.
Mais passé Westende, on se trouve en présence d'un recul indéniable
de la côte. On a trouvé sur la plage de Haversijde, entre Middelkerke et
Ostende, des débris archéologiques attribués au haut moyen-âge 5.
Ostende a reculé à plusieurs reprises devant la mer; sa vieille église
d'Onze-Lieve-Yrouw-ter-Streep fut détruite en 1334 par les flots, en
même temps que l'église do Blankenberghe *, et en 1395, la ville dut
se réfugier, après avoir beaucoup souffert par les « fortunes, orrages, et
jnundations des eaues de la mer », à l'abri de la digue que ceux du Franc
avaient élevée un peu en arrière 7 ; ce qui restait de l'ancienne ville était
complètement disparu en 1502 8. Wenduyne a émigré vers le Sud
depuis le XVIe siècle, et la grande marée du 2 février 1791, qui dévora
• Voir la charte de la comtesse Jeanne, 12111, dans Van de Putte, Dunes, p. 3(52.
i Charte de la comtesse Jeanne, dans Van de Putte, Dunes, pp. 104-16.
3 Charte do Thomas et Jeanne, dans Foys et Van do Casteelo, Histoire d'Oudenbourg,
II, pp. 100-101.
* Aucun texte ne vient d'ailleurs corroborer la légende de Lombartzyde grand port
aux XI* et XII* siècles, si souvent rapportée dans les travaux des anciens érudits.
3 Ruiot (A.), Sur les antiquités découvertes dans la partie belge de la plaine
maritime.
fi Cf. Carton (C), Notice sur Hlankenberghe (Ann. Soc. Em. Br., 111, pp. 53-114),
pp. 72-70.
? Charte d'extension d'échevinage accordée à Ostende par Philippe le Hardi, dans
Van den Hussche, Inventaire Arch. Franc de Hrugcs, L p. 102.
« lions détails dans Helpairo (Ant.), Notice historique sur la ville et le port d'Ostende,
(27 p.), imprimée a la suite de son travail sur la Plaine maritime.
M
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210
LA COTE. - LES Dl'NES
une largeur de 35 piods de dunes, mit au jour les murailles et les puits de
l'ancien village Le même phénomène de recul est constaté à Blanken-
berghe, à Heyst, à Knocke : même l'ampleur du mouvement augmente
vers l'Est. Sur la plage de Heyst existerait l'emplacement d'un village
du haut moyen-âge. Le Transport ou cadastre général de 1408, enregis-
trant les perles faites depuis un siècle exactement, énumère : un grand
village nommé Harendyke, peu habité, entre Wenduyne et Blanken-
berghe ; devant Heyst, le hameau « de Panne » et 80 mesures ; sur les
wateringues de Heyst et Rheingarsvliele, 100 mesures et un village de
pêcheurs ; à l'Est de Knocke, 8 mesures et un hameau important ». La
digue du comte Jean, à l'Est de Heyst, se trouve entre les épis 27 et il
en retrait sur l'ancienne direction, et cette courbure indique qu'il y eut
là un tronçon rompu, dont les vestiges se voyaient sur la plage aux
environs de l'épi 37 (aujourd'hui port de Zeebrugge) ». Au XVIIe siècle,
pour prévenir de nouveaux progrès de la mer, il fallut hérisser d'épis
toute la côte entre Wenduyne et Heyst ». Cela n'a pas empêché qu'au
XIXe, la mer a fait encore aux dépens des dunes quelques progrès;
la plus haute cime du littoral, le « Mont Blanc *> de Heyst, a été dévoré
en 1886; les dunes devant le phare de Knocke ont fondu de 2 mètres
en moyenne par an entre 1870 et 1880, et les ingénieurs avouent pour
certaines dunes de Knocke, propriétés particulières moins bien défendues
que les dunes de l'Etat, une porte de 25 mètres en 10 ans. A Heyst la
prospérité de la plage semble menacée: les grandes marées attaquent la
digue et la mer haute couvre si bien tout l'estran qu'à son approche toutes
les cabines roulantes doivent être remontées sur le promenoir. Mais c'est
surtout à l'Est du Zwin que la retraite de la côte a été rapide et désas-
treuse. On a vu Kadzand diminuer au Nord pendant qu'elle s'annexait au
Sud les schorres du Zwin et du Zwartegat; Wulpen et ses cinq paroisses
s'émietter peu à peu dans les eaux, et disparaiti-e sous les coups de la
mer 5.
1 Belpaire (Ant.), Mémoire sur la Haine maritime, p. 50, note 1. Cf. également Roche,
Histoire de Wouduyne-sur-iner, suivie d'une note sur l'ancienne topographie de
Wenduyne, par L. Gilliodts van Severen (Bruges, Daveluy, 181*2, in-8", 74 p.).
* Texte dans (jilliodts, Inventaire Arch. Bruges, IV, p. 24.
3 De Mey, Ports en plage de sable, p. 1,7».
* Baron de Serrot, Mémoire sur les empiétements do la mer tels qu'ils oiu lieu sur
un point particulier des côtes de la Flandre Occidentale. (Bruges, Bogaert, 1817, br.,
n-8u, 43 p.).
Cf. p. 18(3, note 7 ; p. 187, note t>.
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LE RECl'L OK LA TEK RE A L'EST
211
L'aspect des deux parties do la côle se ressent de cette situation. À
l'Ouest de Dunkerque, le rivage est imprécis et fuyant ; les digues basses
que l'homme plante pour abriter ses faciles conquêtes et fixer aux eaux
leur limite sont bientôt dans l'intérieur des terres, masquées par les petites
dunes que la mer et le vent accumulent. Où chercher la vraie côte,
sur cet estran si large, que l'eau s'aperçoit à peine au bout de la frange de
sable jaune, et si plat que la vive eau s'avance un bon kilomètre plus loin
que la morte eau ? Au lieu d'accumuler des défenses contre une mer si
peu agressive et dont les caprices sont rares, il faut aller à sa rencontre ;
et l'on voit les porLs allonger désespérément leurs hautes jetées de bois à
travers l'estran, vers les fosses profondes, vers une eau qui ne recule
plus : 800 mètres a Dunkerque, 1.500 métrés à Gravelines. Peine perdue :
l'estran s'allonge à mesure ; à Dunkerque, il s'étend encore à 500 mètres
plus loin que le musoir de la jetée Ouest. A chaque tentative pour
s'approcher d'elle, la mer fuit; le prolongement sur 300 mètres des jetées
de Dunkerque, en 1830, a provoqué presque aussitôt un gain égal de
l'estran vers le large ; et la môme opération faite à Calais (sur 250 mètres)
a également reporté la laisse de basse mer de la même largeur vers le
Nord. Kn revanche, que l'on enlève, comme à Gravelines, une petite
portion de jetée, et la laisse de basse mer se rapproche d'autant vers la
côte Rien de pareil à l'Est de Nieuport ; le prolongement des jetées
d'Ostende, entre 1837 et 1843, n'a donné lieu à aucun mouvement de
l'estran, et la ligne de basse mer se tient aujourd'hui à plus de 75 mètres
en arrière des musoirs s. C'est que là, la mer no recule pas : ello
attaque. L'estran est rétréci à 300 mètres, 200 mètres, parfois moins;
à l'Est de Kadzand il est des points où il n'existe plus, et où la mer basse
continue à battre le pied des digues. La côte se défend ; le pied des dunes
est protégé par des plantations de branchages ; des épis formés de gros
blocs assujettis entre des pieux projettent dans la mer leurs têtes verdies
par les plantes marines. Entre chacune do ces petites jetées, la mer
dépose des sables fins, plus abondants vers la partie Est de chaque com-
partiment (phot. 13). Il y en a devant Middelkerke, devant Ostende,ettout
au long de Wenduyne à Heyst : 50 pour moins de 20 kilomètres. Les
Hollandais en ont bardé la côte de Kadzand. Pourtant l'estran ne
« s'engraisse» pas; c'est tout juste si on maintient on bon état les plages de
l'Est, comme Heyst. Il a fallu de bonne heure construire des digues aux
endroits où les dunes étaient trop minces pour résister longtemps. Les
1 Plocq, Courants, pp. 143-144.
* De Mey, Ports en plage, p. 298
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212
LA COTE. - LES DUNES
ingénieurs du moyen-âge les avaient élevées en arrière des dunes, pour
donner à ces collines mouvantes un point d'appui solide qui leur permît de
s'accumuler, de se renforcer. C'est la fameuse digue du comte Jean, que
nous retrouvons ainsi par tronçons tout le long de la roi»' et dans l'intérieur,
entre Gravelines et le Sas-de-Gand 1 ; de Wenduyne à Knocke elle aligne
derrière la dune son faible rempart, souvent forcé, mais qui empêche
l'anéantissement de la barrière dos sables. Aujourd'hui c'est au bord de
l'estran que s'est installée la défense; on établit sur les dunes, face à la
mer, des digues magnifiques, à la fois remparts et promenades, véritable
boulevard de la Flandre belge vers la mer. Déjà il étend d'Ostende à
Westende, tout le long de l'ancien Streep, ses perrés de briques fortifiés
de beaux blocs calcaires de Soignies, et ses promenoirs de carreaux céra-
miques. L'œuvre est superbe, et l'on se propose de faire plus grand encore :
relier par une digue unique les promenoirs de Knocke, Hevst, Blanken-
berghe et Wenduyne, pousser la digue du Streep jusqu'à Nieuport-Hains
et Dunkerque et joindre les deux tronçons entre Wenduyne et Ostende.
Ce jour-là, la cote belge ne sera plus qu'une belle muraille de pierres et de
briques, qui défiera la mer de continuer ses progrès : il suffira d'entretenir
les épis submersibles et les berraes en fascinages qui défendent le pied de
la digue pour que la côte soit désormais fixée 2.
Causes des mouvements de la côte.
D'où vient ce double mouvement de la côte ? La théorie courante a été
longtemps et est peut-être encore que la côte subit une double oscillation
1 La situation de ces tronçons indique, en l'absence de chartes, que la digue n'a pas
été construite, comme on l'a vu, d'un seul coup, et tout au long de la côte. Celui des
Waterlanden (St-Kruis a Sas-de-Gand) est postérieur aux inondations de 1377 et
1 504 ; celui de Wenduyne-Knoeke est cite pour la première fois en 1288 (Carton,
Blankenberghe, pp. G.VG6). Le tronçon Oost-Bunkerke Nieuport n'a du être établi
qu'après 1280 (cf. p. 1(>S»). Aucune indication n'a été donnée jusqu'ici sur la date exacte de
la construction entre Dunkerque et Gravelines. 11 n'y en a jamais eu dans les parages où le
rivage était protégé par une forte ligne de dunes: La l'aune, Westende, Breedene. Il
est probable que ces digues, construites a des époques différentes, auront été restaurées
par ordre de Jean sans Peur, sous l'empire de la crainte causée par les inondations de
l'Est; et elles auront pris le nom de ce princt» aux dépens de celui qu'elles portaient
auparavant, « Zeedyek » par exemple à Blankenberghe. *
* Il n'y a pa.> à craindre que des accumulations de sable viennent se produire devant
la ligue, comme cela arriverait infailliblement sur la cote française; on a vu que la
cote belge n'avait aucune tendance à s'engraisser, et que la prolongation vers le large
des jetées d'Ostende n'avait produit aucun déplacement de la laisse des basses mers.
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LES C.USES DES MOUVEMENTS DE LA COTE
213
autour d'un axe qui passerait par Nieuport ; tout ce qui est à l'Ouest s'élève,
tandis que la partie orientale s'affaisse. Cette explication est très simple,
mais ne tient pas compte de deux anomalies: il y a tout a l'Ouest un frag-
ment de côte qui ne s'élève pas, et ou en trouve un autre à l'Est qui n'a pas
du tout l'apparence de s'affaisser. Sans s'étendre sur les retours offensifs
dont la mer est encore capable entre Dunkerque et Calais et qui ne
paraissent pas indiquer un soulèvement du sol en cet endroit, comment
concilier la théorie d'une oscillation positive avec la présence d'un point
aussi faible que la cote de Sangatte ? C'est peut-être, avec certains polders
de la Flandre zélaudaise. l'endroit le plus menacé de la côte llamande. Là
aussi le rivage paraît avoir reculé, puisqu'on croit que les puits creusés
dans la tourbe qui affleure sur la plage sont ceux d'une ancienne partie
du village de Sangatte qui existait encore au XIIIe siècle *. Ces progrès de
la mer étaient dangereux, car Sangatte commandait l'entrée du bas pays
d'Ardres et de Guines, cinq lieues de terres marécageuses au pied de
l'Artois, a peine situées au niveau moyen de la mer. Il fallait que la côte
fût fixé<« à cet endroit : do là la fameuse digue de Sangalle, qui apparaît à
la fin du XVr siècle, et dont l'entretien dispendieux rappelle celui de la
grande digue de Westkapelle, en Walcberen.
L'homme et la mer ont mis un égal acharnement à la résistance et a
l'attaque : la lutte dure encore. On travaille déjà à la digue en 1Ô89 ; on la
répare en 1501, 15D i ;i ; pourtant en 101 4 la mer fait brèche, court d'un
trait jusqu'à Guines; pendant 0 ans, tous les marais en restent impro-
ductifs l. On crut que la faute en était à cette maudite terre grasse, pas
assez résistante: à un bastion si important, qui protège « plus de 15 lieues
de pays de circonférence » B, ce n'est pas faire trop d'honneur que de
mettre bonnes pierres boulonnaises, bous grès compacts descendus par
1 Inondations de 1508 et 1520 dans les pays de Mcrgues, Hourbourg, Gravelines et
Langle (Aivh. Pas-de-Calais, C. 3<f», pièce ♦ vï) ; rupture de la digue de mer, en lt.512,
entre Mardick et Gra vélines (Archives de liergues, 1)1» 7\ï) ; ruptures de .ligues el
inondations m ÎTIV» et 1737, entre Dunkerque et Calais (Fourerov «le Ranieeoiin.
Observations sur les marées de la cote de Flandre, Mémoires de Math, et Phys.
présentés à l'Acad. des Sciences, t. VIII, Paris, 17N0. pp. 577-<>00 et Arch. Nat. H1 «'47,
pièce HT»); inondation de ISUS (Arch. Nat. F11 572) ; rupture de la digue de Fort-
Mardick en 1875, prés de la ferme Standart.
i Rigaux (H.), Remarques archéologiques h propos d'une communication sur Sangatte
(Ann. Soc. GéoL N\, VII, 187'.i-80, p. 121).
1 Arch. Pas-de-Calais, C. 142.
1 Homard, Annales de Calais, pp. 15- if».
5 Mémoire de l'intendant Chauvelin, Arch. Pas-de-Calais, C. 14M, pièce 1.
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214
LA COTK. - LES DUNES
Guînes ; après 1624, on la reconstruit en pierres de taille !. Apparemment
la pierre do taille ne suffisait pas, puisquo la mer y fait brèche en 1011,
en 1691 , en 1691. On s'ingénie à consolider; l'adjudication do 1691
comporte la fourniture de grosse charpenterie, ferrures, pierres de
Boulogne, glaise, fascinages, tunages et nattages V I„a mer repond par la
terrible marée du 31 décembre 1720: quatre brèches à la digue; déjà le
flot a renversé une partie de l'ouvrage à corne du Fort-Nieulay :
« encore une marée semblable, et le plat pays était mis sous l'eau
jusqu'à St-Omer » 3. Grande alarme dans le Calaisis ; la corvée est
commandée au tocsin dans les 21 paroisses ; tous les hommes valides
accourent en désordre, chacun avec un louchet ou une brouette ; on répare
les brèches avec une activité désordonnée *. Il faudra recommencer en
1727, en 1736, en 1749 3. On perd confiance aux pierres détaille ; n'est-ce
pas là un obstacle trop rigide, que la mer démolit à coups de bélier ?
Puisqu'il faut tout refaire après 1749, on se décide pour une digue en bois,
défense plus élastique. Il en coûte 09.(100 livres, et dès 1751 les ingénieurs
déclarent que la digue de charpente donne moins de sécurité que jamais ;
en 1760, on constate qu'elle ne tient plus ; le 2 janvier 1767, tout le bas
de Sangatte est submergé «. Force est de revenir aux vieux errements ;
et depuis c'est contre une digue en revêtement de pierres que la mer
brise ses fureurs. Il est rare qu'on soit dix ans tranquille; il faut
réparer des brèches en 1790, 1791 ; en 1795, la mer emporte 137 toises ;
en 1802 la digue est presque détruite ; les marées l'endommagent en
1808, 1812, 1813, et la bouleversent entièrement dans la grande inon-
dation de 1825, qui fit sentir ses effets jusque dans l'Escaut. Les ingénieurs
procèdent alors à une reconstruction totale : c'est la digue de Péué-
lope. Fendant 30 ans le pays fut tranquille : mais en 1860, la mer
déchaussa le pied sur 30 mètres de long; elle faillit euvahir le pays en
1862 ; la dune à l'Est de la digue fut réduite à 12 mètres do large ; il fallut
prolonger l'ouvrage dans celle direction ; on y travailla de 1865 à 1867.
Le coup de mer de 1882 nécessita de nouveaux efforts 7 et un dernier
t [Vétillart]. Conseil général du Pas-de-Calais. Digue de Sangatte. Renseignements
historiques. Rapport de l'Ingénieur en chef des Porta et Phares du Pas-de-Calais
(Arras, Scoutheer-Dubois, 188(5, br. 61 p.).
* Arch. Pas-de-Calais, C. 142, pièce 9.
a Ibid. pièce 21 ; C. 143, pièce 1.
4 Ibid.
8 Ibid., C. 142, pièces 96 et 108; Arch. Nat. H' 647, pièces 46 et 85.
« Ibid., C. 143, pièces 11, 104 ; C. 144, pièces 10, 16.
7 A partir do 17W, les détails sont empruntés au rapport Vétillart, pp. 28-Ô8.
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LES CAUSES DES MOUVEMENTS DE LA COTE
215
désastre faillit se produire le 7 janvier 1905 *. Il en coûte 2.0()0 francs
environ par an au Syndicat des Digues et Dunes du Pas-de-Calais, chargé
de l'entretien do la digue ; et il lui faut tous les 20 ans environ sollicitor
du département et de l'Etat un secours de 45 à 50.000 francs pour les
grosses réparations. Rien que les dégâts du 7 janvier 1905 auront
nécessité une dépense d'environ 60.000 francs *. Il faudra se résoudre
à continuer la lutte, et à accumuler sur ce coin de la côte, devant la mer
envahissante, dos obstacles sans cosse renouvelés.
L'histoire do la digue de Sangatto contredit l'hypothèse d'un exhaus-
sement do la côte française; il ost superflu de démontrer longuement que
l'histoire du Zwin indique que la côte belge ne s'affaisse pas. Si elle
s'enfonçait lentement sous les eaux, comment la mer se serait-elle retirée
du golfe qu'elle occupait encore en 1860 jusqu'à Sluis ? comment
achèverait-elle à l'heure qu'il est do faire disparaître la dernière anse
respectée par réalignement do 1873? Si la côte belge n'est pas nourrie,
ne s'engraisse pas à l'Est de Nieuport, il faut en chercher les raisons
ailleurs. C'est d'abord la proximité de l'embouchure de l'Escaut; la
profonde passe de Wieliugen, où l'on soude jusqu'à 2'i mètres en face de
Groede, se raccorde avec la côte par un talus sous marin qui est trop raido
pour former un estran un peu largo; il s'ensuit que les apports de sable
dans la belle saison y sont peu considérables, et qu'ils sont vite repris par
les tempêtes. D'autre part les bancs de Flandre cessent d'étendre à l'Est
d'Ostonde leur écran protecteur devant la côte; aussi les grosses vagues
qui viennent librement du large buter contre le rivage ont beau jeu pour
corroder en quelques instants les sables apportés pendant les temps
calmes sur l'estran. Par les grandes tempêtes du N.-W., les lames
viennent attaquer avec violence cette côte mal abritée ; c'est alors que
sont minées les digues, et. dévorées les dunes ; en novembre 1897 la
digue d'Albertus à l'Ouest d'Ostende a été entamée, celle de Middelkerke
très menacée !
Proximité des passes de l'Escaut, et jadis des passes du Zwin, absence
du rideau de bancs, sont les deux grandes causes de l'amaigrissement do
1 Journal Officiel du 17 février l'.Kf». Comptes rendus des séances de la Chambre des
députés, Session ordinaire de liior», pp. .T.9-360.
2 Renseignements de M. l'ingénieur dos Ponts-et-Chaussées à Calais, et du Président
du Syndicat des Digues et Dunes. Les comptes du XVIIIe siècle indiquent des dépenses
équivalentes; en moyenne l.(XK) livres par an, sans compter les grosses sommes
dépensées dans les grands travaux, 1720, (Arch. Pas-de-Calais, C. Li5). — A
consulter: Blanchard (K.), La digue do Sangatto, Mém. Soc. Dunk., li.(0T>.
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21 «
LA COTE. - LES DUNES
la côte belge. Ainsi s'explique quo les effets s'en fassent sentir de plus en
plus fortement vers l'Est, où la passe de Wiolingen se rapproche de la
côte à la toucher ; de là viennent le recul de Kadzand et la disparition de
Wulpen. Du côté français, rien de tel ; les cinq rangées de bancs
constituent un véritable brise-lames, qui rompt la violence des grosses
lames de tempête. Débouchant dans les parages calmes qu'abrite cette
précieuse muraille, les eaux intérieures chargées d'alluvions qui s'écoulent
à marée basse par les écluses de Nienport, Dunkerque et Gravelines sont
entraînées par le jusant dans la direction de l'Ouest, puis portées tout
doucement vers la plage par les premiers efforts du flot. Les matières
en suspension viennent ainsi se déposer sur l'estran, à l'Ouest des
ports français, surtout dans les parties abritées par les jetées1, sans
que les grosses lames du large, arrêtées par les bancs, puissent venir
corroder et entraîner au loin les matériaux. Finalement c'est donc
à la présence des bancs qu'il faut attribuer surtout les différences du
régime de la côte. L'exception de Sangatte vient confirmer la règle : les
bancs ne dépassent guère Calais à l'Ouest, laissant la côte deSangatte
exposée à toutes les violences des vents et des courants du détroit
Cette explication est plus rassurante. La Flandre belge ne sombre pas
dans la mer. Elle a perdu en 8 siècles, dans la partie la plus exposée,
quelques kilomètres (?) (Wulpen); mais on peut espérer que de ce côté-là,
la mer a fini ses conquêtes. Il est peu probable que la côte flamande continue
son mouvement de recul à l'Est, de progrès à l'Ouest. Au delà de
Nieuport, l'établissement des épis empêchera l'amaigrissement de la plage,
et la jonction des grandes digues de mer fixera définitivement le rivage.
Vers Dunkerque et Calais, en s'abstenant de nouveaux endiguements et en
n'allongeant plus les jetées, on verra la côte garder son état actuel ; déjà
la comparaison avec les cartes de 1801 montre que l'estran n'a varié que
sous l'influence des travaux d'art, el aux endroits où ils ont été exécutés.
Pour ne pas obstruer les rades, et ne pas éloigner oneore la mer de
l'entrée des ports, on paraît décidé de ce côté à ne plus faire de conquêtes
sur les flots. Ainsi la côte flamande semble avoir atteint aujourd'hui un
« De là vient qu'un allongement des jetées, constituant un nouvel abri, augmente
régulièrement la largeur des ostrans.
* Les bancs du Riden de Calais ne protègent pas la digue : on sonde devant
Sangatte il mètres, puis 23 mètres, à une distance de (i kilomètres de la côte. Le recul
continu de la falaise du Blanc-Nez augmente encore le péril, en laissant les courants
du détroit se rapprocher de plus en plus de la côte.
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LA LARGEUR DES DUNES
état d'équilibre ; elle restera à pou près semblable a elle-même si l'hommo
sait se défendre a l'Est, et cesse d attaquer à l'Ouest. La destinée du
rivage est entre les mains de ses habitants.
II.
LES DUNES : CARACTÈRES PHYSIQUES.
Derrière la cote s'étend le mur gris des dunes, do hauteur variable : 6 à
8 métrés vers Calais, moins encore jusqu'à Dunkerque ; atteignant
39 mètres entre Zuydcoote et Oosl-Dunkerke, 27 mètres à l'Est d'Ostende,
23 mètres à Knocke. On a vu combien l'existence de cette ligne de dunes
est ancienne ; leur présence au Xe siècle est attestée par des documents
écrits, et il est probable qu'il en a toujours existé sur ce rivage bas,
môme pendant que la mer avait envahi la plaine de la tourbe. Les
conditions n'étaient-elles pas les mêmes? une plage peu inclinée faisant
suite à un sol très bus, une mer fortement chargée de dépôts où la violence
des courants amenait plus d'alluvions encore qu'a présent, un régime do
vents dominants semblable au nôtre, et qui couchait les arbres de la
plaine tourbeuse dans le môme sens où les inclinent aujourd'hui les venLs
d'Ouest.
Largeur des dunes.
Ixîs dunes se forment de l'accumulation des grains de sable déposés sur
l'estran par la mer. Il existe donc forcément une relation entre la nature
de l'estran et celle des dunes. On a vu que l'estran de la côte flamande
présentait des différences considérables. Entre Calais et Gravelines, sa
largeur varie entre 1.000 et 1. SI K) mètres, et comprend trois tranches : une
zone inférieure, large de 350 à 500 mètres, couverte en tous temps par
la haute mer de morte eau ; une 2" zone qui atteint 800 et 1.0()0 mètres
aux abords des ports, sur laquelle ne s'étendent que les hautes mers de
vive eau ; une dernière de largeur très variable (quelques centaines de
mètres), mouillée seulement par les hautes mers extraordinaires, et sur
laquelle la végétation est déjà établie. Après Dunkerque, l'estran se
rétrécit à 500, puis à 350 mètres, et les hautes mers de vive eau ordinaires
s'approchent à une trentaine de mètres du pied dos dunes; déjà la plage
est sillonnée jusqu'à cette distance do petites dépressions parallèles à la
côte, et creusées par les courants, qui sont caractéristiques oies stations
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218
LA COTE - LES DI NES
balnéaires flamandes. Après Wenduvne, l'eslran se rétrécit à 230 mètres
en moyenne, sauf à l'ancienne embouchure duZwin ; la haulemer de vivo
eau vient battre le pied des dunes ; avec elle se rapprochent les dépressions
de la plage. Enfin l'estrau disparaît presque après Kadzand, au droit du
Zwarte Polder, aujourd'hui inondé; et la dune disparait avec lui. On
s'attendrait à voir la largeur des dunes en rapport avec celle de l'estran
et à trouver la plus forte épaisseur de monticules aux endroits où le vent
trouve à sa disposition de vastes champs d'un sable qui reste sec pendant
des périodes très étendues. Or la largeur des dunes flamandes ne varie
pas en fonction de l'étendue de l'eslran. Par trois fois leur ligne s'étend
et se rétrécit. Après la muraille haute et étroite, vrai rempart de 12 à
15 mètres qui protège Kadzand contre la mer, les dunes s'épanouissent à
Knocke; derrière le phare, elles couvrent 1.500 mètres jusqu'au village.
Puis elles s'amincissent a Heyst, se réduisent à une cinquantaine de mètres
avant Blankenberghe, à la largeur d'une forte digue jusqu'à Wenduyne.
I^i elles s'élargissent brusquement, et atteignent 900 mètres avant Ostende.
Rasées entre cette ville et Mariakerke, elles retrouvent 120 a 150 mètres
vers Middelkcrke, 1.000 mètres après Westende, enfin jusqu'il 2.300 mètres
avant la frontière française, vers Oost-Dunkerke. Elles diminuent ensuite
vers Dunkerquo jusqu'à 1 kilomètre, et se partagent à l'Ouest de cette
ville en plusieurs tronçons, nouveaux et anciens, dont la largeur totale
reste assez faible, et n'atteint jamais les 1.000 mètres.
(les bizarreries montrent que le rôle de l'eslran dans la formation des
dunes peut être contrarié par d'autres phénomènes. Si les dunes ne sont pas
plus larges tout le long de la plage démesurée Calais-Dunkerque, c'est que
les dépôts fins, assez argileux, que cette partie de l'estran doit à l'apport
des eaux intérieures, sont relativement compacts et moins facilement
entraînés par le vent que les sables purs. A Knocke, l'épanouissement de
la dune a une cause historique ; il y a là en réalité deux lignes do dunes,
très nettement séparées par la dépression appelée Zoute-Panne ; celle
du Sud, la plus ancienne, s'est formée le long de l'estuaire de l'ancien
Zwin, dans le prolongement du vieux polder du Hazegras ; c'est celle
dont parle le texte de 1408 qui indique les progrès des sables à Knocke
(lolle qui s'étend au Nord du Zoute est récente; elle ne s'est formée
qu'au XIXe siècle, après l'endiguement du Hazegras-Polder (1789); et
précisément cette seconde ligne, formée derrière une plage étroite, est
beaucoup moins largo que l'ancienne, établie aux dépens des vastes laissas
1 Cf. p.igc ZZt.
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for^i» rrlU''H-jin»:, ■'•l,t!»lir a»:\ ilrjuMi^'lrs ViiMd^ l.i'-
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i 3. — Protection de la cote par des épi» (Grocdc).
' - .,,1
14. — Mur eâtier des Dune» (Kadtand).
Canelure» produite» par le vent sur le flanc des Dunet.
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LES FORMES DES DI NES
210
do l'estuairo. Enfin pour los zones si étendues d'Ostendo-Wenduyno et dtî
Dunkerque-Nieuport, il existe une coïncidence qui pourrait bien indiquer
la solution : eos parties élargies des dunes se trouvent juste a l'endroit où
deux bancs, lo Traepegeer et le Stroom, viennent se joindre à la côte. Or
la présence d'un banc contigu à la plage amené a coup sûr une augmen-
tation de dépôts sableux sur l'estran ; car le flot arrache au banc et
transporto à la eôle de grandes quantités de sable que le jusant, contrarié
par la proximité du banc, et sans force au début de son mouvement, c'est-
à-dire lorsqu'il porte vers la pleine mer, est impuissant à ramener en
totalité. Avec l'excès de ces dépôts sableux, le vent a poussé vers la
terre les masses de sable qui forment aujourd'hui les épaisses bandes de
dunes de Nieuport et de Iîreedene '. (l'est la une nouvelle preuve de
l'importance des bancs pour tout ce qui concerne la côte flamande. Déjà
c'est en s'appuyant sur d'anciens bancs que semble s'être formé le rivage
actuel, et c'est la présence des bancs qui en détermine le progrès ou le
recul. On verra que le rôle qu'ils jouent dans la formation des dunes n'est
rien encore à côté de l'influence qu'ils exercent sur rétablissement et la
prospérité des ports.
-
Formes des dunes.
Même daus les parties larges, ces dunes flamandes présentent rarement
la forme classique, faible penle du côté d'où vient le vent dominant, flanc
raide du côté opposé. Elles commencent toujours du côté de l'estran par
un vrai mur côtier, continu sauf d'étroites brèches, qu'on retrouve
jusqu'en Hollande (le strandreep) ; la pente vers la mer est parfois de
•15 degrés, vers l'intérieur d'une trentaine. Derrière cette bordure peu
épaisse (50 à 100 mètres) s'étendent, dans un désordre extraordinaire,
monticules et dépressions, jusqu'à une nouvelle ligne à peu près régu-
lière qui limite la rangée vers la plaine maritime, et où le flanc raide,
cette fois, se trouve être celui du Sud. C'est donc, entre ces deux
murailles extérieures, une étendue d'un à deux kilomètres de sables. I
sont mélangées toutes les formes, toutes les orientations. On finit pourtant
par s'apercevoir que ces dunes intérieures semblent s'aligner grossiè-
rement en chaînes obliques au rivage, orientées du S.-W. au N.-E. ; ces
chaînes, tronçonnées, rompues par des cols, sont loin d'ailleurs d'être en
• Cette théorie est également celle «le M. C.-J. Van Mierlo, dans le texte annexe à
sa Carte lithologique de la partie méridionale de la Mer du Nord (Bull. Soc. belge
Géol. XIII, IW.h Mém. pp. 210-21)5).
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220 LA COTE. - LES Dl'NES
ligne droite, et présentent des convexités tantôt vers l'Ouest, le plus
souvent vers l'Est ». D'un côte" elles vont se rattacher au mur côtier, do
l'autre elles viennent former la bordure intérieure; et l'on peut voir
ainsi, entre Bray-Dunes et Adinkerke, deux alignements qui sont arrivés
en contact avec la plaine,
et s'y sont tixés. Celte
direction est à peu près
conforme a ce que nous
pouvons attendre de l'ac-
tion des vontsdominanLs.
A Dunkerque comme sur
toute la côte, c'est du
Sud - Ouest , puis de
l'Ouest que le vent souffle
,. ... , . le plus souvent ; le Nord-
r if». u. — Allure théorique des chitines de dunes. ^
Ouest ne vient qu en
troisième ou quatrième ligue, après le Nord-Kst. Mais les vents du Nord-
Ouest sont parmi les plus violents et les plus mauvais; leur vitesse horaire
moyenne, calculée pour les 8 années 1878-1885, est de 25 km. tîi, contre
20 km. il pour les vents Sud-Ouest ; seuls les vents d'Ouest ont une
vitesse supérieure J. C'est l'action de ces deux vents combinés qui oriente,
face à l'E.-S.-E., les rangées irrégulièros de dunes.
Non moins irrégulières sont les formes de ces dunes. Tantôt ce sont bien,
en effet, de longs alignements, de vraies crêtes, parfois surmontées de
monticules bizarres, en dents de scie, qui sont de petits amas de sable
fixés par la végétation. Ailleurs, les chaînons sont tronçonnés par des
cols profonds, orientés W.-K. ou N.-W. — S.-E. D'autres dunes sont
isolées, parfois bizarrement plantées au milieu d'une dépression. \a\
plupart des dunes isolées sont, chose étrange, en pente douce vers l'Est,
et présentent vers l'Ouest un flanc raide, dénudé, que le vent creuse en
son milieu jusqu'à lui donner une forme concave. Toutes ces bizarreries
indiquent bien qu'il intervient dans la formation des dunes flamandes
d'autres éléments que l'action des vents dominants Ouest et Nord-Ouest.
\â\ principale cause d'irrégularités est sans doute l'extrême variabilité des
vents. Ceux du Nord-Est soufflent même plus souvent que ceux du Nord-
• Même observation dans le travail de MM. Kelépino et Labeau, Le littoral français
do la nier du Nord (Feuille des Jeunes naturalistes, IV* série, 34e année, 1004, pp.
161-100 et 18SM07).
* Chi lires empruntés à Eyriaud des Yergnes, Ports en plage de sable, pp. 288-281».
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li' ]»IlJ> S' sivojij ; !<•
Oui si llv \ ii'fl ni-
• •• ... *i-'ôs î- \«u.|-i'. -t. Vl;ti> !<•> V'jif- >!i. N>».«
« ' ' ; !*j** marnais : leur v ji^«»h< r-:-
• • i •• . •» i , .' s !^T^ |SS»i, <|i»-vr> k'ii. t»l . •*'•. • •
• ■ . ••• ! >n 's , >i'ij|s* V' iWs •'*! « uf i* i
• • i I h. "» ■»• . ■ . > « *'• *» ! i!iiim:n.
N -jiuioi. ;'«•: • ••' • :»•'•*.»"* <it« l'i'-il'is ♦ s. ThiiUM r*** *«1 -*n.
i! »»fi'-i, ''i !"">iv :i. , ■ \i i'?*lojt, |>a: i"i< MiriU'"il •«•> '■
i nHiN'Mii » |.:/a'»- ■ . . u »î' i i i • , i.ui s- :it il:' j«"t:ls m»,'!*- * •
»i\«',,> !■ ■ Sa vi'. i.-.*.. \!i"i . < i|ia:iHrus son! lr iîhiiiiîjô» tu r • ■ »
r->ïs ,it .|uii<K >:,*rU:s \\ -i- «»M \\-\\\ — S.-K. haiili»"» «Itun s s< »
;*.< !< -, ; l*'Zii"n»»i»»*: • ;• s an mil Vu d*Mlhs •ir,j'ti ->:< !i, f.a
• '.!:-."S isoii'-'s «•■••.*, i i'' '"'TulîUi'. 'Il J»«'UI<m1i lUff» \rf> l'I !,
\<i.. • . i ••( >no<t uïi " uti ra; !<•, i)# sm.lt's ipJO h1 \> 'i! rn 1 1 — 1% »■■,
•• ' • . . N.jtî'à llli ' M •••'Il',a\ <*. 'IwU!'"* <"«"N 1»' '«T.- i-!V>
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Î0iMi>S"4>(l irn'^ i! i<i!i'-.; «•■>! >as:? d.iulw IV^ti^linMariubtUt'i'
N»n!-Ksl s.millriil juiune j>his somvoi»! t[Ht* o'ux 'lu .s<>'*-i-
■ V ..II.- •!> > .Lu':.-», tu»' a* il"-'--.-». [V* n'Wi». m* nnm'*«, t!<»ï, i ;.
• .« KyrMU-l *!•►» \ «'rj;,:'.*^. l'nr,> ei pLigo *at.«li», |ip. If*»-»**.*
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MOrVRMKNTS HT FIXATION DES DUNES
221
Ouest, et leur vitesse horaire moyenne est presque aussi considérable.
On n'a pas là un régime uniforme comme celui qui édifie les dunes régu-
lières de Gascogne. L'humidité extrême du climat doit également inter-
venir ; elle rend le sable plus cohérent et permet aux vents d'y découper
ces formes bizarres, en contradiction avec les conditions générales de
formation des dunes. Les vents sculptent la dune, et les érosions qu'ils y
pratiquent, particulièrement du côté exposé à l'Ouest, contrebalancent
les effets de l'accumulation, suppriment les pentes douces qu'on devrait
trouver île ce côté. Rien n'est plus commun que de voir les flancs des
dunes tout striés de cannelures qu'on prendrait aisément pour des plans de
stratification, et qui témoignent de l'action érosivedu vent phot. 14). Enfin
la végétation contribue à différencier les formes, en maintenant en saillie
les parties qu'elle a fixées : de là les dents de scie dont se hérissent les
dunes chauves.
Cette variété de formes n'empêche pas le paysage des dunes d'être
uniformément triste et désolé. Ce chaos de pentes douces et de flancs
raides, cet enchevêtrement de crêtes pelées et de cratères à demi effondrés
sont mélancoliques sous le ciel gris. On songe à un paysage lunaire. Les
dépressions sont à peine plus attrayantes. La végétation épineuse qui s'y
développe au printemps donne à leur sol une teinte noire ; on croirait un
champ d'herbes brûlées. Parfois on trouve dans les parties profondes des
plus grandes Pannes, (c'est le nom que l'on donne à ces dépressions),
quelques saules, l'argousier, le sureau, l ue petite mare d'eau douce
occupe souvent le fond ; un tapis de mousse s'établit sur les premières
pentes qui entourent la panne. Cette végétation pauvre repose un peu des
tristesses du paysage ; mais la vue ost bornée : bientôt la panne s'eflace
derrière une colline qui l'envahit, et va serpenter plus loin à travers les
rangées incertaines et menaçantes de dunes grises.
Mouvements et fixation des dunes.
Les dunes flamandes se déplacent en effet ; leurs mouvements, moins
réguliers et moins vastes que ceux des dunes gasconnes et hollandaises,
n'en sont pas moins constatés. La faible largeur de ces dunes, la variabi-
lité du vont, l'orientation de la côte, qui fait que les vents dominants ne
prennent les dunes qu'en biais, ompêchent la marche des sables d'être
continue et vraiment menaçante. Cependant les exemples de déplace-
ment de dunes abondent. En 1159, les « sables vidants » ont recouvert un
territoire voisin de Oavelines, donné au début du siècle par le comte
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222
LA COTK. - LES Dt'NKS
Robert à l'abbaye de St-Bertin *. L'abbaye des Dunes, qui est allée s'éta-
blir au milieu de ces collines changeantes, est sans cesse en lutte avec le
« sablon » qui menace de l'ensevelir s. Le Transport de 1408 fait rayer de
la liste des terres imposables 80 mesures à l'Ouest de Wenduyne, recou-
vertes par le sable ; 1.500 mesures à Tolmzant, avec de beaux hameaux
qui sont disparus, sur les territoires de Vlisseghem et Clemskerke ; enfin
000 mesures à l'Est d'Ostende. Blankonberghe sollicite une réduction
parce qu'elle est réduite a rien par le sable des dunes ; enfin du Furnam-
bacht on signale plusieurs terres perdues En 1415, le métier de
Breedene a tant souffert « par le vol des sables » que plusieurs habitants
ont quitté le pays l. En 1623 on répare les dunes d'Ostende qui submer-
geaient rapidement les terres fortes situées derrière 5. La destruction par
les sables du village de Zuydcoote, la nuit du 31 décembre 1777, est restée
célèbre dans la contrée ; en réalité il n'y eut probablement de recouvertes
que l'église et quelques maisons : Zuydcoote qui avait 160 habitants en
1716, en comptait 185 en 1804, après la catastrophe. Le récit de la
tempête, écrit au milieu du XIXe siècle en s'iuspirant des souvenirs de
vieillards, témoins oculaires, montre bien ce que fut. ce coup de vent du
Nord-Ouest qui fit descendre les dunes sur quelques chaumières 6. Les
progrès des dunes ont continué au XIXe siècle autour do Dunkerque, « cou-
vrant des terres déjà fertilisées, encombrant des habitations, des hameaux
entiers»7. Plus récemment la grande tempête des 10-11 septembre 1903,
qui a déraciné tant d'arbres en Flandre, a comblé des pannes, enterrant
argousierset saules; et on a pu observer une panne mesurant 80 à 100 mètres
i Haigneré, St-Hertin, I, p. 103, n» 230.
î Charte do la comtesse Marguerite, 1250, dans Van de Putte, Dunes, p. 202.
:' Priem, Précis analytique, 2e série, VI, pp. 157-172.
* Comptes du Franc, 141.r>-10, dans Delepicrro, Précis analytique, 2" série, I. p. 193.
5 Gilliodts, Coutumes du Franc do Hruges, III, pp. 230 sqq.
« De Bertrand (R.), Notice historique sur Zuydcoote. (Mém. Soc. Dunk., 18TV3-54,
pp. 21.V3-52). En ouvrant, pendant l'année 1004, une chaussée à travers les dunes, de
Zuydcoote ;i la mer, on a mis au jour des fondaiions'd'iine maison en briques blanches,
et retrouvé deux couches végétales superposées, noirâtres, cohérentes, parfois
plastiques, toutes deux criblées «le débris de briques, poteries, charbons de bois. Les
poteries de la couche inférieure ont été attribuées par M. Kigaux au XVe siècle. Donc
cet emplacement, occupé pur l'homme avant le XVe siècle, aurait été recouvert de
quelques mètres de sables, à la surface desquels se seraient établies de nouvelles
cultures ; et ce nouveau sol serait celui que vint recouvrir la tempête de 1777. Zuydcoote
aurait donc été submergé par les sables à deux reprises.
t Arch. Nord, C. Fl. Mar., 38"* (pièces de 182-5).
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MOrYKMKNTS KT FIXATION DES DUNES
223
do large on 190f), réduit© on 1904 à 40-50 mètres, parfois à 20 mètres '. Il
n'est pas rare, on parcourant les grandes dunes, de voir des arbrisseaux
d'une panne émerger de la couche de sable pur qui vient de s'amonceler
dans la dépression. Sur la voie ferrée do Fumes à Dunkerque, les maison-
nettes de garde-barrière sout à demi entourées, et s'abritent derrière des
palissades que l'on est obligé de surélever sans cesse. Evidemment ce
n'est qu'A force de soins et d'attention laborieuse que les dunes sont
retenues au Nord de la ligne de cultures et d'habitations qui les borde le
long de la plaine maritime.
De bonne heure on a sougé a utiliser la végétation spéciale des
dunes pour lixer ce sol mouvant *. Outre les quelques arbres et arbris-
seaux qui croissent dans les pannes, les dunes possèdent des plantes carac-
téristiques, des graminées pourvues de longues racines rampantes qui
consolident le sable, comme l'oyat, la plus utile et la plus répandue. Avec
ses tiges vert sombre, tout en pointe et en piquant, l'oyat n'est agréable
ni à voir ni à toucher; mais il retient si bien les sables les plus arides que
non seulement on le tolère, mais qu'on le propage par des plantations en
alignement. L'usage en est ancien, et les moines des Dunes savaient déjà
se défendre contre la montée du sablon en utilisant ces rudes végétaux 3 ;
des règlements défendaient, dans les paroisses de dunes, Adinkerke,
Coxyde, Oost-Dunkcrke, d'arracher les oyats et épines, sous peine
d'amende*. Les ordonnances du Franc de Bruges aux XVIIe et XVIIIe
siècles insistent à maintes reprises sur la nécessité de consolider la dune
en y plantant ou replantant de l'oyat 5. En même temps on s'attaque à
l'agent le plus actif de la destruction de la dune, le lapin, qui pullule dans
ces sables, et qui en creusant des terriers, en détruisant la végétation,
rend au sable une mobilité qui donne prise au vent. Leurs dégâts sont si
grands qu'à plusieurs reprises les comtes, à qui appartenaient les duues
et qui s'y réservaient jalousement le droit de chasse, permirent temporai-
rement aux riverains de détruire ces malfaisants animaux. Il est vrai que
' Delépine et Labeau, l.e littoral français, p. W0.
* Sur la flore des dunes de Flandre : Masclef. Etude sur la géographie botanique du
Nord de la France (Journal de Botanique, II, LSS*, pp. 231-2.37) ; — Dumortior, Bouquet
du littoral belge (Bull. Soc. roy. de Botanique de Belgique, l>S07t); — Labeau (A.), Note
sur la flore maritime du littoral français de la mer du Nord (Feuille des Jeunes Natu-
ralistes, IV' série, 3> année, l!KiTi. pp. 141-150).
:1 Van de Butte, Dunes, p. 202.
* Gilliodts, Coutumes de Fûmes, II, p. 273.
5 Gilliodts, Coutumes du Franc do Bruges, III, pp. 230-241.
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LA COTE. - LES DUNES
les dommages étaient grands, et le danger parfois sérieux : les conins,
comme on les appelle, détruisent les dunes de Blankenbergho à Heyst à
tel point que la mer pénètre au travers (14(K3) 1 ; en 1034 ils ont fait tant
de dégâts aux dunes do la Waleringue d'Kyensluis qu'ils ont ruiné jusqu'à
sou écluse 2. L'abbaye des Dunes est menacée de ruine par les conins qui
creusent par dessous ses murs et sont prés de la faire choir (1411) 3. En
1877 l'oau de mer a pénétre pendant une dizaine d'heures dans un polder
à L/unbarlzyde par un trou que res animaux avaient creusé dans la digue
de l'Yser. Il suffit aujourd'hui encore de voir l'état de certaines dunes
réservées aux chasses, et où les lapins sont chez eux, pour comprendre
les dégâts dont est capable cetle engeance ; le sol est troué de terriers
comme une écumoire, ot on risque de le voir céder sous les pas.
Enfin l'on a songé au XIXe siècle â fixer et protéger les dunes par le
boisement. Les difficultés étaient grandes, à cause du vent qui racornit
les arbres, du lapin qui dévore les jeunes pousses. Les essais n'ont pas
donné grands résultats. Le pin sylvestre, qui a réussi au Hazegras, n'a
rien donné â Blankenberghe. Les peupliers du Canada qui ont grandi
avec succès à la Panne, sont restés médiocres â Nieuport-Bains. (Test
encore le saule qui réussit le mieux. En vérité, jusqu'ici, rien n'a pu
remplacer l'oyat. Des plantations d'arbres auraient l'avantage de constituer
quelques revenus â une bande de territoire qui n'en a pas trop ; reste â
savoir si les conditions météorologiques no s'opposeront pas toujours à
ce que le boisement s'étende, au delà des dépressions, sur les pentes et
le sommet des dunes *.
' Delepierre, Précis analytique, 2* série, 1, p. 02. Cf. également pp. 1(5, 23, 30, 38,
Wi, etc.
î Gilliodts, Coutumes du Franc de Bruges, III, pp. 230-241.
3 Van de Butte, I Mines, p. 247. — Les dommages causés par les lapins et les récla-
mations auxquelles ils donnent lieu sont exposés dans la charte imposée en 1477 à
Mario de Bourgogne (Cilliodts, Coutumes du Franc, 11. p. 22), et la « Requête des
Dunkerquois à la dame de Vendôme », éditée par Derode (Mém. Soc. Dunk., ISûrfisVT.
pp. 230-24'.).
* Sur le boisement des Dunes, consulter : Bulletin de l'Association maritime et
agricole d'Ostende, n0' de décembre IKST> et novembre 1887 ; — Van derSwaelmen (L.),
Le boisement du littoral maritime belge ( Bruxelles, Muquardt, 1*88, 87 p., lpl.): —
Baraban CL.), Les Dunes de Belgique (Revue des Eaux et Forêts, t. 21», 181(0, 2* série,
4* vol., pp. 14r>-r>7; ; — Berger (L.), La llore forestière maritime de la Belgique (Bull.
Soc. centrale forestière de Belgique, III, 18110, pp. 803-883).
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LA VIE DANS LES DUNES
22T,
m.
LA VIE DANS LES DUNES.
Cette inhospitalière bande de sables, battue par des vents froids et
violents, hérissée de plantes rares et rudes, abrite pourtant une population
particulièrement dense. Sans parler des ports qui étendent leur banlieue
sur les dunes voisines, on peut dire qu'il existe, de Calais à Kadzand, une
ligne ininterrompue de maisons le long du bord intérieur des dunes.
D'autres se sont glissées dans les pannes. Enfin les stations balnéaires
s'installent tout le long du mur cô lier. Ces sables infertiles et mouvants
ont-ils donc des qualités qui attiront et retiennent les hommes ? Pourquoi
aller s'établir sur les dunes, quand la riche plaine des polders étend eu
arrière ses terres fertiles ?
La raison de ce choix, c'est que la petite zone des dunes possède
précisément les qualités qui manquent aux Polders. Ce sol infertile a
l'avantage d'être élevé, do dominer de quelques mètres les riches terres
fortes ; cela lui valut jadis d'être indemne des inondations marines, cela
le met aujourd'hui à l'abri des débordements d'eau douce. On a vu qu'il
fut le premier dans la plaine maritime à recevoir de nouveaux habitants ;
ce sont là ces « Barbari circa maris littora degentes » dont parle le
biographe de St Eloi, marins et pêcheurs, qui se glissent le long des
dunes et s'établissent sur les sables que l'invasion marine a respectés.
Plus tard, quand la plaine fut émergée, et que des villages commencèrent
à s'y disséminer autour de leur « Kerke », la zone des dunes resta un
des rares points des Polders où l'on pouvait circuler en toute saison. Cela
peut sembler paradoxal, et pourtant il est parfaitement exact que cette
bande do sables à peine fixés a toujours servi de passage. Les dunes sont
un lieu de routes. Routes peu agréables, avec de profondes ornières de
sable, mais qui valaient par la comparaison avec la plaine, où les rivières,
les canaux, « vliet », « graecht », « watergand », sans compter l'argile
tenaco où les attelages restent enlisés, empêchaient la circulation. Les
vieilles routes de Calais à Gra vélines, de Gravolines à Dunkerque, de
Nieuport à Ostende, suivent fidèlement le bord des dunes. Quand une
armée s'aventurait dans la plaine maritime, ce n'est pas dans les vastes
champs découverts qu'elle livrait bataille; c'est sur les sables qu'elle
rencontrait l'adversaire. Les rares combats qu'on ait livrés dans la
plaine ont eu pour théâtre les sables : bataille des Dunes de Dunkerque,
15
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22fi
LA COTE. - LES DUNES
bataille des Dunes de Nieuport. ("est par les dunes que le duc de Guise
mot la main sur Calais ; par les dunes que Condé, Turenne, prennent
Dunkerque, que le due d'York s'en approche en 1793, que l'archiduc
Albert se cramj>onne a l'attaque d'Ostende. A côté de l'argile, plastique,
coupée de canaux, le sable est le chemin naturel, la route des armées et
des échanges
Les Dunes, qui possédaient les routes les moins impraticables de la
plaine, avaient encore l'avantage de receler les eaux les moins mauvaises
pour l'alimentation. Il existe dans les dunes une nappe aquifère continue,
bombée dans la partie centrale, parce qu'elle se déverse par tiltration
vers la plage et vers l'intérieur; de là les sources comme celle de la Sama-
ritaine, à l'Ouest de Dunkerque. Elle arrive parfois au niveau des pannes,
et produit alors les petites mares d'eau douce qui en garnissent le fond.
Le niveau varie suivant les saisons, mais d'une quantité assez faible,
(T,50 environ ; l'évaporation des eaux pluviales étant plus considérable
l'été, la nappe, moins alimentée, s'abaisse légèrement. Mais elle ne subit
pas l'action de la marée, même tout au bord de la mer. La présence de ce
précieux réservoir d'eau douce dans une région où les eaux sont presque
toujours saumatres est une des grandes raisons du peuplement de la zone
des Dunes. Le modeste puits profond de l'",50 à 2 mètres, que le maraîcher
des dunes a creusé à la bêche, et où l'eau potable ne manque jamais,
triomphe de la répulsion qu'on éprouverait pour un sol ingrat et mobile.
Ainsi la plaine maritime n'est que paradoxes : c'est au bord de la mer
qu'on y trouve les parties les moins basses, les plus sèches, ot les mieux
pourvues d'eau potable !.
« Cela est si vrai que les vieilles lignes .le dunes intérieures servaient également
de chemins, lin procès-verbal <!■• visite aux dunes de Ghyvelde, en 170.5, constate que
« cette partie étant exposé».' au passage pour aller à Fumes, était remplie de voies et
de carrières de chemins » (Arcli. Nat., Q1 KiM).
1 L'existence de la nappe aquifère îles dunes, indiquée déjà par Daubrée, (Les eaux
souterraine;* à l'époque actuelle, Paris, 1S«S7, m-S', 1, pp. .~>3-.">), a été étudiée récem-
ment par MM. Van Mierlo (Distribution d'eau potable à Ostende, Hull. Soc. belge
(ïéol., 11, Méui. pp. 2i! I, 2 pl.): — Van Ertborn (La question des eaux alimen-
taires dans les régions dunale et poldérienne du littoral belge, Hull. Suc. belge Géol.,
XVII, i\m, Mém. pp.^fT-Mi:»: - d'Andrimont [Notes sur l'hydrologie .lu littoral belge,
Ann. Soc. Géol. Helg., XXIX, 1!H)2. Mém. pp. 1*M i l ; Contribution à l'étude de
l'hvdrologie du littoral belge, ibid. XXX, 11X13, Mém. pp. 1 —43 ; Note complémen-
taire à l'étude hydrologique du littoral belge, ibid. XXXI, iî*U4, Mém. pp. 167-183 ;
L'allure des nappes aquil'éivs contenues dans les terrains perméables en petit, baignés
par la mer, Bull. Soc. belge Céol., XIX. IWfi, Pr.-V. pp. .17-58). M. d'Andrimont
estime que la nappe des dunes est la partie supérieure d'une grande nappe aquifère
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I/ACRICriTURE DES DUNES
227
La zone des dunes a d'autres avantages encore. Sa pauvreté même la
favorise : la terre y coule bien moins cher que dans les Polders ; c'est une
raison pour aller y bâtir, et y louer bon marché un petit champ. La foule
des pauvres, des journaliers, au service des gros fermiers du Sud, vient
donc habiter les dunes. On s'y établissait parfois sans payer le terrain.
Les Dunes appartenaient au comte, à l'Etat. Mais l'Etat, ce n'est personne,
surtout aux époques troublées; et on profitait des défaillances du pouvoir
pour s'établir sur la digue du Comte Jean ou sur les sables. Pas de loyer
à payer, et des potits prolits accessoires : quelque bois de chauffage
ramassé dans les pannes, la nourriture de la vache assurée dans les
« communes », pannes ou salines ; à l'occasion, le braconnage de quelques
lapins. L'autorité reparue respectait cette prise do possession Ainsi se
sont établies les lignes si denses do maisonnettes qui suivent les digues et
les dunes entre Dunkerque et Calais, « huttes » de journaliers et de
pêcheurs.
L'Agriculture des dunes.
C'est là, pour la zone des dunes, un ensemble de conditions physiques
et économiques très avantageuses. Pourtant, si ce petit lerritoiro possède
assez do qualités pour attirer l'homme, a - 1 - il assez de ressources
pour lui permettre d'y vivre ? Le sol est vraiment peu favorable à l'agri-
culture. Son analyse physique indique d'énormes proportions de sable lin,
un peu do calcaire, mais peu ou pas d'argile ; dans la pineraie de Knoeke,
050,7 pour i.000 do sable lin, 18 de sable poussiéreux, 10,7 de sable
grossier, 0,5 do matières organiques, 1,9 do débris organiques, 0,3 de
débris minéraux, le reste, 12,3, considéré comme calcaire. Pour l'argile,
l'analyse indique : traces. A Wenduyne, la terre arable comporte 950,4
de sable lin, pas d'argile. A Westende, 9113,7 de sable fin, 35,5 de sablo
poussiéreux, 3,5 d'argile *. Uîs défauts d'un pareil sol sautent aux yeux.
superposée à l'argile yprésienne, et que lVau de mer. plus dense, refoule vers le haut.
Voir à ce sujet: Dubois (E.), Etudes sur les eaux souterraines des Pays-Has. |>au
douce du sous-sol des dunes et des polders (Arch. Musée Teyler, série II, volume
IX, 1' partie): — l'eiitiink (I. M. K.), De «Prise d'eau» der Am-te rdamsrhe duin-
waterleiding (Communication faite à la séance du 10 nov. 1!N« de l'Institut royal des
Ingénieurs, La Haye).
1 Nombreux documents d'arebives sur cette prise de possession des dunes par les
populations pauvres : Arch. Nat. L) ' 827 (Mémoire de la Ch. de Commerce de Dunkerque,
1770); Arch. Nord, C. El. Mar., U ; Arch. Pas-de-Calais, C. 10ti, 137, 1118.
* Monographie agricole Dunes, pp. 12-13.
LA COTE. - LES DUNES
Aucune cohésion : faute de protection, les semences peuvent être mises à
nu ou enterrées sous une couche épaisse de sable meuble. Perméabilité
complète ; aussi les sécheresses de l'été peuvent-elles être très nuisibles
sur ce sol qui s'échauffe facilement. Les matières organiques s'y décom-
posent très rapidement ; il y faut des quantités d'engrais considérables.
L'analyse chimique n'est pas moins défavorable : manque d'azote, d'acide
phosphorique, de potasse ; seule la chaux se présente en quantités rela-
tivement élevées *, grâce aux débris de coquillages calcaires mélangés au
sable. Parfois ces débris de coquilles agglutinés avec les grains de
sable forment une sorte de tuf calcaire, couche imperméable peu
profonde au-dessous des pannes, et qui nuit aux planlations d'arbres. C'est
là un bien pauvre sol. Même entre les mains du cultivateur flamand, il ne
peut porter que des récoltes insuffisantes. L'orge, le blé, n'y poussent pas.
Le seigle, la seule céréale dont la culture soit possible, donne de faibles
rendements: 800 à 1.000 kgs de grain à l'hectare, et 12 à 1.500 kgs de
paille *, contre environ 2.500 à 3.000 et 6.500 à 7.000 kgs dans la Flandre
intérieure. Un paysan qui voudrait vivre dans les dunes en pratiquant la
culture ordinaire ne le pourrait pas.
Il faut donc que l'homme des dunes, pour assurer sa subsistance et celle
des siens, ajoute à la culture de ses sables une ressource extraordinaire.
Ou plutôt, on peut dire que pour les habitants de cette zone, l'exploitation
du sol des dunes n'est qu'un appoint. Avant tout, ils sont journaliers pour
les fermes des polders, maraîchers pour les villes voisines, ou pêcheurs.
Tous pratiquent d'ailleurs la même culture patiente et opiniâtre. Il faut
d'abord protéger le champ contre ses grands ennemis, le vent et le lapin.
Dans ce but, 1' « akker » est souvent creusé d'un mètre dans le sable, ce
qui a l'avantage de fournir aux plantes un sol moins meuble ; avec ce qu'on
a enlevé, ou édifie autour du champ une véritable diguette de sable
(barm), que l'on plante d'oyats, d'argousiers, ou de branches sèches fichées
en terre. Ce sont devrais champs enterrés. Ailleurs on établit, autour des
carrés, des haies taillis épaisses d'aulnes, de saules, de peupliers du
Canada : parfois des claies de paille renforcées de branches d'arbrisseaux.
Ces précautions prises, on peut essayer do cultiver ce sol jaunâtre et peu
engageant. Le labour se fait à la bêche, le vieil outil de prédilection du
• Monographie agricole Dunes, pp. 14-17. — A ce sujet, voir: Retgers (J.-W.), Sur
la composition minéralogique et chimique du sable des dunes néerlandaises (Recueil
des Travaux chimiques des Pays- Mas, XI, 18i)2, pp. Ni!»-2f>7). S'attache surtout à la
composition minéralogique des grains de quartz, dont il attribue l'origine à des granités
ou à des schistes cristallins.
* Monographie agricole Dunes, pp. 3U40.
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fume .le |»r •i'Hi:<»n, les sempti-vs peuvent Être nV .'.
». s 11. i«» r-mche »,,|i.iissf de salùY mm nie. IV ru Ai»'!:
• m'i Iht-.'M's d«* Vi'lft j.tMneîit-i:']''» être tivs ûUU:M
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• • moins (li'iuvimO»!^: maiejue d'azote, d'a^ii
i ,» i.'>s»>; seulu la cliaux >«• juvseiite eu rçuantit"" i*
', u -y e au\ ili'hrLs «le ooii'jiUaues calcaires luè la i.
.•n il/'lujs (in r «juiileS Hg^liilhies ;n«;r 1rs £.*:«»,>
. .... « «miiU1 d" lui" calcine, eo'icho îiii(ii*rt]iival*i>* i-
• ». u- * i niin^s, t*{ nuil uox plantations ii*aî'l»ii1>. < '•
■ « . » ^> i. Mi'iin1 ulPf )« s mains «lu c.uliivniVn:' llamatj I. '
■ .•••< ..jii.. in>'i,iis.iitl<»s. l/oiyt», le l'iy, ii'v ]h»u>sOuI ,
•«' "•.>!•• .î'.:<l la culture soit po>sii.i<\ (tonne il© fî»i
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i . ->à ;'.ikm et i».r»JH> A 7.iii*i kgsdair* la F'm
• • ,» * u..i voudrait vi\T»« dans les dunes en prati'|t:««
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(liarm), 'je.*' Ton j.laut». d". v.tl-, •i';«iu u'sier>, nu de l»rauo!ies «Vins I» !:
teire. <> xail de\r.u> i lia.'iji^ Miterres. AHI^urs on ëtalilit, aai-.ui •
de* U in*s Uiil!i> ••p.i»-»^ d'arln*^ «le sauè'S, de |ie»"J'iiiTS
• ■ lu i narl -is dos elsiieS 'lo h.di««' H'isfiiroé^s do hram'iies d arî'ri^:-:^'
«•eau dons prises, nu pi'ui iUwiyer drt eollivor ce Solj;mnah e et j«
.■ - « fit- I/- liiln.urse !:'il à la l«**e'nî, lu vi.il «nitil île p*v*li|ef:tion
• ' • .• • ■n I» jip. 1-1-17. A «v -'ij,-t, v<»tr: lt. .
' 'i m i «• Ml'itr^jU»' l't «'il n:*i|i)«» iln ^ihlt« «|i»i .ituu"» n<*« i'Kui b ••»:. I(
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:ijf-.c.il«- lluiitfS, pp. 'tf«-«0.
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L'AGRICULTURE DES DUNES
21* <
Flamand, avec lequel il retourne la terre plus profondément que ne le
fait la charme. Puis c'est la mise en place de l'engrais, opération longue
et coûteuse, parce qu'il faut en faire venir de loin, le bétail des dunes
n'étant pas assez abondant pour satisfaire à la consommation ; or il en
faut beaucoup sur un sol aussi léger. On s'adresse aux villes voisines:
Ostende a un service de bateaux qui amène à Nieuport les déchets de la
grande station balnéaire ; Dunkerque, Calais, Blankenberghe, en envoient
par voitures '. I^s pécheurs y joignent un fumier d'algues, de mollusques
et de petits poissons. Sur la limite des terres fortes, on y ajoute un peu
d'argile compacte enlevée au sol sous-jacent. ("est ainsi qu'on peut faire
pousser, à force de soins, du seigle, de la pomme de terre, et des légumes.
On a vu que le seigle donne des résultats médiocres; aussi tout est-il
consommé sur place, dans l'exploitation. Au contraire, la pomme de (erre
et les cultures maraîchères donnent lieu à un commerce assez important,
en même temps qu'elles contribuent largement à la nourriture do l'habitant
des dunes. Dans certaines parties où l'on a pu amender le sol on y mêlant
de la terre forte, on produit des variétés de tubercules hâtives qui sont
expédiées en Franco ; dans les petits champs do Rosendael, do Middel-
kerke et do Westende, cette lisière des dunes peut évoquer le souvenir
des fameuses terres à oignons de jacinthes, tulipes, anémones, le « bloeni-
bollenland » qui s'élend derrière les dunes do Hollande, do Levde à
Alkmaar. Les pommes de terre hâtives une fois disparues, récoltées
péniblement dans ce sable où elles roulent et vont s'onterror, on plante à
force de nouveaux engrais les petits pois, les haricots, les salades, toutes
les variétés de choux1.
Ces cultures demandent trop de travail pour qu'on puisse les pratiquer
sur de grandes étendues. Aussi les exploitations do la zone des Dunes
sont-elles très petites, les plus petites de Flandre, où la grande exploita-
tion est si rare. A Fort-Mardiek, chaque famille met eu valeur 22 ares de
terrain. Les pêcheurs, eutre Dunkerque et Nieuport, n'ont guère que 25 à
.'iO ares. Les maraîchers ont des jardins de 5(J ares à 1 hectare. A Knocke,
le plus grand nombre dos habitants exploite une étendue inférieuro à
• Monographie agricole Dunes, p. 37.
* i/cs jardins maraîchers do Rosendael valent jusqu'à 15.000 francs l'hectare. I>a
banlieue de Dunkerque a expédié en 1003 2.000 tonnes de légumes en France, 3.. '100 en
Angleterre et 4.500 en Helgique ; Dunkerque et l'agglomération en ont consommé' 3.800.
(Dufour du Breuillo, L'exportation des légumes dans l'arrondissement de Dunkerque,
G. Rendu du 1V« Congrès national des Syndicats agricoles de France, Arras, 10M,
pp. 215-218).
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230
LA COTE. - LES DUNES.
50 aros. Dans toute cette zone, la mise en valeur de 10 hectares de terrains
constitue une exception. Ainsi c'est en fragments minuscules que se
découpe toute cette lisière des dunes. Car ce n'est guère qu'une lisière qui
est ainsi patiemment occupée et mise en valeur. Dans les grandes dunes
de Dunkerque à Nieuport, on trouve encore quelques groupes d'habi-
tations dans les pannes, tel le village prospère qui porte précisément le
nom de \jk Panne. Mais la plus grande partie des dunes reste une vaste
solitude, dont l'herbe grêle sert de pâture aux animaux domestiques ou
aux lapins. On n'en tire qu'une ressource : la location pour des chasses.
On y traquait encore le loup au milieu du XVIIe siècle 1 ; aujourd'hui
on n'y massacre plus que 1rs lapins, que l'on peut exterminer à loisir
derrière les grillages qui enclosent bon nombre de chasses.
L'homme et l'habitation.
Ixî peuple laborieux qui pratique une culture si pénible est particuliè-
rement solide et florissant. La région des dunes est celle où la phtisie et
la scrofule sont les plus rares de toute la Flandre ; au temps où la fièvre
intermittente éprouvait la plaine maritime, elle épargnait les habitants
des sables *. Grands, forts, la figure large et pleine, colorée, hâlée,
les pécheurs sont assurément, avec les gens de la Flandre zélandaise,
les plus beaux hommes du pays flamand. A les voir marcher avec le
dandinement des marins, à regarder leur visage ouvert, encadré d'une
barbe qui rappelle les algues des plages, à écouter leur français
zézayant ou leur flamand archaïque, on se demande s'ils sont de même
race que le paysan inaigre, à la phj'sionomie fermée, au visage glabre,
qui se courbe sur les terres du Houtland. On songe plutôt à les
rapprocher des pêcheurs de la côte normande, ou des peuples maritimes
du Nord , Zélandais et Frisons. l,es femmes elles-mêmes, malgré
leur travail écrasant, restent plus dégagées, plus délurées que les
Flamandes du Sud. La race se conserve pure, car les pêcheurs se marient
toujours entre eux. (lela n'empêche pas les unions d'être fécondes. Les
i Comptes du Franc, l»î48-49 : Payé pour la chasse aux loups dans les dunes du
Camerliuckx-Ambacht (entre Nieuport et ( tstende) 1138 livres 2 sous (Priera, Précis
analytique, 2" série. Y, p. 28).
* Cf. Meynne, Géographie médicale, dans Patria Helgica. t. II, pp. KXM07 ; — de
Keuwer (V.), Topographie médicale de l'arrondissement administratif de Fumes
(Annales de la Soc. médico-chirurgicale de Hruges, 1847, pp. 233-264).
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io — L» nw.n>n de» dune» | I jri-M »• JM V.
LA Cr TF. - LfIS DT'NEs.
. <• /oiio, la mise en valfiir <li.* lll hectares de ,< .
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»»■ :» q.je !• n l.ipiiis, l'on i».\k*riuiinU* à
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L'hommo «*t l'habitation.
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;. I n. : j«. ,.i j|. r>v>aiit. l^i rvg»»li des dunes est celle où la pM
in s. r,, • i . |,.s .,|us rare*» toute la Flandre ; au temps où I:.
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'■ . !i'< s <"tiai|-ls, torts, la lîu'inî lunre ot pleine, «n'-t». ...
î.»v -M urs vi.f.t (is<iiiviTna!il, avec tes gens do la Flundro /Mun I
li > |»|js liefln\ îi 'iniui's *îii pays Rsimnud. A les voir m.ircler
■ '.■•id.nemriil des marins, à r»vai\l<*r leur visa ire ouvert, eneadr'
h». I ■» i|ui ra'-aelie 1« *s al^iî^s des pla^'S, ii iVouter leur h •
anl nu leur flamand nrch:i.'.;i:e. nu se demande s'ils sont «I» ui
r ii t» i|itii Je paysan maigre, a la physionomie fermée, au visait- l*\
qui S'A rotj|'Jnî sur les Icivs du Hou lia ml. ()n sontic pluinl
rippn.H'iu'r de* pécheurs dA la cote normande, ou des poupins ma M
i Vird , Zél.mdais et r'rr»' »iîs. Les femmes elles-mi'ines. m.
i.' 'ruvail «'cramant, restent pin* déuatiors, plus délurées que
• (• .i-i.Îm< du Sud. La rai c s«» «-onst rvc pute. <-ar les |,.*'cin-urs so ii'.c :
• • >r< entro eux. (Ida n'empêche pas les unions d'être fécondes. I •
'h Kr.iin-, I-ms ï'.' : Vuyi' ptmr la i.*liii>"*»* aux 1<*iiji^ il «n* «l.ri-.-
r • . V. y 7> .
•i 'iy.'jilii.' nï'; li»':il". i!nijs l'jtlria iMr*it'a. L ,f. pp. W*-l<"Z . -
o*i*ienii>i«,'ilt> il" Uru^fs. isiT. pp. !fit,i \\
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L'HOMME ET L'HABITATION
231
villages de marias présentent les plus beaux exemples d'accroissement do
toute la Flandre. \jà commune de Ghvvelde, qui comprenait jadis les
deux communes distinctes aujourd'hui de Ghvvelde et de Bray-Dunes,
comptait en 1804 1.086 habitants ; en 1856, 1.881 ; on 1870, 2.300. Aujour-
d'hui (1901), en additionnant les chiffres des deux communes, on
arrive à 3.100 habitants ; la population a donc triplé en un siècle.
A Gravelinos, même progression pour les trois bourgades de pêcheurs,
les Huttes, Grand et Petit-Fort- Philippe. I^a population s'élève de
2.784 habitants en 1804, a 5.819 en 1850, à 7.833 en 1870, a 9.101 en
1901, dont 3.259 pour Grand-Fort-Philippe, habité en 180-1 par quelques
familles de contrebandiers. Mais Fort-Mardick est peut-être l'exemple
le plus remarquable. Fondée en 1670 par Louis XIV qui y installa quatre
familles de matelots picards, cette paroisse se développa rapidement, grâce
à la clause qui en faisait une petite colonie communiste, et attribuait à
chaque nouveau chef de famille une concession de 22 ares de sable, en
usufruit, sans vente possible. Les terres non encore partagées, et les salines
qui en dépendent, louées a des particuliers, servirent et servent encore à
payer les impôts. Ainsi constituée, cette heureuse Arcadie de pêcheurs se
développa d'elle-même, sans alliance avec les Flamands du voisinage,
souvent hostiles. lies quatre familles picardes étaient devenues 432 habi-
tants en 1841, 015 en 1851, 1.481 en 1880, 1.078 en 1901; la population
doublait en .'«) ans '. A défaut de statistiques, la vue des villages de
pêcheurs, où des hordes d'enfants traînent dans les ornières de sable,
suffit a indiquer l'abondance de la natalité.
Cette belle et saine population est très attachée à ses dunes. Ce paysage
à la fois uniforme et heurté, aux feuillages sombres, noirâtres, entre les
deux grands horizons de la plaine et de la mer, lui est aussi cher qu'au
Breton ses récifs; il n'y a pas d'émigration, même parmi les maraîchers
et les journaliers. Ceux qui quittent le pays ne vont pas loin : on les
retrouve dans les briqueteries derrière les stations balnéaires, ou sur les
chantiers d'Ostondo et de Duukerque. Les maigres ressources de leur
métier leur suffisent. I/?ur alimentation de poisson bouilli, de pommes de
terre, de pain, de harengs on saumure, leur infusion de café à la chicorée,
leur font oublier qu'ils n'ont guère de la viande que le dimanche. Le soin
qu'ils prennent de l'entretien de leurs maisonnettes témoigne assez de
leur attachement à leur petite patrie.
I,a maison est la grande, presque la seule parure de la région des dunes.
1 Dr Lancry, La Commune do Fort-Mardiek près Dunkerque. Etude historique,
démographique ot médicale (fans,
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2M2
LA COTE. - LES DUNES
lorsqu'on arrive de la plaine, l'œil fatigué de l'uniformité plate des terres
fortes s'arrête plus volontiers sur leur ligne rouge et blanche que sur les
formes sévères des collines de sable. Et cette parure ne manque nulle
part: une vraie ceinture aux couleurs éclatantes et gaies autour de ce
paysage morose. Nulle part en Flandre, môme dans le pays de Waes, la
ligue des maisons ne se poursuit ainsi, d'un seul tenant. Cela commence
à Calais, aussitôt passé les fortifications, par les maisons du Petit-Cour-
gain, qui tournent du côté des dunes leurs toits bas et leurs appentis,
réservant pour le Sud leurs façades blanches. De l'autre côté du canal de
Marck, sur les vieilles dunes du banc des Pierrettes, d'autres maisons
toujours blanches se dispersent le long de la grand'route, au milieu des
laudes d'ajoncs. Mais tandis que cette rangée s'arrête brusquement après
Marck à l'endroit où disparaissent les sables, la première continue sans
interruption par le Fort- Vert, les Petites-Hemmes, les Grandes-Hemmes,
les Huttes, Dunes et Hemmes d'Oye, jusqu'au Grand-Fort-Philippe.
Entourées au Nord et au Sud de salines vieilles ou neuves, ces rangées de
maisons font admirablement ressortir le contraste entre la faible densité de
population des terres fortes, réduites à quelques vastes fermes, et celle des
sables, couverts d'habitations. Après Gravelines, la rangée recommence au
hameau des Huiles, qu'on aperçoit des remparts de la petite ville comme
un tas de rouge et de blanc ; puis gagne Dunkerque par la vieille digue du
Comte Jean ; elle s'étire parfois en laissant entre les maisons des inter-
valles d'une centaine de mètres, et se resserre ailleurs en hameaux, en
villages, en villes, Dunes de Loon, Dunes de Mardick, Fort-Mardick,
St-Pol-sur-mer. Aussitôt à l'Est de la ville commence la grosse agglomé-
ration de Rosendael, longue de 3 kilomètres, et si dense que le flot des
constructions a fait disparaître les dunes. Puis Zuydcoote, Bray-Dunes ;
encore 5 kilomètres de petites maisons blanches jusqu'à la frontière belge.
Pour un moment, les habitations sont moins serrées, jusqu'à Nieuport ;
une partie des maisons a déserté la lisière pour les pannes de l'intérieur.
Mais elles reparaissent aussi denses à l'Est de l'Yser, à Westende,
Middelkerke, Mariakerke, jusqu'aux élégants faubourgs d'Ostende, et
désormais la nie s'allonge, ininterrompue, jusqu'à Wenduyne. Enfin on
la retrouve à Heyst, lorsqu'on revoit de véritables dunes, et elle gagne par
Knocke le Hazogras, le vieil estuaire du Zwin.
Ce qui frappe autant que la continuité de cette ligne de population, c'est
l'uniformité des maisons qui la composent. L'habitation est bien exiguë,
car l'homme des dunes n'est pas riche ; les dépendances sont réduites à
peu de chose, puisque les récoltes sont insignifiantes, et ne suffisent môme
pas à l'alimentation du ménage. Parfois le marin se contente d'une seule
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L'HOMME ET L'HABITATION
283
pièce, à la fois cuisine, salle à manger et chambre à coucher, où la
famille s'entasse dans des lits alcôves à deux ou trois étages. D'ailleurs,
les hommes ne sont-ils pas absents plus de la moitié de l'année ? Sur le
côté un petit appentis sert de dépendance; on y enferme la chèvro, on y
dépose le combustible, bois des dunes autrefois, charbon aujourd'hui.
Mais bientôt la maison s'agrandit. Derrière, du côté du Nord, elle s'adjoint
une cuisine, longue et étroite, sur laquelle descend le toit bas qui protège
des vents de mer; de ce côté les ouvertures sont rares et petites: un
simple œil-de-bœuf. Enfin quand la prospérité est venue, la maison se
double d'une autre moitié toute semblable, une chambre à coucher avec
une pièce basse derrière, et sur le côté un nouvel appentis où se logent les
lapias, les poules, le porc, et où l'on range les instruments de culture.
C'est la maison complète de l'habitant des dunes *.
I^e caractère commun à toutes ces maisons des dunes, c'est l'aspect
intérieur et extérieur. Elles sont basses, pour ne pas donner prise au vent,
et le toit, du côté du large, descend presque jusqu'à terre. Solidement
construit en tuiles rouges, ce toit est visité chaque année avec soin, et on
en profite pour rejointoyer au mortier blanc toutes les tuiles, que l'on passe
par la môme occasion au rouge. De là ces coulours éclatantes qui sont la
parure de la maison des dunes. La façade à son tour est peinte chaque
année en blanc ou jaune, et les volets en vert. Autour de la maison,
le petit jardin de sable gris où poussent les légumes, séparé du chemin
de sable aux vastes ornières par des haies épaisses et des diguettes.
Enfin l'intérieur est d'une propreté zélandaise, grand carrelage peint
en rouge, dont l'entretien est aidé par la nature sablonneuse du sol,
où la boue est inconnue ; murs tapissés, rideaux aux fenêtres, meubles
tirés, faïences aux couleurs voyantes, et devant la cheminée le grand
poêle belge en fonte de toute maison flamande. Tout au long de la mer
du Nord, le même type de maisonnette basse et claire égaie le bord des
dunes ; il se retrouve au delà des détroits et des estuaires, après le
Zuiderzée, après le Dollart et l'Elbe jusqu'aux îles lointaines de Sylt,
Amrum et FOhr, expression de la vie pauvre et libre de l'habitant des
dunes, peut-être aussi indice de l'expansion de la race frisonne.
1 Dr tancry, La maison populaire de la Flandre maritime. (Mérn. Soc. Dunk.,
XXXI, pp. 1-27).
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234
LA COTE. - LES TORTS
CHAPJTRK X
LA COTE — LES PORTS
I. Origine tirs ports. Torts naturels : leurs transformations. Ports artificiels. —
II. Caractères <t>-s />orts. Les pons de l'Ouest mieux abrités. Los ports de l'Est
moins encombré*. — III. Les installations maritimes. Ports de voyageurs : Cal;ti,s.
Ostende. Port de mareh/unlises : Dmikerqiie. Port d'eseale : Zeebru^e. — IV. Les
ri/les ; les jilatjes. Aspect et évolution des villes. Les pl;i«res.
Calais, Gravelinos, Dunkorquc, Nieu|)ort, Ostende, Blankenberghe,
domain Zeebruggo, cela fail sept ports pour 130 kilomètres do côtes, sans
compter les havres du Hont, Breskens, Ternouzou, et en arrière Gand.
C'est beaucoup pour l'importance commerciale de chacun ; mais surtout
cela jn'iit paraître extraordinaire qu'une côte aussi basse et recliligne,
bordée de dunes, ail pu se laisser percer do sept ouvertures par où se font
les échanges entre la Flandre et les pays maritimes. La côte de Hollande,
de lloek van Ilolland au Helder, sur lî/U kilomètres, n'a qu'un port,
complètement artificiel (Ymuiden), un vrai défi à la nature, ot qu'il faut
maintenir laborieusement en bon état; la côte do Gascogne n'a qu'une
éehanerure bonne pour des bateaux de pêche. La Flandre, elle, en a un tous
les 18 kilomètres. Cette abondance de havres est due en partie à des causes
physiques; la côte, orientée presque W.-E., parallèlement aux vents
dominants, se prêtait mal à l'établissement d'une ligno de dunes épaisse,
comme en Hollande ; par suite les petites rivières de la plaine gardaient la
force de traverser ces dunes restées étroites, et chaque estuaire pouvait
donner naissance à un port. Mais l'homme a aussi sa grande part dans la
cn'ation des ports flamands, ot tout en améliorant les havres qui existaient
déjà, il créait de toutes pièces d'autres pertuis. I-cs ports flamands sont
d'origine naturelle, comme Calais, Gravelines, Dunkorquc, Niouport, ou
artificielle, comme Ostende, Blankenberghe, Zeobruggo.
>
L
ORIGINE DES PORTS.
Parler do ports naturels en Flandre peut sembler paradoxal. Avoir leur
état actuel, darses, bassins, écluses, chasses, chenal, jetées ; à saisir le
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i
LES TRANSFORMATIONS DES PORTS NATURELS 235
contraste entre ces solides installations aux formes géométriques et la
côte vaseuse dans laquelle on les a enfoncées, on se persuade que rien
n'est plus artificiel que ces ports naturels. Cependant on peut retrouver
les étapes de la transformation qui a fait des anciens refuges des pêcheurs
flamands de grands ports modernes.
Transformations des Ports naturels.
Les estuaires sont la première ébauche de ces ports. En se rétrécissant
peu à peu après le Xe siècle, les golfes de Fréthun, de l'Aa, de la Gersta
et de l'Yser devenaient des criques où s'abritaient les barques «les pêcheurs
des dunes. Sur leurs bords s'élevèrent des bourgades devant lesquelles
s'amarraient les sloops chargés de harengs, et où se tenait le receveur
des grandes abbayes du voisinage, pour y prélever la dîme des
poissons. Leur apparition presque simultanée au XIIe siècle indique bien la
transformation accomplie dans les estuaires ; les bords se sont fixés, et on
a pu aménager la crique pour en faire un refuge de bateaux. Calais est
mentionné en 1172 à propos d'une rente de 10.001) harengs 1 ; et son déve-
loppement est rapide puisqu'on 13)2 il revoit une église distincte de
celle de St-Pierre, et qu'on y voit déjà une léproserie *. Gravelines existe
comme port en 1100 et on débarquait le hareng sur son territoire dès
1107 d'une façon régulière ». Dunkerque, sous Philippe d'Alsace, est
également un port de pèche pourvu de murailles 5. Nieuport est fondé au
XIIe siècle, et sa keure ou charte de 1103 parle déjà de la dime des
harengs, sans compter les autres poissons
Cependant le fond des criques s'envase. Les golfes deviennent schorres ;
les monastères y établissent des bergeries, puis les endiguent. Pour
no pas laisser la haute mer revenir sur les terres qu'elle a quittées, on
1 Ha ignoré (I).), Quelques chartes inédites concernant les abbayes, les prieurés,
ou les paroisses de l'ancien Boulonnais. (Mém. Soc. Ae. Boni., XIII. p. 421).
î Haigneré, St-Bertin. I, p- 2M, n- 5<tf.
3 Cf. charto de Thierry d'Alsace, reproduite dans un vidimusdo 12»>T> (Arch. Nord, H.
l">f>i, 1" Cartulaire de Flandre, pièce 44).
* Coussemaker. Hourbourg, I, p. 4, n° Y.
5 « Burgenses de novo oppido de Dunkerca » (1188). — Cf. Derode, Histoire de
Dunkerque. (Dunkerque. 1856, in-8"), p. 100.
» Van de I'utte (F.), Pèche du hareng sur les côtes de Flandre au moyen -iVe ( Ann.
Soc. Ern. Br., 2' sërio, III, lX4f>, pp. 33!>-343). La keure mentionne comme vendus
sur le marche : saumons, maquereaux, cabillauds, aiglefins, plies, dorades, turbots.
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236 LA COTE. - LES PORTS
construit à l'extrémité de la crique, à l'endroit où se déversent les eaux de
l'intérieur, une écluse à portes de flot. Pendant la marée haute, les eaux
douces s'accumulent en arrière ; à mer baissante, les portes s'ouvrent, les
eaux douces s'écoulent dans la crique, et leur courant chasse vers le large
les alluvions accumulées dans le port. A Nieuport, c'est en 1294 1 qu'on
établit, dans ces conditions, l'écluse de Nieuwendamme ; à Gravelincs, les
travaux du port datent probablement des premières années du XVe siècle.
Les chasses d'eau douce obtenues par ce procédé étaient d'autant plus
nécessaires que la crique, qui se comblait au fond, s'obstruait du côté du
large. La, sous l'action du gain de flot, la rive occidentale croissait cons-
tamment vers l'Est, transformant la crique en lagune. tas dunes de
Sangatte marchaient vers Calais, si bien qu'en 1407 on pouvait déjà y
établir le Risban 1 ; les dunes d'Oye s'avançaient vers Loon, et derrière
elles s'asséchait la Lampernesse ; les dunes de Synthe vers Dunkerque,
tandis que celles de Nieuporl-Bains se formaient devant la digue du Comto
Jean. Pour garantir l'entrée,
il fallut établir des palissades
de bois qui empêchèrent tant
bien que mal l'envahissement
des sables, et délimitèrent le
chenal. Plus tard, ces palis-
sades devinrent les jetées,
taur présence était particu-
lièrement nécessaire à Calais
et à Dunkerque, où la crique
n'était pas suffisamment net-
toyée par les chasses que
fournissaient les eaux inté-
rieures, tandis que Gravelinos
et Nieuport disposaient du
débit, plus abondant, d'une
rivière. Ce sont ces palissades
qu'on aperçoit sur les anciens plans représentant Calais sous le règne
de Henri VIII 3, et Dunkerque au XVe siècle *. Ces amorces de jetées
» Cf. p. 160.
* Aron, Port de Calais, p. 202.
;» Plans copiés au Brilish Muséum ; les reproductions conservées à la Bibliothèque
municipale de Calais. — Voir également pour Calais l'excellent travail de l^nnel (F.),
Calais par l'image, (Calais, Peumery, 10()f>) ; 2 fascicules parus.
» Cf. Derode, Histoire de Dunkerque, p. 13<î.
Km. 'ir>. — Port de Calais d'après la carte de
Thomas Pettyt, Octobre de la 37° année du
rèfîne de Henri VIII (l.Vtli).
(Nibliolheque de Calais, II, 16] .
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LES TRANSFORMATIONS DES PORTS NATURELS 237
orientent l'ouverture du chenal vers le N.-E. En effet, sous l'effort des
sables en marche vers l'Est, l'ouverture des criques avait dévié de plus
en plus dans cette direction ; à Calais elle s'insinuait dans la mer derrière
le Risban ; à Gravelines, le long des dunes de Ix>on ; à Dunkerque, au
delà du Scheurken. C'est cette direction que l'on retrouve encore dans
les anciens bassins de Calais, au Nord de la ville, dans le port de Grave-
lines, et dans les vieux bassins de Dunkerque, perpendiculaires au chenal
actuel. \ja crique intérieure avait fini par prendre la forme d'une vaste
poche, communiquant avec la mer par une étroite ouverture en biais,
semblable à un grau des lagunes languedociennes.
Enfin la crique finit par s'envaser. Les chasses d'eau douce étaient
insuffisantes. Mais pourquoi n'utiliserait-on pas, en même temps que les
eaux de l'intérieur, la puissance de chute que représentait l'amplitude de
la marée? On n'avait qu'à établir au débouché de la crique vers la mer de
nouvelles portes d'écluse ; à mer haute, on laissait les eaux entrer dans
l'espace compris entre les deux paires de portes, puis on refermait les
pertuis. Quand la mer était près d'être basse, on rouvrait et on laissait
échapper la masse d'eau accumulée, qui balayait les alluvions du chenal.
Grâce à la hauteur de la marée dans les ports flamands, on obtenait ainsi une
chute considérable qui creusait, particulièrement aux abords de l'écluse
nouvelle, une souille profonde où prirent l'habitude de venir mouiller les
grands bateaux. I,e bassin de chasses était créé. Inapplicable sur les côtes
de Hollande, où l'amplitude de la marée était trop faible, le procédé sauva
les ports flamands de l'envasement, et leur permit d'attendre les procédés
plus perfectionnés de la fin du XIXe siècle. Gravelines et Nieuport, où les
chasses d'eau douce paraissaient suffisantes, ne l'appliquèrent pas ; mais
il fut le salut de Calais et de Dunkerque. A Calais, ce fut la grande crique
de Nieulay qui servit de bassin de chasses ; à Dunkerque, où la crique était
complètement oblitérée, on se servit du canal de Bergues, dans lequel les
eaux salées furent introduites à chaque marée.
On gagna ainsi le XVIIe siècle. Le tonnage des navires grandissait; de
nouvelles améliorations étaient nécessaires. L'un des plus gros défauts de
ces ports, c'était la direction N.-E. du chenal d'entrée. En effet, obligés
pour y pénétrer d'attendre la marée, les bateaux se présentaient devant
le chenal lorsque le courant de flot portail vers l'Est, c'est-à-dire à l'opposé
de la direction à prendre. 1*1 fréquence des vents d'Ouest, qui entraînaient
les embarcations dans la même direction contraire à leur but, venait ajouter
aux difficultés. Ainsi l'orientation du chenal vers le N.-E., produit naturel
du régime de la côte, était la plus mauvaise possible, d'autant que la
plupart des navires venaient de l'Ouest, à cause des bancs qui barrent le
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LA COTE. - LES PORTS
chomin à l'Est. Las do voir los bâtiments obligés, pour attaquer le chenal,
de manœuvrer contre vent et marée, on so résolut à changer la direction
de rentrée. Ce fut Yauban qui donna l'exemple en lançant hardiment à
travers le Soheurken los jetées de Dunkerque ; on dévia dans le même sens
l'entrée du port de Calais, 'et en 1742 on perça entre Gravolines et la mer
le canal du Fort-Philippe. Ainsi les chenaux des ports lurent désormais à
peu près orientés dans la direction des vents dominants : « attention bien
essentielle à avoir quand il s'agit d'orienter ces sortes de canaux, dit
Helidor,quand on a la liberté de les disposer heureusement »
Cette nouvelle disposition avait un défaut. Lapasse ainsi orientée s'obs-
truait rapidement. Déviés devant les jetées qui leur barraient ainsi la
route, les courants de marée produisaient des mouvements tourbillonnaires
qui amenaient les sables et les vases devant les musoirs. Par les forts coups
de vent d'Ouest, les sables enlevés de la plage et des dunes s'envolaient
par-dessus les jetées et venaient tomber dans le chenal. Entin lesalluvions
accumulées à l'Ouest devant l'obstacle des jetées élargissaient l'estran de ce
côté, et venaient dépasser rentrée. Do nouveau se formait a l'extrémité des
jetées une passe extérieure, elle aussi déviée vers l'Est, dont la présence
semblait rendre inutile le travail considérable qu'on venait d'accomplir.
Différents remèdes furent tentés au cours du XIXe siècle. On perfectionna
los chasses. A Gravolines, on utilisa, pour la remplir d'eau de mer, la vaste
capacité des fossés de la place. A Dunkerque, on crousa en 1827 un bassin
do chasses spécial (bassin Hecquet) au Nord du port, juste à l'extrémité du
chenal. A Calais, il fallut songer à on faire autant: la grande crique de
Nieulay s'était complètement attorrie en quatre siècles; les salines Mouron
avaient été endiguées en 1770; ce qui restait fut réduit, d'un tiers en 181 1
par la mise en culture du polder Bodart, malgré les protestations des
Calaisiens, qui jugeaient insuffisantes les chasses fournies par l'eau des
fossés do la place et par ce qui subsistait de la crique. Cependant on
retarda jusqu'en 1880 la construction du grand bassin de chasses de 90 Ha
situé à l'Est du port ; on s'était avisé d'un autre procédé : allonger les jetées
vers les grandes profondeurs des rades.
On avait compté sans le régime particulier de la plage. Tandis que le
prolongement des jetées d'Ostende amenait avec succès l'entrée du chenal
jusqu'aux profondeurs désirées, les estacades de Duukerque, de Gravolines
et de Calais voyaient l'estran accompagner leur marche, et les profondeurs
fuir leur approche. D'autres tentatives intéressantes avaient lieu ; à Calais,
« Holidor. Architecture hydraulique, l (1788, in-4").
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LES PORTS ARTIFICIELS
2tt
on labourait la barre avec de grandes herses, pour offrir à l'action des
chasses un dépôt plus meuble. A Dunkerque, pendant une dizaine d'années,
on halaitdans le prolongement de la jetée de l'Kst 3iH> mètres de guideaux
que l'on échouait à marée basse; l'eau des chasses, rejetée ainsi vers
l'Ouest, attaquait les sables dans cette direction et, pour quelques semaines,
redressait la passe A Nieuport, on a expérimenté une herse sur laquelle
étaient fixés des tuyaux émettant des jets d'air comprimé, capables de
mettre les sables en suspension et de préparer ainsi l'action des courants *.
Tous ces efforts restèrent à peu près vains. Les chasses, bonnes pour
dégager les parties des ports susceptibles de s'envaser, restaient inutiles
pour l'attaque de la barre formée à l'extrémité du chenal par des sables
très cohérents et fortement agglomérés. Cependant il fallait une solution,
car les installations intérieures s'étaient développées pendant qu'on
tâtonnait autour du cheual. A Calais et à Dunkerque, de vastes bassins à
flot se creusaient, reliés à l'avant-port par de gigantesques écluses.
Ciravelinos et Nieuport tentaient de suivre cet exemple. Cette solution fut
l'utilisation do la drague à aspiration, familièrement appelée la suceuse.
Mise en service à Dunkerque en 1877, elle donnait bientôt des résultats
tels que l'on se gardait, au cours des travaux neufs du port, de recon-
struire un bassin de chasses. A Calais, les suceuses employées depuis 1880
rendaient inutile lo grand réservoir de l'Kst, achevé en 1889 et qui n'a
jamais servi. Ou verra qu'à Ostende leur œuvre a été plus remarquable
encore.
L'emploi des dragages est la dernière transformation subie par les vieux
ports flamands. 11 fait disparaître le bassin de chasses, dernier vestige de
la crique primitive. Que reste-t-il aujourd'hui qui puisse rappeler les
antiques lagunes du X»" siècle, où pénétraient les barques des pécheurs de
harengs ? Peu de chose : à Calais les débris do la crique de Nieulay; à
Dunkerque et à Gravelines l'orientation des vieux bassins, à Nieuport le
cours tortueux du « anal de Nïeuwendamme. De transformations en trans-
formations,les havres naturels de la côte flamande ont fini par ressembler
aux ports artificiels ; il est bien difficile de les en distinguer aujourd'hui.
Ports artificiels.
L'histoire de ces ports artiticiels est diverse. L'un, Zeebrugge, construit
tout d'une pièce A l'extrémité d'un canal de grande navigation qui mène à
i De Mcy, Porte en plage, pp. 206-207.
* Ibid. p. 210.
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240
LA COTE. - LES PORTS
Bruges, n'est pas encore complètement terminé. I,e second, Blanken-
berghe, réclamé dès 1763 à Marie-Thérèse, a été construit de 1862 à 1872;
c'est un petit bassin qui ne sert qu'à abriler les barques des pêcheurs. Au
contraire Ostende a eu une destinée compliquée dont l'évolution est aussi
curieuse à étudier que celle des ports naturels Aucune crique n'abou-
tissait à Ostende. I/es pêcheurs de harengs qui furent ses promiers marins
échouaient d'abord leurs barques sur la plage, comme le font encore
aujourd'hui ceux de la Panne et de Heyst. (le fut eu 1 445 quo les Ostendais
obtinrent de Philippe le Bon l'autorisation de creuser un havre en arrière
de la digue du Franc à l'abri de laquelle la ville avait commencé de se
réfugier en 1394 ; ce port, qui ressemblait probablement à celui que nous
voyons à Blankenberghe, fut établi à l'Ouest de la ville, à peu près au droit
du Kursaal actuel. Très exigu, ouvert au N.-E., il n'était ni commode ni
profond. Il fallut les malheurs du grand siège de 1601 pour doter Ostende
d'un |R>rt plus vasle. Afin d'enlever aux Espagnols la seule voie d'accès
dont ils pussent disposer pour attaquer la ville, les Hollandais firent raser
les dunes de l'Est. I.a mer se précipita par l'ouverture, inonda la plaine aux
fortes marées jusqu'à Oudenbourg, Snaeskerkeet taffinghe, et forma une
vaste crique intérieure dont les chasses approfondissaient l'ouverture. Et
ainsi, lorsque le siège fut terminé, on abandonna l'ancien havre et la crique
de l'Est devint le nouveau port d'Ostende. Ia> chenal avait déjà 28 pieds
de profondeur.
Alors pendant deux siècles, l'histoire du port est celle de ses chasses.
Le chenal est d'abord si profond qu'en 1612 on croit pouvoir endiguer
une partie de la crique ; à l'Est on construit la Groenendyk pour préserver
Breedene à l'Ouest la digue de Fort-Alberlus à Oudenbourg ; entre les
deux, la digue de Zandvoordo (1626). On réduit ainsi le volume d'eau qui
pénètre à chaque marée dans la crique. Les résultats en sont déplorables
pour le chenal, au point qu'on rouvre aussitôt (1627) le polder de
Zandvoorde. On le referme en 1631, et l'on constate en 1662 qu'on ne
trouve à marée basse que deux pieds d'eau (O^ôô) dans la passe. On
ouvrit donc pour la seconde fois le polder de Zandvoorde, et en 1698 on
avait jusqu'à 13"' ,75 de profondeur dans le port, à marée basse. C'était
trop, et l'on pouvait craindre des accidents : que cette fosse se rapprochât
' Une grande partie des détails sont empruntés à Belpaire, (Notice historique sur la
ville el le port d'Ostende), et vérifiés dans Friein, Précis analytique. Voir également:
Pasquini, Histoire de la ville d'Ostende et du pon. (Bruxelles, Ucroix, 2« éd., 18Trt ;
in-8°, 371") p., 2 cartes).
1 Oilliodts, Coutumes du Franc de Bruges, III, pp. 235-230.
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LF.S PORT? ARTIFICIELS
241
de la ville, el elle on aurait fait tomber les murs. I^e polder refermé on
1700, on vil l'envasement reprendre, si bien qu'en 1721 on se décidait à
remettre sous l'eau des terres nouvelles, moins colmatées que celles de
Zandvoorde: 839 mesures sur Snaeskerkc, 181 sur Steene, quelques-unes
sur Leffinghe 1 : ce fut la crique de Steene, qui subsista jusqu'au XIXe siècle.
Fig. 4li. — Port d'Ostende. U crique de Steene an XVIII" siècle,
d'si près la carte de Ferrari s.
Elle rendit d'abord au port les profondeurs de 1698 ; mais elle s'envasa
elle-même peu à pou. En 1744 on endiguait le polder Sainte-Catherine.
Sous la Révolution, le comblement de la crique était à pou près achevé s;
eu 1790, il n'y avait plus que 0n',30 d'eau a marée basse sur la barre, et
les sables comblaient le chenal. En 1803, on constatait que la criquo de
« Prieni, Précis analytique, 2" série, V, pp. HH-lfi4.
2 l.e* détails sont empruntés, à partir de cette date, ù Vifquaiu, Des Voies navigables
en Belgique (Bruxelles. Devruye, 1842, in-4", 4U4 p.).
10
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242
LA COTE. - LES FORTS.
Steene n'était plus couverte qu'aux équinoxes. I,e premier Consul, en
messidor an XI (juillet 1803), la faisait barrer, et l'endiguemcnt en était
achevé au début de l'an XII *. Les grands horizons nus, complètement
dépourvus d'arbres, des polders de Snaeskerke et de Keygnaert, en
occupent aujourd'hui l'emplacement ; des digues basses, quelques criques
encombrées de roseaux, sont les dernières traces de l'invasion marine ;
mais cet ancien golfe a conservé, de son état maritime, la largeur des
horizons. De Snaeskerke aux anciens remparts d'Ostende, rien que la
terre grise, quelques toits rouges" et des moules ; c'est un des plus vastes
horizons de la plaine. Ui crique disparue, on ne garde qu'un bassin de
chasses, dont le jeu est assuré par l'écluse de l'Empereur, et dont l'effica-
cité est encore insuffisante. On y adjoint en 1&Î0-21 une nouvelle écluse
de chasses, l'écluse Militaire, enfin on prolonge on mer les jetées de 1834
à 1839. Ainsi, tout artificiel qu'il est, le port d'Ostende est passé par les
mêmes phases que les ports naturels de l'Ouest ; mais ayant conservé
plus longtemps qu'eux une vaste crique en arrière, il s'est toujours trouvé
sur eux en retard d'une période ; il possède encore des bassins de chasse,
disparus ou inutilisés à Calais et Dunkerque, et le nouveau port, achevé
en ce moment même, en est pourvu.
II.
CARACTERES DES I>ORTS.
Naturels ou artificiels, anciens ou récents, tous ces ports flamands ont
un grand ennemi, l'envasement. Avec ses eaux jaunâtres chargées d'allu-
vions, la mer flamande a vite fait de combler les parties des ports où l'eau
est tranquille. Le bassin à flot de Nieuport, creusé a la cote — 2ro,90,
s'envasait de O1"^ par mois dans le premier trimestre de sa mise
en service, de 0m,2T> eu moyenne dans le reste de l'année ; au bout d'un
an, le plafond était à la cote 0. A Ostende, le petit chenal de l'écluse de la
Marine, creusé en 1887 jusqu'à la cote — 4 métras, était envasé en 1888
jusqu'à 0 mètre; l'exhaussement était de 4 mètres en un an. A Blanken-
berghe, l'épaisseur des dépôts à enlever du petit bassin s'élève chaque
année à 1 mètre environ *. Rien que dans l'année 1899, on a extrait de
l'intérieur du port, à Ostende, 2Ô0.U0U mètres cubes de déblais 3. Quel est
1 Arch. Nat. F«* 1112.
2 Do Mey, Ports en plage, pp. 2Î#, 303, 305.
3 Installations maritimes belges, p. 87.
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LES PORTS I)K I /OUEST MIEUX ABRITÉS
lo remède ? Chasses ou dragages ? Les ingénieurs sont divisés sur ce point.
Les Belges estiment que les chasses restent le moyen le plus efficace do
combattre l'envasement à l'intérieur des ports ; et ils ont construit à
Ostendo un nouveau bassin de retenue de 80 hectares. Les Français,
pourtant favorisés par une amplitude de marée considérable, emploient la
drague à godets a nettoyer leurs bassins ; et la modicité du prix actuel
des dragages est en effet un argument sérieux, qui peut faire négliger
l'encombrement apporté par les dragues dans le mouvement du port.
Cet inconvénient mis à part, les ports flamands, quelle que soit leur
origine, ont des qualités très différentes. En réalité, il n'y en a pas deux
qui se ressemblent complètement. Ce qui favorise l'un désavantage
l'autre. Indépendamment d«>s avantages que peut présenter pour tels
d'entre eux h\ présence d'un beau réseau de communications avec
l'intérieur, la proximité d'un vaste foyer industriel, la facilité du passage
vers un grand pays voisin, la nature leur a donné à chacun des qualités
et des défauts particuliers.
Les Ports de l'Ouest mieux abrités.
I^es ports de l'Ouest, de Calais à Nieuport, ont le très grand avantage
d'être abrités de la houle du large par les bancs do Flandre. Les vagues,
qui ont passé sur des hauts-fonds très élevés, et s'y sont écrasées en
déferlant, voient leurs ondulations s'amortir encore dans les fosses
profondes qui se creusent entre les bancs; leur violence est fortement
apaisée quand elles atteignent la côte. La dernière de ces fosses, entre le
rivage et le banc qui en est le plus rapproché, constitue donc une rade qui
forme un véritable avant-port, où les flots sont relativement tranquilles ;
excellente condition pour les navires qui attendent que la marée leur
permette d'attaquer le chenal. Calais n'est défendu que par les Bidens de
Calais et de la Rade, sur lesquels il reste, en basse mer d'équinoxe,
6m,30 d'eau ; et si la rade est profonde, et conserve à marée basse plus de
10 mètres d'eau, la protection n'est peut-être pns suffisante. Gravelines
est déjà mieux gardé par la double rangée de l'Out-Ruylingen et du
West-Dyck. Mais la situation la meilleure est celle de Nieuport et do
Dunkerque. I,a rade de Nieuport, ou West-Diep, protégée vers le N.-W.
par le Smal-Bank, le Buiten-Ralel et le Dvck, vers le Nord par le banc de
Nieuport et le Kwinte-Bank, est la meilleure du littoral belge. Elle
présente tout au long des profondeurs de 10 mètres ; elle est large ; les
fonds y sont d'une bonne tenue. Trois passes la mettent en communication
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LA COTE. - LES PORTS.
avec la haute mer : une à l'Ouest, vers Dunkerque, qui est la passe de
Zuydcoote; une au Nord, entre le Smal-Hank et le banc de Nieuport, et
dont les profondeurs sont de 8 à 9 mètres ; une au N.-E., entre ce dernier
banc et le Stroom, et où l'on sonde au moins 7,n,50. Cependant elle ne
vaut pas encore la rade de Dunkerque. I.a passo la mieux orientée, celle
de Zuydcoote, avec sa profondeur minima de 6 mètres, n'est accessible
pour les gros bateaux qu'à marée haute ; et les deux autres passes, qui
sont plus profondes, sont plus difficilement praticables à cause de la
direction des vents dominants.
\j& fosse de Dunkerque est la rade privilégiée du littoral flamand. Si elle
ressemble en gros à celles de Nieuport, de Gravelines, d'Ostende, elle
possède des caractères beaucoup plus accentués. Située justo à l'endroit
où le flot de la Manche, gêné par les courants contraires de la mer du
Nord, dépose ses plus grandes quantités de matériaux, elle est protégée
des vagues du large par les bancs qui forment devant elle comme une
sextuple rangée de murailles. Large de plus d'un kilomètre, longue
d'une vingtaine, elle présente sur toute son étendue une profondeur
de 12 à 15 mètres. Aussi les plus gros navires peuvent-ils y séjourner
tranquillement, presque par tous les temps, et peuvent même y pro-
céder aux opérations d'embarquement et de débarquement des mar-
chandises, sans avoir besoin d'entrer dans le port. C'est ainsi que
pendant la guerre de 1870-71 les plus gros cuirassés français y ont
séjourné tout l'hiver sans aucun inconvénient, et qu'on y a embarqué
en quelques jours 20.000 hommes de l'année du Nord, 1.780 chevaux,
60 pièces de canon, 220 voitures militaires1. La rade n'a que deux
entrées, dont l'une, la passe do Zuydcoote, a une assez faible profon-
deur; mais l'autre, la passe de l'Ouest, a l'avantage d'être profonde
de plus de 10 mètres sur tout son parcours, et admirablement orientée.
Ce sont là des qualités précieuses pour la navigation, et depuis
quarante ans on s'est attaché à les développer en organisant au long des
passes et de la rade un remarquable service de balisage : à l'Est, six bouées
jalonnent la passe de Zuydcoote ; à l'Ouest, les deux feux flottants du
Dyck et du Snouw, a éclats espacés ou fixes, 14 bouées en tôle, les unes
rouges, les autres noires, dont 8 munies de feux, le grand phare haut de
57 mètres avec éclairage électrique d'une portée de 20 milles, les feux
fixes des niusoirs et celui île la tour du Leughenaer 1 font de la rade une
' Plocij, Dunkerque. pp. 75-70.
* Dunkerque. Son port, son commerce ( Notice publiée par la Chambre de Commerce ;
Exposition universelle «le 1900; 89 p., pl., cartes) pp. 28-30.
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LES FI) RTS DE I/O L'EST MIEUX ABRITÉS
245
vraie rue bordée do poteaux indicateurs ot de réverbères, où l'on peut,
même sans pilote, retrouver son chemin jusqu'au fond du port. Ces
qualités de rade bien fermée avaient fait de Dunkcrque un vrai nid de
corsaires. Ostende et Calais ont eu les leurs, parce que la situation en
face do l'Angleterre, sur le grand passage de la navigation européenne,
invitait à la guerre de course ; mais nulle part les corsaires n'étaient aussi
favorisés qu'à Dunkerque. Abritée derrière ses bancs aux passages
compliqués, tortueux, encombrés de culs-de-sac, la rade n'avait réellement
que deux entréos, faciles à surveiller, par où on voyait venir les gêneurs,
gros vaisseaux de ligne d'Angleterre ou de Hollande, dont se jouaient les
câpres, bâtiments légers des pirates dimkerquois, qui forçaient le blocus
en bondissant par-dessus les bancs à marée haute, au milieu de l'écume *.
Ostende est loin d'avoir les mêmes avantages. L»>s abords en sont mal
défondus: il n'y a guère devant le port qu'un banc, le Stroom, où l'on ne
sonde que 2 à 3 mètres. Or la présence de ce banc est plus nuisible
qu'utile. Soudé du côté de l'Est à la plage, il ne laisse entre le rivage
d'Ostemle et son rebord méridional qu'une rade cul-de-sac, étroite et peu
profonde : 5m,50 à ()m,50 devant la ville, avec un fond de vase d'une tenue
médiocre. Les gros navires qui ne peuvent songer à séjourner dans cette
impasse mal abritée ot d'une profondeur insuffisante, ne trouvent encore
qu'un mouillage provisoire dans la Grande Rade, où l'on sonde 10 à
12 mètres, mais où la protection des bancs fait défaut, si bien que lorsqu'ils
y sont surpris par un gros temps du S.-W., ils s'empressent de prendre le
large *. Pour améliorer ces fâcheuses conditions d'accès, les ingénieurs
belges ont ou l'audacieuse idée de percer le banc malencontreux qui
forçait les bateaux à un immense détour et qui provoquait l'envasement
de la petite rado. On creusa à travers le Stroom, pendant l'année 1890, la
passe de l'Ouest, large de 500 mètres et profonde de 5m,50 à 0 mètres,
balisée par les deux feux de Raversijde. Le résultat a été si satisfaisant,
et la profondeur de la passe a été si aisément entretenue, qu'on entreprit
en 1896 les travaux d'une nouvelle voie d'accès, la Passe directe, qui
coupe le Stroombank au N.-W. d'Ostende, et permet aux navires
d'attaquer facilement le port par les grands vents du largo ; en 1000 ou y
sondait au moins 5m,50 sous marée basse de vive eau sur 3Ô0 mètres de
largeur. Knfin ce double succès a fait entreprendre la passe Est, destinée
• Voir les extraordinaires exploits des corsaires dunkerquois aux XVII*- et
XVI11* siècles dans Saint-Léger (A. de), L-i Flandre maritime et Dunkerque sous la
domination française, ltr/J-tT*'.! (Lille. Tallandier. liKJO, in-*', 171 p.), pp. 3S0-31IK.
* De Mey, forte en plage, p. 112.
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LA COTE. - LES PORTS.
à empêcher l'envasement complet de la petite rade, en ouvrant une
nouvelle issue aux courants de marée. I,es monceaux de sable aspirés sur
le Strooinbank, transportés sur le banc de Wenduyne, paraissent l'avoir
élargi sans provoquer un notable exhaussement 1 . Ces intéressants
travaux ont sauvé le port d'Ostende qui, s'il reste toujours mal abrité,
au moins ne deviendra pas impraticable.
Le manque d'abri, déjà sensible à Oslende, se fait encore plus sentir à
l'Est. La rade do Blankenberghe, profonde de 5 à 7 mètres sur des fonds
de vase, n'est guère protégée des vents du large par l'unique banc de
Wenduyne, dont la hauteur n'est pas assez considérable pour constituer
un obstacle sérieux. Au delà, il n'y a plus de bancs devant Zeebrugge, et
la rainure de l'Appelzak,qui étend jusqu'au nouveau port ses profondeurs
de 7 à 8 mètres, n'esl plus qu'une rade foraine. D'autre part le plateau du
Zand, qui sépare cette fosse de la passe des Wielingen, n'a guère que 5 à
7 mètres de profondeur, et des dragages seront nécessaires. Ce sont là
pour le nouveau port des inconvénients assez graves, et les tempêtes
violentes qui ont endommagé et retardé les travaux peuvent faire craindre
pour la sécurité des navires abrités derrière le môle.
Une question se pose à propos de ces rades : ne sont-elles pas suscep-
tibles d'être modifiées par les courants ? Ne peut-on pas craindre de
voir la belle rade de Dunkerque se eorabler peu à peu, et le Braeckse
joindre à la côte comme jadis le Scheurken ? On y a souvent songé, et on
a qualifié parfois de « rades de l'avenir » les autres fosses situées au Nord
de la rade actuelle. Cependant il ne semble pas que cette crainte soit de
si tôt réalisée. Ix) passé nous est ici garant de l'avenir. Les pécheurs de
Nieuport avaient déjà fait remarquer en 1770 à l'abbé Mann que les
bancs et les fosses ne subissaient aucun changement appréciable s. Les
relevés de précision dressés depuis 1801 donnent les mêmes résultats.
Pas de bancs nouveaux, pas de fosses nouvelles; et les fonds de
20 mètres en particulier ne paraissent pas avoir bougé. Le cri d'alarme
poussé en 18(34 par M. Jonglez de Ligne n'a pas eu d'écho 3. Cet ingénieur
craignait de voir la rade de Dunkerque s'ensabler par l'Est, et le Ilot
creuser entre le Snouw et le Braeck uno nouvelle passe par où les
< Van der Schueren, Travaux exécutas récemment et en cours d'oxécution à
l'atterrage et au port d'Ostende (Vlllr Congrès international de Navigation, Paris, lî»O0,
28 p., 5 pl.).
1 Abbé Mann, Histoire naturelle de la mer du Nord, pp. i i — i i *2-
3 Jonglez de Ligne, La Rade de Dunkerque (Revue maritime et coloniale, 1864,
20 p., 1 carte).
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LES PORTS DE L'OUEST MIEUX AHRITÉS
247
courants déserteraient la rade. Il n'en a rien été. Mêmes constatations
pour la rade de Nieuport, dont les passes septentrionales se seraient plutôt
améliorées ; tout au plus le Traopegeer s'est-il rapproché légèrement de
la côte. Les transports d'alluvions sont pourtant fréquents, constants
môme, dans la mer flamande, mais ils se réduisent à des échanges qui
aboutissent à un véritable équilibro : les courants giratoires, qui se pro-
duisent deux fois par jour devant le littoral, entretiennent d'une manière
continuo la formation des bancs aux dépens des plages, et l'ensablement
des plages aux dépens des bancs *. On n'a pu constater de changements
que dans l'Est. Devant Ostende, le Stroombank laissait encore en 1801 une
passe de 8 mètres environ de profondeur, par où l'on pouvait sortir de la
petite rade ; en 1866, le banc s'est allongé vers l'Est, et a réduit la passe à
5m,30 de profondeur; la petite rade s'envase. En 1882, le Stroombank
touche à la côte, la passe de l'Est est disparue, et la profondeur de la
rade diminue jusqu'à 5m,70 devant Ostende *. C'est là le grand danger
que l'on essaie de conjurer en rouvrant artificiellement une passe do
l'Est à travers le banc. A l'embouchure de l'Escaut, les variations ont été
plus favorables ; la grande passe des Wielingen s'est approfondie, en
absorbant les petits bancs de Kadzand et de Buiten-Paardemarkt qui
l'encombraient ; le Binnen-Paardemarkt s'est serré plus près de la côte,
s'allongeant légèrement vers l'Ouest, ainsi que la fosse de l'Appelzak.
M. de Mey ne voit là qu'un mouvement oscillatoire, tandis que M. Van Mierlo
conclut à un transport vers l'Ouest 3, et prédit pour le nouveau port de
Zeebruggc les pires ennuis : sous l'influence de ce transport vers l'Ouest,
le banc du Hompel sera peu à peu rongé par le jusant et transporté sur le
banc du Zand, qui va s'exhausser; le Paardemarkt va s'allonger vers
l'Ouest et venir joindre le banc de Wenduyne ; l'Appelzak va se combler
lentement, ("est peut-être beaucoup, et les changements survenus depuis
un siècle dans l'estuaire ne paraissent pas autoriser des craintes aussi
sérieuses. Cependant c'est là, d'Ostende à Breskens, la seule partie de la
côte flamande où l'on ne peut être complètement sûr du lendemain.
« Plocq, Courants, pp. 113-124. — Cf. chapitre VII, p. 122.
1 Déjà l'on proposait de construire sur lo Stroom une digue analogue à celle de
Cherbourg, un breakwater, pour augmenter dans la petite rade la force dos courants.
Voir à ce sujet de Mey, Ports en plage, pp. 31H-.J22.
3 De Mey, Ports en plage, p. ITû ; — Van Mierlo (C.-J.), Etude sur le régime de la
côte devant le nouveau port de Heyst (Ann. Assoc. Ingénieurs Garni. XX, 18ÎKKI7,
pp. 5-<>4, 0 pl.).
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LA COTE. - LES FORTS
Les Ports de l'Est moins encombrés
Mais si les ports de l'Est sont dessorvis par le manque d'abri du côté du
large et par l'inconstance des fonds, en revanche ils sont beaucoup moins
exposas que les porls de l'Ouest à d'abondants transports de sable, et par
suite beaucoup moins encombrés. Le vaste estran qui s'Elargit, de Calais
à Nieuport, à l'abri de la ligne des bancs de Flandre, est une perpétuelle
menace pour les chenaux. Moins fortes que celles d'Ostende, les lames de
Dunkerque obstruent beaucoup plus rapidement l'entrée du port. Aussi
les chasses, qui donnent des résull its convenables à Ostende pour la
tenue du chenal, étaient-elles insuffisantes à Dunkerque ou à Calais, et
les dragages y sont beaucoup plus considérables et plus coûteux. Avec un
dragage annuel d'environ 100.000 métrés cubes, on conserve à l'entrée
du port d'Ostende une profondeur de 6 mètres sous basses eaux ; à
Dunkerque, il faut arracher à la passe 500.000 mètres cubes de déblais
chaque année, pour y maintenir une profondeur de 3m,50 Heureusement
les gros navires peuvent attendre en sécurité dans la rade que l'état de la
marée leur permette d'attaquer le chenal. Les dragages sont plus faciles à
Calais qu'à Dunkerque; le sable plus pur, grâce aux courants qui
entraînent rapidement les matières vaseuses, est aspiré plus facilement
par l'élinde de la suceuse, et il suffit d'enlever 300.000 mètres cubes par
an pour entretenir le chenal et la passe à G mètres sous le zéro des basses
mers ; il ost vrai que les flots y sont plus agités, et rendent le travail de
dragage plus difficile. La position la moins favorable est celle de Grave-
liues. L'estran y est plus large que partout ailleurs, et il est encore pré-
cédé d'un talus sous-marin presque sans pente, qui recule jusqu'à 2kilom.
au large la ligne des fonds de 10 mètres. Ces circonstances provoquent,
vers l'entrée du port, un si grand apport d'alluvions, que la passe exté-
rieure finit par avoir une profondeur insignifiante sous le zéro des basses
mers. I^es chasses n'y peuvent rien, à cause de l'insuffisance du bassin de
retenue et de la longueur du chenal; il faudrait, pour améliorer le port,
des dragages si coûteux qu'on hésite devant la dépense. Nieuport serait
d'un entretien beaucoup plus facile ; les chasses y sont alimentées par un
afflux important d'eaux douces, dues à l'Yser et aux wateringues, el les
dragages de 80 à 100.000 mètres cubes qui y sont faits annuellement per-
mettent d'entretenir dans la passe 2 mètres à 2m,50 de profondeur au-des-
> Ue Mey. Ports en plage, p. 310.
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LES PORTS DE L'EST MOINS ENCOMBRÉS
2'.0
sous du zéro. Mais la situation un peu excentrique du port par rapport
au grand commerce belge en détourne les travaux et les améliorations.
Il existe donc entre les ports flamands des ditiérenees naturelles assez
considérables. Diverses sont les qualités, et aux qualités correspondent
dos défauts. Blankenberghe, Zeebruggo, manquent d'abri, et l'inconstance
des fonds leur réserve peut-être des surprises ; en revanche les dragages
y sont faciles, et permettront de lutter contre ces dangers. 1,0 cas est le
même pour Ostende, que l'emploi judicieux des dragues a tiré d'une
situation qui devenait menaçante. Plus exposé à la houle que Dunkerque,
Calais se débarrasse plus facilement des ensablements qui obstruent la
passe. Mieux abrité des lames du large, (iravelines végète derrière son
estran trop étendu. Nieuport a beaucoup d'avantages naturels: une rade
spacieuse et bien protégée, des chasses abondantes, et la possibilité de
maintenir en bon état son chenal tortueux. Knlin Dunkerque a sa rade,
dont les qualités de tenue, de profondeur et d'orientation sont telles
qu'elle suffit à en faire le plus favorisé des ports flamands, puisqu'elle
permet de négliger l'inconvénient d'une barre diftieile à percer.
III.
LES INSTALLATIONS MARITIMES.
A ces caractères naturels s'ajoutent les qualités artilicielles, c'est-à-dire
l'état des installations maritimes qui sont l'œuvre de l'homme. |,à encore,
(Iravelines et Nieuport sont sacriliés. A (Iravelines, le chenal extérieur de
1. .000 mètres de long, large de 75 mètres, se continue au delà de Fort-
Philippe par un chenal intérieur de 1.801) mètres, qui conduit à un port
d'échouage de 1 Ha 1/2, pourvu de 3'i5 mètres de quais. Derrière, un
bassin à flot de 2 Ha 1/2, communiquant avec l'Aa par des écluses de
navigation intérieure, et c'est tout. Nieuport n'est guère mieux partagé :
au bout d'un chenal de 3.(300 mètres de long, dont 000 mètres sur l'estran,
avec une largeur de 20 à 30 mètres à marée basse, se trouvent un port
d'échouage profond de 1 mètre a mer basse, pourvu de 332 mètres de
quais, et un bassin a flot de l Ha 1/2, auquel donne accès une écluse de
15 mètres de largeur, avec buse à 2m,50 sous le niveau des basses mers,
("est peu de chose, surtout pour Nieuport, dont les qualités naturelles
permettraient un développement commercial considérable. Blankenberghe
n'a qu'un bassin d'échouage de 120 mètres do long sur 100 mètres de
large, et un bassin de chasses ; c'est un simple port de pèche.
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2^0
LA COTE. - LES TORTS
Ports de voyageurs : Calais, Ostende.
Au contraire Calais, Dimkerquc et Ostende ont été largement pourvus
dans la distribution des grands travaux. Réduit jusque vers 1880 au bassin
d'échouage de l'Ouest, au bassin a flot qui lui faitsuito, et à la pittoresque
et vaseuse enceinte du Petit-Paradis, où s'abritent les barques do pêche,
Calais ressemblait encore un peu au port que nous représentent les vues
du temps de Henri VIII. C'est alors qu'on creusa pour les grands navires
des paquebots qui font le service de Douvres ; un bassin à flot de 1 1 Ha,
creusé à 3 mètres sous le zéro, relié d'un côté a l'avant-port par deux
grandes écluses de 137m,50 de longueur utile, de l'autre à un bassin de
navigation intérieure de ÎX K) mètres de long, dans lequel débouche le
canal de Calais à St-Omer. Ostende termine en ce moment même de vastes
travaux. Ses installations comprenaient jusqu'en 1000 un avant-port où
accostaient les paquobots de Douvres, un bassin d'échouage pour les
pêcheurs, une petite darse pour les chantiers de la Marine, et trois petits
bassins à flot, dits bassins du Commerce, avec une superficie totale do 5 Ha.
Au fond de l'avant-port le canal de Hruges, élargi, constituait un arrière-
port qui s'étendait jusqu'à l'écluse de Slvkens. Presque tout est transformé
aujourd'hui. Ou va combler un des trois bassins du Commerce, d'un accès
trop difficile. En revanche le port s'est agrandi de moitié vers l'Est. L'an-
cien arrière-port est devenu un nouvel avant-port, pourvu sur sa rive Ouest
d'im mur de quai à marée le long duquel les vaisseaux trouveront un
Flfi. M. — fort de Calais. Ktat aciuol.
Échelle de I : WUXHI
un nouveau port à
l'Est de la ville,
sur remplacement
des fossés qui en-
touraient le vieux
Calais : à l'extré-
mité du chenal, un
avant-port de 160
mètres de large ,
profond de \ mètres
sous le zéro des
basses mers , et
pourvu de 800
mètres de quais
pour l'accostage
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LES INSTALLATIONS MARITIMES
251
mouillage de 8 mètres au-dessous du niveau moyen dos basses mers de vive
eau. L'écluse de chasse d'un bassin de retenue de 80 Ha, qui débouche en
faco de ce quai, surtira à entretenir la profondeur de cette souille. Au Sud
Échelle do I : W.<mhi
Fu». 48. — l'on d'OstcncIc. Eut actuel.
est creusé un nouveau bassin â tint de 0 Ha, auquel fait suite un bassin canal
destine au commerce des bois, et communiquant avec une dérivation du
canal de Bruges. Les émissaires des wateringues, Noord-Kede et Camcr-
Iinckx, débouchent djins l'avant-port, et ainsi contribuent par leurs chasses
a son approfondissement. 1 /écluse du bassin à flot a 120 mètres de lon-
gueur utile, 18 métrés de large, et son buse est à i"',50 sous mer basse
de vive eau. Des cales sèches, un grand bassin de la Marine, sont prévus
sur la rive Est du nouvel avant-port '.
Port de marchandises : Dunkerque.
A Osteudc et à Calais, c'est l'avant-port qui a surtout préoccupé les
ingénieurs, et c'est l'organe le plus soigné de toutes les installations ; car
on s'y propose avant tout do faciliter l'accostage de paquebots à grande
• Cf. Van der Sehueren, Travaux exécutés récemment, pp. 8-1 i.
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252 LA COTE. - LES I>ORTS
vitesse, qui no pénètrent pas dans les bassins. Dunkerque, port do
marchandises, a surtout soigné ses docks. Jusqu'au milieu du siècle, le
port ne comprenait que les deux vieux bassins à flot de Y Arrière-Port et
de la Marin»», aujourd'hui isolés au fond des nouvelles darses; une loi de
1KÎ5 transforma le port d'échouage en un bassin qui est devenu le bassin
«lu Commerce. Enfin depuis 1801, les transformations se sont accomplies
sans relAche, élargissement de Pavant-port et du chenal, reconstruction
des jetées, creusement de quatre nouvelles darses au Nord des anciennes,
qui prirent le nom do bassins Freveinet par opposition aux trois vieux
bassins; création de cales de radoub. Les bassins présentent aujourd'hui
une surface de YS Ha, dont 31 pour les quatre nouveaux ; plus de 7 kilo-
mètres de quais les entourent, et les terre-pleins de ces quais, couverts de
hangars, d'entrepôts, d'engins de manutention, offrent une surface de
55 Ha. Trois écluses relient les bassins à Pavant-port, dont la plus vaste,
large de Si mètres, présentant 177 mètres de longueur utile el 20&*,ûO de
tète en tète, ayant son buse à 5 mètres sous le niveau des plus basses
mers, a coûté 9 M) AUX) francs; c'est l'écluse Trvstrara, ainsi nommée en
Phonneur du créateur véritable du nouveau port. Il faut ajouter à cet
organisme remarquable les quais de Pavant -port, utilisables sur
1.075 mètres; les chantiers et le bassin d'armement de l'Est ; les bassins
de batellerie, avec 5. 150 mètres de quais, qui mettent en relation les canaux
de Furnes, de Rergues et de Bourbourg avec les darses, et par où les
grosses bélandres de 300 tonnes viennent accoster le flanc des navires.
Ainsi les Dunkerquois ont dignement ajouté aux qualités naturelles de
leur port une série d'ouvrages uniques sur la côte flamande
dépendant, malgré ses belles dimensions, le nouveau port étouffe. Cette
ville de hangars, d'entrepôts, de magasins, qui es! déjà plus étendue que
le vrai Dunkerque, s'est trouvée dès son achèvement insuffisante; avant
que les travaux du programme Freycinet ne fussent terminés,on réclamait
à grands cris de nouveaux agrandissements. Cette prétention étonne le
visiteur qui parcourt les môles, et qui voit les vastes bassins où la place
ne manque pas : pourquoi donc en créer d'autres ? Rien n'est plus néces-
saire cependant ; ce ne sont pas les bassins qui sont insuffisants, mais les
quais constamment encombrés de marchandises que l'on ne peut évacuer
assez vite vers l'intérieur. Or de nouveaux quais supposent de nouveaux
bassins. Voilà pourquoi la Chambre de Commerce va appliquer incessam-
ment à la prolongation des darses 3 et i les crédits votés par le Parlement
1 Sur l<-> transformations du port, consulter: Hoiiehet (E.), Le port de Dunkorque
(Dunkerque, Chéroutre, 181»), in-8% p., 1 plan).
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Fio. -19. - DUNKERQUE VERS 18-10
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F;o. 50. - UUNKEftoUË bïi l>« i.
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Fig. 50. - DUNKERQUE EN 1900
d'aprrs un plan en rciiot, à la Chan.Vr'- i* Ccf<llT#t1*
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LES INSTALLATIONS MARITIMES 253
et reculer à l'Ouest les fortifications à une distance telle que le port aura
de quoi tripler dans l'espaco devenu libre, t n programme grandiose est
Échelle de I : iU.Ouu
Fig. 51. — Port de Dunkerquc. — Projets d'agrandissement.
(Le puintill" reprisante lo trac<- nctuelj.
tout prêt pour l'avenir ; le jour où la construction du canal du Nord-Est
étendra jusqu'à Nancy l'hinterland du port flamand, Dunkerque sera
prêt à exécuter les travaux d'agrandissement qui seront plus nécessaires
que jamais *.
* Pour les agrandissements en cours, voir: Chambre des députés, i9(H, Annexe au
Procès-verbal de la séance du 't juillet l'.Ktl, Rapport de M. Guillaiu, .H» p. ; Sénat,
11*02, Annexe au Procès-verbal de la séance du 2 décembre ilK)2, Rapport de M. Harbey,
tfip.
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25'.
LA COTE. - LES PORTS
Port d'escale : Zeebrugge.
Cependant les transformations subies par les ports flamands n'ont pas
altéré complètement leur caractère ancien : les chenaux sont agrandis, les
avant-ports élargis et creusés, les bassins à flot multipliés; mais le
système reste le même. A Zeebrugge, créé de toutes pièces, on a pu faire
quelque chose de neuf. Il y a deux conceptions à l'origine de ce port : on
a voulu d'abord en faire une sorte d'avant-port de Bruges, relié à la ville
par un canal do navigation maritime ; et sur ce projet ou a greffé celui
d'un port d'escale, propre à assurer avec le maximum de rapidité le trans-
bordement des voyageurs et des colis de vitesse. De là deux ports
distincts Ixî premier est un élargissement du canal qui va à Bruges:
il comprend un chenal entre deux estacades, et un avant-port, le tout
long de 7f>0 mètres, large de 106, et approfondi à 0 mètres sous les marées
basses de vive eau ; puis l'écluse, 20 mètres de large, 158 de longueur
utile ; ontin l'arrière-port, long de 660 mètres et large de 98. En arrière
le canal maritime, large de 70 mètres, profond de 8, s'allonge droit
vers Bruges, dont les hautes tours semblent regarder vers la mer qui
revient au devant d'elles*. Tout cela ressemble au port d'Ostende,
formé lui aussi d'un épanouissement du canal de Bruges à Ostende.
Ce qui est nouveau, c'est le port d'escale. Il est formé uniquement
d'un immense môle courbe, long de 2.237 mètres. Cet ouvrage s'en-
racine dans la dune par une partie pleine de 232 mètres qui va jusqu'à
la laisse de basse mer et à laquelle succède une partie à claire-voie,
longue de 400 mètres, destinée à laisser circuler les courants côtiers qui
doivent empêcher l'envasement. La troisième partie, pleine, longue
de 1.005 mètres, vient se recourber devant le chenal du port intérieur
jusqu'aux profondeurs de 8 mètres, à 050 mètres de la laisse de basses
' Voir une description très exacte des ouvrages dans : Visart (A.), Le Port de Bruges
(U Belgique contemporaine, I, VM'i, pp. 'SV-'Sîl);— Nyssens-Hart J.), Le port
d'escale et le port intérieur de Bruges (Bruxelles, Lesigne, 18118, 45 p., pl.;; — Nys-
sciis-llart et Piens (Ch.). Construction du mole et du port d'escale de Zeebrugge
(VHP Congrès international de navigation, Paris, ÎÎKM) ; — Nyssens-Hart et Zone,
1a> port de vitesse de Heyst (Bruxelles, Lesigne, 189i, in-8°, 1^1 p., 3 pl.).
1 A Bruges même, le canal aboutit à deux bassins : celui de l'Ouest avec une profon-
deur de 0,50, celui de l'Kstavec 8 mètres, séparés par un môle de l'M mètres de large,
avec des entrepôts. Le bassin de l'Ouest communique avec le canal de Bruges à
Ostende, et par là avec toutes les voies navigables de l'intérieur, au moyen d'une
écluse large de tf> mètres, avec une longueur utile de mètres.
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LES INSTALLATIONS MARITIMES
255
mers; l'aire protégée est de 110 Ha. Ainsi cette jetée hardie abrite des
vents de l'Ouest et du Nord l'entrée du chenal, précaution utile sur
cette partie de la côte que les bancs de Flandre ne protègent pas contre
les lames du large ; elle fait ici l'office d'une digue de Cherbourg reliée à
la terre. Mais son rôle principal est de servir elle-même de quai d'accos-
tage. La partie pleine est pourvue de 1.271 mètres de quais d'accostage,
au pied desquels on entretiendra 8 mètres de profondeur sous mer
basse : ces quais sont défendus du côté de la haute mer par un parapet
en béton de 6 mètres de haut ; et commo le môle se trouve déjà à la
cote + 7, la parlie supérieure du parapet atteint la cote -f 13. A l'abri
de ce rempart s'alignent les hangars, les engins de manutention, les
voies ferrées qui amèneront les trains au long des steamers. Ainsi les
grands paquebots rapides pourront, avec le maximum rie rapidité, toucher
à Zeebrugge et reprendre aussitôt la mer.
Cette conception hardie a soulevé bien des critiques. M. de Mey estime
que le môle courbe donnera des mécomptes : l'entrée est mal orientée, les
bateaux auront à tourner un angle de 90° pour pénétrer dans la zone
protégée ; par les grands vents d'Ouest au Nord, cette manœuvre risque de
les jeter à la côte ou sur le Paardemarkt ; il sera difficile aux voiliers d'y
entrer autrement que derrière des remorqueurs. Un envasement est à pré-
voir au droit des musoirs du port intérieur ; le jusant pénétrant largement
et ne trouvant que l'issue resserrée de la claire-voie sera entravé et
précipitera des alluvions. Le môle protégera mal l'entrée du chenal,
surtout "par les vents du N.-E., qui sont assez fréquents en Flandre;
môme il sera un obstacle pour le port intérieur; au moment du Hot, les
navires devront venir attaquer de l'Ouest le chenal, manœuvre qui sera
difficile dans l'espace resserré compris entre le môle et les musoirs; par
le jusant, le vent d'Est jettera les bateaux sur l'ostacade. On verra à
l'usage si ces craintes sont fondées. Mais on peut aussi se demander si
l'absence de vieilles institutions commerciales, de négociants rompus
aux affaires maritimes, d'une population de marins, le manque d'industrie
et do commerce dans la région n'entraveront pas pendant quelque temps
l'activité économique du nouveau port. Il ne manque pas de gens en
Flandre pour remarquer qu'au moment où Anvers va pratiquer la
« coupure » de l'Escaut et établir de nouveaux docks, où Gand double
ses installations et approfondit le canal do Terncuzen, où Ostende a
reconstitué complètement son port, il était peut-être superflu de jeter tant
de millions sur la plage de Heyst.
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LA COTK. - LKS PORTS
IV.
LKS VILLKS; LKS PLAGKS.
Le développement qu'ont pris les ports flamands au XIXe siècle n'a
guère modifié la physionomie des villes. Elles n'ont pas l'air animé,
vivant, que présentent d'ordinaire leurs pareilles, même les plus tristes
d'aspect. \ji différence est grande avec Anvers, étendue en façade sur
l'Escaut, et où la vie du port se mêle à celle de la ville. En Flandre, les
bassins s'éloignent des anciennes cités, souvont enserrées dans leurs
remparts; les installations nouvelles de Dunkerque, d'Ostende, sont
loin du cœur de la ville. A Dunkerque, dès qu'on quitte les quais pour
pénétrer dans les rues, rien ne rappelle le port, c'est une calme sous-
préfecture de province. A part quelques rues de matelots comme le
quartier du Courgain à Calais, le Quai des Pêcheurs à Ostendo avec
ses façades bariolées et ses cabarets aux enseignes en anglais, les villes
de la côte ont une physionomie assez banale.
Aspect et évolution des villes.
Cependant aucune d'elles ne ressemble aux autres. Les deux bourgades
endormies de Nieuport et Gravelines sont déjà très différentes. Complè-
tement reconstruit au XVIIe siècle, Nieuport est pourtant gris et triste ;
la brique blanche de la plaine maritime y a pris une couleur sombre,
presque noire; le nombre relativement considérable de pignons flamands à
escalier, construits au XVIIe siècle, et de maisonnettes basses à man-
sarde de pierre comme on en voit dans les rues pauvres de Bruges et
d'Ypres, accentue son air de vétusté. U misère n'a rien pour se cacher
dans ses larges rues droites et désertes, où le passant se sent épié par les
vieilles dentellières qui travaillent derrière leurs petites vitres sombres.
La pauvreté ici date de loin, car une charte de Maximilien la constato au
XVe siècle, et l'Allemand Forster, en plein midi, n'y rencontre personne
dans les rues lorsqu'il y passe en 1700 s. Gravelines est une petite ville
1 Sur le commerce des ports, voir chapitre XVI.
! Charto de l 'iiC> imprimée dans Gilliodts, Coutumes de Nieuport, p. Sû. — Voir
Forster, Voyage philosophique et pittoresque... fait en 171K) (Paris, Huisson. an III,
2 vol. in*)* II, p. 18'i.
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L'ASPKGT HT L'KVOLl.TION DKS VILLES
257
proprette et banale, de ces vieilles cités flamandes où les couvents et les
casernes tiennent tant de terrain : d'énormes et savantes fortifications la
couvrent, qui tionnent plus de place que la ville même. I,a partie vivante
de la population, marins et pêcheurs, n'habite pas la ville, mais les gros
hameaux du Petit-Forl-Philippe et d&s Huttes. Mais ce qui rapproche les
deux petites villes, c'est l'identité du paysage environnant: l'immense
étendue des plaines, polder Lens ou Hems-St-Pol ;les chenaux de l'Aa et
de l'Yser, les bassins d'échouagc oii la marée basse laisse sortir de l'eau
des bancs jaunâtres et gluants ; la ligne blanche des dunes ; un ensemble
calme et mélancolique. Malgré quelques tentatives industrielles, la vie
reste comme ralentie autour des deux ports que lit naître, à la même
époque, l'intelligente activité des princes de la maison d'Alsace.
Au moins Calais, Dunkerque, Ostende, sont de vraies villes, bientôt de
grandes villes. Calais offre le curieux spectacle de trois cites distinctes
groupées dans le même organisme municipal. Tout contre le port, le
Courgain des marins, d'un pittoresque de ville méditerranéenne, hautes
maisons enserrant des ruelles étroites encoinbréos en bas de bandes
d'enfants, barrées en haut de vêtements qui sèchent. Puis viont le vieux
Calais, déjà a moitié flamand d'aspect ; les toits se hérissent de tours de
guet, les monuments sont rudes comme ceux d'une ville de corsaires,
surtout cette robuste et pauvre tour d'église, « usée par le vent salé de la
Manche », et que Ruskin compare à un vieux rocher. C'est la ville des
armateurs, des commerçants, des petits bourgeois. Que l'on franchisse
les bassins qui ont remplacé les fortifications de François do Cuise et de
Richelieu, et l'on trouve un spectacle bien différent: plus rien d'un port ;
une grande ville industrielle neuve et banale, déjà salie par les fumées
des usines, larges rues aux maisons inégales, fabriques, terrains vagues,
corons, le tout renfermé dans une enceinte moderne où pourraient tenir
150.000 habitants, et où la ville nouvelle, malgré son rapide développe-
ment, est a l'aise. C'est St-Pierre, la capitale du tulle, qui prend sur Calais
la revanche de l'antique Pétresse, dépossédée jadis au profit du port
florissant. Fixée d'abord dans le vieux Calais, l'industrie émigra défini-
tivement en 1&*7 à St-Pierre, chassée par les réclamations des habitants
et par le manque d'espace ; elle trouvait là, sur les espaces libres des
l*icrrettos, la place et les tolérances qu'il lui fallait. Bientôt le faubourg
dépassa la ville, et finit par l'annexer en 1<S85. Le vieux Calais a quelque
rancune de cette croissance; les deux villes sont plus que différentes;
elles sont un peu rivales. La population sédentaire et posée de l'ancienne
considère sans bienveillance les éléments mêlés, changeants et
turbulents de St-Pierre, déracinés des campagnes voisines, Flamands de
n
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258
LA COTE. - LES PORTS.
Dunkerque et d'Hazebrouck, Belges des deux Flandres. Les Flamands
sont nombreux dans la nouvelle ville, où ils exercent les professions
pénibles et se louent comme domestiques ; dans certaines églises il y a un
prêche en flamand le dimanche. Cette population neuve, exploitant une
industrie sujette à de brusques variations, traverse périodiquement des
crises violentes auxquelles elle est mal préparée, et qui font grand tort à la
ville. De 38.156 habitants en 1876, Calais a bondi en 1886 au chiffre de
58.969 ; en 1901, elle reste a 59.743. Augmenter de 20.000 habitants en
10 ans, puis de 800 dans les 15 années qui suivent, c'est bien là que se
caractérise l'activité économique de Calais.
Dunkerque est plus posé. Sa croissance, au cours du siècle, s'est pour-
suivie régulièrement, sans à-coups. Ici les statistiques n'indiquent pas exac-
tement la réalité : à s'en tenir aux chiffres des recensements, l'accroissement
serait lent, et la population à peu près stationnaire. I^a commune avait
23.815 habitants en 1804, 32.113 en 1861; en 1876 elle atteignait 35.071,
38.025 en 1886, 38.925 en 1901. Et l'on s'étonne qu'un port qui est devenu
le troisième de France ait si peu d'habitants et présente une si faible
augmentation. Simple apparence. Depuis 30 ans, Dunkerque, complète-
ment rempli dans son enceinte, s'est répandu au dehors, dans les communes
suburbaines. Aux 39.000 Dunkerquois intra-muros qu'on joigne les 32.000
personnes qui vivent à Rosendael, St-Pol, Coudekerque-Branche, Malo et
Petite-Synlhe, et l'on obtient 71.000 habitants, le vrai chiffre de la popula-
tion de Dunkerque. L'accroissement se continuera dans la banlieue, mais
11 a atteint son maximum dans la ville ; celle-ci est pleine. Ony compte par
maison 11,2 habitants; or le vieux Lille lui-même, qui paraît si entassé,
n'en a que 10, et les autres villes du Nord un peu plus de 5 : 5,05 à Tour-
coing, 5,25 à Roubaix, 5,40 à Armentières. Ici, il est difficile d'habiter une
maison, comme c'est l'usage dans toute la Flandre; on en est réduit aux
appartements. Faute do place dans le logement, le Dunkerquois, surtout
enfant, vit dans la rue; de là peut-être son amour des fêtes bruyantes de
la voie publique, au Carnaval, à la Kermesse *. Toutes les maisons ont au
moins un étage, le plus souvent deux ; encore beaucoup d'habitants conti-
nuent-ils à vivre dans loscavas.Ces maisons sont pour la plupart de banales
bâtisses élevées ou refaites au XIXe siècle, construites on briques jaunes,
ce qui, remarque Barbault- Royer en 1799, « distingue spécialement Dun-
kerque de toutes les villes rouges de Flandre ». Au moins la ville est-elle
propre, malgré l'avis de ce voyageur, qui lui trouve « l'aspect fort sale et
• Marguerit, A travers la Flandre maritime. (Méin. Soc. Dunk., XXVIII, pp. Sà't-
270).
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L'ASPECT ET L'ÉVOLUTION DES VILLES
d'autant plus sale qu'elle fourmille de matelots » 1 ; en réalité, la nature
sablonneuse du sol, las instincts de nettoyage des habitants, la régularité et
la largeur des rues, donnent à Dunkerque l'air d'une ville bien tenue, môme
un |>eu trop correcte et froide. Pas de maisons curieuses, peu de monuments :
l'hôtel de ville, la grosse tour do St-Eloi, beau donjon noirâtre aux lignes
sobres; le reste est utilitaire: tours de guet, phare, et l'édifice commun à
toutes ces villes delà côte, la tour-réservoir en briques. En effet, trouver de
l'eau potable en quantité suffisante a toujours été un des graves problèmes
à Dunkerque et dans las villes voisinas. Il ne fallait pas songer à utiliser
l'eau du sol, « l'eau braque», saumâtre, bonne tout au plus au lavage des
maisons. Les citernes a eau de pluie ont été longtemps l'unique ressource ;
ressource assez précaire, car cette eau peu engageante manquait parfois, et
l'autorité devait rationner les habitants *. En se développant, il fallait que
Dunkerque trouvât autre chose. I/»s puiLs artésiens creusés à grands frais
n'ayant donné aucun résultat, pas plus qu'à Ostende et Blankenberghe, la
ville essaya das eaux impures du canal de Bourbourg, et finit, à l'exemple
de Calais, par aller capter les sources pures de la craie qui jaillissent à la
base de l'Artois. Calais, plus rapproché des hauteurs, s'alimente à Guînes;
Dunkerque dut établir une canalisation de 40 Km. et deux réservoirs jMiur
utiliser les eaux de Houlle 3. Moins bien partagée, Oslende en est encore
réduite aux citernes et à l'eau de canal filtrée, très peu utilisée parce qu'elle
est souvent contaminée; fâcheuse condition pour une ville de plaisance que
l'emploi de ces eaux grisâtres et douteuses. Mais il faut aller si loin pour
trouver l'eau pure on abondance, aux coteaux de Wyncndaele, peut-être
jusqu'à l'Ardenne calcaire, qu'on hésite à l'aller chercher à ce prix.
Ostende ne pourra cependant pas se passer longtemps encore de cet
élément do prospérité. C'est une des villes de Flandre qui se sont le plus
rapidement développées à la lin du XIXf siècle : elle végétait au XVIIIe,
• Barbault-Roycr, Voyage dans les départements du Nord, de la Lys, de l'Escaut,
etc. (Paris, l^petit, messidor an VIII, in-8°, 200 p.), pp. 187-188.
* « L'eau de citerne a un goût de vase très prononcé ; en été et en automne elle est
chargée de quantité de petits insectes transparents. On y trouve des vers plats et
rouges de la longueur d'un pouce nageant presque toujours.... » iTully, Essai sur les
maladies de Dunkerque. Dunkerque, de Boubers, 17M, in-18°, 2»>î p.). — A Calaia,
l'instruction de lT.'i'i pour les garde-ci ternes prescrit de fournir l'eau d'abord aux
soldats chaque jour à 7 h. 1/2 du matin, puis aux bourgeois une fois le jour de 8 à 9,
pendant une heure, sur le vu des billets délivrés par les maïeur et échevins, dans une
cruche seulement. (Arch. Pas-de-Calais, C. 110).
8 Sur l'eau potable à Dunkerque, voir : Duriau (G.), L'hygiène publique à Dunkerque.
(Mém. Soc. Dunk., 1898, t'A) p.).
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LA COTE. - LES PORTS
après la chute de la compagnie austro-belge qui portait son nom, et n'avait
guère en 1770 que 5.300 habitants : c'était un autre Nieuport, une
bourgade de pécheurs et de marins. Le recensement do l'an IX en indique
10.200; il n'y en a encore que 19.897 en 1880, 24.688 en 1890. Or le
recensement du 31 décembre 1900 fournit le chiffre de 39.484, en gros
40.000. Ainsi la population a doublé en 20 ans. Ce développement si rapide
n'est pas dû, comme à Calais, à la présence d'une grande industrie, ni
même, comme à Dunkerque, à la prospérité du port ; il est le résultat de la
vogue prise par Ostende comme station balnéaire. I,a vieille forteresse de
l'archiduc Albert est devenue la « Reine du littoral ». 130 à 140.000 visiteurs
y passent chaque année ; 40 à 50.000 étrangers y séjournent, Belges,
Anglais, Français, Allemands 1 . Or ces baigneurs n'étaient guère que
10.000 en 1860, 22.000 en 1875, et c'est surtout depuis 1880 que leur nombre
a augmenté: 38.000 en 1890, 42.600 en 1902, jusqu'à passé 50.000 en
1899. Pour recevoir dignement ces visiteui-s et en attirer d'autres, Ostende
a fait sa toilette. Ce n'est pas seulement sur la digue de mer qu'on a fait
disparaître « ces petites maisons tenues fort basses pour Aire moins exposées
aux terribles effets de certains vents de mer *» qu'on y voyait au début du
siècle, pour les remplacer par les splendides constructions actuelles;
toute la ville s'endimanche, et prend peu à peu, surtout dans l'Ouest,
l'air distingué des villes de villégiature.
lires Plages.
Ainsi le port commence à n'être qu'un accessoire dans la vie d'Ostende ;
avant tout elle est une des plus fréquentées de ces Plages qui sont la forme
la plus récente des rapports entre l'homme et la cote flamande, et en ont
modifié si curieusement la physionomie. La nature de la côte s'y prête,
avec son estran en pente douce ; la clientèle était assurée : la populeuse et
riche région de l'hinterland a fait de la côte son séjour d'été: Français
du Nord, Belges, Allemands, lui sont fidèles ; les Anglais même y viennent
en nombre. Les profits sont tels, que chaque village des dunes veut avoir
sa part. Dès le Zwin commence la rangée des plages belges. I>es condi-
tions y sont peut-être moins favorables que dans l'Ouest: les lamas
sont plus fortes, la mer plus houleuse ; cependant le succès est venu.
« Bulletin de la Chambre de Commerce d'Ostende, 11102, n« 13, pp.
* Paquet-Syphorien, Voyage historique et pittoresque fait dans les Pays-Has et dans
quelques départements voisins en 1811, \2 et 13 (Paris, Firmin Didot, 18K», 2 vol.
in-8"), II, p. 134.
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ihiX h»rrHiï*»s i*îV- .< ;V < ■•rla«ii*\i'M> »|«» n «>•• iiu'oii y vm'..il au •! «
HMM'li*, pour !(•»> r »**!• «»r jt.»r J<*n >{»!ikijilMtMs '*tin»l rut'tim»* a«*l *
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Pair <!?xKj*yî*ii' «!• ^ vùt*** *•« ■ •i'i'vî'^uj»*.
1 .< s Plagoa.
Aillai î«' |>«»i't <• >iaa i« . •• j , ••!:•' iju'uu iitT*ss«'ir«* iljiis !:» vu* -1 1 1**!* a
avsml luiil t'ili-t'vt U||i> Ji- , ih fiVijiH'iilô-'s «k» tn*> Pl."^1** mui >■•..! !a
la ii'ii*» iv- oiit'' ''■»> ra'',- "i K f..!i«* "l,.nuii»*' et ia • **»('• tti.iiiuiuk*. <»1 i
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■•ri ii"t»»br»'. l/AS t i*»ili*s >«»aî l'ha'JUi* «liaiii*> v»*ut .*
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LES PLAGES
26i
Knocke, Heyst, Blankenberghe, Wenduyne, le Coq, groupent sur les
duues, dominant la mer, de longues rangées do villas rutilantes et
d'hôtels gigantesques, qui s'abritent l'hiver derrière d'immenses volets
de bois et secouent leur chrysalide au printemps, pour la venue des
étrangers : 15 a 18.000 à Heyst, 200.000 à Blankenberghe, dont 34.000 y
séjournent1. L'énorme développement d'Ostende n'a pourtant pas arrêté
l'essor des constructions dans la direction de l'Ouest : Mariakerke,
Middelkerke, Westende, Nieuport, môme Coxyde, Oost-Dunkerke,
La Panne et Bray-Duues, isolées derrière leurs sables, ont leur plage ;
Malo-lcs-Bains touche à Dunkorque. Do Nieuport à Dunkerque, c'est la
bonne côte, bien abritée des lames, avec un estran qui n'est pas
démesuré, et derrière, le pittoresque des hautes dunes.
La juxtaposition de ces villes neuves aux anciens villages des dunes
(Fragment de la feuille Middelkerke d« la carte Uipographique bel^s a 1 : M.000).
Fig. 52. — Une ville balnéaire : Middelkerke.
produit parfois des agglomérations de forme curieuse, où l'on retrouve les
éléments anciens. La bourgade de Middelkerke comprend en réalité trois
' Renseignement* des administrations communales. — Sur Blankenberghe, voir les
articles de Van den Buasche (E.) dans « la Flandre », vol. VI, VU, VIII et IX.
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262
LA COTE. - LES PORTS
parties : sur les dunes, la digue de mer avec les hôtels, les villas élégantes
ou biscornues, le promenoir et ses lampadaires électriques, et derrière,
des embryons de rues sableuses, où les maisons alternent avec los terrains
vagues. Cette partie neuve touche aux vieilles maisons de la lisière des
dunes, habitées par les maraîchers, et qui forment le long des sables une
ligne de chaumières pittoresques, d'aspect caractéristique. Enfin plus bas,
dans la plaine même, s'étend l'agglomération née sur la route d'Ostende
à Nieuport, habitée par les commerçants et les ouvriers agricoles; c'est
un village de la plaine maritime. Ainsi dans cette simple commune de
2.040 personnes, on trouve trois types d'habitat particulier, presque trois
petites villes distinctes.
Cette floraison de villes neuves a transformé la côte ; les stations
balnéaires l'ont embellie et enrichie. Toutes ces bourgades des dunes,
jadis les hameaux les plus misérables et les plus inconnus de la Flandre,
célèbres surtout par les désastre* que leur infligeaient la mer ou las
sables, sont devenues prospères, presque illustres. Devant les anciennes
cités, qui risquaient juste leur beffroi ou leur tour d'église par-dessus
les dunes, des files de maisons se sont établies au bord môme de la
mer, sur le dos des monticules : hôtels énormes, aussi vastes que
los grands hôtels de ville flamands : villas de tous styles, hautes
et brillantes, véritable défi aux vents et aux vagues. La côte déserte,
inhospitalière, s'est peuplée; elle devient une rue luxueuse et animée.
Cette transformation achève le contraste entre l'aspect peu engageant de
cette côte, la tristesse de ses dunes et de ses estrans, et l'activité écono-
mique qui s'y est établie. L'âpre région eôtière s'est humanisée ; elle est
riche et peuplée ; la Flandro a maintenant sur la mer une façade digne
d'elle-même.
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2iï\
CHAPITRE XI.
L'EAU DANS LA PLAINE: POLDERS ET WATERINGUES1.
I. Lutte contre la mer. — II. Lutte contre les eaux intérieures. Objet des Wate-
ringucs. Organisation. — III. L'œuvre des Waterinf/ues. Los rivières : Aa, Yser.
Canaux d'assèchement. — IV. Résultats de l'assèchement. Calaisis. Marais do
St-Omer. Moëros. Terres basses de l'Est. Progrès accomplis et à accomplir.
Du haut des grandes dunes de la Panne, la plaine maritime apparaît
sous un de ses aspects caractéristiques. De grandes étendues de guérets
noirâtres ou gris, sur lesquels tranche la couleur jaune des sables côtiers;
ça et là des pâtures, dans la proportion d'un tiers. Pas la moindre émi-
nenco à laquelle puisse s'accrocher le regard. Des lignes de saules bas,
qui suivent les fossés ; quelques massifs de peupliers fortement inclinés
au S.-E. ; et derrière ce mince écran, les constructions basses de grandes
fermes. Les maisons sont rares, surtout les petites. On aperçoit peu
d'habitants, parfois une « bande », 30 à 40 personnes de front, occupées à
un sarclage ou à un binage. Ce qui anime le plus le paysage, ce sont les
mouvements lents des bêtes sur les pâtures. I,e soleil fait briller la
ligne blanche d'un watergand, et sortir de lointains brumeux des
clochers sévères.
Watergands, pâtures et terre grise, fermes, arbres rares et penchés, •
sont les notes uniformes de ce grand paysage vide. Les proportions
peuvent changer, mais les éléments restent les mômes. Aux environs de
Nicuport, l'absence d'arbres dans l'ancien golfe de l'Yser est plus sensible
encore qu'ailleurs: pas un tronc sur 5 kilomètres, entre l'église deMiddel-
kerke et celle de Slype : à peine derrière une ferme quelques malheureux
pommiers, tordus, leurs branches horizontales, violemment lancées vers
l'Est. Ailleurs, de Bergues à Dixmude, ce sont les pâtures qui envahissent
lo paysage, et l'égaient de leur immuable teinte verte, sur laquelle tranchent
les petits ponceaux de briques, blanchis à la chaux, qui franchissent les
watergands. Autour d'Ostende, tout est gris ; la terre forte de la crique a
1 A consulter: Schramrne (.).). Des Watoringues. (Bruges, iMaortens, I8U0, in-8»,
200 p.); — Schramrne (J.), Limbourg (H.) et Van do Wattyno (F.), Des Polders.
(Bruxelles, Larder, IW4, in-8», 312 p.).
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m L'Eau dans la plaine: polders et wateringues
gardé la couleur des alluvions marines. Par endroits, les watergands
deviennent plus nombreux ; le sol est coupé de grandes flaques où se
creusaient jadis les exploitations de tourbe ; c'est le marais, tantôt sauvage,
tantôt cultivé, où les saules se font nombreux. Mais l'impression domi-
nante, surtout lorsqu'on arrive de l'intérieur, est celle de nu et de vide.
Enchanté du pays de Waes, Forster débouche sur les polders de Zwyn-
drecht. « Aussitôt les arbres, les buissons, disparaissent. Le pays se change
en une vaste lande. On ne voit plus qu'une plaine chauve bornée par des
pâturages et des prairies » *. Ce que l'enthousiaste Allemand appelait une
lande, dans un mouvement de mauvaise humeur que calmait à peine
« l'imposante grandeur » du panorama d'Anvers a l'horizon, c'est la terre
la plus fertile de Flandre ; mais elle est bien vaste et chauve à souhait.
Ce pays plat et nu est aussi le pays bas. Sur presque toute son étendue
la plaine serait recouverte par les marées hautes de vive eau, sans l'obs-
tacle des digues et des dunes. 11 n'y a guère que la lisière côtière et le dos
des anciennes îles qui pourraient émerger. Certaines parties sont si basses
qu'elles sont au-dessous du niveau moyen de la mer. Dans les Moères
franco-belges, le sol s'élève à peine à 1 mètre au-dessus des marées basses
de vive eau. Tout au long de la limite du Houtland, la plaine s'affaisse en
une rainure où le sol se trouve, par rapport au niveau moyen des basses
mers de vive eau : à -f 2m,5() entre Calais et Audruicq, à -+- 3 mètres au
Nord de Bergues, à -f 2 mètres en certains points du golfe de Loo et dans les
moeres de Ghistelles, a -f- 2 mètres et même -f 1 mètre entre Oudenbourg
et Meetkerke, à -f 1 mètre dans certains polders zélandais à la limite de
la Belgique, et le long du Bas-Escaut. Ainsi aucune partie de la plaine
ne resterait inondée h marée basse, mais à marée haute on verrait par
exemple les grandes Moëres recouvertes d'une tranche d'eau de 3m,50.
C'est à cet état amphibie que tient dans la plaine maritime le grave
problème de l'eau.
Par sa situation de plaine basse étendue tout au long de la Flandre et la
séparant de la mer, la région maritime reçoit toutes les eaux flamandes, sans
compter celles que l'Àa et l'Escaut lui amènent des pays voisins. L'afflux
est général ; il faut que tout passe la, s'écoule à la surface de ce sol sans
pente. Il ne faut pas compter sur l'infiltration : cette terre est déjà saturée
d'eau. L'épaisseur des sables pissarts, sous laquelle l'argile yprésienne
étend son imperméable masse bleuâtre, est aussi liquide que solide ; l'eau
douce qui y pénètre par les lacunes de l'argile poldérienne y est mêlée à
l'eau de mer dont aucune cloison imperméable n'empêche la lente inva-
« Forster, Voyage philosophique, II, p. 222.
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LA LUTTE CONTRE LA MER
sion. Tout ce qui tombe des nuages, tout ce qui descend de l'intérieur doit
donc couler à la surface de la plaine. Mais la mer, de son côté, tend à
pénétrer sur ce territoire moins élevé que le niveau de ses marées, et a
refouler les eaux douces qui y cherchent péniblement leur route. Aban-
donnée à elle-même, la plaine redeviendrait aussitôt une vaste lagune
d'eau saumàtre.
La lutte contre l'eau est donc la première tâche qui s'impose à la plaine
maritime ; il y va de sa richesse, de sa vie même. Sans elle, la plaine
n'existerait pas. Le combat revêt plusieurs formes. La nécessité la plus
pressante semble être la défense contre l'invasion marine, qui monte deux
fois par jour à l'assaut. Cependant c'est là une tâche relativement facile.
l,a mer est terrifiante ; elle frappe, mugit, écume, et pourtant fait rarement
du mal. On est vite venu à bout de l'arrêter. Les eaux douces ont été un
obstacle bien plus sérieux au développement de la plaine ; la mer cesse
d'être dangereuse deux fois par jour ; les canx intérieures ne s'arrêtent
pas. Enfin après l'eau salée et l'eau douce, l'eau saumàtre. Celle-ci s'in-
filtre à travers les sables pissarts, passe sous les dunes et vient remonter
à la surface, faisant périr les récoltes et los arbres. L'homme doit faire
front de toutes parts, arrêter la marée, expulser l'eau douce, refouler en
profondeur l'eau saumàtre. Pas assez d'eau dans la mer, trop d'eau sur la
terre et dans la terre, c'est la formule de la région; le Flamand a fort
a faire pour rétablir l'équilibre. Encore lui faut-il, dans cette lutte
ininterrompue, garder de la mesure. Pour enlever à la plaine les eaux
surabondantes, il ne faut pas lui retrancher les eaux nécessaires, sans
lesquelles ses habitants souffriraient de la soif, et ses terres fortes de la
sécheresse. Ainsi la lutte doit être à la fois âpre et judicieuse, et
l'organisme utilisé aussi délicat que solide.
I.
LUTTE CONTRE LA MER.
Contre la mer, la lutte est relativement facile. La protection de la
plaine est assurée sur une bonne partie de la côte par la nature.
I,es dunes sont la meilleure des défenses, et il suffit, lorsqu'elles
s'amaigrissent, de les préserver par des fascinages ou des épis. A l'Ouest,
ce n'est guère que dans les anciens estuaires de l'Aa, de l'Yser, du Zwin,
ou en dos points particulièrement menacés que l'on trouve des digues.
Mais à partir de Breskens, toute la côte en est constituée.
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286 L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
Ces digues de mer, qui n'existent guère que dans la Flandre zélandaise,
sont loin d'avoir l'aspect imposant des magnifiques perrés que les Belges
ont établis sur les dunes de leurs stations balnéaires. Ce sont des ouvrages
très simples et très pratiques, et si nous en croyons les archives, assez
semblables a ceux qu'édifièrent les moines de St-Pierre ou dos Dunes.
L'emplacement de la digue à construire sur le schorre suffisamment mûr 1
est fixé un peu en arrière de la laisse des basses mers ; il faut garder on
avant de la future digue une bande de schorre, où l'on prendra l'argile
nécessaire à la construction, et qui servira d'avant-berme. Il y a tout
avantage à ne pas prendre de la terre en arrière de la digue ; on évite
ainsi de gâter le sol agricole de la partie à endiguer, et de créer de véri-
tables marais difficiles a combler, comme ceux que l'on voit encore entre
Blankenberghe et Wenduyne, derrière la digue du Comte Jean. Devant
l'emplacement choisi pour la digue, où l'on lient compte encore de la
situation par rapport aux vents dominants, et de la direction des criques
à combler », on établit une diguette île mottes d'argile liées avec des
roseaux ; et c'est à l'abri de cet obstacle, entre la diguette et l'ouvrage en
construction, que l'on enlève les matériaux, en ayant soin do no pas
approcher l'excavation trop près de la digue, et en laissant de place en
place des parties intactes qui forment des espèces d'épis. La digue s'élève
jusqu'au moins 0m,50 au-dessus des plus hautes eaux connues : de
sorte qu'à la suite d'une marée extraordinaire on s'astreint à rehausser
tous les ouvrages ; après la grande marée de février 1825, on releva
de 0m,75 à 1 mètre toutes les digues du Bas-Escaut. Elle comprend une
plate-forme de largeur variable dominant deux talus de pente inégale ;
celui qui fait face à l'intérieur très raide, tandis que celui qui reçoit le
choc des vagues est en pente beaucoup plus douce, pour donner moins de
prise à l'attaque. C'est ainsi que la fameuse digue de Westka pelle,
dont on aperçoit de Kadzand le profil régulier tout au bout do l'île de
Walcheren, est peu imposante d'aspect, tant elle est large, et tant son
talus extérieur, planté d'une forêt de pieux, descend d'une pente insen-
sible. Même le plus souvent ce talus comprend deux parties, toujours en
pente douce, séparées par une plate-forme intermédiaire, élevée à la
hauteur des marées de vive eau ordinaires. Enfin le pied de chaque talus
1 Au moins O01 70 au-dessus des basses mers ordinaires des syzygies.
1 Le tracé évite les angles brusques ; et quand il rencontre une criquo profonde,
parfois il la contourne ; la partie contournée peut servir de port d'échouage ; on y place
l'écluse d'évacuation. Voir la phot. 21 (Un canal d'évacuation de Wateringuc à
Groede).
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LA LUTTE CONTRE LA MER
2fi7
est fortifié par une berrae en fascinages : la berme extérieure empêche la
mer de déchausser la digue par le bas, et préserve le talus en amortissant
déjà la violence des flots ; la berme intérieure soutient le talus qui y
correspond, et sert généralement de chemin ».
C'est là la digue ordinaire. Lorsqu'on la voit s'allonger en courbes
douces, toule recouverte d'herbe comme une pâture, on a l'impression
qu'elle constitue une piètre défense contre le redoulable élément.
Pourtant il est bien rare que cet élastique rempart de terre soit brisé.
I,e grand danger vient plutôt d'en bas : un trou qui permettrait à l'eau de
déchausser la digue. Aussi la construction et l'entretien des bermes sont
ils l'objot de soins particuliers. D'ailleurs, aux endroits exposés, on
augmente les défenses. La digue est revêtue de gros blocs assujettis par
des branchages, comme à Sangatte. Sur la côte zélandaise, il est rare que
le talus inférieur ne soit
pas formé de gros
prismes de basalte soli-
dement plantés, au-des-
sus desquels on dresse
de une à cinq lignes de
pieux , plus ou moins Flo :.{ _ ,>rofll (1.|l|lt> ^ i]o FI;uuIrp 7>lalMlaise.
serrés, plus ou moins
élevés. La plate-forme intermédiaire est alors pavée elle-même de ces
blocs, ou soigneusement tapissée par un nattage. Enfin des épis font
l'avant-garde de l'œuvre de défense et protègent la benne. Tranchées par
ces pointes, les lames viennent s'émietter sur les pieux du talus inférieur,
et expirer sur la première plate-forme. Avec leurs basaltes noirs, leurs
pieux noirs auxquels s'accrochent les plantes marines, la côte ainsi
défendue n'a plus l'aspect indécis et fuyant qu'on lui voit vers Grave-
lines ; elle est hérissée et rébarbative.
L'entretien de ces ouvrages revient naturellement à ceux qui en
profitent, c'est-à-dire aux propriétaires dos terres qu'ils protègent contre
la mer, en proportion du danger qu'elles peuvent courir; les exploitations
situées à la lisière du Houtland payant moins que celles qui se trouvent au
long de la côte. Dans le Pas-de-Calais, par exemple, la défense de la côte
entre le Blanc-Nez et Gravelines est confiée au Syndicat des Digues et
Dunes, commission de sept membres pris dans les comités des six asso-
ciations de wateringues, et chargée d'assurer la conserv ation et l'entretien
1 Voir l'excellent article do Kûmmer (U.N.), Essai sur les travaux do fascinages et
la construction des digues. (Ann. Tr. p Belg., 2»e série, IV, 18W, pp. 21-83, 163-224).
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m L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
des ouvrages au moyen d'une cotisation levée sur les différentes sections,
proportionnellement à leurs risques d'inondation. C'est ainsi qu'est
conservée la digue de Sangatte. L'Etat, dans la personne de ses ingénieurs
des Ponts-et-Cliaussées ou du Walerstaat, se contente d'exercer un droit
de surveillance et de contrôle sur les,travaux ; il peut, lorsque les asso-
ciations inléressées négligent leur tâche, faire exécuter lui-même les
réparations, qu'il fait payor ensuite par les syndicats *. De plus, à toutes
U38 époques, de nombreuses prescriptions ont assuré le bon entretien des
digues, et prévu la réquisition pour les cas de danger pressant. Depuis la
keure du Franc de Bruges de 1 HX), où Philippe d'Alsace sanctionne que
« quiconque aura rompu une digue de mer, perdra la main droite, et tout
son bien sera à la disposition du comte » 2, innombrables sont les ordon-
nances punissant les dégradations, et écartant des digues les animaux et
les voitures 3. L'obligation de venir au secours de la digue menacée est
absolue; la réquisition atteint « tous les habitants au-dessus de 18 ans,
avertis par le son du tocsin », sous peine d'amende et de prison ; et en cas
de manque de matériaux, l'autorité compétente peut « s'emparer de tout ce
qui existera en piquets, fascines et paille dans les environs de la digue,
dût-elle même faire enlever le chaume des maisons et les chevrons de
leur toiture > *. La nécessité explique ces mesures rigoureuses; l'entre-
tien de la digue est la grande affaire des gens de la côte. « Celui qui ne
sait pas diguer peut s'en aller », dit un adage flamand, qui se retrouve
dans les Marschen de Brème 5.
Ces travaux soigneux, cette surveillance incessante ont produit de bons
résultats. I,a plaine, derrière ses dunes et ses digues, jouit d'une sécurité
complète. Cette quiétude surprend un peu l'étranger qui songe que la
1 II en a toujours été ainsi. Au milieu du XV» siècle, le polder de Milme (Ouest de
Terneuzen) ayant ses digues on mauvais état, Philippe le Bon ordonne au watergrave
de Flandre de prendre des mesures pour les faire réparer, et de faire supporter les frais
au propriétaire, qui a négligé de les entretenir (Van de Putte, Groeninghe, p. 80).
* Paragraphe 19 de la keure, reproduit à l'article 40 de la keure de 1330 (Gilliodts,
Coutumes du Franc, II, p. 23).
3 I,es amendes pour le passage des voitures, chevaux et autres bestiaux sur la «ligue
sont encore fixées dans l'ordonnance royale du ir» juillet 1818, Digues et Dunes du
Pas-de-Calais, titre 8, article 38.
* Articles 3T> et .'t8 du décret du H> décembre 1811, règlement de police des polders
dans les départements de l'Escaut, etc. Los mêmes prescriptions se retrouvent dans la
Keure de la Wateringue de Kadzand, de ir»38 (Gilliodts, Coutumes du Franc, II, p. t>0<5);
dans l'Ordonnance de 102T> (Ibid. III, pp. 7">-76), etc.
8 Die niet en kan dijken
Die moe wijken.
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LA LUTTE CONTRE IJk MER
mer, qu'on entend parfois gronder derrière un mur de terre, est plus
haute que le sol où la vie s'écoule tranquillement. Mais l'habitant des
polders est si habitué à celte anormale situation qu'il n'y pense plus;
peut-être même ignore-t-il qu'elle existe. Cette sécurité date surtout du
XIXe siècle; elle n'a pas toujours été si complète. Guichardin cite
l'ancienne clause de location qui décide que si dans les dix ans la mer vient
inonder, couvrir et noyer les étendues louées, le contrat serait tenu pour
rompu L Le temps n'esl pas si éloigné où les habitants du Franc fuyaient
à l'annonce de la terrible marée du 2 février 1791, et où les portes de
Bruges restaient ouvertes toute la nuit, pour laisser passer le flot des
paysans affolés poussant devant eux leurs bestiaux. Les dernières inon-
dations sérieuses, si l'on en excepte les événements de 1830-31, où les
Hollandais mirent volontairement sous l'eau 3.300 hectares de polders
situés en face d'Anvers, datent de 1808 et de 1825. Celle du 14-15 janvier
1808 fit surtout des dégâts le long de la Flandre zélandaise ; certains
polders autour de Philippine ne furent réendigués qu'en 1811 *. ('elle de
février 1825 fut moins grave : cependant on vit trois polders submergés
près d'Axel, les communes de Hornhem, Hingeneet Weerl, riveraines de
l'Escaut, englouties, la ville d'Ostende envahie. Depuis, ce ne sont
plus que des accidents sans gravité, affectant un territoire restreint :
le Thomaespolder, sur la côte d'Hoofdplaat, inondé il y a 11 ans, et
reconquis seulement en partie ; les laines bondissant, par gros vents du
Nord-Ouest, jusque dans les rues basses de Nieuport, ou envoyant quelques
paquets d'eau de mer par-dessus la digue deSangatte. La sécurité actuelle
semble donc bien justifiée. Que l'on continue à entretenir soigneusement
les beaux ouvrages qui défendent la côte, et les habitants de la plaine
pourront légitimement réserver toute leur attention a la lutte contre les
eaux intérieures, ennemi moins brutal mais plus dangereux de la
prospérité de leur sol.
« Guichardin, Traduction française de 1U2T> (Amsterdam, Jansson, 1<Î2T>), p. 33.5.
* Sur l'inondation de 1808, voir: Arch. Nat. A F IV HCB, rapport du ministre d'Etat
Crétet et des préfets de la Lys et de l'Escaut; F«* 1122 et 1123; les dégâts pour le
département de l'Escaut sont évalués à 1.4f)5.rjOO francs ; — De Kauter(J.), Natuur-en
Geschied-kundige beschrijving van den watervloed tusschen den 14 en l.r> Januarij 1808
(Middelburg, Abrahama, 1808, in-8», 118 p.).
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270 L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
II.
LUTTE CONTRE LES KAUX INTÉRIEURES.
Comment se débarrasser de ces eaux qui descendent des hauteurs vers
la plaine, et s'y mêlent à celles que des pluies fréquentes déversent sur le
pays ? Le sol est plat, il n'y a pas de vallées où elles puissent se con-
centrer, toute la plaine n'est qu'une immense vallée. La première tâche
était de canaliser le fléau, creuser d'innombrables fossés d'écoulement,
frayer un lit endigué aux rivières, et prolonger toutes ces artères jusqu'aux
endroits où s'interrompt la ligne de dunes, c'est-à-dire aux anciens
estuaires, naturels ou artificiels. Mais là se rencontrait une grave difficulté :
par ces ouvertures, la mer allait envahir le pays bas à marée haute.
Il fallait donc établir là des portes qui empêcheraient la haute mer d'entrer
dans la plaine, et s'ouvriraient à marée descendante pour laissor passer
Le trop-plein amassé derrière elles. Canaux de dessèchement et écluses
de mer, c'est là le principe de l'évacuation des eaux intérieures.
I.a plupart des fossés étaient à l'origine des rigoles naturelles, qui
s'étaient creusées et allongées à mesure que la plaine s'asséchait, et que
la mer se retirait dans des estuaires sans cesse rétrécis. Ce n'est que
lorsqu'on voulut mettre le sol en culture, et passer de l'élevage des moutons
sur les schorres à l'agriculture sédeutaire, que les hommes commencèrent
à perfectionner le dessèchement, à creuser des watergands artificiels et
à approfondir les anciens « kreeks ». Mais aucun propriétaire, sauf ceux
dont les terres touchaient à l'écluse, ne pouvait évacuer sans l'assistauce
ou l'agrément d'autrui les eaux surabondantes de son exploitation.
Il lui fallait les faire passer par les domaines de ses voisins, qui pouvaient
refuser de laisser pénétrer sur leurs terres ce nouvel afflux, lorsqu'ils
avaient déjà delà peine à assécher leur propre sol. Impossible donc d'aller
aboutir à la lointaine écluse du rivage. Et d'ailleurs, ne fallait-il pas à
l'écluse, en permanence, quelqu'un qui jugeât s'il fallait l'ouvrir ou la
fermer, si les terres étaient ou non trop humectées ? Livré à lui-même,
le paysan de la plaine était donc impuissant à se débarrasser de ses eaux.
Mais associé à ceux qui l'entourent, participant à l'entretien de fossés de
grande ouverture où aboutiraient ses watergands, aidant à la construction
de l'écluse par laquelle l'eau de ses terres gagnera la mer, contribuant au
salaire de l'éclusier chargé de la délicate manœuvre, il peut assécher son
sol. L'association est la seule forme possible de la lutte contre les eaux
dans la plaine. Cette association, c'est la Wateringue.
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L'ORGANISATION DES WATERINGUES
Aussi les Wateringues sont-elles aussi vieilles que l'émersion de la
plaine maritime. Ce sont probablement à l'origine des associations
privées sur lesquelles ne s'étend pas le contrôle do l'Etat. Le nom môme
du ityckyraaf, l'administrateur ôlu par les associés, pour diriger l'assèche-
ment, indiquo l'antiquité de l'institution K Mais au XIIe siècle, elles
apparaissent déjà comme constituées sous l'autorité du comte, qui surveille
leurs travaux ; la vénérable charte de Philippe d'Alsace de 1184 établit
les moines des Dunes gardiens (rustodia) de la grand»' écluse du métier
de Fumes et décide qu'en cas d'accident elle sera reconstruite à frais
communs *. Au siècle suivant apparaît le nom de wateringue ; mais la
charte accordée en 1239 au syndicat de l'Oudo Yevene prouve que
l'institution existait depuis longtemps déjà. A la môme époque d'autres
textes nous parlent do la wateringue des Quatre digues du métier de
Bergues, de celle du Brouck a Capelle-brouck, de celle de Furnes 3.
Organisation des Wateringues.
L'administration do ces syndicats s'inspirait des mêmes principes.
Elle comportait l'Assemblée, corps délibérant formé de grands proprié-
taires, et une commission exécutive qui dirigeait les travaux. La compo-
sition de l'Assemblée variait suivant les circonscriptions. Dans la
grande wateringue de Blankenberghe étaient membres les propriétaires
d'au moins 50 mesures ; il en faut 30 seulement dans la wateringue de
Terneuzcn. wateringue du Nord de Furnes n'a en réalité comme
assemblée délibérante que les quatre abbés du Furnambacht, représentant
les quatre grands membres de l'association. La commission exécutive
est formée des échevins et bailli de chaque localité ; à Bergues, à Bour-
bourg, quelques membres du Magistrat de ces villes ; dans l'Oude Yevene,
les échevins d'Oostbiu g ; dans la Blankenberghe-Watering, quatre sluys-
meesters, dont un chanoine do St-Donat, un membre du Magistrat de
Bruges, deux propriétaires du Franc. C'est cette commission qui nomme
les fonctionnaires techniques, watergraves ou dijkgraves, chargés de la
_ . . — .
I M. Pirenne fait remarquer (Histoire de Reloue, I, p. 137, note 1) que tous les
magistrats auxquels le mot graaf a été appliqué dans les l'ays-Has, hansgraaf, water-
graaf, sont d'origine fort ancienne.
* Van de Putte, Dunes, p. KVî, n" 227.
s Cf. Van lx)keren, St- Pierre, l, pp. 2*>8-60, n° 542 ; — Rut, Ghronica abbatum de Dunis,
pp. 114-lir»; — Coussemaker, Documents extraits du cartulairede l'abbaye do Watten,
Ann. Com. fi. Fr., V, pp. 310-311 ; — Coussemaker, Rourbourg, I, p. 136, n» GXLV11.
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272 L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
police ou fie la visite journalière des ouvrages ; receveurs, chargés de
recueillir les cotisations. Mais la commission, pour engager des travaux
nouveaux ou faire modifier les taxes, doit en référer à l'assemblée déli-
bérante, qui se réunit d'ailleurs régulièrement chaque année. Enfin pour
assurer l'unité de vues et d'exécution, le comte délègue ses pouvoirs à un
haut fonctionnaire, le Walergrave de Flandre, qui resta du XIIIe au
XVIIIe siècles chargé «le l'inspection des digues et des canaux, de l'admi-
nistration des inoeres et des terrains vagues1. Ainsi la commission
exécutive dirige les fonctionnaires, lève et emploie les fonds, entretient
les ouvrages ; l'assemblée délibérante contrôle au moins une fois l'an,
décide des transformations, défend auprès des fonctionnaires les droits de
chaque partie du pays wateringué, et répartit la taxe au prorata des
difficultés de l'assèchement ; le Watergrave règle les conflits entre
syndicats, éveille l'attention des intéressés sur les travaux à effectuer,
et au besoin fait procéder lui-même à ces travaux aux frais des associations
négligentes.
L'excellence du système n'avait pas besoin d'être démontrée; les faits
suffisaient a indiquer quels heureux résultats avaient donnés pour la mise
en valeur de la plaine ces associations travaillant chacune pour elle-même
sous les conseils et la surveillance de l'Etat. Cependant la Révolution,
dans son désir de faire disparaître les anciennes exceptions, supprima ces
utiles organismes. Dans le district de Bergues, devenu arrondissement de
Dunkerque, une décision de l'administration départementale, de décembre
1790, et une délibération du Conseil général en date du 28 février 1793 éta-
blirent que les « wateringues étant dépendances du domaine public seront
comprises pour les entretiens, réparations et reconstructions qui les
concernent, dans les objets à la charge du département et de la
République»; leurs dettes étaient incorporées à celles de la nation.
Cette centralisation avait de graves défauts: l'impôt-wateringue allait
peser désormais sur des gens qui n'en tireraient aucun bénéfice ; en
revanche les travaux à exécuter seraient entrepris sans l'avis des
intéressés «. Les résultats furent en effet si pitoyables que dès 1801
* Voir à ce sujet : la charte clo 1282, portant règlement de la wateringué d'Eyensluis,
dans le Franc de Bruges (Van de Put te. Dunes, pp. t">2X-(î2!0 ; — Sanders (E.)« Iji grande
Wateringué de Blankenberghe (la Kl., XV, ISKi , pp. 71-70); — Dalloz , article
Wattringuos, p. 1.T4 ; — Proost (J.). L' Watergrave de Flandre (Ann. Soc. Em. Dr.,
3* série. VIL 1872, pp. 217-2.V,).
* Desgraviers, Administration des Wateringues ; caractères généraux et historiques.
(l'.iOO, 1!» pages manuscrites communiquées par M. le Président «le la 2* section des
Wateringues du Nord).
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L'ORGANISATION DES WATERINGUES
273
le préfet Dieudonné entreprenait la réorganisation du régime dos Wate-
ringues, en déclarant qu'il se rapprocherait autant que possible du
règlement d'avant la Révolution, dont le bon état où se trouvait alors le
dessèchement justifiait l'efficacité Bientôt le gouvernement impérial
s'occupait à son tour à consacrer la réapparition des Wateringues ; les
décrets du 12 juillet 1806 pour le Nord, du 28 mai 1809 pour le Pas-de-
Calais, complétés par les ordonnances et décrets de 1833, 1837, 1852 et
1890 ont définitivement réglé l'état de ces associations. Gomme il fallait
s'y attendre dans la France du XIXe siècle, le régime d'avant 1789 n'est
reparu que modifié par un contrôle plus rigoureux de l'Etat et par quelques
concessions aux idées démocratiques. Les anciennes divisions ont été
refondues en dix sections, dont le territoire est plus homogène. Chaque
s»*ction comprend une assemblée générale des propriétaires de la wate-
ringue, qui, sous la présidence du sous-préfet, élit une commission
administrative, comprenant cinq membres dans chacune des quatre
sections du Nord, huit dans les six sections du Pas-de-Calais *. C'est cette
Commission, c hoisie parmi les membres les plus imposés, qui administre la
Wateringue, dresse des projets de travaux, passe les,adjudications,vote le
budget, répartit les taxes, choisit et surveille les agents. Ce sont là des
pouvoirs très étendus ; mais ici intervient le contrôle de l'Etat. Les déli-
bérations ne sont exécutoires qu'après approbation du préfet, sur avis du
sous-préfet; les travaux sont placés sous la haute surveillance des
ingénieurs d'arrondissement et do département ; et le Conseil de Préfec-
ture vérifie les budgets des exercices écoulés. C'est encore après avis du
préfet que la Commission peut nommer ses agents, le Conducteur qui
rédige les plans des travaux et en assure l'exécution, le Receveur qui
recouvre les taxes et paie los dépenses, les agents inférieurs qui surveillent
les ouvrages et constatent les contraventions. Le système fonctionne
d'ailleurs fort convenablement, comme le prouvent l'absence de réclama-
tions et les améliorations immenses que les Syndicats français ont pu
réaliser dans la plaine au XIXe siècle.
Les Wateringues du territoire belge n'ont pas subi aussi fortement que
leurs voisines de l'Ouest le contre-coup de la Révolution française.
I/C décret du 22 septembre 1792, rendu par la Convention, et ordonnant
l'exécution provisoire des lois non abrogées et le maintien provisoire des
« Dieudonné, Statistique du département du Nord (Douai, an XII, 3 vol. in-8°),
I, p. m
* I„e département du Pas-de-Calais comprend en réalité S sections, dont deux en
dehors de la plaine maritime flamande.
18
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274 L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
autorités, publié de nouveau par le Directoire en pluviôse an V, laissa les
organisations antérieures continuer leurs travaux. Aussi le territoire
est-il resté divisé comme autrefois entre un très grand nombre de syndi-
cats, qui se chargent d'assécher des étendues très diverses ; on n'a pas créé,
comme en France, de nouvelles circonscriptions de superficie à peu près
équivalente. Tandis que la Wateringue du Nord de Fumes s'étend sur
23.437 hectares, celle de Blankenberghe sur 17.069, on trouve des associa-
tions dont le ressort s'étend, comme celle de Starapershoucke, sur316hec-
tares,et celle deVolkaerts-Gote sur333. La province de Flandre Occidentale
à elle seule possède dans la plaine maritime 30 wateringues. Les règlements
sont aussi variés que l'étendue. Les unes ont gardé la forme d'avant 1780,
approuvée sous le régime fiançais par des arrêtés préfectoraux : on y
retrouve donc l'assemblée délibérante, les administrateurs élus qui ont
gardé les vieux titres de dycscepenen ou de dykgraven, enfin les échevins
locaux qui assurent l'unité d'action entre les diverses wateringues.
Les autres, et en particulier les plus grandes, sont sous le régime de
l'arrêté royal de 1847, qui a modifié la loi hollandaise de 1815 dans un
sens plus libéral. L'assemblée générale se réunit en présence d'un délégué
du gouverneur de la province; les bourgmestres, nommés par le Roi,
en sont membres de droit. C'est aussi le Roi qui nomme les membres de
la direction, sur une liste triple présentée par l'assemblée. \& députation
permanente du Conseil provincial approuve chaque année le budget de la
wateringue ; son avis, et dans les cas importants l'autorisation royale, est
nécessaire pour l'exécution des travaux, sur lesquels l'ingénieur en chef
exerce une haute surveillance. C'est le régime français, avec un peu moins
de liberté pour le choix de la direction, un peu plus pour l'administration
intérieure de la wateringue. Plusieurs arrêts, en particulier celui do la
cour de Cassation du 8 mai 1891, étendent à toutes les wateringues le
règlement de 1847 ; cependant la plupart s'en tionnent à l'ancien état de
choses. Peut-être cette diversité de règlements, et surtout l'éniiettement
du territoire en petites associations trop pauvres pour exécuter des
travaux importants, sont-ils la cause de l'infériorité que l'on constate
actuellement à l'égard des résultats obtenus en France, où les wateringues,
non contentes de dessécher le mieux possible leur territoire, ont encore
largement contribué à la création d'un beau réseau de chemins vicinaux.
On remarque d'ailleurs que c'est le territoire des plus grandes, Nord de
Fumes, lilankeuberghe, qui est aujourd'hui le mieux assaini de la partie
belge de la plaine.
Le caractère des associations se modifie au delà du Zwin. C'est la partie
du territoire où la lutte a été le plus rude contre la mer; c'est encore là
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•
L'ORGANISATION DES WATKRINGUKS 275
que les travaux de défense sont le plus considérables. La plaine y est
divisée en polders enclos de digues ; et ces digues peuvent encore être
utiles, môme celles qui sont situées en arrière, en cas de rupture des
ouvrages de première ligne. A côté des intérêts particuliers de chaque
polder, l'association locale a donc encore à déferidre de grands intérêts
généraux. De là une intervention beaucoup plus active des pouvoirs publics,
chargés de veiller à ces intérêts généraux. C'est pourquoi Napoléon avait
nommé, en 1811, un maître des requêtes du Conseil d'Etat Directeur des
Polders, en résidence à Anvers, pour assurer l'unité de vues dans les
travaux de défense des départements de l'Escaut, de la Lys, des Deux-
Nèthes. Ce fonctionnaire disparut en 1814; mais l'Etat belge continue à
surveiller de très près la gestion de ses polders, qui sont restés d'ailleurs
sous le régime du décret de 181 1. Dans la partie zélandaise, le rôle de sur-
veillance est dévolu aux Etats provinciaux. I ajs rôles changent ; l'assemblée
générale, dont l'importance est minime dans les wateringues belges,
devient ici le véritable pouvoir; cela tient à ce que la faible étendue de
chaque polder restreint le nombre des membres, et que rassemblée n'est
guère qu'un comité, parfois une seule personne. La Direction n'a qu'un
pouvoir exécutif, c'est un ministère devant une Chambre ; elle comprend un
dijkgraaf et deux jurés, nommés par le Roi quand le polder comprend des
travaux de défense ; ce sont de véritables fonctionnaires, rémunérés,
ce qui s'explique par l'importance et. le caractère absorbant de leurs
fonctions. I^es Etats provinciaux se réservent le droit d'annuler toutes les
décisions de l'Assemblée ou delà Direction, de connaître de toutes contes-
tations, de surveiller les travaux de défense, de faire exécuter les règle-
ments inobservés, sauf recours au Roi dans un délai de 15 jours. Enfin,
en raison de leur situation qui les rend tous solidaires les uns des autres,
et fait dépendi t» le sort d'une vaste étendue de terres du bon entretien d'un
petit nombre d'ouvrages, les polders sont tenus d'aider ceux d'entre eux
qui succombent sous les dépenses nécessitées par certains travaux de
défense. Le polder reconnu pour avoir, pendant plus de deux ans, consacré
le revenu total de ses terres à l'entretien de ces travaux, est déclaré
calamiteux\ un subside est alors décrété et levé sur les autres polders de
la circonscription, au prorata de la distance qui les sépare du polder en
détresse. Les Etats provinciaux de Zélande et de Flandre Orientale ont,
bien entendu, la haute main sur cette opération, expression la plus
complète do la nécessité de l'association pour la lutte contre l'eau dans
la plaine.
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m L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
III.
ŒUVRE DES WATERINGUES.
L'œuvre accomplie par les associations dans la plaine maritime est
immense. Elle ne s'est pas faite en un jour; depuis dix siècles les Wate-
ringues y travaillent, et il reste encore a faire. Les guerres qui ont si
cruellement frappé le pyys, une fois au moins par siècle, avaient pour
l'assèchement ries résultats désastreux; après chaque invasion, une bonne
partie du travail était à recommencer. C'est pourquoi l'œuvre du
XIXe siècle, où la Flandre depuis 1815 n'a connu que la paix, a été si
favorable au pays.
Les rivières, Aa, Yser.
La nécessité la plus pressante, c'était de se débarrasser des eaux que la
Flandre intérieure, l'Artois, le Cambrésis et le Brabant envoyaient à la
plaine. Tant qu'on ne les aurait pas conduites à la mer derrière une solide
muraille de digues, il ne fallait pas songer à dessécher le pays. On a vu
que l'Escaut fut de bonne heure enfermé dans son estuaire par les endigue-
ments de la Flandre zélandaise. Le Zwin, de son côté, disparaissait plus
vite qu'on n'aurait voulu. Restaient l'Yseret l'Aa. Ces petits fleuves, à leur
entrée dans la plaine maritime, épanchaient leurs eaux en un delta. Outre
son cours actuel entre Dixmude et Nieuwendamme, établi sur l'emplace-
ment de l'ancien estuaire, l'Yser envoyait vers l'Est un bras disparu
aujourd'hui, mais dont l'existence n'est pas douteuse. Cet Yperleet, qui se
détachait du fleuve en aval de Dixmude, devait suivre à peu près le môme
chemin que le canal actuel de Plasschendaele, car le nom d'Yperleet,
plus ou moins défiguré, est encore attaché à un tortueux watergand qui
s'allonge sur la rive Nord du canal entre Nieuwendamme et Suaeskerke.
De là cette rivière gagnait Oudenbourg, où son existence est attestée par
les nombreux textes réunis dans l'histoire d'Oudenbourg !, et rejoignait
l'ancien Zwin à Bruges. De bonne heure des digues furent construites au
long des deux rivières.
i Feys, Oudenbourg, passim. C'est également l'opinion de Merchantius (Jacobi
Marchantii Flandria descripta, p. : île Gramaye (Ipreturn, p. 10), qui déclare que
l' Yperleet appartient aux Yprois jusqu'à Bruges où perdant son nom elle se jette dans
la Reye ; de Oudeglierst (II, p. ">!")), etc.
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l. v !i.tiiii<.*< \\x {♦■vt«v ■«•uni* . i* s » i' il'p. . ,î»:)tn„ . «*i i.*; .^t-';
■ '•< '"'îi /v ,;i |»r>./»'s 'i ilît'i»4 li« >! -s i . »«*S f: 1 iH ' "M'il,'1' «■■■
' • . I<".!.i'ur. . l'.i.-; .;»i ("»si rçv'» Itn'lit M«"\ U'««ill'l.» ci i
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• Hll.l tli'Ttl 'H, p. M.'»!,
<! •' 1 •
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LES RIVIÈRES, AA, YSER
277
Plus abondant que l'Yser, l'Aa avait un delta plus compliqué. Dès
l'endroit où la rivière pénètre dans la plaine par l'ouverture creusée entre
les hauteurs de Watten, ses eaux se divisaient entre plusieurs branches.
C'est, dit la chronique de Watten au XIe siècle, une eau profonde et
navigable, qui gagne l'océan par nombre de petites embouchures 1 ; et en
1 172 une charte de Philippe d'Alsace désigne deux de cas cours d'eau sous
les noms de « Columa » et de « Monsterleht » !. Le (.'ours de ces branches
du delta est encore visible aujourd'hui ; l'une, la Haute-Colme, est devenue
un canal navigable ; l'autre, ou Vieille-Colme, se détache de l'Aa après
Holque, et gagne Dunkerque ; sa partie inférieure est devenue le canal de
Bourbourg au-delà de Coppenaxfort. Quant au coins principal actuel,
c'est un canal artificiel creusé au début du XVe siècle entre le Wetz
près de Holque et les Hauts-Arbres, près de Gravelines. Jusque là, la
rivière après Holque coulait vers Bourbourg par le lit actuel du Donna,
et de Bourbourg gagnait Gravelines par St-Georges. Do nombreux
textes lii prouvent, qui parlent, comme en 1347, de « l'eaue et ryvière qui
va d'Arqués à Sl-Omer, à Bourbourg et à Gravelingues » 3 ; un acte de
Louis de Luxembourg aux échevins de Bourbourg (1445) atteste l'impor-
tance qu'avait la ville avant les derniers troubles de Flandre, lorsque les
navires y venaient* parla grande rivière qui descent de St-OmeràWattenes
et qui lors flotioit et prenoit chemin du dit watlenes en nostre ville de
Bourboureq... VA depuis icolles commotions la dite rivière ayteste empêchée
a venir comme elle solloit du dit wattenes en icelle nostre ville do Bour-
boureq et a pris et prend a présent voye et cours par autre marche» l.
l ue note pour le magistrat de Gravelines indique que le changement est
de liO^5, et que c'est le comte Philippe qui fit creuser le nouveau lit
entre Holque et les Hauts-Arbres, d'où les eaux gagnaient la mer en
empruntant le cours inférieur de la Hem. D'ailleurs les paroisses du pays
de Langle, comme Se-Mario-Kerque, que la nouvelle rivière vint séparer
de la chàtellenie de Bourbourg, en faisaient encore partie au XIIIe siècle 6.
Une carte de Picardie et Artois par Sanson d'Abbeville (1651) indique
« M.O.SS. XIV, p. 164.
* Coussemaker, Documents sur Watten, p. 18.
3 Textes dans Haignerë, St-Bertin : de 1103 (I, p. 108, n° 238) ; de 1200 (I, p. 188,
n» 434) ; de 1202 (I, p. 201, n» 458) ; de 1347 (II, p. 32f>, n» 1610).
» Copie aux Archives du Nord, C. (Fl. Mar.), liasse 46.
« Arch. Nord, C. (Fl. Mar.), 60.
« 1224 : S. Mariaï ecclesia in terra Broburgeusi (Haigneré, St-Bertin, I, p. 280, nHv>0).
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278 L'RAl) DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
encore le vieux cours de l'Aa par Bourbourg, et de nos jours un watergand
à Quathove près Bourbourg garde le nom deOude Aa. Ainsi il n'y a pas do
doute que le cours de l'Aa ait été artificiellement déplacé vers l'Ouest.
Les crues de ces petites rivières peuvent être un fléau pour la plaine
que leurs bras parcourent dans toutes les directions. En effet elles
ont exhaussé leur lit par le dépôt d'alluvions, et ont le niveau habi-
tuel de leurs eaux au-dessus du niveau de la plaine. L'Aa en particulier
coule à l'endroit le plus élevé du sol. De là, aux siècles précédents,
des inondations incessantes par-dessus les digues insuffisantes. Le pays
de langle, comprenant les quatre paroisses de Se-Marie-Kerque, St-
Nicolas, St-Folquin, St-Omer-Capelle, situées sur la rive gauche de la
rivière, souffrit particulièrement de ces désastres. Lorsque le débit de l'Aa,
renforcé des eaux de la Hem, atteignait comme en novembre 1894 une
somme de 100m3 par seconde, tout le pays de Langle était sous l'eau.
De 1640 à 1680, ce canton reste à peu près constamment inondé, faute
d'entretien de l'Aa maritime, délaissé par les gens de St-Omer qui avaient
charge jusque là de le curer et se souciaient peu de la sécurité d'un pays
devenu français Abrités derrière une bonne digue, les gens de Bourbourg
évitaient le désastre et refusaient à chaque inondation de laisser écouler
une goutte par la Colme ou le sas du Guindal *. Aussi tous les hivers le
pays de Langle disparaissait-il sous l'eau, et ceux de Bourbourg devaient
monter la garde à leurs écluses pour empôchor leurs voisins, désespérés,
de venir les ouvrir. En 1735, l'inondation dure jusqu'en mai et coûte
32.000 livres aux quatre paroisses 3. En janvier 1737, « les habitants du
pays de Langle ne peuvent même sortir de chez eux qu'en bateau, et
pendant ce temps les habitants de la Flandre qui ne sont séparés que par
la rivière de l'Aa sont à sec et voient leurs ternis annoncer une riche
récolte » *. Il en fut ainsi jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, où l'on refit la
digue de l'Aa et où l'on améliora ses débouchés à la mer. Sur l'Yser, la
situation était la môme; la rive gauche, protégée par une forte digue,
restant indemne pendant que la rive droite était inondée aux moindres
crues.
i Arch. Pas-de-Calais, C. 30C>, pièce 20.
> Arch. Pas-de-Calais, C. 305, pièce 00. En 1078, 1608, 1703, 172*5, 173T», le Magistrat
de Hourbourg refuse ënergiquement d'ouvrir ses écluses pour soulager le pays de
Langle.
3 Inondations de 1730 et 173T» : Arch. Pas-de-Calais, G. 282 et 30T>; Arch. Nord. C.
(Fl. Mar.), t et 10.
» Arch. Pas-de-Calais, C. 421, pièce 12 (lettre du maicur de St-Omer).
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LES CANAUX D'ASSÈCHEMENT
Cependant ces eaux étrangères, si nuisibles l'hiver, sont pendant l'été
un bienfait pour le pays. lorsque les pluies deviennent rares, les eaux
baissent dans les walergands, dont la multiplicité offre une surface
d'évaporation considérable. Il en résulte de graves inconvénients. Les
eaux douces, qui ne s'écoulent plus vers la mer, se corrompent au
contact de la tourbe du sous-sol ; parfois même, elles viennent à manquer
pour l'alimentation des bestiaux et des hommes. Enfin si la couche d'eau
douce entretenue par les infiltrations des watergands dans la partio
supérieure du sol vient ù diminuer, les eaux saumàtres qui imprègnent
les sables pissarts remontent vers la surface, et viennent frapper le sol
végétal de stérilité. C'est alors qu'on a recours aux eaux des rivières,
pour alimenter les fossés et y maintenir un léger courant. On saigne
l'Aa et l'Yser. L'Aa surtout, à cause du niveau élevé où coulent ses eaux,
est bien placé pour être mis à contribution. « Cette bonne rivière do l'Aa,
dit avec enthousiasme l'auteur d'un consciencieux travail sur les eaux de
l'arrondissement de Dunkerque, est un trésor pour le pays qu'elle traverse ;
toutes h>s populations le réclament à l'euvi ; il fertilise les campagnes,
donne la santé aux habitants, et produit le bonheur et l'abondance chez
l'agriculteur» '. Cependant l'Aa lui-même est bien pauvre pendant l'été et
son étiage peut descendre à 1.800 litros par seconde ; son niveau s'abaisse
alors, et on est obligé de rationner les watoringues, en ne leur fournissant
plus de l'eau douce que certains jours "de la semaine. Aujourd'hui où les
débouchés à la mor sont suffisants, où les lits des rivières sont soigneu-
sement approfondis et entretenus, les inondations par les eaux intérieures
sont devenues rares, et peu dangereuses; l'Aa et l'Yser ont cessé de faire
du tort à la plaine maritime, et n'ont conservé à son égard que le rôle de
bienfaiteurs.
Canaux d'assèchement.
Débarrassée des eaux étrangères, menées en droite ligne à la mer
derrière leur rempart de digues, la plaine pouvait s'occuper des eaux de
son propre sol, et c'était déjà assez pour absorber l'activité de ses syndicats.
Tandis que chaque particulier s'occupait d'aménager son propre champ
en y creusant des fossés, à la \Vateriugu*> revenait la tâche d'établir des
walergands larges et profonds, d'en consolider les bords et d'en entretenir
• Durand, Mémoire pour faire connaître le régi nu* des oaux de Dunkerque (Dunkerque,
Maillard, 18(30, in-»0), p. 3.
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W L'EAU DANS LA PLAINE: POLDERS ET WATERINGUES
les dimensions ; de placer des vannes et des éclusettes à la jonction des
canaux secondaires avec les artères principales ; de construire des écluses
de mer; enfin de veiller à la manœuvre de cet outillage. On utilisa
d'abord pour le dessèchement les anciennes rivières, bras secondaires de
l'Yser ou de l'Aa, dont quelques-uns sont encore roconnaissablex à leurs
sinuosités, caractère qui n'existe pas dans les rigoles artificielles. Il
suffisait d'établir des vannes au débouché des watergands secondaires
pour avoir un système complot d'assèchement. Mais ces canaux tortueux
ne laissaient écouler l'eau qu'avec une lenteur désespérante ; l'entretien
de leurs sinuosités était inutile et coûteux. On s'arrangea alors pour faire
aboutir les canaux de wateringues dans les quelques grandes artères du
pays, qui étaient en même temps des voies navigables : canal de Watten
à Calais, Aa, canaux de Bourbourg, de Bergues et de la Colme, de
Dunkerque à Niouport, de Loo, Yser, canaux de Plasschendaele,
d'Ostende à Bruges. Cette transformation s'accomplit au XVIIe siècle et
fut d'abord favorable au dessèchement, qui disposa ainsi de voies plus
directes, plus larges, régulièrement entretenues.
Cependant, à mesure que la navigation se développait, et que le tirant
d'eau des bateaux devenait plus considérable, des conflits se produisaient
ent re le service dos voies navigables et celui des Wateringues. Qu'une crue
se produisît, et il fallait ouvrir toutes grandes les écluses à la mer, opérer «
des tirages à pleine voie dans les canaux principaux pour pouvoir abaisser
le plan d'eau de tous les watergands. Il en résultait, dans ces grands
canaux, des courants violents et une diminution de profondeur qui
arrêtaient la navigation et causaient même aux bateaux de graves dégâts.
Faire cesser ces inconvénients devint la règle des grands travaux
accomplis par l'Etat et les Wateringues aux XVIIIe et XIXe siècles. Le but
est de rendre indépendants l'un de l'autre les systèmes de navigation et
de dessèchement. Ce sont donc des kilomètres de nouveaux watergands à
creuser ou à approprier, avec lesquels les rivières et les canaux ne commu-
niquent plus que par des vannes, qu'on ouvre l'été pour se procurer de l'eau
douce. I^es grandes artères de dessèchement ont pu être établies ainsi au
milieu du canton qu'elles sont chargées de drainer, le Langhe-grarht dans
Taxe de la 2e section des Wateringues du Nord, le Schelvliel a l'endroit
le plus favorable de la lre, la Noord-Eede au milieu de la Wateringue de
Blankenberghe. \a plupart des régions ont maintenant leur canal d'éva-
cuation, distinct des voies navigables : généralement un watergand sans «
ombrage, large de 5 à 10 mètres, et où coule une eau brune sur laquelle
flottent des débris de plantes. Le Calaisis a le canal des Pierrettes, la
rivière d'Oyo et le canal de Marck ; les sections du. département du Nord
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LES TRAVAUX D'ASSÈCHEMENT
JN1
onl le Sehelvliet, le I^anghe-gracht et le canal des Moéres, Fumes le
Koolhofvaarl, Ostende le Camerlinekx et la Noord-Eede, Blankenbergho
son canal et Heyst le canal Léopold, Sluis la rigole d'évacuation du Zwin,
Calloo le Melkader. Lorsqu'ils rencontrent un grand canal navigable, ces
watergands passent dessous, en siphon, ou à travers, par une écluse
carrée : c'est par une écluse can'ée que le Vinfil traverse le canal do
Guînes, et par un siphon que le canal Léopold et le grand canal
de dérivation de la Lys franchissent la voie navigable qui va de Sluis à
Bruges. Ce double réseau, délicat et compliqué, fait songer à l'appareil
circulatoire du corps humain ; des rivières et des canaux de navigation
l'eau pure s'écoule, vannes levées, dans l'innombrable réseau capillaire
des watergands, qui
la ramènent, utili-
sée et impure, aux
grosses veines des
canaux de dessè-
chement; et ceux-ci
vont gagner la mer
en se glissant a tra-
vers les mailles du
réseau navigable ,
de même que dans
le corps de l'homme
les vaisseaux arté-
riels et veineux
vont parfois se che-
vauchant l'un l'autre. Mais le plus singulier est l'étonnante facilité avec
laquelle on fait changer la pente d'un watergand, et comment de son
extrémité on fait sa tète. La rivière d'Oye a eu son écoulement jusqu'en
1680 vers Gravelines ; a cette date on en dirige les eaux vers Calais ; a la
fin du XVIII* siècle, on en ramène la moitié vers Gravelines, et aujour-
d'hui l'ancienne rente est sur le point d'être reconstituée. Les canaux
coulent indifféremment vers l'Est ou vers l'Ouest ; il suffit d'un bàtardeau
bien placé et d'un faucardemen' bien fait pour déplacer la pente, tant
celle-ci est peu considérable.
Enfin l'établissement de canaux de wateringues distincts des voies navi-
gables entraînait la construction d'écluses spéciales dans les ports. Cette
transformation a coïncidé, dans les ports français, avec la disparition des
bassins de chasse, et c'est aux eaux de dessèchement qu'on a confié
l'ancien rôle des chasses devenu secondaire grâce aux dragues. Pour
K. hellp de I : 100.000
Ki<;. 'v'i. — R«'St'au d'évacuation du Calaisis.
- C.iinul rmvl(Çiible. -; Siphon.
— Wutergand dVvwcuation | 1^ Barrage
S écluse corn-e.
282
L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
désencombrer le port, c'est en utilisant les fossés des fortifications qu'on
a résolu, à Calais et à Dunkerque, la question de l'évacuation. De môme
à Terneuzen. A lîlankenberghe, c'est dans le petit bassin de retenue que
débouche le canal de la Wateringue. A Ostcndo, le Camerlinckx a les
honneurs d'un tunnel voûté qui l'amène à travers les installations dans la
souille de l'avant-port. Mais c'est a N'ieuport que le jeu d'écluses est le
plus compliqué et le plus curieux. Six pertuis sont rangés en demi-cercle
au fond du bassin d'échouage ; trois écluses de wateringues alternent
avec trois écluses de navigation. Les vannes des écluses de wateringues
dominées par un haut tablier de manœuvre, les sas, à réservoir accolé,
des écluses de navigation, l'appareil des crics, des leviers, du réseau
télégraphique aboutissant au bureau des écluses, donnent une singulière
impression de complexité savante, qui s'accroît lorsqu'on s'aperçoit que
les niveaux de tous ces canaux sont tenus h des altitudes différentes au-
dessus du zéro : 4m, 05 pour le canal de Plasschendaele, 3™, 25 pour l'Yser,
2m, 54 pour le Koolhofvaart, 2m, 39 pour la crique de Nieuwendamnie,
hauteurs correspondant au niveau du sol desservi par ces artères, et dont
les différences sont d'une importance capitale pour le bon fonctionnement
de l'ensemble. Nulle part on ne voit aussi bien quelles précautions il faut
prendre pour que l'œuvre du dessèchement soit efficace.
IV.
RÉSULTATS DE L'ASSÈCHEMENT.
Les difficultés du dessèchement sont très variables dans la plaine. 11
y a des parties hautes et d'autres basses ; l'éloignement de la mer, la
proximité des collines du Houtland d'où ruissellent des quantités d'eau
considérables, sont des facteurs importants. Aussi la cotisation perçue par
le Syndicat pour établir son budgot, l'impôt- wateringue, comme on
l'appelle, varie-t-elle avec le terrain : la Wateringue de Moere in Meetkerke
percevait en 1898 5 fr. 50 par hectare, étant donné la situation et l'altitude
du territoire asséché, dont il faut élever les eaux au moyen d'une machine
à vapeur et d'un moulin à vent; au contraire les terres à l'Est du canal
I/opold (Oost-Waterschap van Leopoldsvaart), dont les terres sont élevées
et proches de la mer, ne paient que 0 fr. 10 par hectare, et les terres de
l'ancienne crique d'Ostende, Keygnaert, Polder Ste-Catherine, ne doivent
aucune cotisation, la location des marais pour la pèche et la chasse aux
oiseaux couvrant, et au-delà, tous les frais. Les terres situées au long de
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LE CALAISIS
2*3
la côte sont les plus favorisées, car elles sont pins rapprochées de l'écluse
d'évacuation, et sont toujours plus élevées. C'est le cas tout le long du
rivage depuis Sangatte jusqu'à Breskens ; tous les watergands s'y dirigent
de la côte vers l'intérieur, où les recueille un canal parallèle aux dunes :
tels le canal de Marck et la rivière d'Oye, le Sehelvliot et le canal de
Bourbourg, le Langelis de Coxyde et l'Yper de Middelkerke.
Le Oalaisis.
Au contraire, les terres basses se trouvent être en même temps les plus
éloignées de la mer, par suite les plus proches des terres hautes du
Houtland ; elles reçoivent donc de l'eau en abondance, et ont les plus
grandes difficultés à s'en débarrasser. Aussi nulle part le dessèchement ne
fut plus pénible et plus lent que le long de cette bordure du haut pays, et
particulièrement dans le Calaisis, les marais de St-Omer et les Muëres
franco-belges. Le Calaisis, de Ruminghem à Sangatte, resta longtemps
après la disparition de l'estuaire une terre basse et noyée : une Wastine où
les pâtres menaient l'été leurs troupeaux, d'après la chronique d'Andres;
un marais, dit Lambert d'Ardres, rempli de grenouilles, crapauds, lézards
et autres vermines immondes Les cartes de l'époque de Henri VIII
(au British Muséum) montrent une ligne de marais ayant de l'eau en
toute saison, qui se succèdent d'Audruicq à Nieulay, et un registre de la
mairie de Calais indique qu'au milieu du XVIIe siècle les terres basses
sont couvertes d'eau pendant 9 mois de l'année *. Le terrain était si bas,
et les canaux tellement de niveau avec le sol, que par vent d'Ouest et pluie
légère les eaux du canal d'IIennuin, refoulées par la brise, inondaient les
terres de Guemps, Offekerque, Vieille et Nouvelle-Eglise, tandis que par
vent d'Est et grosse pluie il n'y avait pas de submersion a craindre. Ainsi
le Calaisis n'avait rien à envier a son voisin le pays de Langle ; tous deux
étaient inondés à |>eu près régulièrement tous les hivers 3, môme au
XVIIIe siècle. En décembre 1755 par exemple, toutes les terres sont
submergées d'Hennuin à Coulogne, et «plutôt un lac qu'une campagne;
sur la rive du côté de Bredenarde, la terre et la rivière ne sont plus qu'une
mer, sans apparence de digues » 4. I,a faute en est, cette fois, à la rivière
' l^ambcrt d'Ardres, M. Godefroy, p. 241.
* Registre aux enregistrements, i> décembre l»Wf7.
3 Voir Arch. Pas-de-Calais. C. liasses i.V) à IfiO.
* Ibid., C. 1 'tT>, pièce 21 ; mémoire du maire de Calais ;'t M. d'Argenson.
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L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGl'ES
de la Hem ; d'autres fois c'est l'An dont les eaux se déversent par l'écluse
d'Hennuin. Certaines terres sont si basses et pour les assécher l'été il faut
ouvrir si fréquemment les écluses a la mer que les autres parties finissent
par manquer d'eau '. Il n'y avait, au début du XVIII' siècle, que deux
voies d'écoulement: le Vinfil, artère centrale du dessèchement, coulant
de Vieille-Eglise a Nieulay, et le canal d'Hennuin à Calais. Un programme
de travaux fut dressé en 1737, pour donner aux terres du Nord un écou-
lement par le canal de Marck ; dans la seule année 1738 il en coûta,
292.000 liv. au Calaisis * ; un programme plus vaste encore fut élaboré en
1745 ; mais ni l'un ni l'autre ne furent terminés. Le Calaisis traîna encore
plus de 30 ans une misérable existence, jusqu'à ce que fussent ébauchés,
en 1778, de grands travaux qui commencèrent à rendre le système
d'assèchement indépendant des voies navigables 3. Cependant il a fallu
encore un siècle d'efforts pour mettre hors d'affaire tout le pays bas. Il
n'y a guère qu'une douzaine d'années que les grands marais ont disparu,
et il reste encore des parties noyées, celles où se creusaient jadis des
tourbières. L'hiver, de novembre à janvier, on pouvait encore au début du
XIXe siècle voir tout le pays sous l'eau, de Coquelles à Guines, et les
voyageurs qui prenaient la route de Paris s'embarquaient à Nieulay sur
des bateaux plats qui venaient les déposer près de Fréthun, à la Tourelle ;
là commençait la vraie roule de terre, s'élevant sur les flancs gris du Pays
haut. Aujourd'hui les Waleringues projettent d'autres améliorations:
approfondir la rivière d'Oye pour- envoyer toutes les eaux du N.-E. vers
Gravelines; faire passer les eaux de la Bredenarde sous le canal de Calais
pour les rejeter dans le canal de Marck. On a beaucoup travaillé dans le
Calaisis, et il reste à faire encore. Les marais d'Ardres, de Guînes, avec .
les nappes blanches de leurs « claire » qui brillent entre les rangées de
saules, leurs carrés de terre noirâtre, leurs pâtures hérissées de roseaux
et leurs petites maisons de pauvres gens, représentent un grand progrès
sur le pauvre pays noyé que vit Lambert d'Ardres, et les améliorations
continuent: depuis 5 ans, le plan d'eau des marais do Guînes a été abaissé
de 0m, 50 et la plupart des terres s'en sont trouvées asséchées. Mais à cette "
tâche, les Watoringuos s'épuisent et s'endettent. La Ie section du Pas-de-
Calais a déjà emprunté 100.000 francs ; il lui en faut 50.000 autres. Les 2e,
» Arch. Pas-de-Calais, G. 147, p. 108.
i Pour les travaux de 1738 et 174.VMÎ, voir Arch. Nat., H' 48 et H1 M7.
3 Sur les grands travaux 1778-1788, voir Cordier de la iloussaye, Essai sur le
mouvement des eaux dans le Calaisis, manuscrit de 1788 dans: Arch. Pa.s-do-C.dais,
C. ir/i : pièces dans C. <J0, C. Kit, etc.
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LES MARAIS DE SAINT OMKH WT.
3* et 4* s'apprêtent à en faire auUint. \jc dessèchement complet n'est pas
encore terminé dans cette partie delà plaine : peut-être même les amateurs
de chasse voudront-ils conserver dans ce coin quelques marais autour
d'une hutte.
Marais de Saint Orner.
I~a nature avait fait des marais de St-Omer une région particulièrement
difficile à dessécher. Ce territoire dont l'altitude, supérieure an niveau des
hautes mers de morte eau, n'atteint pas r elui des vives eaux, est entouré
d'une ceinture de collines élevées qui lui envoient leurs eaux ; de l'Artois
sortent de grosses sources dont l'une, la Hoiille, est une véritable rivière ;
l'Aa y débouche au Sud, et le brusque changement de pente qu'il y >.ubit
rend les inondations presque inévitables : enfin a toute* les eaux accumulé^
sur ces terres basses ne se présente qu'une ouverture large de VjO métré*,
le passai- de Watîen. encore éloigné de la mer d'une vingtaine de kilo-
mètres. Ia? canton devint <\>,'a<\ lors de l'invasion marine, un va-fe mara»
d>au d -uce. « spat:..-im -ta/ri^n » ', sur lequel St liert.n au \ II' >-/ Je
abandonne sa nao-oe. que le- îî"ts incertains pou - . eren» .de \Jo;n<l.n
vers St-Om-.-. c'e-t-à-'!.:e vers rarnont. Otte ére.vlue d eau '-/agr.a.'.'e e *
d-'VeriU" au XI I" s.èçk' ter re ba-.*e. « palus » ou * terra pai , * 1 ,
une charte de l^il V ■ â la /r-a:.de ahhave vo. ine ie- te-;.-* ga/v'>^
l'Aa par îe de>^*. -bernent. et « elle* qu'on fourra a - q e'r.r par -a «iu;*>; eq
-upp-. — tj:j.- r.-. ' • • .ii.v- e» peu prJor. ;e. <>r u e > q > a . X . ,*-,
par Tarn*'-.. • •'. ■:; :«r .' '-.a ;..-ir. q .e l:<u p <f. :• :. ■ ::.<■:.'. -4
et livrer a la ■ ,re - 1 ià rev-r.é à .a p--' .e e* a .a -.a*-*. '>?■
pr : r.* la r>rs «i- ie ';/,*>'- y- ru . re r. t a eir~a . .e •> >. par 'ît». t*:i:.:.,>.
et â rr- .-r: ; !— fv-sé-. p a .j:u*:.\fsr .e- fa' V-» «: é- /,
Il en résolu. L. e*: rr«». | .* e-- -T. j*rv^lr«.( 1** .'//,p p. v > <
ia -v.^v. ~: rie I-r* •>:; lf*«v*-e.v. a'Cr,^->. '/r. .-,>.
dans 1- r» «*:ia...e* *«r. r^b;,,V/,;,vftr'/»:A
el i*e pou va:.: ~*-* ; , I- a -S* * t. wy.'/c? ; ^
ii&râur in < .i »^ *r. ; . ,:..*it «a * m > t/.ï, *-.r
datiez. 4t >■ r»^. < /va. » ^.ti»'. *^
lélAt a.^>t~ '.V.-. . -x..e >t e*.i *x *r. tu^a»*
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LES MARAIS DE SAINT-OMER
2#5
3e et 4e s'apprêtent à en faire» autant. Le dessèchement complet n'est pas
encore terminé dans cette partie de la plaine : peut-être même les amateure
de chasse voudront-ils conserver dans ce coin quelques marais autour
d'une hutte.
Marais de Saint -Orner.
La nature avait fait des marais de St-Omer une région particulièrement
difficile à dessécher. Ce territoire dont l'altitude, supérieure au niveau des
hautes mers de morte eau, n'atteint pas celui des vives eaux, est eutouré
d'une ceinture de collines élevées qui lui envoient leurs eaux ; de l'Artois
sortent de grosses sources dont l'une, la Houlle, est une véritable rivière ;
l'Aa y débouche au Sud, et le brusque changement de pente qu'il y subit
rend les inondations presque inévitables : enfin à toutes les eaux accumulées
sur ces terres basses ne se présente qu'une ouverture large de 500 mètres,
le passage de Watten, encore éloigné de la mer d'une vingtaine de kilo-
mètres. Le canton devint donc, lors de l'invasion marine, un vaste marais
d'eau douce, « spatiosum stagnum » \ sur lequel St Berlin au VIIe siècle
abandonne sa nacelle, que les flots incertains poussèrent de St-Momelin
vers St-Omer, c'est-à-dire vers l'amont. Cette étendue d'eau stagnante est
devenue au XIIe siècle une terre basse, « palus » ou « terra palustris » * ;
une charte de 1211 donne à la grande abbaye voisine les terres gagnées sur
l'Aa par le dessèchement, et celles qu'on pourra acquérir par la suite3, ce qui
suppose une rivière très large et peu profonde. Ce u'est qu'au XVIIF siècle,
par l'amélioration de l'Aa maritime, que l'on put définitivement assécher
et livrer à la culture un sol jusque là réservé à la pèche et à la chasse. Les
propriétaires de leur côté se mirent à exhausser leur sol par des remblais,
et à creuser partout des fossés pour augmenter les facilités d'écoulement.
Il en résulta, il est vrai, que les eaux descendirent beaucoup plus vite à
la rivière, et que les inondations s'en trouvèrent accrues. On n'osait pas,
dans le Marais, faire de semailles d'hiver, une crue étant toujours possible,
et ne pouvant être détournée. Il a fallu, de 1875 à 1880, exécuter sur l'Aa
inférieur des travaux qui, en doublant la section de son lit, permettent
l'évacuation rapide des eaux supérieures ; ce qui n'a pas empêché l'inon-
dation de 189-i de recouvrir les marais d'un mètre d'eau. L'inconvénient de
l'état actuel, c'est que l'émissaire des eaux surabondantes est en même
1 S. Audoinari vita in Acta. SS. Boll. Sept. III, p. 409.
* Haigneré, Si-Hcrtin, I, pp. 117 à 2I»>, passini.
3 Ibid.. I, p. u« ôlro.
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L'KAU DANS LA l'LAINR : POLDKRS KT WATKRINGUES
temps uno grande voie navigable, et que des intérêts opposés se trouvent
ainsi exposés à des conflits. Enfin Tête, la 7e section des Wateringues du
Pas-de-Calais, qui veille sur les marais de St-Omer, se trouve en discussion
avec les autres sections, qui saignent l'Aa à leur profit pour alimenter leur
territoire
L'assèchement des Moëres est une œuvre plus curieuse encore. Situés
entre Bergues et Furnes, ces marais étaient le point le plus bas de la plaine
maritime, puisque leur sol ne s'élève guère qu'a un mètre au-dessus des
basses mers de vive eau. Aussi, lorsque toute la plaine était déjà cultivée,
il restait là une sorte de grand lac encombré de roseaux, étendu sur 4 à
5.000 hectares suivant les saisons, et accompagné à l'Ouest d'un plus petit.
On y envoyait toutes les eaux d'alentour; en revanche les Moëres causaient
des fièvres à plusieurs lieues à la ronde. Enfin en 10171e hardi Cobergher,
ingénieur des Archiducs, entreprit le dessèchement; il établit autour de la
Moëre un canal de ceinture, (Ringsloot), beaucoup plus élevé que le niveau
du marais, et dont les digues arrêtèrent les eaux extérieures ; il mit ce canal
en relation avec un beau watergand qui alla gagner la mer à Dunkerque,
et disposa 20 moulins à vent, munis de vis d'Archimède, à l'attaque des
Moëres. Les eaux pompées par les moulins furent déversées dans le Rings-
loot et de là vers la mer; en quelques mois le sol était asséché (1624),
coupé en rectangles égaux (eavcls) par des canaux perpendiculaires, et
cette terre vierge mise en exploitation. L'enthousiasme fut général.
Vingt-deux ans plus lard, tout était à recommencer. Près d'être assiégé
dans Dunkerque, le gouverneur espagnol marquis de Leyde voulut se
défendre par des inondations : il fit ouvrir l'écluse de la Cunette, par où se
vidait le canal des Moëres, et la haute mer, se précipitant par le passage,
engloutit en quelques jours l'œuvre de Cobergher. b\s deux lacs se refor-
mèrent ; il n'émergeait de l'eau que les débris de l'église, où des brigands ne
tardèrent pas à s'établir comme sur un roc inaccessible. Pendant plus d'un
siècle l<-s Moëres continuèrent d'infester les contrées voisines. Ce fut un
officier de la garnison de Bergues, le comte d'Hérouville, qui tenta de
> Cf. Pas-de-Calais au XIX' siècle. IV. pp. 1X>-1 iO, et II, pp. 1Î2ÎI-637 ; — R'ertin, Navi-
gation intérieure, pp. 7-8 ; — [Deschamps de l'as] Septième seetion des W ateringues. »
Rapport de l'ingénieur ordinaire sur les diverses questions concernant le dessèchement
du bassin de la 7e section, ei sa position relativement à la navigation (St-Omer, Guer-
monprez, 18o8,br. 4(3 p.).
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LES MOËRES
287
reprendre l'œuvre de Cobergher : en 1752, il obtint la concession royale,
reconstruisit les canaux et moulins, assécha la Petite Moëre : il s'y ruina.
De compagnie en concessionnaires, inondée en 1793 à propos de la guerre,
la grande Moëre était encore on fort piteux état au début du XIXe siècle :
les anciens du pays de Morgues se rappelaient encore en 1840 le temps où
dans la saison des pluies on pouvait monter en bateau à une demi-lieue de
Borgnes et voguer droit sur Fumes, à une distance de plus de 3 lieues et
demie, sans être obligé de s'arrêter ou de se détourner une seule fois *. Ce
ne fut qu'après 1821 que les Moëres, jusque la entre les mains d'un Syndicat,
furent mises en vente, partagées entre de nombreux propriétaires, et en 1826
que le dessèchement fut rendu définitif.
Depuis cette date, les Moëres sont restées hors des eaux, et les grandes
pluies ne parviennent pas a en inonder le sol plus de 24 heures de suite.
Cette terre, la plus basse de toute la plaine, en est peut-être la mieux
asséchée. Aux grands moulins a vent installés par d'Hérouville, et qui
portent les noms illustres des grands fleuves d'Europe, Rhin, Pô, Tage,
Klbe, on a joint une machine à vapeur destinée à suppléer les moulins en cas
d'urgence et surtout au cas où le vent serait trop faible. Derrière la digue
qui supporte le Ringsloot s'étendent les champs de terre grise, mêlés de
quelques rares pâtures. Ce qui caractérise le paysage, ce sont les canaux
intérieurs, avec leur bordure de saules en lignes inexorablement droites,
tous perpendiculaires, le triomphe du paysage géométrique. De loin en loin,
quelques grosses fermes avec leurs meules; au contre, un village très
propre, où les maisons, entretenues avec un soin digne de la Hollande,
sont peintes de toutes les couleurs de l'are-en-ciel. Dans ce polder en pleine
terre, tout pousse bien ; le fumier n'est pas nécessaire ; la betterave y a
plus «le densité qu'ailleurs. Aussi la population augmente, et l'émigration
vers les villes est inconnue.
Cette prospérité n'a pas été sans éveiller quelque jalousie chez des voisins
que la nature avait mieux pourvus que les Moëres, et qui cependant sont
moins avantagés aujourd'hui. Los Moëres sont constituées, pour le dessè-
chement, en une association spéciale indépendante de toute intervention
administrative; cependant leurs eaux, pour gagner la mer, doivent
travei-ser le territoire de la 4e section des Wateringues, qui a fait du Canal
des Moëres son artère principale de dessèchement. De bonne heure, la
1 Van de Wynckel, Précis historique et critique de l'administration des wateringuos
(Bergues. 184», br. .'£> p.), p. 17. — Sur les Moëres, consulter : Quarré-Reybourbon ( L.),
Dessèchement des wateringues et des moëres dans l'arrondissement de Dunkerque
(Lille, Quarré, 18113, in-8% 1()S p.) ; et aux Archives Nationales, cartons N«18; T2f>fi;
T 120' ; T 182* ; Q« 829.
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288 L'EAU DANS LA PLAINE : l«OLDERS ET WATERINGUES
4fl section s'est plainte d'être encombrée (les eaux des Moëres, qui empêchent
ses propres eaux de s'écouler vers Dunkerque. I/\s Moëres excipent de la
nécessité de se débarrasser de leurs eaux, ce qui est pour elles une question
de vie ou de mort. De là est né un procès, caractéristique de l'importance
que la question de l'eau a encore dans la plaine maritime. Après des escar-
mouches en 1817 et 1834, la 4e section a pris résolument l'offensive depuis
que la machine à vapeur, qui débite 40 mètres cubes à la minute, permet
aux Moëres de se débarrasser avec une grande rapidité de leurs eaux sura-
bondantes pour les envoyer passer chez les voisins. Le conflit a commencé
en 1879, par une demande des Wateringues d'établir dans les canaux
aboutissant au Ringsloot des repères que les eaux évacuées des Moëres ne
devront jamais dépasser: il dure encore à l'heure qu'il est. Nous ne sommes
plus au temps où, pour débarrasser le pays de Langle de l'inondation, la
maréchaussée d'Artois venait elle-même détruire le bâtardeau du Houlel,
ou faire ouvrir de force l'écluse d'Hennuin, sans se soucier de noyer le
Calaisis ' ; mais pour être strictement légale, la lutte n'en est pas moins
âpre : tribunal civil de Dunkerque, cour d'appel de Douai, conseil de Préfec-
ture, conseil d'Etat, tribunal des Conflits, et de nouveau la cour de Douai,
se sont vus saisir de l'affaire par deux parties qui montrent un égal achar-
nement, et n'ont pas désarmé encore s.
Terres basses de l'Est.
Il existe encore en Flandre d'autres parties basses où les eaux n'ont été
vaincues qu'au prix de travaux particulièrement longs et coûteux. Les
Moëres de Ghistelles, ce golfe de terres fortes que la plaine dessine entre
les sables de Ghistelles et ceux de Giuckelaere, et qui forme, sans maisons,
sans pâtures et sans arbres, tout en guérets, un coin si él range entre les
deux bonis du lloutland qui l'enserrent, n'est débarrassé que depuis peu des
graves inondations annuelles qui l'accablaient. Elles étaient aussi subites
que redoutables: parfois il fallait sonner le tocsin pour prévenir les habi-
tants du danger. Il y a 32 ans, le 15 août, l'inondation arriva pendant les
vêpres, et les fermiers du Nord ne purent regagner leurs habitations. Plus a
i Arch. Pas-de-Calais, C. ir»2, pièces 13-14, 70-8U; (1774 et 1770).
* Voir: Ovigneur, Mémoire pour l'administration des Moëres françaises contre la
IVe section des Wateringues (Lille, Danel, 18U1, br. 08 p.), et : Mémoire en réplique
(Lille, Danel, 1892, 15 p.)- Le dernier arrêt delà Cour de Douai se trouve dans le Nord
Judiciaire, 13» année, N°» 8-9, pp. 229-234.
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Vt'-jitH's. "t !«•> !• nniiTS «hi NmmI jitP'Hit n-^a^Mfi liMu-s lialiitaf 1
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LES TERRES BASSES DE L'EST
l'Est, ce fut pour les communes belges de Watervliet,Waterland-()udeman,
Ste-Marguerite, St-Laurent, Middelbourg et Lapscheure, une inquiétante
situation, lorsque les Hollandais devinrent maîtres en 1648 des écluses par
où leurs eaux s'écoulaient à la mer, et que pour (-omble de malheur l'éva-
cuation devint de plus en plus difficile par les estuaires en voie de
comblement du Braakman et du Zwin. Résolu à éviter cette dépendance à
l'égard de la Hollande, Joseph II avait fait commencer par le colonel de
Brou un grand canal longeant la frontière et s'ouvrant dans le Zwin à
l'écluse du Hazegras. Il fallut revenir à ce projet après 1830, lorsque la
Hollande eut fermé jusqu'en 1840 tous les débouchés, et infligé aux com-
munes belges des inondations annuelles qui leur causaient, de 1831 à
1833, 4.595. 000 francs de dégALs1. En juin 1842 intervint une loi
décrétant la construction « d'un canal pour l'écoulement des eaux des
Flandres»*. C'est la belle voie d'écoulement dite canal Léopold, ou de
Selzaele, qui part de Bouehaute, vient longer la frontière hollandaise vers
Ecde, rejoint le canal de Schipdonek, franchit en sa compagnie le canal de
Bruges â Sluis et gagne la mer a Heyst. Non seulement elle amène sans
encombre à Heyst, après 38 kilomètres de chemin, les eaux de Watervliet
qui ne sont qu'à une lieue du Braakman, mais elle a fait faire au dessèche-
ment de tout le Nord de Bruges les plus grands progrès.
Enfin la situation la plus critique à l'heure actuelle est celle des terres
basses du pays de Waes. Ces beaux polders de Yracene, Calloo,
Kieldrecht sont sous le coup d'inondations continuelles ; leur niveau est
si bas que l'écoulement dans l'Escaut par l'écluse de la Perle est très
intermittent, tandis que du plateau de Waes qui les domine d'une vingtaine
de mètres leur arrive avec une rapidité extraordinaire l'eau des moindres
averses. Il ne se passe pas d'année sans plusieurs inondations; celle de
1880 a couvert 2.800 Ha. Trois projets sont à l'étude: une machine à
vapeur pour écouler l'eau a marée haute, une rigole spéciale pour l'éva-
cuation des eaux du haut pays, enfin un grand canal analogue au canal
Léopold, qui serait en même temps une voie navigable, et mènerait du
canal de Terneuzen à l'Escaut 3.
• Andries, Recherches sur les voies d'écoulement, pp. 84-8T».
» Texte dans Woliers. Recueil de lois, I, pp. 78i-7.SC..
3 Menons (A.). Rijdrage tôt de studie over de droogmaking der Polders in het land
van Waas (St-Niklaas, Sleyhol, 100'., 17 p., carte à 1 : 100.000, 1 fig.).
lu
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290
L'EAU DANS L\ PLAINE: POLDERS ET WATERINGUES
Progrès accomplis et a accomplir
Ainsi va se perfectionnant sans cesse l'écoulement dos eaux de la
plaine. Les progrès Ma lises au XIX* siècle ont été immenses. I,a paix en
a été la première cause. On n'a plus revu de ces inondations tendues
autour des places fortes, comme celles qui remirent sous l'eau les Moëres
en 10-4(1 et 1703, et celles qui sous prétexte de défendre Nieuport, cette
bicoque, noyaient tout le Furnambacht jusqu'à Pollinehove et Kversham,
gAtaicnt les terres pour 7 ou 8 ans au point que les 13.0)0 Ha recouverts
en 1704 par l'eau salée n'avaient pu encore être fertilisés en ISOi. Les
Wateringues, réorganisées, stimulées par l'Etat, ont réalisé de grandes
améliorations, el cela non seulement d;ins les parties faibles comme le
Calaisis, mais dans toute la plaine. Il n'y a qu'une voix chez les habitants
pour constater les bienfaits de leurs syndicats. A St-Pierre-P»rouck, à
Holque, on est obligé de constater la disparition des inondations depuis la
mise en service du watergand neuf que la malignité publique avait
désigné dès l'abord sous le nom do « Panama ». A Cappelle, l'eau ne
séjourne {dus qu'un jour ou deux sur les terres, en cas de grande pluie. A
Teteghem, les terres du Sud qui restaient inondées jusqu'à 5 mois par an
sont desséchées en quelques jours par la machine à vapeur que la
section des Wateringues du Nord a établie à Steendam ; môme cas poul-
ies terres basses de Warhem. Les gens de Bulscamp constatent que l'inon-
dation qui durait, il y a S) ans, 5 à 0 semaines par an, peut être disparue eu
trois jours. Woumeii n'a plus de l'eau sur ses terres pendant ['* et 15 jours
de suite, comme cela se passait avant qu'on eût, en 1880, amélioré les
débouchés à la mer, à Nieuport. Slype n'a pas vu une inondation sérieuse
depuis 50 ans, et ses voisines St-Pierro-Capelle et Zevecole, quoique
moins bien partagées, n'ont qu'à se louer des changements survenus.
Vlisseghem et Cleemskerko sont tranquilles depuis S) ans. Groede,
Oostburg, Ijzendijke, Axel, paraissent ignorer que des inondations soient
encore possibles. On pourrait multiplier ces exemples ; mais la meil-
leure preuve du progrès accompli, c'est le recul de la lièvre paludéenne.
Li lièvre paludéenne, avec ses accès réguliers, a été jadis la maladie
caractéristique de la plaine, celle à laquelle personne n'échappait; à force
i Cf. Lettre de l'intendant de lion» i ères au Contrôleur p'-néral (1707) dans Hoilisle,
Correspondance de* Contrôleurs généraux avec les intendants des provinces, 11,
p. .'{"'.', n" I lî'.l ; — île Viry, Mémoire statistique du département de la Lys, adressé au
Miuistre de l'Intérieur (Paris, Impr. impériale, an XII, in-4u, IN» p.), p. iS>.
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LES PROGRÈS ACCOMPLIS ET A ACCOMPLIR
291
(l'on constater la, régularité, on avait fini par la croire nécessaire, et on
disait aux enfants de 7 a 15 ans, qui l'avaient pendant des semaines, que
c'était une lièvre de croissance (grooikoorts), et que ça faisait grandir,
Les vastes étendues d'eau stagnante que présentait la plaine en étaient la
cause; et St Arnulf trouve cinq liévreux couchés dans la mémo cabane,
lorsqu'il traverse les moeres de Ghistelles !. Un dicton de garnison
mettait sur le même rang que la peste et la famine l'obligation d'aller
séjourner à Gravelines ou a Bergues *, l'une à cause des Moëres, l'autre à
cause des schorres des Hems Sl-Pol ; « dès que la chaleur se l'ait sentir a
Gravelines, on y voit régner des lièvres putrides ou bilieuses, dont la
convalescence est fort pénible et dure souvent jusqu'à l'hiver » 3. La
Flandre zélandaise en particulier avait un fâcheux renom * : le préfet
Faipoult y constate que tous les habitants y sont tourmentés de lièvres en
fructidor et vendémiaire ; aussi parviennent-ils rarement a une grande
vieillesse ; les troupes y souffrent infiniment, et les Hollandais avaient
l'attention de ne jamais y changer les garnisons 5. Les malheureux gardes
nationaux envoyés en 1800 à la défense de l'Escaut s'en aperçurent, car
en 183*) on trouvait encore à Lille plusieurs d'entre eux qui n'avaient pu
se débarrasser de cette tenace fièvre de Kadzand ".Jusque passé le milieu
du siècle, la fièvre resta la maladie dominante; à l'hôpital de Fumes, en
10 ans, elle donne un cas sur cinq; même proportion à Ostende' ; Laveleye
parcourant « cette maremme de la lielgiquc » après les chaleurs de juillet
1859 trouve dans chaque ferme deux ou trois personnes épuisées par la
fièvre, et dans chaque village entend le glas de la cloche des morts 8. Or
ce fléau commence à n'être qu'un souvenir. Par toute la plaine on entend
célébrer la disparition des fièvres. A Damme, on en comptait 150 cas par
an avant la construction du canal Léopold : 3 ans après, le nombre était
1 Ex vita Arnulfi epiacopi Sucssionensis auet. Hariulfo, 1. Il (M. G. SS., XV. p. 88'.)).
* Seigneur, délivrez-nous de la peste, de la famine,
De la garnison de Berlues rt de Gravelines.
3 Tully, Essai, pp. 49-T>l. — Cf. Arch. Pas-de-Calais C. 30T>, pièce 20.
* Dresselhuis (Ab L'trecht), Met distrikt van Sluis in Ylaandcreii, pp.
s Faipoult, Mémoire statistique du département de l'Escaut, adrc>sé au Minisire de
l'Intérieur (Paris, Impr. impér., an XIII, in-'iu, KiO p.), p. 21.
« Derode, Histoire de Lille, III, p. 326.
" De Keuwcr. Topographie médicale de l'arrondissement de Fumes (Annales de la
Société médico-chirurgicale de Hruges. |Si7, pp. 233-2» vi), p. 218; — Janssens, Topo-
graphie médicale de l'arrondissement d'Ostcnde (Ibid., 1M£, pp. 1 T-0 >, t lT-i*V«»>_
pp. — De même : Waldaek. Topographie médicale du canton d'Eecloo (Annales
Soc. médecine de Gand, XX, IK/i7, pp. iftMW), pp. H'.-^î.
» Laveleye, Economie rurale, pp. 23-24.
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292 L'EAU DANS LA PLAINE : POLDERS ET WATERINGUES
tombé à 50, et aujourd'hui il n'y en a plus. Jusqu'à une date assez
rapprochée, le nombre dos décès dans l'arrondissement de Dunkerque
était presque l'équivalent de celui des naissances; le changement est
complet de nos jours 1 , et suffit à illustrer l'œuvre accomplie par les
Wateringues dans les 25 dernières années.
Cependant la malaria n'est pas complètement vaincue. Les causes
du fléau sont très atténuées, mais elles subsistent. Il y a encore des
étendues d'eau stagnante, en particulier les anciennes tourbières.
L'extraction de la tourbe fut jadis la principale industrie de la plaine, et
probablement la, plus ancienne : témoin l'inscription de Rimini qui garde
le souvenir des sauniers ménapiens !. L'extraction a cessé aujourd'hui,
car le charbon a chassé de tous les foyers flamands ce combustible
odorant, qui imprégnait les habits et empestait les maisons au point
qu'aujourd'hui encore, par les temps humides, les vieilles demeures où
l'on en a brûlé jadis exhalent encore l'odeur de tourbe \ Mais les exca-
vations restent, les vastes clairs de Balinghem et Ardres, les mares de
Jabbeke et de Stalhille. On remblaie peu à peu ; le travail va lente-
ment, car la terre disponible est rare. Ijs manque d'eau potable est
une autre cause d'insalubrité. Tous les puits sont mauvais, ou doivent être
considérés comme tels : près de la surface, l'eau est chargée d'impuretés
de toute sorte ; en profondeur, elle est saumâtre. Il faut s'alimenter à des
citernes, dont l'appoint est souvent insuffisant l'été ; aux canaux, aux
watergands, à des mares. Fumes a 900 citernes, dont une de 300 mètres
cubes, pour 1.214 maisons. Les ressources fournies par ces eaux peu
appétissantes n'empêchent pas que 13 communes belges de la plaine, sur
une cinquantaine, soient exposées à manquer d'eau douce l'été : à Calloo,
les habitants de 'M) maisons doivent faire en cette saison 3 kilomètres
pour en trouver; au Doel, pour 130 maisons la distance est de 1 kilo-
mètre *. A Guemps, un brasseur est obligé d'avoir un bateau a soupape
pour aller chercher de l'eau douée au pied «le l'Artois, dans la rivière de
Balinghem. L'armée anglaise a éprouvé, pendant l'été de 1809 qu'elle a
' N oir les Annuaires du département du Nord, depuis l'an XL
i C'est des cendres de la tourbe que l'on extrayait le sel. — Sur les tourbières du
Calaisis, voir: de Bounard, Notice sur les tourbières du département du Pas-de-Calais
(Journal .les Mines, 2 vol. de ISO4.», pp. 121-tôTo.
:t 11 existe encore dans le Sud de la commune des Attaques, en ploin marais,
quelques maisons dont les propriétaires tirent de la tourbe et s'en servent pour la
cuisson des aliments, effectuée dans une pièce à part. C'est probablement le dernier
vestige qu'on puisse en trouver dans toute la plaine.
* André, Enquête sur les eaux alimentaires, l, pp. '«02-401».
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LES PROGRÈS ACCOMPLIS ET A ACCOMPLIR
293
passé dans l'ilo de Walcheren, les inconvénients de ce manque d'eau
potable. Il y a donc encore des fièvres paludéennes dans la plaine, et peut-
être plus dans la partie belge, où l'organisation des Wateringues est restée
par endroits un peu archaïque. D'ailleurs ce sont moins les habitants qui
sont atteints que les étrangers, les ouvriers pauvres du Houtland qui
viennent faire la moisson ou la campagne des betteraves
Ainsi tout n'est pas parfait encore dans la plaine maritime. Il faut que
les Wateringues continuent leur œuvre d'amélioration. Les inondations
peuvent encore se produire : celle de novembre 1894 s'est fait sentir sur
une bonne partie de l'arrondissement de Dunkerque. Par les très grosses
mers, l'écoulement peut être momentanément arrêté, et les terres
submergées si les fossés ne sont pas assez profonds. I,es syndicats ne
doivent pas se borner à entretenir en bon état les ouvrages existants,
curer les fossés, réparer les vannes et les écluses; leur œuvre est à
compléter. L'indépendance du dessèchement n'est pas encore complète à
l'égard de la navigation, et chaque grande Wateringuc n'a pas encore son
canal particulier d'écoulement. Enfin une autre tâche s'offre aux habitants
de la plaine. Lorsque l'évacuation des eaux a la mer sera devenue irré-
prochable, ce qui en beaucoup de points ne saurait tarder, on pourra se
mettre hardiment à combler les petits fossés qui sillonnent les champs, et
à les remplacer par des drains creusés à une faible profondeur. Quand
l'écoulement était très imparfait, il fallait des fossés partout, pour évacuer
plus vite ; c'est encore le cas dans les régions mal desservies, comme les
moeres de Ghistelles ; aujourd'hui, dans presque toute la plaine, ces petits
fossés peuvent disparaître. On y gagne une étendue appréciable de terre
cultivable ; les travaux sont plus faciles, et on évite les mauvaises herbes
qui croissent toujours le long des fossés. Déjà appliqué autour d'Ostende
et à Ste-Marie-Kerque, ce système a donné d'excellents résultats 5 ; nul
doute qu'il ne s'étende. L'homme a beaucoup fait dans la plaine pour
asservir l'eau ; aujourd'hui il peut se croire vainqueur, il lui reste à savoir
profiter de sa victoire.
i Au fort de Cruybeke, dans les polders de l'Escaut, les officiers reçoivent uno solde
supplémentaire pour compenser les inconvénients du séjour, particulièrement la
fièvre. De même à Ste-Anne, en face d'Anvers.
* Cf. Monographie agricole de la région des Polders, pp. ; le Pas-de-Calais au
XIX' siècle, IV, pp. 12V131.
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204 LA VIE DANS LA PLAINE
l
CHAPITRE XII
LA VIE DANS LA PLAINE
l. L'Af/ricu/turv. Qualités «lu sol. Anciennes cultures. Lu betterave, l'àlures et bétail.
Procédés et exploitations. — 11. L'hnliilnt rural . La grande forme. Los agghnnéru-
lions. — 111. l.rs : vilfrs. Marchés agricoles de la plaine et de la lisière. Bruges.
L'absence d'industrie. — IV. Lai />ojntfnfion. — Y. La Flawlrr Zt'hnuhrisr. Ktat
actuel de la lutte contre la mer. Agriculture, habitat, population. Isolement
économique.
I.
L'AGRICULTURE.
Avant de commencer à exploiter leur terre, les habitants de la plaine
ont <lû se mettre a la débarrasser dos eaux. Ailleurs l'homme se contonte
de labourer, do tirer parti do son sol : ici il est lo sauveur du champ qu'il
exploite; il le protège contre la mer, contre les rivières, contre l'eau d'en
dessus et d'en dessous. Aujourd'hui s'il ne le préserve pas héroïquement
on allant « porter de la terre à la digue », il contribue à sou salut en
payant, en plus de toutes les contributions ordinaires, la taxe de la
Wateringue.
Qualités du sol
Il faut que ce sol soit bien riche pour mériter de pareils sacrifices.
N'est-ce pas celui qu'un moine d'Oudonbourg appelait dès le XP siècle la
meilleure terre de Flandre, et dont Meyer au XVI0 célébrait la fertilité,
qui no connaît pas les engrais et dédaigne les assolements 1 ? Cela est vrai
en général, et le seul aspect de la plaine en juillet suffit à l'indiquer.
Cependant ce sol des polders comporte des variétés. A la surface on
trouve parfois de la tourbe; et la terre noire des marais d'Ardres, celle
qu'on aperçoit dans les prairies de Bierne ou dans les jardins maraîchers
• Malou, Histoire d'Otidenbourg, l, p. 3T>. - Meyer, Rerum Flandricartim tomi X.
(Bruges, Soc d'Kiu., 18'»:$), vol. IX, p. 77.
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LES QUALITÉS DU SOL
2HT.
d'Iïoymille rappelle les hortillonages fies vallées de la craie, ('elle tourbe
de la surface ne se rencontre guère que le long <le la lisière Sud : tandis
que le sable est répandu un peu partout ; il est peu de communes qui
n'en possèdent pas quelque veine. Enfin l'argile grise occ upe la plus
grande partie de la plaine.
L'argile est, à l'état vierge, d'uno fertilité extrême; des analyses lui
donnent dix fois plus do principes fertilisants, matières phosphatées,
organiques, salines, que les meilleures terres alluviales de Belgique 1 ; et
cela grâce aux débris organiques, plantes, animaux, qui s'y accumulent
quand elle se forme en srhorre. Pendant quelques années, cette fertilité
se maintient, le sol du nouveau polder n'a pas besoin d'engrais ; puis vient
l'épuisement. La [daine tout entière en est venue depuis longtemps à cet
état de fatigue, où des restitutions d'azote et d'acide phosphorique sont
nécessaires. Les analyses indiquent une quantité considérable de cal-
caire, probablement due aux apports de la Manche ; une teneur
suffisante de potasse, enfin une légère insuffisance d'acide phospho-
rique. Ainsi les engrais comme les scories et les superphosphates sont
nécessaires. D'autre part l'imperméabilité est un îles grands incon-
vénients du sol de la plaine. Là où l'argile n'est pas mélangée au sable,
c'est la terre forte, le « blek », sur lequel l'eau de pluie séjourne et ne
disparaît «pie par évaporation ; où une averse survenant avant la levée
provoque la formation d'une croûte dure qui nécessite un nouvel ensemen-
cement. Aussi cette terre, pour être cultivée, demande à être saisie juste a
point: pas trop sèche, parce qu'elle devient dure comme une pierre; pas
trop mouillée, parce que le cultivateur et sou attelage s'y embourberont.
La terre argilo-sableuse, « opene grond », est une terre franche plus facile
à travailler, où la réussite des semis est assurée, et où l'on n'est pas obligé
comme dans le blek de recommencer les semailles deux ou trois fois, ou
de retarder celles d'automne jusqu'en janvier et même février *.
Mais en revanche, les terres fortes donnent un rendement supérieur.
S'il y faut plus de travail, et si l'on n'est jamais sûr de pouvoir faire ce
travail à temps, il y faut moins d'engrais, et le rendement est parfois plus
élevé d'un tiers. O résultat fait beaucoup pardonner; et malgré ses
défauts, la plaine maritime n'en reste pas moins, comme le disait Hariulf
d'Oudenbourg, la meilleure glèbe de Flandre. Dans les terres moyennes,
le rendement du blé à l'hectare y est de 20 hectolitres; dans les bonnes
• Monographie agricole do la région .les Polders, p. fi.
* Monographie rég. Polders, p. I 4 ; — Leplao, Esquisse agronomique de la Flandre
Occidentale (Rev. gon. agr. L., 18W, pp. 38-44, 7K-!»i), p. 44.
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LA VIE DANS LA PLAINE
terres, de 33; relui de l'orge, de 28 à 48; celui de l'avoine, de 33 à 75 ;
dans les bonnes terres, la pomme de terre donne 35 t< innés à l'hectare, la
betterave à sucre 40 '. Et ce sont là des résultats moyens. De bonnes terres
traitées par de bous agriculteurs donnent des quantités bien plus considé-
rables : jusqu'à 60 hectolitres de blé à l'hectare, 05 d'avoine, 60 tonnes de
betteraves riches à plus de 7", dans une grande exploitation de Ste-Marie-
Kerque; ailleurs jusqu'à 100 hectolitres d'avoine dans une grande ferme
d'Oflekerque *. C'est bien là la terre dont Meyer disait qu'elle était grasse
à souhait, et sur la fertilité de laquelle se sont souvent extasiés les
agronomes.
La fertilité de ce sol, l'humidité due au climat et à l'imperméabilité du
sous-sol, entretiennent à la surface de la plaine une vigoureuse végétation.
Nulle part en Flandre las mauvaises herbes ne poussent avec une telle
rapidité ; aussi le sarclage y est-il devenu une des opérations indispensables
de la culture. Si les arbres sont rares et grêles, ce n'est pas au sol, mais
au climat qu'il faut s'en prendre; car dans la partie de la plaine qui
s'éloigne de la côte pour longer l'Escaut, les arbres reparaissent en longues
rangées le long des digues, ou en massifs épais autour des fermes: de
Bruges à Hulst, peupliers, saules, vergers, encadrent ou garnissent les
polders. Si le vent de mer ne s'y oppose pas, tout peut pousser dans la
plaine et donner de beaux fruits. La terre en est accueillante, elle n'a pas
de préférences, et la flore est sans caractère ; à peine y distingue-t-on
certaines plantes halophiles qui ont survécu à la disparition de la mer.
L'homme a profité de ces heureuses dispositions, et partout où l'humidité
ne réclamait pas trop impérieusement le maintien des prairies, il a peuplé
le sol de plantes exigeantes et productives, céréales riches, cultures
industrielles.
Anciennes cultures.
Pâtures et céréales ont été d'abord la base de l'agriculture dans la
plaine, ("est parce qu'ils sont « fondés sur labouraige et nourrissemenl de
bétail » que les hommes du Franc, de Bruges refusent sous Charles le
Téméraire de participer au salut du Zwin. Les vieux textes où il est
question des redevances à payer par les hommes de la plaine nous parlent
de céréales et de produits d'élevage: les vassaux de St-Berlin autour de
(iravelines acquittent à l'abbaye, au XIIe siècle, leur fermage en fromage,
' la I'as-de-Calais au XIX' siècle. IV. pp. 124-125.
* Ibid., IV, pp 125-135.
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LES ANCIENNES CULTURES 207
bourre, brebis, c ultivent le blé, les pois et les fèves 1 ; à la même date
l'orbe, l'avoine, les agneaux, le beurre et le fromage, figurent en tête des
revenus du châtelain de Bourbourg i. Le terroir de Bourbourg, dit Des
Madrys en 1698, est fertile en bleds, et los prairies sont pleines de
bestiaux; et le préfet Dicudonné indique qu'en 1804 dans les fermes de
l'arrondissement de Kergues, les pâtures occupent 8/20 du sol, les
céréales 7/20 et les autres cultures le reste, y compris la jachère 3. Ainsi
las céréales sont la culture traditionnelle; celle qui s'imposait sur ce sol
riche et profond. L'orge et le froment s'y disputent le premier rang; l'un
est plus en honneur à l'Est, dans la partie belge, l'autre dans la partie
française. Il y a peu de temps qu'on ne les cultive plus après jachère,
c'est-à-dire après un repos d'un an laissé à la terre que l'on préparait par
un nettoyage, trois à quatre labours profonds et une fumure énergique;
aujourd'hui c'est plutôt après demi-jachère, c'est-à-dire après que la terre,
débarrassée de bonne heure d'une récolte de pois, de lin ou de trèfle, a
eu quelques mois de repos et de préparation, que l'on sème le froment ou
l'orge.
De bonne heure c ependant, à côté des céréales, on vit prospérer d'autres
récoltes qui trouvaient la des conditions favorables, difficilement réalisées
ailleurs. Le sol argileux et profond de la plaine donnait aux fèves la terre
qui leur convient; son climat, tempéré l'hiver, permettait d'en opérer la
semence de bonne heure (février ou mars), condition nécessaire à leur
complet développement ». Aussi fèves et pois ont-ils toujours fait partie
des assolements ; avec leurs grosses tiges, leurs cosses dures, et au
printemps leurs bouquets de fleurs blanches et noires, les fèves sont une
des plantes les plus caractéristiques do la plaine. Les Ordonnances de 1341
dans le pays de (iuinos défendent d'arracher ou d'esplucher jioiz, fèves, ne
• aultres grains ' ; et la statistique de Dieudonné réserve aux fèves 3/20 du
sol. sur les 5/20 que laissent disponibles céréales et pâtures. A côté d'elles,
le lin s'était établi ; lui aussi trouvait dans la plaine des conditions clima-
* Hai^neré, St-Hertin, I, p. .M, n» t:« : p. ni, n° 28!».
* De Baecker, Histoire do la ville de Bourbourg jusqu'en 1780 iDunkerque, 1870,
in-8°). p. 2»i. — C.asuel du curé de la nouvelle paroisse de Leffrinckourke (117*i):
.'C0 <rorbes de froment et avoine. 2 vaches, 1 fromage, une pelisse de mouton i Feys et
Nélis, Cartulaire de St-Martin d'Ypres, I, P- 1'»)-
3 Mémoire de l'intendant Des Madrys, dans Bull. Comm. H. Nord, XI, p. 2S8 ; —
Statistique du Nord. I, p. 48T>.
* Recensement agricole de 1805, vol. Introduction, p. tJO.
5 Tailliar, Le Livre des Usaigc* et anciennes coustumes de la conté de (luysnee
(St-Omer, Chauvin, IÇifl), p. 48.
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LA VIE DANS LA PLAINE
tériques assez favorables pour faire négliger l'influence, plutôt fâcheuse,
des terres fortes sur son développement ; la région poldérienne, qui ne
connaît pas les extrêmes de température, permet de semer de bonne heure
la délicate plante qui doit être vite arrivée à maturité. Certaines parties
de la plaine vivaient du lin: les fermiers y trouvaient des ressources
considérables, les pauvres étaient occupés un bon mois au sarclage, et le
filage utilisait toute l'année le travail des femmes. Ijg Calaisis, si pauvre
au XVIII'' siècle, se serait dépeuplé sans le lin ; ce textile faisait vivre la
campagne, et formait le plus clair du commerce de la ville ; jusque dans
les premières années du XIXe siècle, orge et surtout lin sont la plus
grande pari des transactions de Calais L On le rouissait dans les marais
d'où l'on voyait sortir en novembre d'épais brouillards jaunes. Le chanvre
accompagnait souvent le lin; les marais de Sl-Omer, les alentours des
Moëres alimentaient les fabriques de cordages de Dunkerque; année
moyenne, le Calaisis à la tin du XVIIIe siècle en tirait pour 10.0* K) livres
des marais de Guemps, de Coulogne et des Attaques *. Telles étaient les
vraies cultures de la région maritime, celles que l'on retrouve dans les
autres terres basses qui frangent ça et là les bords de l'Océan ou de la mer
du Nord, polders hollandais, marschen allemandes; dans le marais
poitevin, du XIIe au XVIe siècle les champs de blé et de fèves se partagent
le sol avec les pâtures 3 ; au début du XIXe siècle, la répartition y est
exactement la même qu'autour de Bergues : moitié pour la nourriture du
bétail, le reste pour le froment et la fève des marais, le lin au long des
fosses*. Pâtures d'une part, orge et froment, lin, pois et fèves, un peu
d'avoine et de trèfle de l'autre, tel était 1 elat d'équilibre qu'avait adopté
l'agriculture dans la plaine, et auquel elle se tenait encore en 1870.
La Betterave
C'est alors que se produisit la révolution qui bouleversa tous ces anciens
assolements, et brusquement lit faire place au milieu d'eux à la betterave.
Variétés smrières, fourragères, betteraves de distillerie, trouvaient un
I Are». Pas-de-Calais, C. 101, C. 132.
î Ibid., C. IU4.
•'• Clou/.ot, Les Marais «le la Sèvro Nid taise et du l^ay du Xe à la fin du XYP siècle
(Paris. Champion, 1U01, in * , 2X2 p.). pp. 112-1 H.
* Caudineau, Topographie médicale ries marais orientaux du département de la
Vendée (Paris, Didot, 181!», in-4», 2* p.), p. 12.
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LA BETTERAVE 299
excellent terrain sur ce sol riche et humide. La conquête fut rapide ; elle
se fit aux dépens des fèves et du lin, qu'elle pouvait remplacer dans les
rotations. On vit les premières diminuer rapidement; leur culture avait
un caractère aléatoire que ne présentaient pas au mémo degré les plantes
industrielles, et les profits étaient beaucoup moins considérables : de 1840
à 1895, l'étendue cultivée en fèves dans la partie belge passa do 18.951 Ha
à 10.275, et la diminution continue. Quant au lin, sa décadence dans la
plaine maritime ne fut qu'un épisode de celle qui se poursuivait a travers
toute la Flandre. Pondant ce temps la betterave s'accrut avec, une
incroyable rapidité, surfout dans les années qui s'étendent de 1880 à 191)0.
Hien que pour la betterave sucrière, on mettait en œuvre au cours de la
campagne 1887-88 dans les trois usines de l'Ouest de la plaine (Ardres,
Ste-Marie-Kerquc et St-Martin-au-Laerti, 5.^.000 tonnes de racines; en
1801-92, la quantité s'éleva à 100.871 tonnes, et en 1899-1900, à
288.0001. Il y eut des communes où la betterave occupa autant de
place que le blé. Ce fut une véritable révolution agricole s, dont les effets
bienfaisants se firent sentir jusque sur les autres cultures; en forçant les
paysans qui la cultivaient à employer des engrais puissants, à ameublir
profondément le sol et à le débarrasser soigneusement des mauvaises
herbes, la betterave a fait l'éducation professionnelle des cultivateurs tout
en améliorant la terre; les rendements ont généralement augmenté d'un
tiers depuis qu'elle prend place dans les assolements. Mais nulle part la
transformation ne fut plus complète que dans le Calaisis. C'était assu-
rément, jusqu'en 18(30, la partie la plus pauvre de la plaine maritime. Les
témoignages sont nombreux à ce sujet ; le sénateur Depère dans sa tournée
d'inspection de 1805 découvre en passant l'Aa « la ligne de séparation entre
la pauvre culture de l'ancienne France et la culture flamande »3 ; un autre
voyageur « habitué au coup d'oui ravissant de la Flandre », se trouve
après Gravolines « comme transporté dans un désert, tant le manque de
population et le triste aspect des villages clairsemés et composés de
misérables chaumières y offrent un contraste affligeant avec la florissante
contrée que nous venions de parcourir » 4. En 1844, on constate encore
« Le Pas-de-Calais au XIX" siècle. III, p. !«.
- A Guemps, en 188'.), dans un prêche le curé « espère que Dieu arrêtera l'en-
gouement pour cette maudite denrée qui fait beaucoup profaner le saint jour du
dimanche ».
3 Depère, Coup d'œil sur l'agriculture de la Belgique comparée avoc celle de la
Ficnrdie (An XIII, IHO:>). pp. 111-112.
4 Faquet-Syphorien, II, pp. ir/M.M.
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300
LA VIE DANS LA PLAINE
que malgré l'identité du sol, « les procédés do l'admirable agriculture de
Flandre n'ont presque pas passé sur la rive gauche do i'Aa », et que la
culture du Calaisis est « la plus misérable qui se puisse voir » *. Cette
infériorité, qui venait sans doute de la situation du pays, où l'évacuation
des eaux, intérieures est particulièrement difficile, et des charges énormes
qu'on lui imposa pour perfectionner le système de ses canaux, des routes
royales, et des digues comme celle de Sangatto *, a cessé brusquement
depuis 30 ans ; aujourd'hui le Calaisis ressemble au reste île la plaine ;
peut-être môme a-t-il plus que la rive droite de l'Aa l'aspect d'une région
de culture scientifique, où tout est sacrifié à la production intensive, les
arbres y étant plus rares que partout ailleurs; où les fermes, avec leurs
grauds hangars neufs couverts en zinc, ont déjà un air industriel, et où la
vue dos cheminées des sucreries et des touraillons des séchoirs à chicorée
semble indiquer qu'ici le champ n'est qu'une dépendance de l'usine.
Cependant on était allé un peu loin. I,a surproduction est venue pour
l'industrie sucrière, et depuis 19001a betterave a arrêté son mouvement
ascensionnel, puis a brusquement reculé devant la menace de la confé-
rence de Bruxelles. Chose curieuse: une partie de la place qu'elle
abandonnait a été reprise par le lin, au moins dans la partie française, où
cette culture est stimulée par une prime. Puis un autre occupant est
apparu, dont les progrès ont été considérables : la chicorée, qui trouvait
dans les sols légèrement sablonneux un excellent terrain ; aussi s'est-elle
établie surtout au Nord, le long des vieilles lignes de dunes ; et là elle fait
une rude concurrence à la betterave. A Ghyvelde, Teteghem, Bour-
bourg, Mardick, Loon et Craywicl:, dans les Hems-St-Pol, à Oye,
Vieille-Eglise, Marck, la nouvelle culture se développe, et les soins qu'elle
réclame étant aussi délicats et fréquents que ceux qu'on prodigue a la
betterave, les sarcleuses de la zone des Dunes y trouvent leur compte.
Un peu partout on voit s'élever le séchoir à chicorée, gros bâtiment
de briques sans fenêtres, surmontée de deux à trois touraillons en
zinc, qui s'anime à latin de l'été ; c'est déjà une des constructions fami-
lières de la plaine. Dans la partie belge, où la botterave s'était moins
furieusement développée, le changement n'a pas été si grand : là l'aug-
' Baude (J.-.J.). Le Pas-de-Calais (Rrv. des Deux-Mondes, tome 8, 13e année,
nouvelle série, pp. TfWBtiï), p. Tfiil.
- En 17J38, on prévoit une dépense de 2!»2.2»iG livres pour le Calaisis (Arch. Nat.
IP tVû, pièce !') ; en 1778, pour les pays de I^angle et de Bredenarde, 720.000 livres en
h ans (Ibid.. piè. e 2): en 1777, pour le Calaisis seul, 208.îrxr> livres, etc. Sur les
désastres de la corvée de Sangatte (1721) voir Arch. Pas-de-Calais, C. 142, pièce 118.
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LKS PATURES
mentation porte surtout sur les pommes de terre, et aussi sur l'avoine,
favorisée par un tarif douanier assez récent.
Ainsi ces cultures qui ne se partagent que le tiers laissé libre par les
pâtures et les céréales, mais dont l'importance économique a été et est
encore considérable, semblent se tenir actuellement dans un certain équi-
libre. Les fèves seules paraissent en diminution constante; mais la betterave
suerière, après son éclipse de 1003, parait devoir maintenir ses positions;
la betterave de distillerie et la variété fourragère seraient plutôt en aug-
mentation. Le lin, pourtant bien déchu, se refuse a disparaître; la chicorée
prend une place honorable ; la pomme de terre augmente, ainsi que le trèfle,
qui présente l'avantage d'être une culture peu compliquée, ne réclamant
pas de ces coûteux engrais azotés qui chargent les budgets agricoles, et au
contraire enrichissant le sol en azote. 1^ variété des cultures s'accroît
chaque jour, garantissant le cultivateur contre les crises qui frappent
périodiquement telle ou telle production, ot causaient des désastres
lorsque la plaine ne pratiquait que deux ou trois cultures très développées,
céréales, lin ou betteraves. L'agriculture de la plaine voit s'effacer dans
cette transformation ses caractères particuliers ; elle devient semblable à
celle de toutes les grandes régions limoneuses, Hesbaye, Picardie ; mais
si l'originalité s'efface, la prospérité augmente.
Les Pâtures.
L'évolution qui s'est accomplie depuis 30 ans autour du lin, des fèves et
de la betterave se poursuivait à la même époque, plus discrètement,
autour des céréales ; le résultat en apparaît clairement aujourd'hui. La
concurrence des grands pays à blé s'est fait cruellement sentir dans la
plaine, et a ébranlé une des colonnes sur lesquelles s'étayait la prospérité
de ses habitants. L'abaissement du prix du blé depuis 20 ans a causé
bien des ruines, surtout dans l'Est; à l'Ouest, la grande extension prise
par la culture rémunératrice de la betterave atténuait les désastres
qu'infligeait la vente des céréales a perte. Alors, ne pouvant plus fonder
leur fortune sur labourage, ceux du Franc s'appuyèrent plus que jamais
sur pâturage, et la spéculation animale prit un essor qu'elle n'avait pas
encore connu jusque là. C'est là le second trait de la transformation
opérée depuis 30 ans dans l'agriculture de la plaine: l'extension des
pâtures aux dépens des champs de céréales. Seuls réussissent à se main-
tenir, comme l'avoine, les grains qui servent a l'alimentation des animaux ;
ceux qui sont destinés à l'homme sont restreints peu à peu aux besoins de
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LA VIE DANS LA PLAINE
la consommation locale, particulièrement on Belgique où la défense
douanière est moins âpro contre les produits du dehors. Dès qu'on a
dépassé Bergues à l'Est, on voit l'élevage et l'engraissement du bétail
prendre le premier rang dans la vie économique.
Dans la période qui suivit Pémersion du pays, ce fut l'élevage du
mouton qui commença la prospérité de la plaine, et les pâtures actuelles
succèdent directement aux prés salés, aux « hernisscs » sur lesquelles on
installait des bergeries au XIe siècle. Mais bientôt la concurrence des
moutons anglais, et la possibilité d'établir sur les pâturages complètement
dessalés du gros bétail, peuplèrent de bœufs et de chevaux toute la plaine
maritime. I /Ouest, peut-être plus sec, ou plus facile à assécher, garda
toujours une préférence pour la culture; l'Est fut par excellence le pays
d'élevage, et les lettres patentes données par l'archiduc Philippe â ceux
du Franc, en 1504, constatent que la nourriture et l'élevage des chevaux
forment la principale occupation des habitants En général, et malgré
d'assez nombreuses exceptions, c'est dans les parties les plus basses et les
plus humides que l'on rencontre surtout les pâtures; par suite, c'est au
long de la limite méridionale de la plaine que Ton trouve les plus beaux
herbages de Flandre. Cependant, même dans celte région où l'élevage
forme la principale occupation des habitants, il est rare que l'étendue des
pâtures soit supérieure â celle des terres labourables. Certes cette étendue
est encore bien plus considérable que celle qui est réservée aux herbages
dans le reste de la Flandre, et dans l'arrondissement de Dixinude elle
occupe encore 30,5 pour cent de l'étendue cultivée, contre 12,5 dans celui
de Termonde et 13,5 dans celui de Courtrai ; de même les arrondissements
maritimes d'Ostende, Fumes et Bruges possèdent jusqu'à 30 et *20 pour
cent de pâtures contre l i et 15 dans les arrondissements d'Eecloo et St-
Nicolas *. Rares sont pourtant les communes où les herbages tiennent plus
de place que les champs : â peine les deux villages de Lampernisse et de
Zoetenaye au milieu du Furnainbaclit ; en France les belles prairies de la
commune de Bicrue, au beau milieu du vert pays de Bergues, ne gar-
nissent que 152 HJ sur les 1.0K0 d'étendue cultivée. Aussi malgré le
mouvement qui porte les paysans de la plaine à réduire leui-s champs de
céréales au protitde leurs pâtures, celles-ci ne forment guère encore qu'un
tiers de la surface en exploitation.
11 est vrai que cette disproportion entre l'étendue des pâtures et l'impor-
• Dolepierrc, Précis, lrc série. IL p. T.
2 Recensement agricole 1SIC>. Introduction, p. 1(32.
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LKS l'ATURKS
tance qu'elles occupent aujourd'hui dans la vie de la plaine est rachetée
par l'amélioration dos méthodes d'entretien. Quand on veut établir une
pâture nouvelle, on ne laisse plus à la nature le soin de la former; on
prépare soigneusement lo terrain, et on l'ensemence d'espèces choisies;
une fois créée, on la soigne comme un champ, ou y creuse des rigoles, on
y enfouit des drains, on y répand de l'engrais. Aussi le nombre de tètes
de gros bétail que pouvaient entretenir -» hectares de pâture s'est-il élevé de
i à o '. De même, on a amélioré les animaux. Ç a été d'ailleurs de tout
temps une magnifique race que celle des bêtes de la plaine. Végétaux.,
animaux, tout y pousse dru. Les chevaux sont ces animaux puissants,
énormes et lourds, qui n'ont pas leur pareil pour enlever sur le sol boueux
de la plaine les lourds charrois, capables de traîner à deux, sur un chariot
de tonnes, 5.500 kilos do blé, et de ramener dans le même voyage
().(KK) kilos d'engrais !. Quoiqu'on ait dit do leur nature lymphatique, do
leur corps « spongieux, soufflé et mou », c'est bien là l'animal adapté aux
besoins de la plaine, aux lourds transports de grains et do betteraves, aux
rudes labours dans l'argile compacte :1. Aujourd'hui que les Watoringues
ont amélioré le sol, on commence a croiser cette forte race dite de
Bourbourg avec les Boulonnais moins hauts, moins lourds. L'espèce bovine,
large de dos et de poitrail, forte de membres, particulièrement apte a
l'engraissement, porto bien, comme le cheval, la trace de l'influence du
sol : tous deux sont les produits d'une terre humide et fertile, produisant
en abondance des végétaux épais et nourrissants. Il n'est pas jusqu'aux
porcs, avec leurs dos et leurs membres longs, leur poids considérable, et
aux moutons, de grande taille, tète forte, corps long, santé rustique,
fournissant une longue laine, belle et de bonne qualité *, qui no soient une
preuve de l'influence du sol de la plaine sur le développement des ani-
maux. Aussi a-t-on tiré partie do bonne heure de ces heureuses qualités
du pays, en amenant dans la plaine des bêles maigres à engraisser. Le
Franc de Bruges au début du XVIe siècle s'enrichit eu « mettant ès
prairies selon la nature du quartier pour les engraisser des vaches qu'ils
achètent inaigres et âpres :i» ; Sanderus voit amener dans le Furnambacht
' Monographie agricole Polders, pp. \2-\7>.
1 Ardouin-Duma/et. Voyage 0:1 Franco. t'.O1" s 'rie, pp. 42.Vi3i.
Cf: Tellie/. (R ), Do la production chevaline dans le département du Nord ( Huit .
Soc. Agriculteurs du Nord, lST'.t, p. S2j ; — I^i production chevaline eu Belgique (Ihid.
p. "'.»).
i .Monographie agricole l'oïdors, p. 47.
s Charte de t:>ir>. Delepierre, t'récis, I" série, III, p. 222.
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304
LA VIK DANS LA PLAINE
des poulains venus du dehors, et Dérivai constate que les fermiers des
polders « tirent de l'Artois et de la Picardie du bétail maigre qu'ils paient
à bas prix et qu'ils vendent fort cher lorsqu'ils l'ont engraissé 1 ». Ce
trafic continue : beaucoup des fermiers de l'Ouest font encore le voyage
delà Mayenne pour aller chercher les bêles efflanquées qu'ils confieront à
leurs pâtures. En Belgique, il est fréquent de voir les plus belles des
pâtures grasses occupées, non par des animaux du pays, mais par des
bestiaux achetés maigres en Gmdroz, en Luxembourg, jusqu'en France
et en Hollande. De même on amène souvent dans les herbages de la
plaine des jeunes chevaux de la région sablonneuse.
Ainsi les pâtures de la plaine servent A deux fins. On y pratique
l'engraissement du bétail, pour la production de la viande de boucherie;
aussi un grand nombre de bouchers, de marchands de bétail, ont-ils acquis
dans le pays des pâtures grasses, sur lesquelles ils amènent chaque année
des bêles maigres. Parvenu à 0 ou 700 kilos, l'animal est expédié dans les
grandes villes de l'intérieur. L'autre spéculation est l'élevage: après un
ou deux ans de séjour dans la plaine, les jeunes animaux sont vendus sur
place ou dans les grands marchés de Thourout et de Bruges : les plus beaux
chevaux généralement pour l'Allemagne. Le lait donne lieu à la fabrication
d'un beurre renommé(beurre de Dixmude), vendu pendant l'été aux grandes
villes et surtout aux grandes agglomérations françaises *. On fabrique
même, aux environs de Bergues, une variété de fromage de Hollande.
Ce sont là, pour la plaine maritime, des sources de profit considérables.
La consommation de la viande augmente sans cesse, surtout dans les
grandes villes ; Lille et le groupe Roubaix-Tourcoing, Anvers, Bruxelles,
Charleroi sont des clients de plus en plus exigeants. D'autre part, le
paysan constate que jamais les chevaux ne se sont mieux vendus que
depuis dix ans. El l'élevage augmente. Aussi les pâtures atteignent-elles
des prix considérables. A Bierne, près Bergues, les bonnes pâtures valent
9.000 francs l'Ha, contre 0.000 les terres labourables 3; à Westcapelle près
de Bruges, à Loo, à Dixmude, la valeur moyenne des herbages de toute
la commune s'élève à 7.000 francs, et l'on peut en voir atteindre 13.000
' Sanderus, I, p. \) ; — Dérivai, IV, pp. 237-238.
* Nombreuses mentions de redevances en beurre et fromage dans les actes anciens
concernant la plaine. Au moyen-àge. l'abbaye de St-Martin de Tournai achète son
beurre a Oudenbourg, et prête sur ce gage de grosses sommes à l'abbaye d'Ouden-
bourg (Archives de l'Eut à Hruges, Chartes du couvent d'Ouder bourg, n° 21")).
3 heleporte et Kyngaert, Excursion agronomique dans le canton de bergues (Bull.
Soc. Agriculteurs Nord. 1881.I, pp. 30T>-3CS>, carte).
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PROCÉDÉS ET EXPLOITATIONS
305
francs l'hectare à Lampernisse. Sauf dans l'Ouest, où la betterave, pour
satisfaire à la demande de grandes sucreries, reste la principale
ressource, l'exploitation des pâtures est devenue la grande affaire de la
Plaine, celle qui fait vivre son homme et lui procure même l'aisance. Nulle
part plus que dans le Furnambarht, la contrée qui va de Furnes a Dixraude
et â L>o, type du pays des pâtures. C'est une grande étendue verte, complè-
tement privée d'arbres et de clôtures ; même pas un arbre pour accrocher
à l'entrée des pâtures la petite niche qui contient la madone; il faut la
placer au bout d'une poutre fichée en terre. Rien que quelques grosses
fermes a toits surmontés de paratonnerres, et les poneeaux de briques,
blanchis a la chaux, qui franchissent les walergands. Peu ou pas d'êtres
humains; les villages sont petits et espacés, comme ce bourg de La m] ter-
nisse, formé d'une vingtaine de maisons propres dominées par une église
énorme, ou le village d'Oostkerke, aux rues boueuses salies par le
passage du bétail qu'on vient charger la chaque jour en wagons pour
Bruxelles. En revanche les bêtes animent le désert verdoyant : quelques
chevaux ; bœufs et vaches à robe noire, blanche, et surtout brun-rouge
avec taches blanches, se déplaçant lentement dans les pâtures ou venant
boire aux fossés qui les séparent. Le calme est complet ; on n'entendque le
bruit lent des mâchoires qui tranchent l'herbe, et quelques beuglements
dans le grand silence.
Procédés et exploitations.
Les pâtures ont rendu à la plaine la prospérité agricole si vantée
autrefois, que la baisse des céréales menaçait de lui faire perdre. La leçon
du moins n'a pas été perdue : l'agriculture des polders s'est ressaisie, et
modernisée. Avant 1880, les fermiers vivaient tranquilles, confiants dans
la fertilité de leur sol ; habitués à la prospérité, ils s'en tonaienlaux vieux
errements et se laissaient dépasser par leurs laborieux voisins du
Houtland. « Iii où la nature a le plus fait pour l'homme, celui-ci fait le
moins pour lui-même » ; et Van Aelbroeck ajoutait que ce n'était pas aux
polders qu'il fallait chercher la perfection de l'art de cultiver1. I,a
jachère y était couramment employée, comme elle l'était à la même
époque dans le marais poitevin. Elle n'a môme pas complètement disparu
des rotations de la plaine. Il est vrai que les habitants y ont quelque
1 Van Aelbroeck, L'Agriculture pratique do la Flandre (Paris, 1830, in-8°), p. 2T> et
p. 131.
s»
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\A VIE DANS LA PLAlNK
excuse. C'est souvent faute de temps propice à l'arrière-saison pour
pouvoir préparer et nettoyer le sol qu'une pièce est laissée on jachère nue
jusqu'à l'année suivante. Les caprices du temps sont si imprévus, et le
travail des terres, tantôt trop sèches, tantôt trop mouillées, y est si
aléatoire, qu'il n'est pas étonnant que le cultivateur se laisse surprendre.
De même les progrès du machinisme agricole ne sont pas toujours appli-
cables dans la plaine, car les appareils nouveaux ne s'adaptent pas aisément
à ses terres fortes. Il y faut des instruments spéciaux, comme ce
« mollebart », sorte d'immonse pelle traînée par un cheval, pour
transporter la terre et égaliser le sol de certains polders, et qui n'a pas
de roues pour pouvoir circuler sur l'argile grasse 1 ; ou ces traîneaux-
nacelles destinés à charrier les betteraves en temps humides, qu'on
emploie dans une ferme d'Ofiekerque !. Néanmoins il est certain que les
terres sableuses du Sud sont exploitées avec un soin et une science
agricole qu'on ne trouve pas au même degré dans la Plaine. De là vient
souvent que les produits, malgré la fertilité du sol, soient moins rémuné-
rateurs, et que les magnifiques terres de la plaine se vendent moins cher
que les sables de l'intérieur. 1^ moyenne du prix des terres labourables,
dans l'arrondissement de Fûmes, est de 2.980 francs l'hectare ; elle est de
3.959 dans celui de Thielt \ Les bons travailleurs du Houtland ont pensé
qu'entre leurs mains habiles et actives, les fermes du bas pays pourraient
augmenter leur rendement ; et depuis 20 ans on assiste à l'invasion lente
de la plaine par les gens de l'intérieur. Moins exigeants, ils enlèvent plus
aisément la location des fermes, et c'est par eux que la terre des polders
sera régénérée. Déjà on signale au delà de l'Aa la marche des « Flamands » ;
ils s'installent dans les bonnes exploitations betteravières autour de
Calais : voici que l'avant-garde escalade môme les croupes de la craie,
s'établit à Bonningues, Fiennes, Marquise, et entreprend la conquête du
haut Boulonnais.
Une autre raison qui fait que les terres sont moins chères dans la Plaine,
c'est que les exploitations y sont beaucoup moins divisées que dans
l'intérieur ; or plus les exploitations sont petites, plus le prix moyen de
la terre augmente. Par exemple les exploitations dépassant 50 hectares
représentent encore 2,36 % des terres cultivées dans l'arrondissement
d'Ostende, tandis qu'il n'en existe pas dans celui do Roulers; celles
« Van Aelbroeck, p. 104.
» Pas-de-Calais au XIX« siècle, IV, pp. 131-13.".
« Recensement agricole 180T>, III, pp. 151-ir>3.
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LA T.RANDK FERME
3W
qui ont de 20 à 50 Ha forment 13,55 °/0 de la surface cultivée dans l'arron-
dissement de Furnos, et 0,94 °/0 dans celui d'Alost, 0,12 % dans celui de
Termonde La Plaine est la seule partie de la Flandre où l'on puisse
rencontrer de très grandes fermes : beaucoup de communes en possèdent
qui ont plus de 100 hectares ; la plus belle, au Hazegras, dans les nouveaux
polders du Zwin, s'étend sur 648 hectares. En général, les grandes fermes
delà plaine ont de 50 à 70 Ha, les moyennes 30 à 40; enfin un grand
nombre de journaliers exploitent quelques lopins de 50 ares à 2 Ha.
Cette différence d'étendue entre les fermes de la Plaine et celles de
l'intérieur vient surtout de la différence de population. Tandis que le
Houtland est une des régions les plus habitées du monde, la Plaine
possède uue assez faible densité de population ; il n'y a pas besoin
d'habitants pour exploiter les pâtures; et quant aux gros travaux de
sarclage, de binage, de moisson, d'arrachage de betteraves, les Dunes et
le Houtland fournissent au moment désiré une main-d'œuvre inépuisable.
D'autre part la compacité du sol, en exigeant, surtout autrefois, de forts
attelages, jusqu'à 5 chevaux avec l'énorme charrue dont on se servait
encore au XVII" siècle, empêchait l'établissement de petites exploitations
à un cheval ou mulet, selon le type du Houtland. Les exploitations
devaient donc être plus considérables dans la Plaine qu'ailleurs.
Cependant au XIX* siècle l'augmentation du nombre d'habitants, due à la
perfection du dessèchement, cl l'enrichissement produit par la culture
de la betteravo et l'amélioration de l'élevage, tendent au morcellement
des fermes. Retardé dans l'Est par la crise de 1880, ce mouvement est
plus accusé dans l'Ouest, et particulièrement dans le Calaisis, où
la grande culture, qui occupait 30 % des terres en 1859, tombait à 25 en
1898, en faveur de la moyenne qui passait de 60 à 63 % et de la petite
(10 à 12%)»
H.
L'HABITAT RURAL.
La grande Ferme.
Etant donné l'étendue considérable des exploitations, la grande ferme
1 Recensement agricole 18Uj, Introduction, p. 4T>4.
* Pas-de-Calais au XIX* siècle, IV, p. 321».
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LA VIE DANS LA PLAINE
est le type ordinaire des constructions rurales dans la plaine. Les domaines
ne sont pas rares, qui comme celui de Tempelhof, sur la commune de
Slype, comprennent 100 hectares de terres, entretiennent 9 chevaux, de
labour, 60 vaches laitières, autant déjeunes bêtes d'élevage, et occupent
une quinzaine de personnes ; il faut do vastes bâtiments pour loger ces
gens, abriter ce cheptel, engranger les récoltes. Aussi la grande ferme est-
elle une des caractéristiques de la plaine. De tous côtés on aperçoit ses
nombreux bâtiments aux toits rouges. La ferme en effet ne cherche pas
le bord des chemins ou des canaux. Assurée d'avoir n'importe où quelque
watergand qui fournira l'eau nécessaire aux animaux, elle s'établit au
centre de l'exploitation, sans s'inquiéter des villages ni des autres fermes.
La nature du sol lui en fait une nécessité ; par temps humide il se prête
si peu aux charrois que les bâtiments doivent être le plus près possible
des champs qui en dépendent. La ferme de la Plaine est donc isolée ; c'est
un organisme complet, qui se suffit â lui-même.
Derrière le rideau do grands peupliers penchés qui souvent la protègent
contre le vent d'Ouest, la ferme aligne ses bâtiments autour d'une cour
carrée ou rectangulaire. Mais il est rare que deux bâtiments se rejoignent ;
presque partout, il y a entre chaque construction un espace libre, que
l'on ferme d'une palissade en bois. L'habitation forme un des côtés ; sa
façade donne ordinairement vers le Sud, ou vers l'Est. L'intérieur en est
simple : d'abord une vaste chambre où l'on se tient, et qui est la maison
(huis); là est le long poêle flamand à charbon, arrondi en boule â
l'extrémité, et brillant comme do l'acier poli. La grande cheminée où
l'on brûlait la tourbe est encore là, mais vide, proprement peinte, et
supportant l'arrangement des objots de piété et des vieux étains astiqués.
De la « maison », deux ou trois marches donnent accès à la « voûte », qui
est la pièce d'honneur, le salon, servant en même temps de chambre à
coucher ; elle est surélevée au-dessus de la rave, que l'on creuse dans
le sol à 1 mètre au plus de profondeur, car les suintements n'y sont déjà
que trop abondants. Une troisième pièce, de plein-pied avec la « maison »,
peut encore se trouver en façade. Derrière ces chambres, d'autres, plus
petites, encombrées de lits, ou servant de magasin à provisions, de
relaverie (wasschkamer). A l'habitation est souvent attenante l'écurie ; le
fermier est ainsi tout près de ses animaux les plus précieux ; quelques pas
sur le trottoir de briques qui longe le bâtiment, et il est à la porte de ses
bêtes, avec lesquelles un valet loge la nuit.
Le reste des bâtiments, qui entouront la cour défoncée par le trou à
fumier, se partage entre les produits de la culture et ceux de l'élevage.
Elables et grange sont à peu près équivalentes : de longs bâtiments peu
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«•« ,:«v*,t,ii* iwas*1 Mimorl. A l*l|j|5»îi -il *• »ti «'^l ><>uvf- it uM'Miauf»* l'Aur"» ; i»1
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. .i i««> I.»s*ju« :'<>s un '>»:-r!* In nuit.
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LA GRANDE FERME
309
élevés, qui laissent libre un côté de la cour, ou l'entourent complètement.
Dans les cantons de pâtures, région de Bergues, Furnambacht, l'étable
s'étend, restreignant la grange ; les animaux sont logés dans tous les
locaux disponibles, et souvent il faut lour construire encore, derrière la
ferme, des baraquements en bois dont on soigne peu la construction
puisque les bêtes ne sortent pas de la pâture de fin-avril a novembre et
n'habitent leur é table que l'hiver. Où domino la culture, le nombre des
hangars augmente ; et dans leCalaisis beaucoup de fermes se complètent,
un peu à l'écart des bâtiments, d'uno de ces constructions caractéristiques,
haute charpente de poutres recouverte d'un toit en tôle, sous lequel
s'abritent les bottes de paille, et qui donnent à la ferme une apparence
industrielle. Chaque ferme possède à l'extrémité d'un des bâtiments sa
charretterie, où sont rangés côte à côte trois ou quatre grands chariots à
quatre roues, peints en vert avec filets rouges, et les instruments agricoles.
Enfin près de l'habitation se tient le petit bâtiment de 1' « ovekot »,
l'ancien fournil, où l'on prépare la nourriture des bêtes et où mangent
l'été les ouvriers. C'est un véritable amas de constructions, jusqu'à 7 ou
8 bâtiments, toute une petite ville dont la surveillance occupe assez le
fermier pour l'empêcher de mettre lui-même la main à la besogne et fait
de lui un «monsieur», un directeur, bien différent du petit exploitant
du Houtland, qui peine avec ses ouvriers.
Ces bâtiments sont généralement d'un aspect avenant, murs de briques
blanchis à la chaux, toits de pannes bien rouges, volets verts, rideaux aux
fenêtres. Les matériaux sont fournis par la plaine même: l'argile des
polders est exploitée par d'innombrables briqueteries, qui alimentent en
même temps la région côtière, où la bâtisse se développe chaque jour. Il
existe çà et lâ quelques fabriques de pannes, dont les produits, apportés
par des petits bateaux, pénètrent partout. Il en est de même pour les
maisons des villages ou pour celles qui sont éparses le long des chemins
ou dos canaux ; les murs de terre ne se retrouvent que dans quelques
rares bâtiments d'exploitation, dont le soubassement d'ailleurs est de
briques ; le chaume n'est guère plus fréquemment employé malgré ses
qualités ; on se contente de placer sous les tuiles une doublure de grosse
paille de seigle, ou de roseaux (glui). Même, cette généralisation de la
construction « en dur » et de la couverture de pannes est une des
caractéristiques de la Plaine, et c'est l'un des traits qui sautent aux yeux
lorsqu'on sort du Houtland, où sont fréquentes les maisons aux murs do
torchis jaunes et aux toits do chaume bruns. Les habitants expliquent cette
différence en faisant observer que dans leur pays découvert, murs et toits
doivent être particulièrement solides pour pouvoir résister à la violence
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310 LA VIE DANS LA PLUNK
des vents de mer*. La remarque est juste; cependant l'extension des
tuiles et de la brique est récente. Jusqu'au XIXr siècle, les constructions
ressemblaient à celles de l'intérieur, même dans les villes. Dunkerque est
brûlé en 1558 parce que beaucoup de maisons sont en bois et couvertes
en chaume *. Les habitations bâties et couvertes en dur sont signalées
comme une rareté, et les ordonnances qui défendent de couvrir en paille,
celles qui empêchent les habitants des villes de garder chez eux de la
paille, du chanvre et du lin 3 par crainte d'incendie, qui accordent des
primes aux propriétaires qui mettent des pannes 4, indiquent que leHout-
land n'avait rien à envier à la Plaine. En 18(34, le préfet du Nord note que
1/5 seulement des maisons dans l'arrondissement de Berguesont des cou-
vertures en dur 5, et que 1/3 sont construites en briques, le reste en pisé.
Mais comme l'état atmosphérique rendait particulièrement impérieuse
dans la Plaine la nécessité d'avoir des habitations plus solides, c'est par
elle qu'a commencé au XIX0 siècle le mouvoment, favorisé par l'extension
des voies de communication et le développement de la richesse, qui rem-
place dans toute la Flandre les cabanes de terre et de chaume par de
bonnes constructions en dur.
Les agglomérations.
Le village de la Plaine ne fait guère plus d'effet qu'une grande ferme.
Quelques rues de petites maisons basses, presque toutes sans étage; les
murs blancs, les toits rouges; un rideau d'arbres autour de l'ensemble;
seule l'église, haute flèche barbelée ou grosse tour massive, donne un peu
d'allure. On y trouve quelques magasins, des dépôts de charbon et
d'engrais, quelques maisons de rentiers et surtout les demeures des
journaliers. La vie n'est pas dans ces maigres agglomérations, et les gros-
ses fermes qu'on aperçoit de tous côtés en sont vraiment indépendantes ;
I En 1722, on décide de couvrir en ardoises l'église do Guemps, « comme l'expé-
rience fait connaître qu'une couverture de paille n'est pas de longue durée dans un
pays ouvort de tous côtés et exposé aux vents impétueux qui y régnent la plus grosse
partie de Tannée ». (Arch. Pas-de-Calais, C. 118, pièce 1).
* Faulconnier, Description historique de Dunkerque, I, p. (51.
3 Recueil des ordonnances de police de Dunkerque (17U et 177'i), pp. 11 et 78. —
Règlement semblable à Bourbourg (1001 et 1728).
* Oudenbourg, fin du XV* siècle (Feys, Oudenbourg, I, p. rirfif>) ; Fumes, ir>U
(Gilliodts, Coutumes de Fumes, III, pp. »T>-3»Î8), etc.
» Dieudonné, I, p. ôOH.
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LKS AGGLOMÉRATIONS
311
ce n'est que le dimanche, après les offices, que la « place» s'anime, et que
les estaminets s'emplissent des valets do ferme et tâcherons venus de tous
les points de la commune. Cependant ces villages sont les plus anciens
lieux de peuplement de la plaine. Presque tous représentent les points les
plus anciennement occupés, sur les parties élevées des anciens schorres.
Mais lorsque toute la plaine fut asséchée, il n'y eut plus aucun intérêt à
habiter dans le village, où le terrain coûtait plus cher, et la plaine s'est
parsemée de petites maisons isolées, établies le long des chemins, à
proximité des fermes où vont travailler leurs habitants. Enfin au XIXe siècle
les anciens villages ont trouvé de rudes concurrents dans les agglomé-
rations .qui se sont formées le long des grandes voies navigables. La
proximité d'un moyen de transport plus praticable que les mauvaises
routes de la plaine a attiré çà et là, aux abords d'un pont, quelques
commerçants et industriels; les mariniers s'y approvisionnent; une
bourgade se crée de chaque côté du canal ; et généralement chaque rive
Fig. 56. — L'habitation dans la Haine (entre Bergues et Dunkerque).
Villages non agglomérés au centre. Grosses fermes éparses.
Hameaux au long des canaux.
appartient à une commune distincte. Ce sont les parties vivantes de la
plaine : des estaminets, un séchoir à chicorée, un moulin à vent, quelque
briqueterie ou tuilerie, dont on charge immédiatement les produits sur
bateaux. Les exemples abondent : Hennuin sur le canal do Calais, Pont-
d'Oye sur la rivière d'Oye, le Pont-de-Zuydcoote sur le canal de Furnes,
Lynck sur la Haute-Colme, Zwaentje sur la Basse, Slypebrug et Schoor-
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M2
LA VIE DANS LA PLAINE
bakko sur le canal de Plasschendaele et l'Yser en sont d'excellents types.
Il n'est pas rare do voir celle agglomération nouvelle plus considérable
que les vieux villages dont elle dépend. Lynck, avec ses 250 habitants,
esl aussi peuplé que le village de Looberghe. A (lapelle, près Dunkerque, il
n'existe môme aucune agglomération municipale, tandis que le long du
canal se pressent les maisons du Kroemenhook. Entin lorsque c'est une
usine considérable qui a déterminé la création d'un de ces centres,
il finit par se former la une petite ville : Pont-d'Ardres, autour de l'énorme
sucrerie; Coppcnaxfort, à côté d'une distillerie, avec 600 habitants
groupés, chiffre rarement atteint dans la plaine; le Grand Millebrugghe,
près de la grande distillerie de Steene, qui en a bien l.()0(). On voit ainsi
des communes comme colle de Steene (France) où les 1.072 habitants sont
répartis en : 413 dans les fermes et habitations éparses, 308 au Grand
Millebrugghe, 218 au village et 43 dans une cité ouvrière. De l'autre côté
de la Colme, le village d'Armbouts-Cappol compte à peine 100 habitants
agglomérés sur 1.104. Il est à prévoir que ces agglomérations neuves
continueront à s'agrandir aux dépens des anciens villages.
11 existe enfin, dans certaines parties de la plaine, un autre mode de
répartition des habitations. Dans les cantons où le sol était particulière-
ment bas, ou dans ceux que la proximité d'un fleuve exposait à des
inondations fréquentes, les maisons se sont accrochées aux digues qui
servent à défendre le pays. Le long de l'Ysor, de petites maisons
accompagnent la grande digue du Furnambaeht. De Watten à la mer, les
deux digues de l'Aa servent d'appui à deux rangées d'habitations ; de môme
celles du Mardick, par où s'écoulent les eaux redoutées de la Hem. Les
maisons ne sont pas situées sur la digue môme, généralement trop étroito,
et qu'il faut éviter de détériorer ; mais elles s'appuient sur son flanc exté-
rieur ; ainsi elles sont un peu plus élevées que le reste de la plaine, et
jouissent de la voie de communication qu'offre le talus. De même poul-
ies terres basses d'Ardres, de Guînes, peuplées depuis une soixantaine
d'années seulement, et pour l'intéressante région des marais de St-Omer.
La population n'y est établie que sur les digues aux abords des cours
d'eau, et forme ainsi de longues rues de maisons accompagnant l'Aa ou
quelque rameau de la rivière : tels les hameaux de l'Overstel, et ceux du
Haut-Pont et de Lyzel qui sont des faubourgs de St-Omer. Il n'y a
cependant pas d'industrie à cet endroit, mais des hortillonages aussi
riches et aussi célèbres que ceux de la Somme. Le sol noir, découpé par
d'innombrables fossés en petits rectangles appelés lègres, est fertile à
souhait; l'acide phosphorique y abonde, grâce à la craie marneuse dans
laquelle l'Aa creuse son lit supérieur; la contenance en azote est consi-
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LES MARCHÉS AC.RICOLES DE LA PLAINE ET DE IA LISIERE 313
dérable, grâce à l'état vierge où l'inondation a forcé de laisser longtemps
ce riche terroir. Aussi la proximité d'une ville importante y a fait naître
depuis longtemps la culture des légumes ; et dès le XVIIIe siècle, les
marais de St-Omer exportaient des choux pour Lille et toutes les villes
à dix lieues à la ronde Aujourd'hui, le sol de cet ancien lac produit par
an deux ou trois récoltes de pommes de terre, choux pommés et choux-
fleurs, sans compter les pois, chicorées, fraises, artichauts. Le trafic, qui
consistait au milieu du siècle en un départ hebdomadaire par bateaux
pour le marché du lundi de Bergues, s'est transformé depuis qu'on l'a
confié au chemin de fer; il atteignait 3.20) tonnes par an en 1883, et
13.171 tonnes on 1903, dont 6/10 de choux-fleurs *. Dans la seule journée
du 3 octobre 1900, les chargements de légumes à la gare de St-Omer se
sont élevés à plus de cent wagons contenant environ 200.000 choux-fleurs
et autres légumes 3. Avec une production pareille, il n'est pas étonnant
qu'une population dense se soit établie le long des digues du marais:
race laborieuse, qui a conservé jusqu'à la fin du XIXe siècle grâce à
l'isolement dans les terres basses un costume spécial, et a cessé à peine
de parler flamand au milieu de populations françaises, qui regardent ces
hommes comme des êtres d'une autre race, et font de ces « maraischers »
ou « brouckaillers » soit des Sarrasins, soit des Saxons transplantés jadis
par Charlemagne l.
ni.
LES VILLES.
Marchés agricoles de la plaine et de la lisière.
Si les agglomérations sont rares, plus rares encore sont les villes dans
la Plaine. Car il ne faut pas compter comme dépendant de la plaine les
groupements urbains de la région côtière. Calais, Dunkerque, Ostende,
vivent de la mer. Même Nicuport et Cravelines, ports déchus, presque
1 Lettre du subdélégué Decauchy (177.")), aux Arch. Pas-de-Calais, C. 5(52.
1 Cf.: Pas-de-Calais au XIX* siècle, IV, pp. 135-140; — Migneaux, La culture maraî-
chère à St-Omer (C. Rendus du IVe Congrès National des Syndicats agricoles de
France, Arras, Rohard, 1«.)04, in-8% 487 p.), pp. 42<)-420.
3 Exposé succinct des travaux do la Chambre de Commerce de St-Omer, KXX)
(p. 87).
* Cf. Picrs, Histoire des Flamands do Haut-Pont et de Lyzel. (St-Omor, Lemaire,
1830, in-8\ 200 p.).
314
LA VIE DANS \A PLAINE
abandonnés par le flot qui les a laissés isolés dans les terres, continuent
à regarder vers la mer et à n'avoir que peu de rapports avec l'intérieur.
Bourbourg ignore Gravelines, et n'en parle que pour attribuer aux
Gravelinois un caractère cassant, désagréable, et les traiter de pirates.
Les marchés agricoles y sont peu fréquentés ; Ixxm, St-Georges, mémo
St-Folquin fréquentent la grand'place de Bourbourg plutôt que celle de
Gravelines ; Wuljien va à Furnes plutôt qu'à Nicuport. Dès lors, les villes
de la côte écartées, que reste-l-il dans la plaine ? Deux humbles cités, si
l'on met à part les bourgades de la Flandre zélandaise, qui ne sont plus
que do gros villages. Furnes et Bourbourg sont seules à représenter
l'élément urbain : or l'une a 5.800 habitants, l'autre avec son faubourg
Bourbourg- Campagne, 5.500. Leur unique rôle est celui de marchés
agricoles; Bourbourg expédie chaque semaine vers le groupe de Lille un
train de bestiaux, volailles, beurre, et envoie en Angleterre des œufs.
Furnes a toujours été une bourgade agricole ; dès le XIVe siècle elle est
habitée par une majorité de propriétaires fonciers, et de nombreuses
granges sont mentionnées dans l'intérieur de la ville 1 ; une ordonnance
de 1 173 la déclare pauvrement et petitement peuplée *. Toutes deux ont
le même caractère do villes aquatiques, entourées d'eau, ou coupées de
canaux, calmes et propres; si Furnes a pour parure quelques beaux
édifices, Bourbourg est animé par l'incessant mouvement de batellerie
qui traverse la petite ville, en suivant le canal qui rolie Dunkerque au
reste de la France.
Cependant les agglomérations urbaines deviennent nombreuses sur la
lisière méridionale, au contact de la plaine et de l'intérieur. Grosses ou
petites, elles sont les points d'échange entre deux régions différentes, et le
mouvement des transactions y fut considérable. Guînes avait une navigation
active sur sa Rivière, alimentée par les eaux abondantes de la craio;
c'est là que se faisait le commerce entre Boulonnais et Flandre ; bois, vin,
chaux, et pierres, fer, charbon, descendant du haut pays, s'y échangeaient
contre cervoise, blé, orge, avoine, pois, sel, produits par la plaine 3 ; au
XVIII* siècle, c'est le point d'embarquement des pierres do Ferques et de
Landrethun *. Ardres est resté le plus grand marché du Calaisis. Audruicq,
Watten, ne sont que des bourgades ; mais Bergues est une vraie ville, le
1 Pirenno (IL », Le soulèvement de la Flandre maritime en 1323-1328 (Acad. roy. do
Mexique, Comm. roy. d'histoire, 1000, LXX + 241 p.), p. LXVIL
s Gilliodts. Coutumes do Furnes, I, p. 48.
3 Tailliar, Livre des Usaiges (XVe siècle), pp. 83-84.
» Cf. Arch. l'as-de-Calais, C. 87, <J0.
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I'ihUO'. a :m;îj"H?'s élé une b«-Ul »ode arTii 'oie ; dé* lo XIV* s'«V|n efl»« es
îvui'sV par uii't irajtu do prnpr./Uures fiuniers, cl do n<aub. eus*
. .ii..' S"«;< Mil l'îiouïi' os dans teneur de la ville 1 ; une nnloQijUU'*<
!<• t i7.> Ki dé- ia,-e pauveue-ni »*t priiteue^fil |**U|»îée *. T^'tcs »U \t\ oiv
io tnèiia <• t»a "lôi'o do villes a.jualiiph's, ••nl>>urée> «1 Vau, c i cou T de
•anaux, « a!*u»\s «'t pf'jovs : si 1 unies a j»«»ur parure iju» iqu»1^ h**uiiv
••il ii. .•<.]•• Mi'!" >m g est animé pur riiiocssnni m juvemout iU baMli n«
!•] I a\i ' se la vil hî. on suivant le canal qui folio l)unkcr.p»e au
i rsff» )•«• |''",in o.
(!»».»• «il- Lut les a^_,, uia,'i'ali"UN ui'1hîao> deviennent lioiubi'otises «<Jir la
i;. »..n. n ♦•raîîf/iîalo, a«« '"««nlaot il%» la [»!a-:a' ol «!o l'iaioriotn'. < ij".'>':i> i»u
; ri!\»s, i'i!«'.. sont îo>. |i'rint^ dVi'hoiijTo oiiti'1* iJ«*itx i'ôçâ»us ilnî^n^ilos. oi !••
a!«Mi\'oiiM"it lies m \i ii-uis} fut roii«.îilA; abo*. (î>iînc>av*iil mi*' iiaviî!ati->ii
.( î!vo sur .*n Hu'i'-ro, aliinontô<a par l«r* eaux ah ''i.'an'''s de la oraic;
< ♦• . !a îj'H* »'j l'aÎNfii |i« i:oi*iui«»r«'<» i»Tj*r<« l:«'iii<»nîi.o oi Klaudro ; \u>\>, vî\,
oh,, cl ; 'T"s, fi"% . li.irl«'in, d.*«oi»iit!:«nt «lu liant pays, s"yé> hailit» a,i*nt
i<»ntrc o.'i'V'.i»'*, iiîô, oj':ro, ;•«,«. in«», |»*»'s, produits par la plaiiv ' ; ;i.'
W Hl* »:<V]i . lo piHut d*t»ad>aiii1,oiu«ijl dos piorr»'s de KpiiiuosiM d
I .and"'»!::nn Ai'rtî«»s»»sl rosti' lo plus j^rand niarol.t'' du ( 'alaisiv Vudriii'
W'îiM' U, no si 'ît ij"ii> di ; l.n'ii ga*l» s ; niai* '1 îo 'çai« s <^st une vraie vil'o
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31 'I» »'■• ■*. '-..v!'.' 1"» «î/i'S i\V* ^iiolt:.. pp. K. M.
' I II A' i. I.i i.,i,;>,s.l',.^.'<)
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3i.
— Type de village de la Plaine (Oostkcrkc, près Bruges).
La tour, ancien phare du Zwin.
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HRIV.KS
915
type de ces marchés, intermédiaires entre deux régions : le mouvement
du froment en 1804 y était de 111.709 hectolitres», contre 18.472 à
Bourbourg, et la place était désignée en 1810 comme un des grands
marchés régulateurs dos céréales, avec Arras, Paris, Rouen, Roye,
Soissons. Dixinude dispute à Furnesla prépondérance sur le Furnambacht,
et remporle sur sa rivale. Hondschoote, Ghistelles, Oudenbourg, jouent
un rôle analogue, et il n'est pas jusqu'à la lointaine ville de Hulst qui ne
serve d'intermédiaire entre les sables du Sud et les argiles du Nord.
Toutes ces bourgades se ressemblent ; elles ont également l'air assoupi.
Bergues est le type de la ville morte; les couleurs qui décorent ses
maisons sont passées et pâlies ; les rues sont silencieuses et tortueuses;
on dirait un quartier de Bruges, el les belles tours qui la dominent
contribuent à fixer cette impression. Jadis l'industrie les animait ;
Hondschoote était la ville des serges1; Oudenbourg avait la spécialité des
sayeltes, et ses habitants étaient les « strypgarenmakcrs » (fabricants
d'étoffes rayées); les anciens noms de marché au fil, coin des teinturiers,
foulcrie, et de marché au beurre, marché aux œufs, rappollont les élé-
ments de l'ancienne prospérité 3. Aujourd'hui que les céréales se vendent
par échantillons, que le bétail même est souvent acheté surplace, l'impor-
tance agricole de cos villes diminue encore. Celles que l'industrie ne
vient pas sauver ne vivent plus que par la force acquise : leur population
décroît. De 1880 à 1900, Dixmude descend de 4.106 à 3.829 habitants ;
Bergues en perd 400 entre 1800 et 1901 ; Guines de 4.618 en 1846,
descend à 4.157 ; Hondschoote, de 3.700 à 3.365. Au contraire Watton
devenue industrielle passe de 1.260 habitants en 1860 à 2.113 en 1901.
Bruges.
Bruges est la plus belle et la plus célèbre de ces villes endormies qui
bordent la plaine au Sud. De tout temps, la ville qui se fonda vers le
VIIIe siècle autour d'un château qui gardait le' fond de l'estuaire du Zwin
s'est tournée vers la plaine nue que dominent ses hautes tours, et non vers
le Sud aride, bois et bruyères h peine colonisés entièrement au XIX" siècle.
Bruges fut d'abord une ville commerçante, un port du Zwin, port dont
l'importance ancienne est attestée par l'existence à cet endroit d'un atelier
« Dieudonné, II, p. i86.
* Sur Hondschoote, voir df Hortrand <K.), 1,'industrie manufacturière à Hondschoote
du XII' au XVHI' sièclo (Ami. Com. fl. Fr. IV, ISM-iSiO, pp. 3i:«8»).
8 Feys, Oudenbourg, I, p. 0» et p. 71.
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310
LA VIE DANS LA PLAINE
monétaire au IXe siècle 1 ; ce sont des marchands que Jean d'Ypres nous
montre, à la fin de ce sièelo s, établissant lours maisons autour du Bourg
que vient de fortifier Beaudouin Bras de for, et encore des marchands qui
peuplent le suburbium au XIIe, lors des graves événements qui suivent la
mort de Charles le Bon s. Le sol marécageux, bordant des buttes de sable
et une forêt de chênes, dont les vieux noms de rues nous conservent le
souvenir *, se couvrit d'entrepôts où l'on amenait, « pour être réexpédiés
dans toutes les parties du monde », l'argent, le cuivre, les tissus de
Phénicie, de Chine, des (Myriades, les pelleteries de Hongrie, les vins de
Gascogne et de la Rochelle, le fer et les métaux, les draps et autres
marchandises d'Angleterre et de Flandre5. Pourtant, tout en devenant
un grand port de transit et une ville industrielle de premier ordre, Bruges
restait le marché des produits de la plaine, et Guillaume le Breton dans la
revue rapide qu'il passe des ressources de chaque ville flamande, voit les
éléments de la richesse de Bruges à la fois dans ses grains, ses prairies, et
le port qui l'avoisine 6. Aussi lorsque la mer s'éloigna lentement de la ville,
et que, le grand commerce international disparu, l'industrie brugeoise à
son tour se mit à décliner lentement, Bruges vécut en restant une capitale
agricole. C'est le rôle qu'elle a gardé jusqu'à présent. Contrairement à
ce qui s'est passé pour Bergues, le marché de Bruges prend une impor-
tance croissante pour la vente du bétail, et surtout pour le commerce des
beaux chevaux du Franc. C'est à Bruges, d'ailleurs, qu'habitent la
plupart des propriétaires des terres de la plaine situées entre l'Yser et le
Braakman. Chaque semaine le jour du marché, les paysans du Franc,
avec leur figure pleine et rasée, envahissent la ville de leur foule calme
et lente ; ils ont remplacé, à travers les rues archaïques, les marins et
les commerçants d'Espagne, de Portugal, Gascons, Italiens, Hanséates,
Anglais qui peuplaient la Bruges du XVe siècle de leur cohue bigarrée.
« Do Schodt, Résumé historique de la numismatique brugeoise. (C. Rendu Congrès
hist. et archéol. Bruges, 1887, pp. 237-238).
i Chronicon S. Hertini (M. G. SS. XXV, p. 708).
3 Galbert de Bruges, Passio Karoli boni coinitis Flandriao (éd. Pirenne, Paris, 1891,
in-8°). Cf. sur les origines de Bruges : Gilliodts, Brugos ancienne et moderne (Bruxelles,
1890, in-i°, 81 p.) : — Des Mare/. (G.), Etude sur la propriété foncière dans les villes
du moyen-âge et spécialement en Flandre (20" fascicule du Recueil des travaux publiés
par la faculté de philosophie et lettres de l'Université de Gand, 1898).
» Verschelde (Ch.), Etude sur les noms des rues et des maisons de la ville de Bruges
(Ann. Soc. Em. Br., 3* série, X, 1877», pp. 283-437).
s Guillaume le Breton, M. G. SS. XXVI, vers 380-390, p. 340.
• Frugibus et pratis dives, pnrtucpie propinquo
Dam quoquo (Ibid. vers 104, p. 821).
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BRUGES
317
Aussi le contraste est vif entre le rôle économique actuel de la ville et le
décor magnifique qu'elle a conservé intact, restée une ville du XVIe siècle,
(avec des monuments du XIVe), parce qu'elle a été trop pauvre pour se
transformer C'est la misère qui nous a gardé, dans toute sa splendeur, la
Bruges industrielle et commerçante. Ses principaux monuments jurent
avec son rôle et son activité actuels : ils portent l'empreinte d'un génie
impérieux et pratique, où l'ensemble est plus remarquable que les détails,
où le grandiose et la hardiesse des constructions frappent plus que
leur élégance. Les grandes églises sont les « clochers militaires » dont
parle le poète de Bruges la Morte : Notre-Dame avec sa tour « incroyable
d'énormité, toute bardée de contreforts » * ; St-Sauveur avec « ses grands
murs aveugles, sa tour altière qui ressemble plus à un chevalier surveillant
l'ennemi, qu'à un prélat voulant bénir ses ouailles » 3. I^e beffroi des
Halles, qui symbolise l'ancienne activité brugeoise, étonne avant d'inspirer
l'admiration. Peut-être les matériaux employés sont-ils pour quelque chose
dans cet aspect un peu sévère ; la brique ne se prête pas aux mêmes combi-
naisons gracieuses que la pierre ; elle oblige les architectes à donner à
leur œuvre plus do simplicité. A Ypres, on pouvait construire en pierre;
les grès de liéthune n'étaient pas loin ; à Bruges, il fallait se contenter des
briques de la Plaine, ou des coûteux matériaux venus de (.ruines par le
dédale des canaux. Tout fut donc de brique, sauf quelques édifices de la
Renaissance ; et ce sont des maisons de briques aux pignons en marches
d'escalier qui bordent la plupart des rues. On en trouve de semblables
dans presque toutes les villes flamandes, mais nulle part autant qu'à
Bruges ; de même qu'aucune autre ville du pays ne possède a un pareil
degré le charme mélancolique des canaux, bras do la Reye entourant
l'antique Bourg, ou anciens fossés des fortifications du XIIIe siècle. Tout
paraît noble à Bruges, même la tristesse des quartiers les plus déserts,
comme ce coin N.-K. qui fut jadis, à proximité ducanaldeSluis, l'entrepôt,
et le point le plus anirn^ de la ville ; les quartiers ouvriers même ont moins
do banalité qu'ailleurs, la plupart des petites maisons basses étant surmon-
tées d'une fenêtre mansarde encadrée de deux montants en briques, qui
suffit à orner ces pauvres masures.
Cet air de grandeur et de noblesse inscrit jusque dans les plus humbles
1 Fierens-Gevaert (H.), Psychologie d'une ville. Kssai sur Bruges (Paris, Alcan,
2- éd., 11)02, in-12, 191 p.), PP. 174-75.
s Taine, Notes de voyage, p. 302.
3 Havard (H.), La Terre des Gueux. Voyage dans la Flandre flamingante (Paris,
Quentin, 1879, in-12), p. 293.
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318
LA VIE DANS LA PLAINE
édifices de briques devait inspirer aux Brugeois le désir de rétablir
l'harmonie entre la beauté de leur ville et sa prospérité économique.
Mais comment, ressusciter cette ville pauvre, où sur une population de
50.000 habitants en 1890, on comptait 9.00() indigents secourus ? On pensa
que puisque le port avait fait jadis sa fortune, c'était le port qu'il fallait
rétablir. De là les tentatives faites depuis trois siècles: le grand canal creusé
jusqu'à Ostende au XVII" siècle ; puis l'essai de reprendre la voie duZwin
en ouvrant, au début du XIXe siècle, un canal de Bruges à Sluis. Achevé de
1810 à 1818, on devait le prolonger jusqu'à Hreskens, quand la révolution
de 1830 vint tout empêcher de ce côté. On exhuma alors un projet
proposé dès le XVIe siècle par le peintre Lancelot Blondeel, creuser
un canal de Bruges à la rade de Heyst. M. de Maere demandait, dès
180G, un canal maritime Gand-Bruges à Heyst ; en 1877 il restreignait
son plan à une grande voie d'eau Bruges-Hevst, et ce projet a fini
par donner le port de Zeebnigge, le canal maritime et les bassins
établis sur h' bord Nord de l'ancienne enceinte. Les désirs des Brugeois
sont accomplis; reste à savoir si leur cité va redevenir un grand port, ou
rester assoupie dans ce demi-sommeil qui convient si bien à son airde ville
sainte de la Flandre.
L'absence d'industrie.
Ce qui manque à toutes ces villes de la plaine pour échapper à la déca-
dence et faire quelque figure, c'est l'industrie. Il n'y en a pas dans tout ce
bas pays: c'est la partie de la Flandre qui en possède le moins. Et
comment l'industrie pourrait-elle y naître ? Il n'y a déjà pas assez
d'hommes pour cultiver la terre, et il faut, dans les cas pressants, faire
appel aux bandes enrôlées dans les Dunes ou le Houtland. A quoi bon
d'ailleurs s'occuper de transformations industrielles? La terre poldérienne
suflit à nourrir ses habitants ; l'agriculture, à leur procurer des ressources.
On néglige donc tout ce qui n'est pas le travail des champs; et la fabri-
cation de la dentelle, par exemple, si répandue dans les parties pauvres
de l'intérieur, s'arrête à la limite de la plaine : Keyem, I^eke, Jabbeke,
Bruges, Moerkerkc sont à la frontière Nord de la région dentellière (fig. 61).
Ainsi rindustrie.nc s acclimate pas dans les polders; les habitants y sont
trop peu nombreux et trop aisés. Hors des ports, où l'abondance de main
d'œuvre et les facilités de transport l'ont toujours favorisée, elle se bornait
jusqu'au milieu du XIX"' siècle à quelques malheureux métiers manuels:
la briqueterie; le tournage qui occupait en 1811 en Flandre Occidentale
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L'A HSKNCK D'INDUSTRIE
750 ouvrière pendant G semaines *, et dans l'arrondissement de Dunkerque
125 hommes environ en 1850; le ru rage des canaux, pour lequel les
habitants de Dam me ont la réputation d'être passés maîtres. L'apparition
de la betterave et de la chicorée a provoqué la création de quelques usines,
sucreries, distilleries, séchoirs ; dans la partie française deux seulement
sont considérables: la sucrerie de Pont-ri'Arrires, qui centralise les
produits du Calaisis, et a écrasé en 1002 100.000 tonnes de betteraves *,
et la distillerie de Steene qui produit chaque année 45 à 50.000 hectolitres
d'alcool et a occupé jusqu'à 300 ouvriers. La partie belge a deux sucre-
ries, l'une à Selzacte, approvisionnée par les betteraves de la Flandre
zélandaise ; l'autre à Snaeskerke près d'Ostende. Bruges a des distilleries.
A peine trouve-t-on d'autres industries: à Watten une filature de jute et
d'étoupes de lin, une grande tannerie et des chantiers de construction de
bélandres, occupant en tout près d'un millier de personnes; à Bergucs une
malterie,à Dixmude une minoterie, à Bruges une usine métallurgique, des
malteries et des fabriques de brosses: encore toutes ces fabriques sont-
elles construites à la limite de la plaine et occupent-elles des ouvriers de
l'intérieur. De même pour les usines établies au milieu du pays bas ; ce sont
des hommes de Beveren-lès-Roulers et des communes voisines qui font
brûler les cossettes dans les tourailles des séchoirs à chicorée ; des ouvrière
venus de tous les points du Houtland qui travaillent aux sucreries pendant
les trois mois de la fabrication, ou confectionnent les briques destinées aux
villes de la cote. Les gens de la plaine qui s'occupent dans une usine sont
rares.
IV.
LA MPULATION.
L'homme de la plaine se détourne donc de l'industrie. Il est ot reste un
cultivateur. De même il n'a jamais été un marin ; les belles terres des
poiriers rapportaient bien assez pour dispenser leurs habitants d'aller
chercher dans les dangers de la mer un supplément de ressources: cela
n'était bon que pour les populations pauvres des dunes. La Plaine tourne
le dos à la mer, qui ne lui a apporté que des malheurs ; elle ne la connaît
• Areh. Nat. F1* 1502. Surtout dans le Kranc de Bruges, dont les habitants étaient
* surnommés les brûleurs de tourbe (darynebarners).
2 Expose sommaire des travaux de la Chambre de Commerce de Calais, 1!<>2. p. 229.
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320 LA VIE DANS LA PLAINE
que pour la craindre, et lutter contre elle. Les ports et leurs habitants
étaient à part du pays, ne comptaient pas avec les chàtellenies : Dunkerque
hors de l'ambacht de Borgnes, Nieuport et Ostende à part du Furnambacht
et du Franc. Ijx population de la plaine est bien terrienne ; c'est une classe
de paysans aisés.
Ces paysans n'ont pas toujours été les hommes froids et calmes qui
peuplent aujourd'hui le pays. Du VI* au XIe siècle, la colonisation de la
plaine avait amené sur ce sol des éléments mêlés, d'une turburenee et
d'une énergie extraordinaires. Ces rudes habitants des terres neuves,
exposés sans cesse à des retours ofTensifs de la mer: pirates normands
restés en route, Saxons venus pur les côtes, Frisons descendus du Nord
en suivant dans leurs barques le tracé des estuaires, Francs aventurés au
delà dos forêts et des marécages, formèrent un peuple violent et libre,
ignorant le servage, et groupé de bonne heure en associations de défense
contre les éléments et contre les hommes. Ce peuple jeune avait
d'incroyables mouvements de violence : St Arnulf qui vient les apaiser au
XIe siècle trouve tout le pays, d'Aardenburg à Furnes, en état de guerre
perpétuelle ; en un an on constate officiellement 1.200 meurtres autour do
Bruges, et certains s'estiment déshonorés s'ils n'ont pas tué leur homme
dans la journée *.
Aussi ces indomptables hommes libres no supportèrent-ils pas aisément
la main-mise de l'autorité comtale, qui s'appesantit sur eux a partir du
XIIe siècle. Leur terre était à eux ; ils l'avaient conquise sur les eaux et
la gardaient; que leur voulaient les nobles, l'abbé et le comte ? Ils
s'insurgent donc contre l'autorité qui pénètre chez eux; ce sont des
hommes de la plaine qui font la conjuration contre Charles le Bon, le
comte justicier; et après la mort du comte, les meurtriers sont en rela-
tion avec « les gens de Furnes et les Flamands qui sont au bord de la
mer » i. Au XIIe siècle revient, tous les trois ou quatre ans, comme une
litanie, l'annonce d'une sédition dans le territoire de Furnes. Les premiers
de toute la Flandre, ces hommes de la plaine se font octroyer des
chartes, qui leur assurent, dans Mura circonscriptions rurales, une large
autonomie ; ce sont de vraies communes rurales, avec les mêmes privi-
lèges que les organismes urbains 3. Aussi de 1323 à 1328 se lèvent-ils
tous pour détendre leur liberté contre les empiétements des nobles et
des prêtres, soutenus par le comte ; ce fut une vraie guerre sociale. Ixîs
i Ex vita Arnulfi episcopi Suessionensis, auct. Hariulfo (M. G. SS., XV, pp. 872-904).
* Cf. (ïalbert, éd. l'ireune.
3 l'irenne, Soulèvement de la Flandre maritime, pp. I1I-X.
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LA POPULATION
3S1
chefs étaient de la plaine : Bouwin, d' Aardenburg, Janssoone de Ghistelles ;
le principal, Nicolas Zannequin, était propriétaire de 38 mesures à
Lampernisse ; et ce fut bien l'indépendance des hommes du bas pays qui
périt à Cassel *.
Mais aujourd'hui la transformation est complète. Sauf pour la fierté,
personne ne reconnaîtrait les descendants de ces terribles «Kerles» dans les
gros fermiers du Furnambacht. Ces hommes, avant tout, sont calmes. Des
gens froids, qui s'émeuvent difficilement, assure-t-on. C'est aussi
le caractère qu'on attribuait, au début du XIXe siècle, au peuple du
marais poitevin *. On n'agit guère par sentiment : on dirait déjà le carac-
tère hollandais; la plaine est peuplée d'hommes du Nord. Eu même temps
on las décrit plus orgueilleux, plus fiers que leurs compatriotes du
Houtland. Rare dans les polders est le fermier qui mange à la môme table
que ses ouvrière.
Ces caractères s'expliquent en partie par l'aisance à laquelle sont
habitués les gens de la Plaine. Le fermier d'une exploitation de 40
à 50 hectares ast déjà un gros personnage en Flandre ; les ouvriers même
dans la Plaine gagnent des salaires plus élevés qu'ailleurs. A Lampernisse,
le gain moyen d'un journalier (sans nourriture) est de 2 francs par jour ; à
Vladsloo, commune du Houtland éloignée de 10 kilomètres, il est de
1 fr. 40. A Boitshoucke, près de Nieuport, il s'élève à 2 fr. 50; à
Hoogstaede, situé à 13 kilomètres au Sud, il tombe à 1 fr. 35, presque
moitié moins 3. I^i meilleure preuve de la richesse de la contrée, c'est
l'abondance des dépôts effectués aux Caisses d'épargne de la Plaine. Celle
de Furnes comprenant 8 communes poldériennes, est la première de la
Belgique entière pour le total des sommes versées par habitant : 287 francs
par tête; à côté, la caisse d'Ecssen-Vladsloo, hors de la plaine, ne compte
que 18 francs par tête, et les communes des dunes, comme Adinkerke,
25 francs l. Plus riches, ils sont plus orgueilleux. Peut-être aussi
1 Un rapprochement paraît possible outre cos fermiers libres des polders et les
hommes des Fens d'Angleterre, puritains démocrates et cgalitaires, au milieu desquels
se leva Cromwcll. Au Nord de la Hollande, la Frise a toujours été par excellence un
pays de liberté, et les Frisons luttaient sauvagement contre la domination hollandaise
pendant (pie leurs frères de Flandre s'insurgeaient contre leur comte.
1 « Caractère froid, tranquille, apathique ». ((iaudineau, Topographie, p. 1."»).
3 Recensement agricole de 18 C>, III, pp. 30-.t2. U\s chiffres se rapportent à l'année
4 Hurny et Hamande, Les Caisses d'Kpargne on Hclgique (Mémoires couronnés et
autres mémoires Aead. roy. Belgique, collection in-8", t. LYl. i800-tii02, fi77 p.,
2 cartes A 1 : 320.000) planche B.
81
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LA ME DANS LA PLAINE
l'isolement dû à la situation des fermes, écartées les unes des autres et
reliées par de mauvais chemins impraticables par la pluie, contribue-l-il à
donner à leur caractère cette froideur et cette absence de sociabilité qu'on
est unanime à leur reconnaître.
Cette richesse se traduit par une vie plus large. L'homme de la plaine vit
bien, dépense largement, connaît la toilette. I*i nourriture y est beaucoup
plus substantielle que dans le Sud ; on y mange de la viande (du lard) tous
les jours ; et c'est là, en Flandre, un signe indiscutable d'aisance. En
général, dans les fermes, les domestiques en reçoivent même deux fois
par jour, et trois fois dans les communes riches comme Lampernisse,
accompagnant le café au lait, le pain, les pommes de terre et le lait battu.
Déjà Dieudonné en 1804 remarquait que l'arrondissement de Bergues était
c«lui où l'habitant se nourrissait le mieux Et c'est peut-être une dos
raisons pour lesquelles les gens de la plaine maritime ont une vigueur,
ime santé qui les distingue encore une fois de leurs voisins du Sud. Grands,
forts, hauts en couleur, c'est, dit un rapport médical, « une population
forte et robuste, chez laquelle l'élément sanguin domine 1 ». Il y a peut-
être là aussi une question de race, et les hommes de la Plaine pourraient
bien, en majorité, être descendants des Frisons, peuple dont le type se
retrouve tout le long des pays bas de la mer du Nord, et rappelle l'aspect
des Flamands maritimes. En tous cas, on ne peut s'empêcher, à propos
de cette population des terras basses, de retrouver dans leur physique ce
caractère d'ampleur et de puissance qui accompagne dans la Plaine toutes
les manifestations de la vie. Sauf les arbres, rien n'est étriqué sur cette
terre nourricière; tout est gros, luisant, végétaux, animaux, hommes.
C'est bien là cette bonne et forte Flandre dont parle Micholet, ces « grasses
et plantureuses campagnes, où tout pousse à l'envi, grossit à plaisir », où
vit cette race puissante illustrée par les tableaux de Rubens ; le bon pays
que regarde de travers l'homme du Houtland, habitant d'une terre plus
maigre, plus rude, où l'on sent l'effort.
V.
FLANDRE ZÉLANDAISE.
Il y a dans la Plaine une région, séparée du reste de la Flandre par une
1 Dieudonné, Statistique, I. p. 70.
* Enquête sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants
(Bruxelles, Lesigne, 1840, 3 vol. in-8°), III, pp. 298-21)9, Rapport de la Commission
médicale de la Flandre Occ identale.
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1,A FLANDRE ZÉLANDAISE
frontière politique et religieuse, isolée de la Hollande derrière le bras de
mer du Hont, qui a conservé presque tous les anciens caractères de la
Plaine, en leur gardant une fraîcheur et une netteté qui s'est un peu atténuée
on France et en Belgique : c'est la Flandre zélandaise. Elle forme comme
un résumé de la plaine maritime; un résumé où les traits sont plus
accentués.
Éttat actuel de la lutte contre la mer.
C'est dans cette partie que la lutte contre les oaux, et surtout contre
la mer, a pris des proportions particulièrement vastes. On a vu qu'à
plusieurs reprises, profitant des distractions des défenseurs, l'ennemi avait
fait de brusques invasions, et que c'est au XVIIIe siècle seulement qu'on
avait reconquis les limites atteintes déjà au XIVe. La bataille continue; la
Flandre zélandaise s'accroît patiemment aux dépens de la mer; tous lus
quatre ou cinq ans vient s'ajouter à son territoire, aux dépens du Braakman
ou des bancs de Saaftinge, quelque nouveau polder au sol grisâtre et
crevassé, sur lequel se lèvent bientôt des moissons merveilleuses. Mais il
y a aussi quelques retours de fortune. Le Zwarte Polder n'a pu être réen-
digué depuis un siècle ; un épi jeté au milieu n'a provoqué que la formation
locale d'une petite dune ; le Thomaes Polder n'est qu'en partie reconquis ;
constamment on rencontre sur la côte les équipes du Waterstaat, vérifiant,
consolidant, enfonçant des pieux ou plantant des fascinages. C'est que
la côte est constamment menacée par le déplacement des chenaux
de l'Escaut occidental. L'estuaire, en effet, subit fréquemment des
modifications de détail. Il ne semble pas qu'il se soit, dans l'ensemble,
envasé ou approfondi depuis un siècle, car les bancs de l'embouchure
n'ont guère bougé, ce qui prouve qu'ils n'envoient pas de matériaux
dans le fleuve, et le débit solide amont, composé à peu près uniquement
de matières vaseuses en suspension, finit par être expulsé do l'estuaire
grâce à la prédominance du jusant : les anfractuosités seules, comme
le Braakman , se comblent peu à peu. Mais les chenaux profonds
subissent des modifications fréquentes. Les courants de marée qui les
parcourent obéissent à la loi sinusoïdale des cours d'eau et s'appuient
sur les rives concaves en s'éloignant des rives convexes : il y a ainsi
creusement et uflbuillcment très rapides, et parfois abandon d'anciens
chenaux au profit de nouveaux J. C'est ainsi que du côté du Nord, le banc
1 Sur l'Escaut maritime, voir: de Mcy, Ports en plaire, pp. i(!T>-l82; — de Mey,
l'Escaut maritime (Y" congres international de navigation intérieure, l'aris, 181*2,
1(> question, 20 p., 3 pl.); — Rochot, Description hydrographique de l'Escaut depuis
son embouchure jusqu'à Anvers (Bruxelles, Lesigno, 1«»4, in-f", 120 p., 176 pl.).
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324
LA VIE DANS LA PLAINE
du Kaloot diminue sans interruption depuis 1800, tandis que la passe de
Borsele s'approfondit jusqu'à 40 mètres ; qu'au Sud la passe de Hoofd-
plaat menace la rive, et qu'en revanche les bancs de Hooge Springer
s'élargissent, et s'allongent devant Brcskcns. Plus loin, (-'est la passe de
Terneuzen qui se creuse et se rapproche de la côte, avec des profondeurs
de 33 mètres, tandis que le Suiker-plaat s'exhausse et s'étend. Au delà
d'Ossenisse, l'ancienne fosse de Waarde est devenue impraticable : c'est
une impasse (schaar), et le courant s'est reporté vers le Zuidergat, qui se
rapproche du rivage de Walsoorden, et ronge le bord des schorres de
Saaftinge. Ces mouvements des fonds ne compromettent en rien la
navigabilité de l'estuaire : il suffit d'un peu d'attention pour reconnaître
les passes et de quelques travaux de détail, dragages ou fixations, pour les
accommoder ; mais les côtes peuvent se trouver menacées. Le village de
Hoofdplaat, fondé après l'endiguement du schorre en 1778, a été inondé
presque aussitôt, et réendigué en 1795 ; il a fallu hérisser les digues de
pieux et d'épis La fortification de la côte, entre Terneuzen et Ossenisse,
rappelle les défenses du pays de Kadzand ; la digue porte la trace des
remaniements que les inondations lui ont fait subir; son dessin est
tourmenté ; il y a des pointes noirâtres et des rentrants, des épis sont
projetés dans toutes les directions, et cependant à mer basse les flots
viennent encore battre son pied, fortifié de six rangs de pieux serrés. En
revanche, au fond du Braakmuu, la marée haute elle-même parvient
péniblement au pied des digues, et la mer s'éloigne tant que l'évacuation
des eaux intérieures devient difficile ; à l'écluse Isabelle, on a dû pratiquer
à travers les vases grises du schorro un canal artificiel par où l'eau
d'Assenede et Bouchaute gagne péniblement la mer.
Le pays conserve des traces des séjours que la mer y a faits a plusieurs
reprises, et des travaux entrepris pour l'en expulser. Le sol est encore
sillonné do larges criques tortueuses, trop profondes pour pouvoir être
comblées de main d'homme, et qu'on laisse au temps le soin de colmater ;
en attendant elles servent de viviers, et la location de ces étendues
poissonneuses fournit de sérieuses ressources aux polders qui les
possèdent !. Surtout, les terres sont tout enserrées de digues. Ia Flandre
• 11 a même •'•t.'- un moment question d'abandonner le village, et l'on dit que
l'entretien «les 3 kilomètres <le digues du polder a coûté 3 millions de francs. Cf.
Laeroix (J.), Mémoire sur l'histoire hydraulique de la Néerlande (Ann. P. C., 184' S.
pp. l!CMU4).
i Cette ressouree est une des plus anciennes do la Plaine, et les locations de droit
de pèche, en particulier de « puises d'anguilles », sont extrêmement fréquentes dans
les chartes des abbayes.
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LA FLANDRE ZÉLANDAISE 325
zélandaise est un vaste échiquier aux cases irrégulières, enfermées de
lignes gazonnées qui sont le trait dominant du paysage. Il y en a de hautes
et de basses ; des vieilles comme la Langendamsche-dijk, près d'Hulst, que
Ton peut voir complètement plantée de betteraves ; d'autres plus récentes
qui ont encore le profil raide d'un côté, adouci de l'autre, avec la plate-
forme intermédiaire, qui caractérisent les modernes digues de mer. Mais
presque toutes sont aujourd'hui couvertes do magnifiques rangées d'arbres,
qui en font de beaux chemins verdoyants et ombreux. Cette présence
des arbres est une des grandes différences d'aspect entre la Flandro
zélandaiso et le reste de la Plaine. Sauf autour du Rraakman, où la vue
porte |M3ur ainsi dire à l'infini, il est -rare de retrouver là les immenses
horizons du Furnambacht. Le paysage est plus intime. Les arbres enva-
hissent même les polders, forment des massifs épais autour des fermes,
abritent des vergers, qui ne semblent pas craindre la morsure des vents
de mer déjà affaiblis. Autour d'Ijzendijko, dans les Waterlanden, on a
parfois l'impression d'un pays boisé, d'un bocage. Les vieux polders, ceux
qu'a épargnés l'inondation de' la guerre de 80 ans, se reconnaissent rien
qu'à leur magnifique végétation. I^e Paulus-Polder , les abords de
Hengstdijk et de Kloosterza nde, au Nord de Hulst, dans l'heureuse
presqu'île d'Ossenisse, avec leurs digues ombragées de cinq à six rangées
d'ormes superbes, leurs pâtures coupées de lignes de saules et de peupliers,
leur crique du Groot-Vogel, vrai fleuve déroulant ses vagues claires
entre des rives gazonnées, ont l'air d'un beau parc où tout est disposé
pour le plaisir des yeux (fig. 56).
Agriculture, habitat, population.
Les calamités des inondations ont eu au moins d'heuretises conséquences
pour la bonté du sol La Flandre zélandaise, recouverte à différentes
reprises du manteau gris des alluvions marines, a vu la fertilité de son sol
renouvelée à chaque désastre. Les petits-neveux ont profité des malheurs
qui ont frappé les ancêtres ; son sol est le plus riche de la Plaine, parti-
culièrement dans les polders qui sont plus proches de la mer ; la différence
est sensible entre les belles terres de Kadzand, Groede, Sehoondijke, et les
polders aigres et humides de Heille ou de St-Kruis. Les propriétaires d'un
polder neuf, obligés de le laisser la première année sans culture pour
* Sur l'agriculture, voir : de Hoon, Mémoire sur les polders de la rive gauche de
l'Escaut et du littoral belge. (Mém. couronnés par l'Acad. roy. Bclg., série in-8% V,
1852, 1U p., 7 cartes, 2 pl.)
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LA VIE DANS LA PLAINE
pouvoir combler les creux et égaliser le sol, n'y perdent rien ; les années
suivantes, cette argile grise compacte aux crevasses innombrables donnera
sans engrais des recolles plus abondantes que toutes les terres voisines.
Seul remplacement de quelques anciennes criques fait tache ; le sol en est
blanchâtre, garni de roseaux ; de chaque côte le blé ne pousse pas, et on
voit les épis devenir plus forts en proportion de la distance où ils sont de
cette terre restée salée.
L'extension de la culture des céréales s'accompagne, comme dans le
reste de la plaine, de la présence de grandes exploitations, plus vastes
encore qu'a l'Ouest duZwin. La Flandre zélandaise est le pays des grandes
fermes, et aussi des grandes propriétés. I,a famille d'Arembcrg, après
être restée en procès jusqu'à la Révolution avec l'abbaye de Tronchiennes
à propos des terres englouties de Saaftinge \ reçoit aujourd'hui la récom-
pense de son (distination ; rien qu'au Sud de la frontière hollandaise, elle
possède 1.400 hectares de terres magnifiques *, et ses polders hollandais,
agrandis en 1904, sont peut-être plus étendus encore. Les bâtiments
d'exploitation répondent â l'étendue des terres; cependant la grande ferme
de la Flandre zélandaise ne ressemble pas à celle du Calaisis ou du Fur-
nambacht. Au lieu des bâtiments disposés autour d'une cour, elle ne
comprend guère que deux constructions. L'une est l'habitation, toujours
à l'écart, quelquefois â ÔO ou 100 mètres du reste ; bâtie en briques,
couverte en tuiles, entourée d'un trottoir en briquettes, ornée d'une plate-
bande de fleurs, elle regarde d'ordinaire non vers la ferme, mais vers le
jardin ou le verger; c'est la maison d'un homme â l'aise, qui, rentré chez
lui, veut trouver un cadre agréable, propre â lui faire oublier ses occupa-
tions ordinaires. Certaines ont l'air de véritables maisons de plaisance, avec
leur jMMiiture gaie des volets et des portes, et à l'intérieur leurs chambres
revêtues de carreaux «le faïence chargés de scènes bibliques. L'autre
construction comprend tous les services de la ferme. C'est une sorte
d'immense grange, parfois longue de 25 mètres et large de 10; les murs
sont en bois, d'immenses poutres mal équarries que l'on goudronne, ou
que l'on badigeonne en rouge; le toit, très haut, est de chaume ; il se
relève et sWhanerc au droit des grandes portes, généralement deux de
chaque côté. Tout tient dans ce vaste édifice, séparé à l'intérieur par des
cloisons : d'un côté les écuries, qui contiennent dans les grandes fermes,
outre les poulains, 14 â 10 chevaux de trait; d'un autre l'étable ; à une
« Cf. Arch. Nat., F" 1121.
* Vandervi'M.' (E.), La proprrôn- funeu'iv on Bolpique (Paris. Schloichor, 11)00),
pp. w-io:?.
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i's>\'\ !' >•:; t .• • . :! ■ i i 'p tlui'" i-n !»rii|U»'|l»'S. t.vnd* iI'uhi iiL •
li.i.i<!<* il>* î*<mi . .. r<_.« •■<• .T'M iliii u:'<' ii -n vois la I«tu.«\ ihvs \'» r» î •
i.ii'li'j nu !" . •■: , Va lu a il'uii liwiuiin* A l'aiM*. i|'ai, ivtiv < ••• •.
Iiji, i. • i*î« ! «• ,iix,4i' !•:<•, j.r*i|i]V à lui taire <»iil>h«T s*"* ii-r^j
lions ni**|.. ( '• rlîiï. •■ l'ainK' Vi'rilal»«»s niîii>t*n»î il»- [•ljii*«itii**«t. :n
ii*.ir ji. i«' «!>'s v».!«-tv <>i ,i<>- |.orl*a>. <•! ^ Piul/Hnir l«-ur> 'li:t«,ti • -
r«\.*lu<»< i|<« iMr:«vi,\ (|.« f; ••':«•• rhu!*tf»'-> iU* «èn»\s Inlilnj'i-'v. I/;,iir.-
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LA FLANDRE ZÉLANDAISE
extrémité la charretterie, généralement disposée pour abriter quatre
grands chariots à quatre roues, peints en vert et en rouge, plus largos
que ceux du reste de la Plaine, afin de ne pas verser sur les digues où les
inégalités sont fréquentes ; par dessus le tout, le grenier à foin et à blé.
C'est bien ainsi que devaient être les « Grangiae » possédées par les
abbayes cisterciennes dans leurs domaines de TEst. Les progrès de
l'élevage depuis 20 ans ont fait élever dans quelques fermes des construc-
tions annexes; mais c'est toujours l'immense grange qui reste le trait
dominant. La même disposition se retrouve en Zélande ; plus loin, en
Frise, la ferme se réduit à un seul bâtiment, qui ressemble à la grange des
Polders, et dont l'habitation se dégage légèrement. Ainsi cette ferme du
Nord de la Flandre serait une transition entre la maison frisonne et la
maison flamande. De la ferme frisonne à un bâtiment, on passe à la ferme
zélandaise, qui en a deux ; dans le Houtland, la vaste grange d'exploitation
se dédouble, la ferme comprend trois bâtiments séparés autour d'une cour;
dans le Sud ces bâtiments se rapprochent, se rejoignent, et l'on a la ferme
wallonne de Lille, carrée, fermée de tous côtés, qui annonce la ferme
picarde. Il y a là à coup sûr des différences ethnographiques; mais le chan-
gement qu'on observe de chaque côté du Zwin peut avoir une explication
géographique ; la culture des céréales a toujours été plus importante en
Flandre zélandaise que dans le Franc de Bruges ; de là, dans les polders
zélandais, la prédominance du type « grange », que les récents progrès
de l'élevage ne sont pas venus encore modifier 1 .
Avec son verger et son massif do grands arbres, la ferme zélandaise est
vraiment un ensemble imposant. Bien petite paraît à côté d'elle la maison
de l'ouvrier agricole. Il est vrai que son exiguité frappe moins, parce
qu'elle est rarement isolée; les habitations vont toujours par hameau. C'est
au croisement de trois ou de quatre digues qu'elles s'établissent; il le faut
bien, car les digues sont le seul moyen de communication dans un pays
impraticable l'hiver; et l'on est ainsi à proximité de plusieurs polders. La
ferme est généralement placée dans les mêmes conditions; mais tandis que
ses bâtiments sont assis dans le poldor, les petites maisons no s'écartent pas
de la digue ; les unes, les plus anciennes, accrochées à la partie inférieure,
les plus récentes établies tout en haut, do sorte qu'il y a parfois ainsi deux
rangées de maisons Tune au-dessus de l'autre. Quelquefois le hameau
s'allonge, devient village ; Wostdorpe se déroule tout au long d'une digue
de 4 kilomètres ; au centre, on compte quatre rangées de maisons, deux en
1 Quelquefois on élève deux de ces granges face à face ; l'une reste réservée aux
récoltes ; dans l'autre on établit les animaux.
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328
LA VIE DANS LA PLAINE
contre-bas, deux en haut sur la digue. Il était défendu jadis de bâtir sur
une digue, crainte de la détériorer; aujourd'hui la défense ne s'étend plus
guère qu'aux digues de mer, et les petits hameaux de maisons claires,
dominées par la haute silhouette du grand moulin en briques, escaladent
de plus en plus les tertres pour venir se placer au niveau du chemin.
Les principaux groupements, cependant, ne se trouvent pas dans cette
situation pittoresque. Ce sont, ou bien de gros bourgs comme Schoondijke,
Zaamslag, Bosehkapelle, que l'on a fondés tout d'une pièce après la recon-
quête, au croisement de quatre routes, bien au centre d'un grand polder,
ou bien les « villes > de la plaine, assises sur une faible éminence qui les
préservait des inondations. Ces villes ne sont que des bourgades, à peine
de gros villages. Sluis n'est qu'une nécropole : le quai, une rue avec quelques
magasins, quelques maisons et des fermes ; les terrains bâtis ne garnissent
guère qu'un cinquième de l'enceinte ; le reste forme des champs et des
pâtures garnies d'arbres superbes ; c'est plus une forôt qu'une ville.
Sas-de-Gand n'est qu'un quai, Philippine ne fait illusion qu'à cause de ses
remparts. Il ne reste guère que deux villes : Hulst et Terneuzen. La
première, qui n'a pas 4.000 habitants, est une pauvre bourgade de rentiers,
d'ouvriers agricoles et de petits artisans. Terneuzen n'est urbaine que dans
la partie Est, autour de la motte qui porte deux hauts moulins à plate-
forme; elle vit du canal qui mène à Gand. I^e terrain y étant moins cher
que dans la grande ville, on y a établi d'immenses entrepôts de bois, et
quelques navires y débarquent leur chargement, ce qui leur vaut un fret
moins élevé et leur évite au moins un jour de navigation. Mais villages ou
villes ont le môme air de propreté minutieuse auquel se reconnaît n'importe
quelle localité hollandaise. Ce sont toujours les petites maisons sans étage,
aux murs crépis irréprochables, et où tout ce qui est bois est peint,
montants des portes et des fenêtres, poutres dépassant le toit, balustrades
courant devant les maisons, si nombreuses que des rues ont l'air de boxes.
De Westcapelle à Cassandria, de Maldegem à Aardenburg, on sent la
différence entre l'honnête propreté belge et les raffinements hollandais. Il
y a une nuance cependant; le pays d'Hulst est déjà plus flamand, les
maisons sont plus basses, les fenêtres plus enfoncées, moins larges, pour-
vues de contrevents extérieurs ; au contraire le pays de Kadzand, avec ses
grandes larges fenêtres au ras du mur, sans contrevents, ses contrastes
heureux de couleur, la fraîcheur des teintes renouvelées chaque année, ses
fleurs, ses arbres, évoque déjà les paysages gracieux et calmes de Zélande
et de Hollande.
Un contraste analogue s'accuse dans la population, et contribuo effica-
cement à faire diviser la Flandre zélandaise en deux parties dont l'une est
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330
LA VIE DANS LA PLAINE
le pays de Kadzand, et l'autre le pays d'Axel, (il vaudrait mieux dire pays
de Hulst). Si l'habitant de ces polders, depuis la disparition des fièvres, est
en général grand, robuste, flegmatique, les différences sont sensibles entre
les hommes de l'Est et ceux de l'Ouest ; et ces différences viennent de leur
origine distincte. lorsque le pays se repeupla après la guerre de 80 ans, ce
furent des Flamands du Sud qui s'établirent à Hulst et aux environs,
jusqu'à Ossenisse, Zaamslag, Axel et le Sas-de-Gand. Aussi parle-t-on dans
cette partie la même langue qu'à Gand ' ; les catholiques y sont on grande
majorité : dès 1730, ils étaient déjà les 7/8 de la population du district 1 ;
à Hulst, ils sont 2.500 contre 600 réformés ; leur prédominance est attesté*.»
par les hautes flèches qui couronnent leurs églises, tandis que les temples
protestants de l'Ouest se contentent d'un clocher très simple et très bas. Au
contraire, ce furent des Zélandais qui vinrent habiter les nouveaux polders
de l'Ouest, que les chenaux du Zwin, du Passegeule et du Braakman
isolèrent de la Flandre jusqu'à la fin du XVIII8 siècle, et avec eux bien
d'autres éléments ; réfugiés français après 1685 3, Salzbourgeois chassés
par leur archevêque, Wallons et Allemands des garnisons qui y furent
maintenues jusqu'à la Révolution. Tous sont protestants, de caractère
plus grave et plus calme que les catholiques du Sud ; peut-être plus instruits.
Plus isolés des Flamands, ils ont mieux conservé leurs anciennes coutumes ;
il n'y a plus guère que chez eux, et surtout vers Hoek et Terneuzen, que l'on
ait gardé les anciens costumes. Les catholiques d'ailleurs augmentent de
nombre même dans l'Ouest, grâce à l'immigration des ouvriers du Hout-
land, qui viennent chaque année de temps immémorial sarcler et arracher
le lin, biner et récolter les betteraves, et dont quelques-uns, attirés par le
prix élevé des salaires, finissent par se fixer dans le pays.
Tous ces habitants vivent de l'agriculture : nulle part il n'y a moins
d'industrie. A peine quelques brasseries, des briqueteries; les fours à
garance ont disparu. Le vaste établissement des Aciéries construit à Ter-
neuzen n'a jamais fonctionné; il va disparaître. Seul le Sas-de-Gand, grâce
au canal et à la proximité de la frontière belge, possède quatre usines,
deux sucreries, une glacerie, une fabrique de couleurs ; ainsi cette bour-
gade dont le rôle a été longtemps celui d'une petite place de frontière est
devenue le seul centre industriel de la Flandre zélandaise. La pêche est
* Cf. Winklor (.1.), Algemecn Nodorduitsch on Friesch Dialecticou (S'Gravenhage,
Martinus Nijhofl", 1874, in-8«), II, pp. 176-22!).
* de Potter, Heschrijving van Hulst, p. 67.
3 Les noms français sont nombreux à Groede : tels Bécu, Freuillct, Frémiot, de
Hullu, Lucier, Roussoau, Tellicr, Toussaint, etc.
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LA FLANDRK ZÉLANDAISE
3.11
nullo : Broskens arme 24 barques, Terneuzen deux ou trois ; ce sont les
chaloupes zélandaises qui peuplent l'Escaut. Il n'y a plus rien de marin à
Biervliet, patrie de la raque, ni à Kadzand, dont les marins en 1270
transportèrent Guy de Dampierre à la croisade de Tunis ; les anciens havres
sont comblés. Seule Philippine grâce à son port artificiel maintient sa
florissante pêche de moules. La Flandre zélandaise, comme le Franc de
jadis, est fondée sur labourage et pâturage ; elle ne s'occupe que de vendre
son lin et ses betteraves, élever ses chevaux et son bétail. L'hiver, lorsque
la culture chôme, la plaine semble abandonnée, le mouvement est nul sur
les chemins impraticables.
L'isolement économique.
L'agriculture au moins fait-elle prospérer ce pays? On pourrait le croire,
tant cette race courageuse et soigneuse donne a la région qu'elle habite
un air d'aisance qui peut faire illusion. Pourtant l'agriculture zélandaise
se débat dans une crise qui dure depuis 1830. Ce n'est pas qu'elle soit
aussi routinière qu'on le lui reprochait en 1850 1 ; la culture y a fait
de grands progrès, et il y a, dans le Koningin-Emma polder, telle ferme
neuve, avec installations électriques, qui peut servir de modèle à toute
la Flandre. Mais le développement de celte province est entravé par
la frontière politique et douanière qui depuis trois siècles l'isole du
pays dont elle fait naturellement partie. Tout incline la Flandre zélandaise
à regarder vers le Sud. Ixîs communications avec les autres provinces
des Pays-Bas sont difficiles a cause des bras de mer, et d'ailleurs, la
matière d'un commerce fait défaut; si les petits bateaux hollandais,
avec leurs nageoires caractéristiques, peuvent apporter tous les 8 ou
15 jours à Terneuzen, Breskens, Mauritsfort, Walsoorden, quelques
caisses de denrées coloniales et quelques chargements de matériaux
pour les digues, en revanche ils ne trouvent à peu près rien à rem-
porter; la Zélande, la Hollande, la Frise produisent dans leurs polders
ce que pourrait leur offrir la lointaine région flamande. Au contraire, tout
favoriserait les échanges avec la Belgique. Chemins de fer et canaux y
aboutissent. C'est a Court rai que l'on envoie la plus grande quantité
du lin, et le reste dans le pays de Waes. I>es betteraves du pays vont
alimenter les usines de Selzaete et de Snaeskerke. C'est vers les centres
populeux de Gand, Anvers, Bruxelles et du pays wallon, que doivent
1 De Hoon, Polders, p. 88.
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LA ME DANS LA PLAINE
se diriger les bestiaux de la province. Enfin beaucoup de propriétaires
sont Belges ou Français, et un nombre déjà respectable de fermiers est
formé d'hommes du Houtland, aux dépens des fermiers protestants que
leur éducation plus avancée rend peut-être moins souples à l'égard de
leur propriétaire. Bref, les gens du pays évaluent à 9/10 du total les
affaires qu'ils font avec leurs voisins du Sud, contre 1/10 avec leurs com-
patriotes du Nord. Or la frontière est là, qui vient arrêter cet irrésistible
mouvement. L'avoine zélandaise est taxée au passage: l'entrée des bes-
tiaux est depuis quelque temps interdite, sous le prétexte d'épizooties.
Or l'élevage étant devenu depuis une dizaine d'années la ressource
principale du pays, la Flandre zélandaise doit exporter à tout prix ;
delà une contrebande effrénée, qui s'exerce surtout à l'Est de Philippine,
là où les fraudeurs ne rencontrent pas sur leur route l'obstacle des
canaux Léopold et de Schipdonck. C'est là que l'on voit, sur ces vastes
étendues plates, des troupeaux entiers de bœufs lancés au galop franchir
la frontière dans un élan furieux dont les douaniers sont obligés de se
garer. Et la fraude s'étend aux cigares, au fromage, aux poules ; tous
les miséreux de la lisière sablonneuse se font contrebandiers ; de véri-
tables agglomérations de fraudeurs s'établissent sur la frontière.
Malgré ce remède hasardeux, la Flandre zélandaise souffre de ce
manque de débouchés. La population diminue ; on émigré en Amérique ;
on démolit les fermes inoccupées. Ainsi ce sympathique pays continue à
être sacrifié. Il l'est depuis le jour où les Provinces-Unies en ont fait un
boulevard de la Zélande, et s'en sont servies pour ruiner, dans les provinces
du Sud qui refusaient d'adhérer à l'acte d'union, l'agriculture et le com-
merce. Le Zwin, le Braakman, l'Escaut, furent fermés à la navigation ;
le pays environnant noyé sous les inondations militaires, et séparé de la
Flandre par les forteresses de la Ligne. A l'abri de cette zone sacrifiée, la
Zélande péchait et moissonnait en paix. Ligne, inondations, prohibitions,
péages, ont disparu ; l'Escaut est libre, le canal de Terneuzen remplace le
Braakman, et Bruges a son débouché sur la mer ; mais la Hollande en
1830 a gardé les provinces conquises par Maurice de Nassau; elles
resteront gênées dans leumiévcloppementtant qu'une union douanière ne
les aura pas rattachées à la Belgique, dont elles dépendent. Leur exemple
montre que, livrée à elle-même, la plaine maritime ne peut prospérer;
qu'elle a besoin du Houtland auquel elle envoie ses produits, et qui lui
fournit sa main-d'œuvre ; en un mot, que les deux grandes régions
flamandes sont solidaires.
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. 333
CHAPITRE XIII.
FLANDRE INTÉRIEURE.— L'AGRICULTURE FLAMANDE 1
I. Le pays aux arbres. Les forêts. Zone des bois et des bruyères. Les arbres. —
I [ . Caractères t/énérauj- de i'at/riculture. Défauts du sol. Les exploitations. Les
procédés. — III. Variétés réi/ioiudrs. Le pays du sable. Lo pays de W'aes. \jù pays
d*Alost. l,c pays île Courtrai. Houtland do l'Ouest. Le pays de Lille. La plaine de la
Lys. — IV. L'évolution actuelle ; les spéculations animales.
L
LK PAYS AUX ARBRKS.
Delà Plaine à l'intérieur, la transition est brusque. On quitte les terres
nues pour les ombrages ; la région découverte pour le pays des arbres.
C'est comme un bois continuel, dit l'intendant Dugué de Bagnols ; un
immense jardin percé d'avenues, ajoute le 'préfet Dieudonné *. L'ingé-
nieur Cordior le décrit comme « une forêt de haute futaie qui forme de
toutes parts l'horizon ; à mesure qu'on s'avance, la forêt semble s'éloigner,
et au lieu d'entrer dans un bois épais et sombre, ou continue à voir des
arbres magnifiques, isolés et fort espacés... » \ La guerre acharnée faite
aux arbres depuis 30 ans n'a pas encore fait disparaître cet aspect, resté
particulièrement accentué dans le pays de Waes. En venant des Pol-
ders, cette contrée fait l'effet d'une belle forêt d'arbres fins; de plus près,
cette sylve s'anime, on aperçoit des toits bas de tuiles rouges, et on
distingue les premières lignes de peupliers du Canada dressés autour
« A consulter : Van Aelbroerk, L'Agriculture pratique de la Flandre (Paris, 1830) ;—
De Laveleye (E.), Kssai sur l'économie rurale de la Belgique, (2e éd., Bruxelles,
Lacroix, 1803, in-12*); — Statistique de la Belgique, Agriculture, Recensement général
de 1895 (Bruxelles, 1900, 5 vol. dont un d'Introduction ; un allas) ; — Monographie
agricole de la Région sablonneuse des Flandres (Bruxelles, 1900) ; — Monographie agri-
cole de la Région limoneuse et sablo-limoneuse (Bruxelles, 1901).
* Mémoire de l'intendant Dugué de Bagnols, Bull. Connu. H. X., X, p. 402. —
Dieudonné, Statistique, I, p. 2f>St.
3 Cordier, Mémoire sur l'agriculture de la Flandre française et sur l'économie rurale
(Paris, Didot, 1823, fw3 p.), p. 388.
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334
FLAN DR K INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
de chaque pièce de terre, qui forment cette prétendue forêt ; on s'avance,
et l'aspect boisé persiste ; à travers tout le pays de Waes on se croirait
dans une clairière dont le bord reculerait toujours. Autrefois, par toute
la Flandre intérieure, chaque pièce de terre, pâture ou champ, était
entourée d'arbres et de haies comme les « akkers » du pays de Waes;
c'était la parure et l'originalité du pays ; et aujourd'hui encore, en venant
des plateaux de Picardie ou do Brabant, c'est comme le pays aux arbres
que se présente la Flandre •
Les forêts.
Cette abondance des arbres a de bonne heure fait croire que la Flandre
intérieure a été jadis une vaste solitude boisée. la première, la chronique
de Lambert, moine de St-Bertin, écrile en 1120, atteste qu'au VIIIe siècle
la Flandre était « inculla, vacua, ac nemorosa»*; bien d'autres ont
suivi. Los textes cependant sont moins formels que les chroniqueurs.
Sans doute César indique les « continentes silvas » qui garnissent la
contrée des Ménapiens et des Morins 3, et Slrabon, Dion Cassius parlent
à la dérobée des bois qui servaient d'asile aux habitants ; mais le nombre
et l'importance des trouvailles romaines faites à travers la Flandre
intérieure semblent indiquer que dès le IVe siècle le pays était déjà
largement érodé et peuplé. Il n'y avait en Flandre rien qui ressemblât à
la Charbonnière ; mais des forêts séparées, entre lesquelles s'établit la
colonisation franque probablement aux mêmes emplacements que la
colonisation gallo-romaine. Un capitulaire de 877 nomme la Lisga et le
Sceldeholt, qui bordaient les rives de l'Escaut et de la Lys 1 ; et à l'époque
de St-Bavon (VIIe siècle) s'étendait, entre Thourout et Gand, « une vaste
solitude d'arbres serrés » 8. Le fait que l'on distingue des forêts semble
bien indiquer qu'elles ne couvraient qu'une partie de la contrée. Au XIe
1 Les noms îles communes flamandes sont fréquemment empruntés à des noms de
végétaux. Kecloo est le bois des chênes; Eecke, le chêne; Zeveneecken, sept chênes;
Alost (Aalst) signifie aulne; Itnurhaute est le bois de hêtres; Lootenhulle, le bois
près de la colline ; Houtkerque, l'église du bois; Lynde. le tilleul; Abeele, le tremble ;
Quaedvpre, l'orme tordu ; Kschen, le frêne, etc.
î M. f.. SS. IX, p. 30!).
3 De Bello Gallico, lib. III, cap. XXVIII.
» Haluze, Capitulaires, II, p. ^i*.
» Acta SS. Helg., II, pp. HOU-riO!».
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LES FORÊTS 335
siècle, on mentionne la forêt d'Houthulst 1 , ce qui signifie que le pays
qui l'entoure n'est plus boisé. Le bois du Ham, entre Watten et St-
Momelin, est juste aussi étendu au Xlir siècle qu'aujourd'hui1. Quant
au « Neraus sine misericordia » des chroniqueurs, qui courait à travers
toute la Flandre, aucun texte positif ne vient en affirmer l'existence.
D'ailleurs la plupart des paroisses de la Flandre intérieure apparaissent
de bonne heure dans les documents écrits. Le cartulairo de St-Pierre de
Gand mentionne, du VU" au XIe siècles, presque toutes les localités situées
sur l'Escaut et la Lys. Dans la région même qui est restée la plus boisée,
des villages sont établis de bonne heure : Roxera apparaît en 745, Adegem,
Somergera, vers 840, Couckelaere. Wynghene, Beernem en 847, Aertrycke
en 902, Aeltre en 974 3. A la fin du XIe siècle figurent déjà, dans le
cartulairo de l'abbaye de Voormezeele, tous les villages des environs
d'Ypres 4. Enfin l'on vit se produire au XIIe siècle un irrésistible mouve-
ment de défrichement. 95 % des villages actuels existent en 12<X), et tout
autour d'eux disparaissent les forêts et les bruyères. Les abbayes nées
de la réforme de Gérard de Brogne , et celles qui apparaissent au
XIIe siècle par l'effort des Cisterciens, joignent leurs efforts à ceux des
vieux monastères: tous s'empressent au défrichement. Le pays de Waes est
déboisé à cette époque, et le « Forestum Wasda » dont parle le roi
Lothaire en 909 8 est réduit au XIIIe siècle à des waslines sans cesse
rétrécies.
Dès lors la Flandre devient, comme le dit avant 1250 l'Anglais Glanville,
un pays qui possède beaucoup d'arbres, et peu de forêts 6 ; et c'est exac-
tement l'avis de son contemporain Guillaume le Breton, qui trouve que
« peu de forêts lui donnent de l'ombre » Peu de forêts, mais beaucoup
de petits bois, il n'y avait guère do paroisse qui n'en eut quelques
1 Limburg-Stirum, Curtulaire de Louis de Maie, I, p. 506.
* Haigneré, St-Bertin, II, p. 150, n» 1240.
3 Roxem : Guérard, St-Bertin, p. 53 ; Adegem et Somergem : Van Lokeren , St-Pierre,
I, pp. 10-14; Couckelaere, Wynghene, Beernem : charte de Charles le Chauve dans
Duvivier, Hainaut, pp. 2S77-2SK* ; Aertrycke : charte de Charles le Simple dansDuvivier,
Hainaut, p. 325 ; Aelire : Van Lokeren, St-Pierre, I, p. 40.
* Van de Putte et Carton, Chronicon Vormeselcuse (Bruges, Soc. d'Em., 1847,03
p. in-8°).
« Texte dans Kluit, II, pp. 30-31.
6 Multas quidem habens arbores, non tamen mal tas silvas. (Bartholomei Anglici,
Tractatus de Proprietatibus rerum, Coloniae, 1481, in-f°), traduit dans Histoire litté-
raire de la Franco, XXX, p. 350.
i Rari8 sylva locis fecit umbram (M. G. SS. XXVI, p. 322, v. 146).
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33fî FLANDRE INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
hectares. Ils se sont maintenus à peu près intacts jusque dans la première
moitié du XIXe siècle et n'ont disparu que devant l'afflux de population
en quôto de nouveaux territoires. Mais depuis cinquante ans, le change-
ment est radical. A Nazareth, la moitié de la commune était en bois avant
1850; il n'en reste en 1895 que 279 hectares sur un total de 2.572. A
Staden, la forêt d'Houthulst s'avançait, il y a 100 ans, jusqu'au village ;
elle en est aujourd'hui à 4 km. Le territoire de Moorsleede , d'après un
terrier de 1660, était pour moitié couvert de bois: on n'y trouve plus en
1895 que 39 hectares boisés sur 2.951 de superficie totale, et le nombre est
tombé à 30 en 1904 ; le déboisement a tari les ruisseaux, et la roue du
moulin à eau sur le Passchendaelebeek ne tourne plus. A Gulleghem,
en 30 ans, la surface boisée est passée de 30 à G hectares. De Guerne à
Lendelede, le pays en 1800 n'était qu'un bois ; il en reste 13 hectares.
De Poperinghe à Watou et à la frontière française s'étendait il y a 50
ans une forêt continue, la Warande ; elle est réduite à 27 hectares. A
Sorcus, les derniers bois sont disparus il y a 30 ans. Partout on signale le
môme phénomène.
Il ne reste plus aujourd'hui que do rares débris des forêts flamandes.
Au contact de l'Artois et de la Flandre se sont maintenus les bois d'Eper-
lecques, de (ilairmaraisct de Nieppe ; sur les clyttes des environs d'Ypres,
les habitants ont renoncé à déboiser, et laissé debout les taillis de Saint-
Sixte, de Zillebeke et d'Houthulst. La partie qui reste la plus boisée,
c'est la zone sablonneuse qui commence au N. - E. de Dixmude, et
par Thourout, Aeltre, Ursel, s'avance jusqu'au delà d'Eecloo, à la
rencontre des sapinières qui garnissent la frontière hollandaise do
Wachtebekeà La Clinge. C'est la Campine flamande ; le paysage rappelle
aussi la Sologne, avec ses bois de conifères, ses genêts et bruyères, ses
champs de seigle maigre ; lorsque la nappe d'un étang (poel) apparaît
entre les arbres, et que l'on aperçoit au bout d'une allée la silhouette
d'un château de briques, l'illusion est complète.
La zone des bois et des bruyères.
Cette écharpe de forêts établies sur de mauvaises terres fut en Flandre
la dernière région à être exploitée. Le défrichement s'y porta surtout au
XIIIe siècle ; mais trop fréquemment les bois ne furent convertis qu'en
bruyères, ou wastines ; la couche de tuf qui s'étend souvent a une faible
profondeur, et dont le défoncement exige un travail difficile, condamnait
le sol à rester inculte ; à la place de la forêt s'étendit le Veld, c'est-à-dire
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LA ZONE DES BOIS ET DES BRUYÈRES
la terre en friche, par opposition à l'akker ou au kauter qui sont les
terres cultivées. Ainsi se formèrent ce Bulscampvelt, ce Beverhoutsveld,
qui ont survécu jusqu'au XIX' siècle, et qui étaient les parties les plus
pauvres et les plus sauvagesde la Flandre. Bruyères et bois étaient le refuge
des maraudeurs et des bétes sauvages. A Beernem, jusqu'au XVIIIe siècle,
les sangliers ravageaient les champs cultivés, les renards dévoraient les
volailles, les loups rendaient la campagne peu sûre ; le nom même de la
commune rappelle les ours du voisinage *. Du XVe au XVIIIe siècle, les
loups sortis des bois d'Houthulst, de Wynendaele et de Thourout courent
le pays ; de grosses primes sont payées chaque année pour leur destruc-
tion *. De curieuses formes d'exploitation s'étaient établies sur les bruyères.
Les Velden devinrent la propriété des habitants dont les domaines
entouraient l'espace essarté ; cette zone privilégiée autour de la bruyère,
le vrydom, ne se confondait pas avec une paroisse, et pouvait dépendre
de plusieurs. C'est ainsi que le Beverhoutsveld (Bruyère du bois des
Castors) était commun à des habitants d'Oedelem, Beernemet Oostcamp;
que le Vry-Geweid se partageait entre gens de Swevczeele et de Rudder-
voorde ; que le Gemecne Weido avait son vrydom sur Oedelem et Asse-
brouck. Les exploitants (amborgers) élisaient des administrateurs
spéciaux (veldheeren) qui réglaient l'admission des bestiaux sur la pâture
commune. Il fallut le XIXe siècle pour amener des modifications. A une
époque où l'on défrichait de tous côtés, il paraissait scandaleux de laisser
sans culture ces vastes espaces : l'insalubrité des bruyères, où s'amassaient
des eaux stagnantes arrêtées par le tuf, fournit un prétexte au gouver-
nement d'intervenir. \& Beverhoutsveld fut déclaré en 1847 bien com-
munal des trois paroisses attenantes, et mis en culture. Le Gemeene
Weide d'Assebrouck, au cours d'un long procès entre les exploitants et
l'Ktat, fut confié en 1862 à une commission qui l'administra jusqu'en 1881,
et en profita pour le convertir en terre arable, y tracer des chemins, y
creuser des fossés ; ce fut dans cet état qu'on le rendit aux 37 amborgers
qui depuis en ont gardé la gestion. Le Vry-Geweid, le Sysselscho
Veld sont devenus bien communaux 3. Ainsi sont disparues les grandes
bruyères communes de Flandre ; il n'en reste plus guère que des lam-
• Andries (.1. 0.), Notice sur la grande bruyère flamande de Bulscamp. (Bull. Soc.
hist. et litt. Tournay, t. XI, 1880, pp. 48-!C>).
1 Delepierre et l'riem, Précis analytique, Comptes du Franc, passim.
3 Sur le» Velden flamands, voir: Errera Les Masuirs. Recherches sur quelques
vestiges des formes anciennes de la propriété en Belgique (Bruxelles, 1801, 2 vol.
m-8°), I, pp. 2*7-311 et pp. 433-440.
a
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:«8 FLANDRE INTÉRIEl'RE. - l/.UîRICl'I.Tl'RK FLAMANDE
beaux, comme le Maoleveld, débris de l'ancienne wastine où chassaient
les corales.
Cette zone des bois et des bruyères garde cependant quelques
Iraits caractéristiques. Nulle part les communes ne sont plus
étendues que sur son parcours ; le contraste saute aux yeux entre leur
vaste superficie et l'étendue restreinte de celles qui sout situées au Nord
et au Sud, dans la plaine maritime ou sur les bords de la Lys et de
l'Escaut 1 . Là sont aussi les grandes cotes foncières de la Flandre inté-
rieure, dont les propriétés sont, partout ailleurs, si morcelées : les 339
hectares de la famille d'Ursel, à Oostcamp, d'origine féodale ; les biens
des descendants de M. de Naeyer, répartis dans les communes d'Ursel,
Aeltre, Rellem ot Wynghene ; la propriété de Wynendaele, reste du grand
domaine des comtes *. Enfin les habitants de la zone boisée ont conservé
quelques particularités qui les distinguent du reste de leurs compatriotes.
Réfugiées à l'abri des bois, les races primitives qui peuplaient la
Flandre avant l'arrivée des Francs ou des Celtes y ont gardé quelques
traits de leur type ethnique. C'est aux néolithiques que semblent remonter
directement les habitants de Ter Heest, hameau sur la lisière Nord de la
forêt d'Houthulst ; leurs cheveux noirs et hérissés, leur crâne arrondi,
leurs yeux bruns, leur teint olivâtre, les distinguent des Flamands aux
yeux bleus et cheveux clairs qui les entourent 3. Le même type a été
signalé aux hameaux Ryvers, de Somergem, Cleite, de Maldegem.
Aelterhoeksken, d* Aeltre, tous situés dans des clairières, et au faubourg
du Nieuwe Markt, à Roulers. Aujourd'hui, si le type primitif se métisse
par le contact avec la population germanique, les mœurs restent spéciales.
Les gens de Ter Heest et du hameau voisin d'Houthulst forment, au milieu
des populations agricoles qui les entourent, une curieuse colonie de
marchands, née sous l'influence de la forêt. Le bois et la bruyère leur
fournissaient jadis les éléments de la fabrication de brosses et de balais,
qu'ils allaient vendre dans le voisinage ; ils ont étendu cette industrie,
reçoivent aujourd'hui leur matière première de l'Amérique par Anvers,
leur bois de l'Ardenne ou de France, et vont vendre leur marchandise à
travers toute l'Europe, jadis en France, aujourd'hui dans le fond de
l'Allemagne. Leurs voisins, qui les craignent, leur attribuent un caractère
I MnMegon), ti-TI h«vi;itv>: Aeltre, WH; Wynghene, Thourout, ï'ii:>:
Oustc.nnp, 'ilt!'.
i Y;ui.lerveble, Propriété foncière on Belgique, pp. KMi-108.
3 Cf. Claerhout (.1.), L-s habitants .le l;i station néolithique «le Ter Heest (Mull. Soc.
Anthr. Brux., XX, IWH-IKij.
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l.KS ARBRES
rusé, défiant, plein de duplicité, les tiennent pour malins et menteurs;
au demeurant, braconniers impénitents, et batailleurs acharnés. La
prospérité leur est venue, qui leur a fait remplacer par do confortables
maisons de briques les curieuses huttes en terre entremêlée de bran-
chages, percées d'une seule fenêtre opposée à la porte, qui rappelaient
peut-être les habitations de leurs lointains ancêtres ; il ne reste plus guère
sur le coteau de Ter Heest qu'une dizaine de ces invraisemblables
demeures. Ailleurs la présence des bois avait influé d'une autre manière
sur la santé, les mœurs, les occupations des habitants. Les topographies
médicales insistent sur le tempérament défectueux des gens qui habitaient
auprès des forêts ou des anciennes bruyères ; la Commission médicale de
IfsiO attribue à l'infertilité do leur sol et à la misère qui en résulte la
scrofule et une sorte de lèpre dont ils étaient fréquemment atteints. A
la même époque, ou signalait dans les collines de Renaix, encore complè-
tement boisées, la présence d'une population spéciale, hostile à la fois
aux Wallons et aux Flamands, vivant de rapines et de crimes. Ce ne
sont plus guère là que des souvenirs; la diminution des bois a fait dispa-
raître les tares physiques et atténué la rudesse des mœurs ; l'habitant de
Schoorisse ne joue pas du couteau plus souvent que ses compatriotes du
pays d'Alost, et les « boschkerles » de la Flandre Occidentale se portent
aussi bien que leurs voisins des terres découvertes
Les arbres.
Il semble que le mouvement qui depuis le début du XIX* siècle a jeté le
peuple flamand à l'assaut des bois soit à la veille de s'arrêter. Aussi bien
ne restc-t-il plus grand chose à faire. Les forêts, résineux compris, ne
tiennent plus guère que 5 °/„ de l'étendue exploitée ; -1,19 on Flandre Occi-
dentale, 5,35 en Flandre Orientale. Si les arrondissements de Bruges et
do Gand, qui possèdent la zone boisée, en ont encore 7,28 et 7,53 "A,, cl
celui d'Ypres 6,50, l'arrondissement de Courtrai n'en a plus que 1,09*,
1 Cf. : Huyiu-ns, Ktndes sur les mœurs, les superstitions <>t le langage île nos
ancêtres (les Ménapiens). Cmul 1SM, in-l^ ; — Rapport .!«• la Commission médicale
«le la Flandre Oeeidenude, dans l'empiète sur la condition des classes ouvrières, III,
pp. 2!iS-:<Of) : — Woets, Topographie médicale de l'arrondissement de Dixmnde, pp.
Ii'é-(i8;— Ditcpétiaiix (Kd.), Statistique des tribunaux et des prisons de la Belgique
(Mess. Se. Hist., II, 1**',. pp. i»i',-18S); - Delvaux, Notice explicative de la feuille ,1e
Flobecq (Huit. Soc. Anthr. Unix., VIII, ÎSXK-Hit), pp. l',7-l 'iK.
2 Recensement agricole de ÎK'.G.
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H40 FLANDRE INTÉRIEURE. - L'ACRICI LTLRE FLAMANDE
représentant une surface de 433 hectares. II n'y a plus on bois que les
terres complètement stériles. Aussi faudrait-il s'attendre à ne plus voir
leur étendue diminuer de nouveau ; déjà dans certaines communes on
signale des reboisements, sur des cly ttes ou des sables meubles ! . En
revanche, les arbres isolés, ou établis en lignes autour des champs et des
pâtures, continuent à disparaître. Il était naturel, dans un pays où. l'hu-
midité favorisait la croissance des arbres, d'en garnir tous les champs et
de conserver ainsi du bois, en dépit du recul des forêts ; ormes, chênes,
frênes, peupliers, saules têtards rapportaient aux propriétaires de
beaux bénéfices et payaient le fonds de la terre une fois chaque demi-
siècle. Pour la même raison on maintenait, autour des pâtures et de
nombre de champs, des haies d'épines ou d'aulnes, qui fournissaient du
bois de chauffage et empêchaient les bestiaux de passer. Mais la culture
intensive leur a déclaré la guerre ; désireux de conserver à leurs récoltes
les matières fertilisantes absorbées par les arbres, et de leur épargner
l'ombre néfaste projetée sur les parties en bordure, les paysans depuis
une trentaine d'années poursuivent leurs propriétaires de réclamations
contre les arbres et les haies. Le résultat est déjà considérable ; dans toute
la région limoneuse du S.-W., les beaux ormes, parure de la Flandre,
sont tombés en masse ; les habitants accordent que le pays est devenu
méconnaissable. Bientôt il ne restera, dans certains districts, de planta-
tions que le long des routes : tel le pays autour do Courtrai, qui ne
tardera pas à ressembler à la plaine maritime. Ailleurs, vers Thielt, on
conserve les arbres, mais on remplace les chênes ou les ormes par des
essences plus hâtives, peupliers blancs, Canadas. Enfin dans l'Est, on
s'obstine à garder les arbres, qui alimentent l'industrie sabotière du pays
de Waes *, ou les haies d'aulnes, dont les branches, coupées à peu près
chaque année, servent de bois à brûler. Là s'est réfugiée la flore originelle
du pays. Il est peu de contrées au monde, en effet, où les plantes sau-
vages subissent plus de vicissitudes que dans ces champs de la Flandre
orientale : allant de sarclages en binages, de binages en labourages, de
labourages en hersages, se faufilant au milieu des cultures dérobées,
profitant du riche engrais destiné aux pommes de terre, évitant les
linières trop choyées du paysan, sans cesse brûlées, tranchées, arra-
1 A Couckelaere, on a reboisé dans le Sud de la commune. A Zele, on a reconstitue
depuis dix ans une trentaine d'hectares vers l'Ouest.
2 A Stekene, on estime qu'un « Canada » rapporte environ I franc par an; à Heveren-
Waes, on évalue le produit à 1 fr. HO ou 2 francs.
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LES DÉFAUTS DU SOL
341
chées, et mémo, véritable ironie, transformées en engrais : ce sont bien
les « akkerprolelariërs » de M. Mac-Leod, auxquels les haies seules
peuvent donner asile ».
II.
CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L'AGRICULTURE.
I/àpreté de la lutte du paysan contre la nature, indiquée par cotte
chasse acharnée faite aux plantes sauvages dans l'Est, ot par la campagne
contre les arbres et les haies dans l'Ouest, est on effet le trait principal
de l'agriculture on Flandre intérieure. C'est bien à propos d'elle qu'il faut
ré péter qu'ici « la terre fut créée par l'homme » ». Abusés par la grandeur
du résultat obtenu, les étrangers parlent volontiers du « riche pays » ou
des « grasses plaines » de Flandre, sans savoir que la plus grande partie de
ce sol est composé de sable meuble ou de glaise. Ce n'est pas un paradoxe
do soutenir que la Flandre intérieure est un pays plutôt peu fertile que
riche. Des observateurs pénélrauts l'ont remarqué depuis longtemps. « Le
pays (de Flandres) de soy est pouro pays et pou do labour, pour ce qu'il est
en eauës et en sablons », dit le héraut Berry, en mettant d'ailleurs hors de
cause la région lilloise ; et il ajoute que « n'est ce pays riche que des
grans marchandises qui descendent en iceluy pays »3. Commynes, qui voit
clair, juge que le pays de Lombardie est « bien meilleur ot plus fertillo » *,
et les quatre membres de Flandre, en 1476, tiennent un langage analogue,
déclarant « qu'il est assez connu que la Flandre n'est pas très fertile, et
que sa prospérité repose uniquement sur son commerce et son
industrie »s.
Défauts du sol.
L'on s'explique ces appréciations lorsque l'on examine les qualités du
i Cf. M.ic-l^otl (J.), Proeve van «vu botanische beschrijving v;ui hft Keinpisch
ge.leclte van Vlaanderen. (Houuiisch Jaarboek, VP Jaargang, 18UÎ, pp. HSI-'il'.t).
î Miehelet, éd. «le 18'ii, V, p. .'£1.
3 Géographie attribuée h Gilles Houvier. «lit Berry, héraut «le Charles VII, imprimée
dans Uibbe, L'abrégé royal «le l'alliance chronologique de l'histoire sacrée et profane
(Paris, G as par Me tu ras, lTd), pp. 70.1- 701.
» Commynes, VIII, 8 (p. iHJCf «le l éd. Chantelauze).
3 Charte du 11 février 1V70, publiée dans : Verzaineling van XXIV origineele charters
(Gand, 1787).
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F LAN OR K INTKRIEÎ'RE. - L'AGRICTLTTRE FLAMANDE
sol flamand. Dans l'Est, d'Anvers à Thourout et à Deynze, le sable
domine, plus ou moins meuble, plus ou moins épais ; vers Maldegem, ou
au Nord do Waehtebeke, il constiluo même de petites dunes. C'est un soi
trop perméable, qui souffre de la sécheresse ; une terre trop peu consis-
tante, dont le vent s'empare, découvrant les semis, ou enterrant les jeunes
pousses ; et c'est une des raisons pour lesquelles on garde les haies
d'aulnes dans les parties où le sol est particulièrement meuble. Souvent
le sable s'agglutine à une faible profondeur en tuf (rokke ou rotse) qui
empêche les labours profonds, et arrête les racines. Ces terres légères
sont exposées à se refroidir rapidement, et le rayonnement y cause
souvent des gelées désastreuses. Au point de vue chimique, elles ne sont
guère plus favorisées : pauvres on chaux, en magnésie, en potasse, en
acide phosphorique, et surtout en azole, elles ne peuvent produire qu'à
force d'engrais et de fumures '. Parfois le sable est remplacé par une
argile tenace et froide, comme celle des collines d'Ursel, où les lahours
sont presque impraticables, et sur lesquelles on ne peut guère établir que
des essences forostières. L'Ouest est mieux partagé, et le sol s'améliore à
mesure qu'on avance vers le Sud-Ouest. Le sable passe insensiblement au
limon argileux, terre franche parfois suffisamment perméable, mais de
composition chimique défectueuse, manquant de chaux, d'acide phospho-
riqueetdomatièreazolée1. D'autre part la présence à une faible profondeur
de la couche d'argile yprésienne vient retenir l'humidité à la surface, et le
drainage est souvent nécessaire. Enfin on voit affleurer ça et là l'argile
elle-même, trouant le manteau de limon ; ce sont les elyttes, les pacauts,
impossibles à travailler quand il a plu, et qu'on ne peut ameublir
qu'à l'époque des gelées : telle cette glaise du Sud d'Hazebrouck où il
faut parfois trois hommes pour labourer, un pour verser de l'eau sur la
charrue, et deux pour peser sur le manche, et où il faut aller pieds-nus,
aucune chaussure n'y résistant. Ailleurs ce sont des sables yprésiens
compacts, ou des étendues pierreuses de psammites paniseliens, ou des
sables plus ou moins meubles garnissant les pentes des collines. Rien de
tout cela n'est très satisfaisant.
Les exploitations.
Pourtant ce sol médiocre est devenu un àVs premiers pays agricoles du
1 Voir analyses physiques et chimiques .1.' sols .lans la Monographie agricole .le la
région sablonneuse des Flandres, pp. IN
i CI. Uisler, Cèologie agricole. 11. p. ïï^ et IV, pp. IX'
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LES EXPLOITATIONS
monde. Il l'a bien fallu, pour nourrir los foules qui s'y pressent depuis le
moyen-âge ; mais cette transformation n'a pu s'accomplir que par des
procédés particuliers. Il n'y a guère lieu d'insister sur le courage et l'opi-
niâtreté du cultivateur flamand ; tout a été dit sur ce sujet ; mais il faut
retenir qu'une bonne partie du sol est travaillée par le paysan lui-même,
sans le secours d'un animal. Pour retourner plus profondément sa terre
et aller chercher le plus bas possible un sable moins infertile que celui
de la surface, pour ne laisser aucune place sans labour, le paysan du
pays de Waes ou du Meetjesland travaille son champ à la bêche ; ce
n'est plus do la culture, c'est du jardinage, et le champ ressemble à un
jardin, avec ses longues planches étroites séparées par des rigoles et
soigneusement bombées au milieu. C'est à l'omploi de sa lourde bêche
que le cultivateur de l'Est a longtemps attribué son succès, et le proverbe
« de spa is de goude mijn », — la bêche est la mine d'or du paysan — , est
encore en faveur. Dans ce pays d'opiniâtre travail personnel, les machines
agricoles restent rares; les terres sont trop morcelées, car la population
agricole est énorme ; do plus la main-d'œuvre ost à bon marché, tandis
que les appareils sont chers. Nulle part les exploitations agricoles ne sont
plus petites. La Flandre Orientale n'en comptait, en 1895, que 74 de plus
de 50 Ha ; il n'y en avait que 4.579 qui comprissent de 10 à 50 Ha ; en
revanche, 57.315 possédaient de 50 arcs à 10 Ha, et 51.706 moins de 50
ares. On peut dire que l'exploitation comprenant plus de 50 Ha n'existe
pas. En Flandre Occidentale, où la présence d'une vaste étendue de
polders fait augmenter le nombre des grandes fermes, on compte encore
sur 108.088 exploitations 34.405 allant de 50 ares à 10 Ha, et 05.943 de
moins de 50 ares Ce morcellement extrême des terres, du à la surpo-
pulation du pays, à la nécessité d'accumuler les elîorts sur des parcelles
très petites de ce sol stérile, et à ce fait que l'exploitation des très petits
champs n'est souvent que l'appoint d'un salaire industriel, est très ancien;
les vieilles keures veillent à ce que les fermes ne soient pas réunies, ni
les maisons abattues1 ; les cahiers des paroisses en 1789 s'élèvent vive-
ment contro l'incorporation des petites fermes aux grandes et contre la
démolition dos maisons 3. L'émieltement a continué de plus belle au
XIXe siècle ; dans la plaine de la Lys, les grandes exploitations n'occupent
• Recensement de t8*.f), Introduction, p.
1 Keure de l'operinghe, homologuée en Cf. Oilliodis, Coutumes de l'operinghe,
p. 177.
3 St-l/'-ger, Dunkerque et la Flandre maritime sous l;i domination française, p. i^7.
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3tt FLANDRE INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
plus en 1898 que 3 % du sol, contre 25 % en 1789, tandis que les petites
passaient de 45 à 66 % ; on Flandre Orientale, celles de 50 ares à 10 Ha
passaient de 43. 163 en 1846 à 57.315 en 1895 ; les mêmes s'élevaient, en
Flandro Occidentale, de 25. 766 à 34.465. Les renseignements sur l'évo-
lution qui se poursuit à l'heure actuelle sont contradictoires ; cependant
la tendance au morcellement paraît prépondérante, grâce à la prospérité
que connaît depuis 15 ans l'agriculture flamande, et qui permet aux
ouvriers agricolos d'essayer à leur tour de louer des terres. Chose
curieuse : la plupart de ces courageux exploitants ne sont pas proprié-
taires de la terre qu'ils fertilisent. La Flandre ne connaît guère le petit
fermier possesseur de son exploitation; ce type, si fréquent en France,
constitue ici l'exception, et le nombre de ces petits propriétaires paysans
va diminuant. Il était do 15 °/0 en 1846 dans la Flandre Occidentale ;
il n'est plus que de 12°/0 en 1895; la proportion est descendue à 8 %
dans l'arrondissement d'Ypres. Les propriétaires n'habitent pas la
campagne; ils forment l'aristocratie urbaine des petites villes, Rergues,
Hailleul, Ypres; enfin beaucoup de terres sont passées, depuis 20 ans, aux
mains des grands fabricants de Gand, de Lille, Roubaix, Arraentièros ;
la prospérité industrielle qui a coïncidé après 1870 avec la crise agricole
leur a permis de se constituer à peu de frais une fortune terrienne, un
capital immobilier qui commence à payer largement l'intérêt des sommes
qu'on y a consacrées.
Les procédés.
Ce morcellement extraordinaire de la terre flamande, qui entrave
l'emploi des machines, peut être un obstacle au progrès agricole ; le
petit fermier absorbé par un travail écrasant, animé d'un esprit d'écono-
mie excessive, hésite devant les innovations et les dépenses. Il est vrai
que ces désavantages sont compensés par ailleurs. La coopération pénètre
en Flandre, surtout dans l'Est, où elle est stimulée par des préoccupa-
lions politiques et religieuses ; des associations se forment pour l'achat et
l'exploitation do machines, pour la constitution de caisses de crédit
agricole Le cultivateur flamand lit des journaux et des revues pra-
tiques, suit avec soin les conférences organisées par les professeurs de
» Cf. Max Turmann, Us associations agricoles en Belgique (l'nris, Lecoffre, I9UL
in-8\ VII -f 'ùïi p.);— Goret <•!.), Les associations agricoles dans les pays de langue
flamande de France et de Belgique (Paris, Rousseau, 1902, in-8°).
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LES PROCÉDÉS
l'Etat. D'autre part, l'énorme somme de travail et de soins prodigués à
chaqoe lambeau de terre suffit pour rétablir l'équilibre. Surtout, le paysan
est depuis longtemps passé maître dans l'art de gaver sa terre d'engrais.
Il en faut beaucoup à ce sol sableux, léger, pour lui faire porter une
culture intensive ; le Flamand en trouve partout. D'abord, une harmo-
nieuse combinaison entre la culture et l'élève du bétail lui en fournit dos
quantités considérables. « ta prospérité de l'agriculture, s'écrie Van
Aelbroeck, dépend de la quantité de bétail que les cultivateurs entre-
tiennent dans leurs étables. Kn effet le bétail procure le fumier, qui fait
pousser les fruits de la lerro, et sans fumier la terre ne peut produire de
bonnes récoltes»'. Mais le «dieu de l'agriculture » comporte encore
bien d'autres produits que le fumier de ferme. On y joint les plantes
extraites des fossés et des ruisseaux, les boues draguéos dans les canaux,
les déchets des fabriques et des tanneries, le noir animal, les cendres, les
boues des rues, les os broyés, les déblais écrasés de vieux bâtiments, la
suie, les épluchures, les tourteaux de lin et de colza, enfin tous los engrais
chimiques. Des individus gagnaient jadis leur vie à ramasser des fumiers
qu'ils revendaient aux fermiers. Les vidanges, dédaignées partout ailleurs,
sont recueillies, épanduos avec soin ; c'est « l'engrais flamand » par
excellence * ; au printemps et à l'automne, des files de chariots chargés
de petits tonneaux d'épandage parcourent la campagne; les fermiers vont
en quêter dans les villes. Les cultivateurs sont de véritables connaisseurs
en engrais; les déchets de Gand sont jugés inférieurs à ceux de Bruges,
parce que les boues de celte ville, apportées par les pieds ou les chariots
des paysans poldériens, gardent quelque chose de la fertilité de la plaine
maritime 3. Ce sont là de vieilles habitudes ; les coutumes, surtout celles
de l'Est, prescrivent avec minutie quels engrais le fermier sortant aura
dû donner aux terres qu'il quitte; la précision et le détail de ces règle-
ments témoignent d'une agriculture déjà très complexe, très diversifiée,
très savante 4. En 17t>4, le chef-collège de Termonde établit que la seule
paroisse do Zele achète annuellement au dehors pour 30.000 florins
d'engrais. Les procédés modernes ont été bientôt accueillis avec le même
« Van Aelbroeck, p. 1 13.
i Corenwinder (B.), Recherches sur lVngrais flamand. Son emploi dans la euluire
des terres. (Lille, Blocquel-Castiaux, 1872, W p.).
-1 Dictionnaire géographique de la Flandre Orientale (Bruxelles, Vandermaelen, I8.'î»î,
in-8», 237 p.), pp. IW1'.7.
* Voir en particulier: Berten, Coutumes du Quartier de (tand. t. VIII, Vieux Bourg
de (iand. pp. il<M22.
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.r.6 FLANDRE INTKRIF.URK. - l/ACKIC.rLTURK FLAMANDE
enthousiasme ; les nitrates et phosphates sont devenus un des principaux
articles du commerce de Dunkerquc, d'Ostende, de Gand ; et la vieille
voie romaine de Watlen a Casse!, qui était la plus fréquentée du canton
lorsque les cultivateurs s'en servaient pour aller cherchera Watlen les
boues et vidanges do Dunkerque et de St-Omer, est devenue déserte
dopais quo les engrais chimiques ont pénétré dans lo pays.
Ce travail acharné du paysan a forcé la terre ; il n'y a pas de sol stérile
qui puisse résistera un pareil effort. De même que l'horticulture réussit
à prospérer aux environs des villes sur n'importe quel terrain , de même
la Flandre fut comme un immense jardin dont tous les voyageurs ont
îidmiré la vigueur et l'éclat. « .le commence par déclarer, disait l'Anglais
Colman *, quo l'agriculture dos Flandres est supérieure à celle de tous
los autres pays que j'ai visités ». Cette supériorité est moins éclatante,
aujourd'hui que le progrès agricole est général, et favorise des terres
fertiles jusque la négligées ; mais il est certain que jusque vers la fin du
XIXe siècle, la Flandre a montré l'exemple à l'Europe. Dès le XIIe siècle,
elle commence à employer comme engrais le fumier animal au lieu du
jonc séché, et malgré la disparition des bois et des bruyères, développe
largement l'élevage du bétail*. Au XIVe siècle, elle supprime l'assole-
ment triennal avec un an de jachère, qui s'est maintenu en Angleterre
jusqu'au XVIIe siècle, en Picardie jusqu'au XVIIIe, en Hesbaye jusqu'au
début du XIXe; la jachère est remplacée par la culture des prairies arti-
ficielles et du navet, qui permettent de développer l'élevage, et par suite
d'augmenter les quantités d'engrais :|. Enfin dès le XVIF siècle s'inlroduit
l'usage des cultures dérobées, qui force la terre à produire chaque année
doux récoltes, la première de céréales ou lins coupés fin juin ou fin juillet,
et la seconde de racines, navels, carottes, destinées au bétail, semées
après la moisson et récoltées en automne *. Il faut pour cela des terres
légères, s'éohaufïant vite, où la première récolte doive être précoco, et où
1 ColmaiH IL >. Pc l'agriculture ci «le l'économie rurale on France, imi Belgique, on
Hollande, en Suisse, (iraduu .le l'anglais par Le Bailly .le Tillegliem. Bruxelles,
.lanssens, \KA). in-S1. :M»K p.). p. 211.
i Piremie, Hisloire de Belgique. 1. p.
•'' Cf. Brants (V.), Histoire .les classes rurales aux Pays-Bas jusqu'à la fiu <lu
XVltP siècle (Mémoires couronnés publiés par l'Acad. roy. .le Belgique, t. XXX11,
1881, 21 « p.).
» L'.sage indiqué en H')7I dans la continue du Vieux-Bourg de Cand : <. Après la
(ti'j>om'llf d<> (frur fr>ii/s st<r ht m>'nw tt-rc>\ on ne paiera rien pour l'estimation de
l'arrière-graisse... •> (ce qui rc.-ie de fumier) (Benen. Coutumes du Vieux-Bourg de
(ian.l, p. UT).
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I.K PAYS PI' SAHLK
Mi7
l'on puisse s'aventurer môme en automne à la saison pluviousc, pour
arracher la seconde ; ce sont là précisément les qualités des tenvs sablon-
neuses, ellos rachètent ainsi, par l'industrie des habitants, une partie de ,
leurs défauts. Cette ingénieuse coutume permit presque de doubler le
nombre des têtes de bétail dans l'Est de la Flandre ; elle donna lo moyen
de les tenir constamment à lelable, par là d'augmenter fortement la pro-
duction du fumier, et par suite d'accroître en proportion la valeur et le
rendement des terres.
Ainsi s'est formée l'agriculture de la Flandre intérieure, si différente
de celle de la plaine maritime, où le paysan, confiant dans la fertilité de
son sol, s'est laissé dépasser par le Houtlander, moins favorisé. On le
constate avec satisfaction dans le Sud : le Noordland de Bruges, si floris-
sant il y a 80 ans, est endetté aujourd'hui, tandis que les Zuyderlingcn
des bois et des bruyères se trouvent dans l'aisance. Le Houtland tout
entier prospère. Cependant il y a là de notables différences de sol ; mais
si les cultures ne sont pas les mêmes, les résultats sont partout satisfai-
sants. L'agriculture flamande est si bonne que là où la terre est ingrate,
on réussit à faire toutes les cultures ordinaires, et là où elle est passable,
les cultures industrielles, les cultures savantes.
La division générale du Houtland est très simple: à l'Est les sables,
occupant la plus grande partie de la Flandre Orientale ; à l'Ouest le limon
argileux, étendu sur le Nord français, la Flandre Occidentale, les arron-
dissements d'Audenarde et d'Alost. C'est un peu l'Ost-Flandro et la West-
Flandre d'autrefois. Mais la variété du sol est presque infinie dans chacune
des deux régions. Les sables meubles d'Eecloo no ressemblent pas au limon
sableux du pays de Waes ; le limon de Courtrai est moins fort que celui
d'Ypres ; enfin les deux régions passent l'une à l'autre par une bando où
la transition est insensible. Ainsi se sont constitués, malgré l'identité des
procédés généraux, des territoires agricoles dont les productions sont
différentes.
La vraie terre du sable comprend tout le pays entre la Durme, qui
la sépare du Waes, la plaine maritime, et une ligne allant de Dixmude à
III.
VARIKTKS RKiilONALl-S.
Le pays du sable.
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3-48
FLANDRE INTÉRIEURE. - L" AGRICULTURE FLAMANDE
Termonde par Thourout, Ruysselede, Deynze, Nazareth et Wetteron.
C'est là que l'on trouve les exemples les plus caractéristiques de celle
. agriculture qui obtient d'excellents résultais dans un sol maigre, faisant
produire en moyenne à l'hectare 3. 127 kilos de froment dans le canton de
Waersehoot, et 2.982 de seigle ; 2i2 quintaux de pommes de terre dans
le canton de Ledeborg, et jusqu'à 500 quintaux de navets dans celui de
Lokeron ». G'ost, avec le pays de Waes, la région par excellence des
cultures dérobées, qui pour 100 hectares d'étendue cultivée garnissaient
en 1895 ,'38,86 hectares dans le canton de Termonde, 33,13 dans celui de
Gand et 30,23 dans celui de St-Nicolas; soit environ le tiors des terres.
11 y a longtemps qu'on a donné aux paysans de Waes le surnom do
« raepeters » , mangeurs de navets , et que la bannière du pays est
« armoyée d'azur
à la rape (navet)
d'argent on na-
turel » 2. Nulle part
enfin on ne trouve
une pareille moyen-
ne de petites ex-
ploitations. Trois
domaines seule-
ment, dans toute la
Flandre Orientale,
dépassent 100 hec-
tares ; sur 22 can-
tons appartenant
à la région sablon-
neuse , 11 n'ont
aucune ferme
ayant plus de 30 hectares de terre ; ceux de lx)keren et de Hamme, sur
4.301 et 4.366 exploitations, n'en ont aucune qui atteigne 20 hectares k.
Le seigle est le principal produit du pays; c'est une plante peu exi-
geante, qui s'accommode bien de ces terres légères ; elle a l'avantage de
mûrir vile, et de permettre les secondes cultures; enfin elle seule
• Statistique de la Belgique. Recensement agricole «le publié par le Ministre
.le l'Agriculture (Bruxelles. 1!«I3, in-8°, 351 p.) pp. IVS-V.h
- Uiveleye, p. îH.
3 D'après l'atlas du Recensement agricole belge de I8i£">, pl. XXI.
* Recensement agricole de l'.K>2. pp.
Échelle de 1 : 1.6O0.000.
FlG. T>7. — Répartition des cultures dérobées en Flandre
belge 3. Les maxima appartiennent à la zone sableuse, le
canton de Lokeren en tète : les minima à la plaine maritime
et aux terres fortes •lu Sud-Ouest.
Proportion par cent hectares d'otendue exploitée :
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peut fournir la quantité de paille nécessaire à l'entretien d'un bétail
nombreux. Le froment à coté de lui tient bien peu do place, et il dimi-
nue encore ; la plupart des terres ne lui conviennent pas, et son prix de
vente est trop peu élevé. L'avoine occupe une place honorable; le sarrasin
diminue. C'était
la céréale carac-
téristique des
sables ; on la
plantait dans les
terres les plus
pauvres. Mais
aujourd'hui dès
que le sol a ac-
quis par labours
et engrais quel-
que fertilité, on
laisse le sarrasin
pour lo seigle;
aussi no le trou-
ve-t-on plus guère
que dans les
nouveaux défri-
chements du pays d'Eocloo. Avec lui disparaît l'apiculture flamande,
déjà fort éprouvée par la chute du colza. Enfin la pomme de terre tient
dans les assolements une grande place ; son importance tend à augmenter
encore, elle se classe généralement après le seigle.
Outre ces cultures alimentaires, lo pays du sable possédait autrefois
des cultures industrielles. Le préfet Faipoult constatait en 1802 dans le
département de l'Escaut la présence de 14.759 hectares de lin, 2.577 de
chanvre, 0.584 de colza *. Une certaine part dans ces totaux doit être
accordée à la Flandre zélandaise, qui dépendait alors de l'Escaut; cepen-
dant la diminution est visible , puisque la Flandre Orientale n'a plus en
1902 que G.571 hectares de lin, 433 hectares de colza, et 319 hectares de
chanvre (en 1895). (le sont là, pour ces terres pauvres, des cultures trop
coûteuses, qui réclament beaucoup de frais pour un résultat incertain. Do
même pour la chicorée, qui n'occupo plus qu'une superficie insignifiante,
Éfhrlle de I : 1.600.000.
Fkj. r»8. — Répartition «lo la culturv du seigle en Flandre
belge'. |.e maximum dans la zone sableuse de l'Kst ; le mini-
mum dans la plaine maritime et sur les terres fortes du Sud-
Ouest.
l*ro|k)rlii»n piir crut hoctares dVlencliic exploitée :
A °'o | • n ii M I o ■*• * n
9 ïl ii M ©Il « 17 o tl li T.
1 D'après l'atlas du Recensement agricole belge de 1856, pl. V.
1 Faipoult, Mémoire, p. 77.
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FLANDRK INTKRIFIRK. - l/AGRICCLTURF. FLAMANDE
une trentaine d'hectares. On les a délaissées lorsque» la crise agricole est
venue montrer aux cultivateurs que leur salut était dans l'élevage, et
qu'il fallait orienter leurs efforts vers l'accroissement de leur bétail, de
leurs chevaux , de leurs porcs. Or il y a peu de pâtures sur les sables.
On essaie d'en créer, d'en augmenter le nombre et la valeur ; en atten-
dant il n'y a guère pour fournir de l'herbe que les vergers, les bandes de
gazon d'un mètre de large que l'on a l'habitude de laisser autour des
champs, et les mauvaises prairies des bords de la Durme, de l'Escaut et
du Moervaart. Pour pouvoir nourrir le bétail dont on augmentait le
nombre, on a remplacé les plantes industrielles par des cultures fourra-
gères: le trèfle, la betterave. Le lin s'est réfugié sur les terres plus
fertiles du pays de Waes ; il est presque disparu dans les arrondissements
de Garni el d'Eeeloo. Le chanvre n'élève plus ses hautes tiges qu'autour
de Zele et de Tormonde, à proximité des corderies de Ha m me.
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lrp année. . . .
Pommes de terre.
Seigle.
Pommes de terre.
2" année ....
Seigle (navets).
Seigle (navets).
Seigle (navets).
» - ...
12 Avoine 12P..I. t".
Chicorée.
Betteraves f8».
1 ...
Seigle (navels).
1 .ni.
Froment.
— ...
Avoine.
Seigle (navets).
Avoine avec t ré lie.
<>' — ...
2:rrrèll.'l/:tMetier.f'\
Pointues de terre.
Trèfle.
7' - ...
Seigle.
Seigle (navets).
Orge (navets)
Sr — ...
Seigle (navets).
Avoine.
Seigle (navets).
«i- — ...
Lin (carottes).
Trèfle.
tu* — ...
Seigle (navets).
Ainsi l'agriculture du pays des sables a pris, depuis une vingtaine
d'années, une unité qu'elle n'avait pas auparavant. Tout est destiné a la
nourriture des animaux. Seuls les pommes de terre el le seigle servent en
partie à l'alimentation de l'homme ; mais l'usage du pain noir, du pain
de seigle, s'affaiblit, et l'on ne se nourrit plus qu'avec du blé importé.
Tout ce qui pousse, à grand renfort d'engrais, est destiné à ce bétail
' Monographie région sablonneuse, pp. \i\-'A\,
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LK PAYS Df SABI.K
enfermé dans les étables, dont on n'aperçoit qne quelques raros
individus qu'un enfant mène paître sur les bordures, autour des champs.
Ainsi le pays qui a le moins de pâtures est celui qui peut nourrir la plus
grande quantité de bétail (fig. 01)) ; il s'y consacre toul entier.
Il n'y a guère dans la région sablonneuse que les environs de Gand
pour se livrer à une culture dont le but ne soit pas de nourrir les bétes.
C'est même un des exemples les plus remarquables de l'industrieuse
activité du paysan do l'Osl-Flandre, que cette floraison de l'horticulture
autour de Gand. Kilo y est établie depuis longtemps, puisqu'on cite un
témoignage de 1550 sur la présence dos serres chaudes en Flandre à
cette époque et que de Candolle déclare que Gand lui semble la ville
privilégiée de la botanique. Aujourd'hui, les serres, pépinières et jardins
horticoles se dispersent dans un rayon étendu autour de la ville : à l'Ouest
jusqu'à Landegem, au Sud jusqu'à la Pinte et Meirelbeke, a l'Est et au
Nord surtout, jusqu'à Wetteren, Overmeire, Exaerde, Moerbeke,
Wachtebokc et Kvergem, 20 km. autour de Gand. L'accroissement est
rapide: il y a 15 ans, Kvergem n'avait que deux établissements; il on
compte aujourd'hui près de 50; on ne voit plus que les cheminées de
briques des serres. De Meirelbeke à Gand, les toits vitrés se succèdent
sans interruption. A Saffclacrc, les horticulteurs bordent toute la rue du
Sud de leurs parterres de fleurs, d'un heureux effet; on se croirait en
Hollande. Dans la commune suburbaine de Gentbrugge, les établissements
Van Houtle comprennent 20 hectares de serres, dont 10 d'un seul tenant.
L'on retrouve l'horticulture sur les sables autour des remparts de Bruges,
tandis que Bailleul possède de grandes serres où l'on « force » le raisin.
Ce paradoxe de faire produire à celte terre les plantes dont la nature du
climat el du sol semblaient interdire la croissance, élait digne de tenter
le cultivateur flamand.
Cette région sableuse, où le travail agricole csl si intense, n'en garde
pas moins un aspect agréable de bocage. Les taillis d'aulnes qui gar-
nissent les fossés el les bordures de gazon qui entourent chaque champ,
les vergers, nombreux dans la région de Caprycke, SIeydinge, Somergem,
donnent à ce pays de sable un aspect de fraîcheur assez inattendu.
Les champs étroits, perpendiculaires au chemin, ont l'air parfois d'une
allée cultivée, prolongée par un autre champ tout semblable, qui va
aboutir à un chemin parallèle au premier. Ixi vue est bornée, mais
agréable. L'activité est grande dans les champs où la couleur gris-sale du
1 Van Uiiltht'in, Discours sur l'état ancien et mo.lerne «le l'agriculture et de la
botanique «lans les Pays- lias (Caml, 1K!7, br. 7(1 p.), p. .'57.
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:ïtt FLANDRE INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
sablo meuble contraste avec le vert des navets ou des betteraves ; elle est
grande aussi sur les chaussées ou les pistes défoncées d'énormes ornières;
peu de chevaux, car les exploitations sont trop petites ; les vaches tirent
la charrue et la herse, traînent les chariots à trois roues ; le chien lui-même
s'évertue dans les roues qui actionnent les barattes, ou court par les
chemins, donnant de la voix, attelé à des brouettes ou à de petites char-
rettes dans lesquelles les gens trop pauvres pour avoir une vache trans-
portent leur fumier, rentrent leurs récoltes.
Le Pays de Waes.
Le pays de Waes fait tort à la réputation que devrait avoir l'agricul-
ture de la vraie région sableuse. C'est à lui que vont tous les éloges ; c'est
lui que l'on cite comme exemple du tour de force accompli par les cultiva-
teurs flamands, qui ont fait d'une terre stérile un sol riche, dout « la
fertilité est le triomphe de l'industrie humaine»'. Le charme de cette
petite région, qui semble être une foret merveilleusement cultivée, a aidé
à la création de cette légende. On a cru que le sol en était aussi aride
que celui d'Recloo ou de Maldegem, et on s'est extasié sur les résultats. Or
le limon sableux qui forme presque tout le sol du pays de Waes est
beaucoup moins rebelle à la culture que les sables meubles de l'Ouest.
11 suffit pour s'en convaincre de voir la différence entre les communes
voisines de St-Gilles, où le sol est limoneux, et La Clinge, où il est formé
d'un sable aussi blanc et aussi meuble que celui des dunes; ou mieux
encore de visiter, au centre du pays de Waes, le petit territoire sablon-
neux qui s'étend entre Haasdonck et Nieuwkcrken ; c'est presque un
désert : les maisons disparaissent, les champs de pommes de terre se font
rares ; de petits bois de sapins se montrent, et bientôt des landes, des
bruyères, que l'on commence à reboiser. Ainsi la seule partie sableuse du
pays de Waes est presque aussi désolée que les landes deMaelo. Pourtant
les cultivateurs de ce district sont aussi intelligents et laborieux que ceux
du reste de la contrée *.
Cette fertilité plus grande a permis aux plantes industrielles, particu-
lièrement au lin, de résister plus énergiquement qu'ailleurs à l'invasion
des plantes fourragères. Quoiqu'en diminution, le lin est encore une des
cultures importantes du pays de Waes, où il occupe 2.238 hectares en
1902, sur les 6.574 que possède la Flandre Orientale ; on le rouit dans les
i Dérivai, VI, p. 8!'.
* Cf. V;tn Krtborn, Texte explicatif <!.• la planchette <le Tamise, p. 12.
i: ÎNTKKlî Ml - i. WBVrLTrHF KLWî ■
- .vv/aste ave» \<*i t «lit-; navels - .u dw» 1» U' t
.. • •■ ■ • ••*■• u > ebaufeict <• e'u Ifs pistes deî*oiïe«W i!"êi.«i ■
. • - :\, « ar les >: Mtat-ojis s» nl tr«»p peut»-5* ; U*«
«■i nmes q«i icrionii.»nt !cs hua1'*?*. »>» .
• i : ! rirf»»| iV la vui • . a Me:*' à d«-s Itrour ttea on à oV ,
r. • ■• . . Ii-ijiifil.îs les g«v trop paurtvs pour avoir iifit* 1
;«ï f filIHU>r. ro»lllN'll i-'UiN n'*t oltes.
!.«' ; .s j>* Wars fait tu" à la rôputAtian que devrait •»;*• ir
lur»1 <l" • vraie région sa h'. C'est ii lui que vont Unis 1rs (*io.
1 v- 1 (ji;- i ci'o-'ominn ox« f du tour fie fi»nv accompli jwrli* ■»
ifii's '■' eaeds» qui eut Th.» d'une terre stérile un so» ri''hc, »
k.»«V i'st ïe triomphe de l'iuduHrie humaine * Le charnu» d •
;.••>•!«• ~,ju, qui «omble ê' • uii'i foret p*« rv«dlleuï>enient euh»*M e, •• .«.
à ia «*: '.diotl de-eeôe lôgO! <>M a cru qi: ; 1»? sui OU était a\:s>i
qi»AC'" j d K.cl oy ou du M ï«î,\j»"iii, -i «m s'est •jxtasn*s,'i*iosril«jii.i
K1 ilîii" i «ïiiîleut qui f'uiu • .• qefl tout le sol du |>;i\s de \\* i
uiMit« • j> mii'i's reliell'* • • »»ituiv que !«\s saMe> meuMo* >ic ! • #• ■
P sef':: j»(».n ^'.n c«>ir. •• •• de voii la di;V<* renée eu Ire l-s « *
\ i ' i s ' i ' . d- S» (ri!l--.». • • -A est uuionmix, H \ji (,iui^ », où *•! • < .«
•l'-m >• 'd ; a'jssi ii'jric ei a >si inculde q io L'»"lni d. s d<uii>s; <>>i »
< M*4 r • !e , au eenlii* «lu j>:<vs de \V;n»s, 1«- poli1. leiri!«»«" • •
ih.-iix ui .*'•'*'< ad cuire H ia-iloiid: et NteuwkerkMi ; C*e*t pn-. *
d«s»*r les 1 <aiso:,s di- par lissent, îcs champs do pouiinos de UsTe
raiv, 1 * p.Mits l'ois des.v.ius se montre.;!, et bit-n'*'»l d*.» îi» «. • •
ln ih' qui! l'un eomuu-i.u à reboiser. Aia>i !a seule partie s...,,,
pr. s • Waiv-s est presque a:i>si ilesiplf-i' que les IniiHfS d<* .Ma« •< . ]'•■'>
Kînc'i^.VhI. ur> J- e»' di.<t":et sont aus<i intrUi^ouls et l:'i' »:'i« ux (;•:•
«<ii iv« ••• d<* la » .jîitî»'i' 2.
t^ t»«* irrtiîil»' piu> iinicin a permis aux pl?i'i»«ïs iudu^lrielK'^, p »:
li»''W «îu! :.u Iiu d" réii-t r plus éue^iquo tnent ip'wile'irs à 1*. iv, >■
d< y ; ' «"'i ;» Ui.trr*»jî«ivs. ioie l'en diadutititiii, le Un f»*l i»i»r««rt" ue-
ni: . . ./riantes du p.*ys d»^\ a»?s, m'i il occujie '^.'J^ ii*f»,i • •
\ ' . . 0..*j7 i que p.»<s«-Jo la I'ia.ulre Ori:Mtî*ki ; ou le. s ••tu -Litis
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■ i. \ I. p. H".
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■
LK PAYS D'ALOST
.T>3
fossés d'eau stagnante creusés lo long dos routes, ou dans les anciens
bras de l'Escaut. La vallée du fleuve, fertile ei basse, contient aussi des
oseraies, dont les produits s'exportent par Anvers vers l'Angleterre, ou
des cultures de légumes comme les curieuses plantations de choux rouges
autour de Terraonde. De là le prix élevé atteint par ces terres pourtant
exposées aux inondations, et payant l'impôt-wateringue : 6.000 fr. l'hec-
tare à Herlaere, 9.0)0 a Tamise, 10.000 à Zele.
Le Pays d'
Vers l'Ouest et le Sud, la transition se fait, insensible, du sable au limon.
Le sol est plus varié : au Nord de Thourout s'étend un sable aride et sec ;
au Sud, un sable plus compact que la présence de l'argile yprésionne à
faible profondeur rend humide; sur le flanc des coteaux lo sable et
l'argilite paniseliens mêlés donnent une terre franche assez fertile ; enfin
vers Roulers, Iseghem, le sable commence à devenir limoneux. Le
paysage change et s'éclaircit: moins d'arbres, moins de haies; les bor-
dures de gazon disparaissent. A Deynze, c'est encore l'Est ; à Vive-St-
Eloy, c'est l'Ouest. Le froment se retrouve plus régulièrement dans les
assolements. A Nevele, il n'occupe encore (1903) que 50 hectares, contre
336 au seigle, 128 aux pommes de terre, 1 15 à l'avoine, 53 aux betteraves
fourragères ; à
Wynghone , 98
contre 1.120 de
seigle , 595 de
pommesde terre,
194 de lin (1895).
Puis la propor-
tion s'élève ; à
Thielt, elle est
de moitié (347
contre 635) ; à
Coolscamp , les
chiffres s'égali-
sent : 102 contre
135 ; à Iseghem,
Beveren - lès -
Roulers, Hoog-
lede, le froment
Kclielle de « : I.COO.ihmi.
Fie.. fjO. — Répartition de la culture du froment on Flandre
belge '. La proportion la plus faible ilaus la zone sableuse do
l'I'Ist, productrice de seigle ; la plus forte dans les terres limo-
neuses du Sud, autour d'Ainsi, Courtrai, l'opei inglie ; le maxi-
mum dans le canton de Mouscron.
l'rupurllon p.u cent hectare* de Mipertleie exploitée:
m IN » *» J 0 « à 1.1 <J I» à »
• D'après l'atlas du Recensement agricole belge <le |.S!C>, pl. IV.
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FLANDRE INTÉRIEURE. - I/AfiRICUI/ÏTRE FLAMANDE
l'emporte. La culture à la bôche disparaît ; les exploitations s'agran-
dissent ; tous les cantons en possèdent d'au moins 30 Ha ; on en trouve
de plus de 40. Les chevaux se font plus nombreux, les vaches ne traînent
plus la charrue ni les véhicules. On arrive ainsi aux régions d'Alost, de
Courtrai, d'Ypres.
Le territoire situé à l'Est de l'Escaut, et auquel on donne le nom,
d'ailleurs peu satisfaisant, de pays d'Alost, est une des parties les plus
variées de la Flandre. Au Nord, vers Wetteren et Meirelbeke, c'est encore
la région sablonneuse. Fuis le plateau s'élève vers le Sud, les vallées s'y
dessinent, et si le haut reste sableux, des terres fortes se montrent au flanc
des vallons, une végétation spéciale y indique la présence des argiles.
Dès qu'on franchit l'Escaut à Eecke, Gavere ou Audenarde, il faut esca-
lader un flanc raide (tig. Il); en haut so découvre un grand plateau très
nu, où les moulins à vent sont encore nombreux ; quelques tètes d'arbres
émergeant d'un creux invisible indiquent la tète d'un vallon. Tel est
l'aspect du champ de bataille de Semiiicrzaeke, où Philippe le Bon écrasa
les Gantois ; on le retrouve tout au long du pays, le plateau toujours
monotone, à peine ondulé, déserté parla verdure et parles habitations,
les ravins et vallons riants et frais, profonds, remplis d'arbres, de prairies
et de sources. Four qui suivrait les grandes routes, le pays d'Alost
paraîtrait singulièrement découvert et triste, car pour éviter des côtes
trop brusques et trop fréquentes, les chaussées principales se tiennent
le plus souvent sur le plateau, suivent les arêtes entre les vallons; aussi
ne touchent-elles pas les villages, qui sont établis a mi-côte, et n'ont-elles
guère fait naître sur leur passage que des hameaux de forges et
d'estaminets. Quant aux chemins des vallées, ils sont souvent imprati-
cables, enfouis qu'ils sont derrière d'épaisses haies qui retardent
l'assèchement du sol humide.
La variété de sol engendre la variété des cultures. Sur le plateau
s'étendent les céréales: le Nord, plus sableux, produit plus de seigle;
EXEMPLE D'ASSOLEMENT «
lir ; 'i'.. . .
Froment.
■V' année. . . .
M.'t.-il ou orge (navet;.).
>*
— ■ ■
Seigle (iKIVl'tx).
:»* -
Avoine.
Lin (earoites) ou elm-nive.
fi» — ..
Trèfle.
r" "
i Monographie région limoneuse, p. Hi.
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LE PAYS D'ALOST
c'est le cas des cantons d'Alost, Oosterzeele etSottegem; mais le Sud,
plus limoneux, est d^jà un pays de froment : 1.060 hectares dans" le
canton d'Hoorebeke-Ste-Marie contre 820 de seigle (1902) ; à côté d'eux,
l'avoine, les betteraves fourragères, les pommes de terre, les prairies
artificielles. Le lin, la chicorée, se retrouvent dans les terres plus fertiles
du Sud-Ouest. Dans les vallées, des prairies fauchées et des pâtures ;
quelques bouquets de bois sur les argiles tenaces ; autour d'Alost les
oignons, les choux-fleurs, les cultures maraîchères de la vallée de la
Deudre ; enfin le houblon qui s'accommode bien de ces pentes où des terres
légères sont superposées à des couches imporméables. Tout cela soigné
par une énorme population rurale; le pays d'Alost est la région agricole
la plus peuplée de la Flandre; en 1895, pour 100 hectares d'étendue la
population agricole, comprenant les pei-sonnes au-dessus de 12 ans,
s'élevait à 121 habitants dans l'arrondissement d'Alost, et à 118 dans
celui de Termonde, contre H dans celui de Furnes *. Aussi tout le sol
disponible a-t-il été soigneusement exploité ; la proportion des terrains
incultes y est infime; pour 100 hectares d'étendue exploitée, elle est de
0,34 hectare dans l'arrondissement d'Alost, de 0,41 dans celui d'Aude-
narde, tandis qu'elle s'élève encore à 5,89 dans les bruyères de l'arron-
dissement d'Eecloo s. Il en résulte que les terres y sont plus chères que
partout ailleurs. Les terres labourables, dont le prix s'élevait en 1895 à
2.989 francs l'hectare dans le canton de Furnes, valaient à la môme
époque 4.980 francs dans celui d'Alost, 4.878 dans celui d'Audenarde ; la
moyenne pour l'arrondissement d'Alost montait à 4.882 francs. Même
constatation pour les pâtures. A Sotlegem, terres et pâtures valent
6.000 francs, et sont louées 250 francs; à Erembodegem, à Audenhove-
St-Géry, 6.500 3. Cependant en Hesbaye, les riches terres de l'arrondisse-
ment de Waremme n'atteignent qu'à la moyenne de 4.245 francs. Ainsi,
grâce à la variété du sol qu'elle exploite, l'agriculture du pays d'Alost
reste prospère. N'étant pas adonnée exclusivement à la culture des
céréales riches ou des plantes industrielles, elle a pu résister sans trop
de dommage à la crise agricole ; mais elle s'oriente résolument vers
l'augmentation du cheptel vivant, accroît les cultures destinées aux
animaux et restreint l'étendue des autres. De 1895 à 1902, l'étendue
cultivée en froment est tombée, dans les deux arrondissements, de
» KiicenseiiR'iit 185 Ci, Iiitrodm-tion, p.
* [bid., p. m.
3 Ibid., III, pp. UVll*.
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FLANDRE INTÉRIEURE. -
I. Ar.RICrLTlRK FLAMANDE
12.000 hectares à 10.300 ; de 733 hectares, le lin est descendu dans
celui d'Alost à 190; la chicorée, dans celui d'Audenarde, de 865 à 280;
enfin le houblon a diminue de moitié ;?57 contre Ainsi l'évolution
qui s'opère dans l'agriculture de la région sableuse est plus caractérisée
encore ici.
Le pays de Courtrai.
Au contraire le pays qui s'étend de Roulers et d'Audenarde à Wervicq
et Mouscron, et dont Courtrai est le rentre, reste» voué aux vieilles
cultures industrielles. Iaî lin, la chicorée, le tabac, le colza lui-même, y
occupent une place honorable 1 ; en tous cas ce sont ces plantes qui
gardent le premier rang dans les occupations des agriculteurs. Aux
environs de Courtrai, le lin est l'àme de la contrée; les nappes vert
tendre des linières sont un élément du paysage ; les boites couleur jaune
pâle emplissent les voitures qu'on rencontre ; ou en aperçoit empilées dans
des magasins ; on croise des ouvriers teilleurs, la figure et les vêlements
couverts de poussière jaune.
EXEMPLES D'ASSOLEMENT *
!
!.KM>KI.E1>K
ZVNDVOORDE
1™ année
Un.
Betterave.
2« —
Avoine.
Froment.
3« —
Trèfle.
Trèfle.
4« _
Froment.
Avoine.
5e
Ho lté rave.
Pomme de terre.
ri-
Froment on Avoine.
Seigle (Navets).
7» -
Pomme île terre.
Féveroles.
8e
Seigle (Navets).
Froment.
<H —
Chicorée.
Tabac.
Si la chicorée a traversé une crise récente, qui a fait restreindre
les élendues consacrées à cette culture, le lin et lo tabac se main-
i En imrj, environ un dixième .les terres exploitées dans l'arrondissement <I<?
Courtrai.
i Muni. graphie région limoneuse, p. 1U.
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LE PAYS DE COURTRAI
357
tiennent, et le colza lui-même, qu'on avait pu croire frappé à mort, a
retrouvé quelque faveur. Il est vrai que le terroir est particulièrement
favorable. « L'arrondissement de Courtrai, dit le préfet de Viry,
est l'enfant gâté de la nature» Le sol est formé d'un limon sableux
qui rappelle celui du pays de Waes ; la présence de la coucho d'argile
imperméable à une faible profondeur assure une certaine humidité. Il y
a bien des parties plus ou moins sableuses, surtout au Nord-Est; mais
qu'importe ; par les temps humides, les sables valent peut-être mieux
que les terres argileuses, et d'ailleurs, de l'aveu du paysan flamand,
toutes les terres avec des engrais ne finissent-elles pas par se valoir ?
D'ailleurs la chicorée et le lin n'aiment pas les terres trop fortes. Ils
trouvent là d'autres conditions tavorables : pour le lin, la présence de la
Lys, doni les eaux sont les meilleures possibles pour le rouissage; pour
tous deux, une main-d'œuvre abondante due à la forte densité de la
population : condition essentielle pour ces plantes qui exigent des soins
minutieux et délicats. Voilà pourquoi ces intéressantes cultures diminuent
moins autour de Courtrai que dans Te reste de la Flandre ; la chicorée
malgré les tarifs dont s'est fortifiée la frontière française ; le lin en dépit
du caractère aléatoire de sa culture, où il faut compter comme nulle une
année sur huit, et comme bonne une au plus sur trois. En dépit de la
terrible concurrence russe, qui enlèvo aux lins belges le marché
français et les poursuit jusque chez eux, les cultivalours de Roulers cl
Courtrai conservent cette plante, qui en une bonne année peut rapporter
le prix de la terre où elle pousse *.
Les cultures industrielles ont un autre avantage. La quantité énorme
d'engrais qui leur sont nécessaires, la façon soignéo qu'il faut donner au
sol ne sont pas perdus pour les plantes qui les suivent dans l'assolement.
Le tabac de la région de Wervicq esl apprécié des cultivateurs non'
seulement pour les profits que leur donne sa vente, mais parce que la
terre qui l'a porlé n'a plus besoin d'engrais pendant deux ans. Aussi
l'agriculture du pays de Courtrai n'hésite pas à confier à son sol des quan-
tités formidables d'amendements ; un hectare do lin reçoit en moyenne
195 francs d'engrais, un hectare de labac, 751 francs. En revanche, le
rendement de toutes les récoltes s'élève ; les cantons de Mouscron, de
Roulers et d'Avelghem sont, de toute la Flandre Occidentale, ceux où
l'on récolto les plus grandes quantités de froment et d'avoine à
1 De Viry, Mémoire, p. 1 10.
* Lichtervelde, Mémoire sur les fonds ruraux du département de l'Escaut (Garni,
Goesiu, 1810, in-80, 179 p., pl.) p. 114.
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m FLAN DR E INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
l'hectare; ceux d'Ardoye et do Menin tiennent la tète pour les pommes
de terre. Le soin que réclament les plantes industrielles s'étend à toulc
l'agriculture; le pays de Courtrai-Roulers est la région la plus remar-
quable de la province au point de vue agricole ; le bétail y est aussi
soigné que les cultures : un agronome distingué l'estime le plus beau de
Flandre ; l'instruction technique du cultivateur est poussée plus loin que
partout ailleurs ; aussi la crise agricole y a-t-elle été moins pénible que
dans le reste du pays1. L'agriculture y est devenue scientifique; les
engrais savants, peu employés dans l'Est, y sont en honneur. Par hectare
d'étendue cultivée, les arrondissements de Roulersot de Thielt emploient
43 et 33 kilos d'engrais azotés, contre i et 3 kilos dans ceux de Termonde
et d'Alost ; en particulier le nitrate de soude, dont on use par hectare 162
kilos à Roulers et à Thielt, voit sa consommation réduite à 1 kilos autour
de Termonde. Les tourteaux, le sulfate d'ammoniaque, les engrais
phosphatés, sont employés dans dos proportions semblables 2.
L'aspect de la région porte l'empreinte de cette prédominance des
cultures industrielles. L'agriculture scientifique a pourchassé les arbres;
le pays est nu et monotone ; rien que des champs et des maisons, à peine
quelques bouquets d'ormes auprès des fermes. Les ouvriers agricoles
Habitent des files de corons aux constructions peu soignées ; la couleur
do la brique y est crue; les rideaux manquent parfois aux fenêtres. On
dirait des morceaux détachés d'un faubourg industriel. D'ailleurs leurs
habitants sont déjà à moitié des ouvriers d'industrie, faisant rouir
en automne, toillant en hiver le lin qu'ils ont cultivé et récolté dans la
première partie de l'année.
Houtland de l'Ouest.
Bien plus pittoresque est le pays flamand do l'Ouest, la partie du
Houtland qui s'étend de Roulers et Wervicq jusqu'à St-Omer et Ardres, la
riante région d'Ypres et de Cassel. Collines, bois, haies, pâtures, lignes
d'ormes et de chênes s'y succèdent ; les arbres et les plantes donnent
l'impression d'une nature riche, presque exubérante. Guichardin estime
que le pays d'Ypres est le meilleur qui soit en Flandre flamingante, et
la chronique de Wallon (XIe siècle} déclare que l'agriculteur peut négliger
» Leplae, Esqui*st\ pp. 8'. Mil.
- Recensement 18! Ci, Introduction, pp. îiOO-330.
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LK HOUTI^M) DK L/OL'EST
.YiO
son travail : lo sol produira encore malgré lui'. C'esl beaucoup dire ;
car si le limon brun qui garnit les parties basses constitue une terre
arable suffisante, il reste sur les hauteurs bien des sables et des
clyttes. Les sables qui forment la rangée de colliues à l'Est d'Ypres
portent encore des bois ; on y cultive le seigle en quantités plus grand&s
que le froment. L'abbaye de Nonnenbosche lève des redevances en seigle
à Reninghelst au XIIIe siècle 1 ; la prévôté de St-Martin d'Ypres en 1-1 i : î
n'exige pas de froment à Zonnebeke, n'étant pas sûre qu'on en cultive 3.
Do 1895 à 1902, le seigle a même gagné plus de 200 hectares dans
l'arrondissement d'Ypres, tandis que le froment en perdait 1.2(30.
Mais sitôt la frontière passée, la proportion change. Lo seigle, oncoro
abondant autour de Poperinghe, disparaît sur le territoire français ; il
n'en est plus question dans les rotations. Aucune commune n'en lient
plus de 10 hectares ; il faut aller aux confins do l'Artois pour on retrouver
sur les mauvaises terres. Ias blé règne dans l'assolement ; il occupe inva-
riablement la moitié des terres labourables, parfois plus. A Caestre,
c'est 270 hectares sur 473 ; à Ledringhem, 210 sur 468 ; à West-Cappel,
290 sur 557. Nulle part il no descend au-dessous du tiers. C'est le premier
miracle dû à la présence d'une frontière. Protégé par les tarifs de
1892, le froment se tient à un prix moins bas qu'en Belgique. Aussi,
tandis qu'il garnit environ un cinquième des torres labourables dans le
canton belge de Rousbrugge, étendu au long de la frontière, il en occupe
la moitié en France dans le canton voisin do Wormhoudt.
Cependant là aussi on constate l'augmentation dos récoltes destinées,
en tout ou en partie, à la nourriture des animaux. L'avoine prend de
l'extension ; elle est moins exigeante que lo froment, et se vend aussi
bien. Les vieilles cultures du trèfle, des fèves, dj\s haricots, sont on
croissance. Un peu partout, on signale le développement do la pomme
déterre; parfois elle prend la première place après le blé. Ici encore,
c'est aux dépens des cultures industrielles que le mouvement s'opère.
I/C houblon, rien que dans la partie belge, a perdu en sept ans un tiers de
son étendue cultivée : de 1.497 hectares en 1895, il descend à 1 .021 en 1902;
parfois, commo à Elverdiughe, on l'a remplacé par la chicorée, qui
1 (tuichardiii, Trad. français do l'tT> (Amsterdam, .Janssoii), p. '.IV, I : — M. (}. SS,
XIV, pp. HV'i-!»r>.
* Van Holloboko (L.), Cartulaire do l'abbaye de Nonnenboxehe (Unîmes, Soe. d'Km.,
18*Ci, in-î°), p. !«».
3 Feys et N'élis, Les trois cartulaires de l.-i Prévôté de St-Martin à Ypres (Bruges,
Soc. d'Em., 'i vol. in-i», 1880-8i), II, p. ">8.
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FLANDRE INTERIEURE.
L'AGRICULTURE FLAMANDE
périclite à son tour. Des prix do vente un peu plus élevés, en 1903 et
1901, ont provisoirement enrayé le mouvement ; mais ce ne peut être là
qu'un arrêt momentané dans la décadence. Pourtant celte plante est bien
à sa place autour des collines : il lui faut un sol assez léger, mais
beaucoup d'humidité ; elle trouve l'un et l'autre dans les terres sableuses
de la base des collines, qui surmontent l'argile yprésiennc. Mais c'est une
culture délicate et coûteuse, qui demande beaucoup de soins, d'engrais,
une main-d'œuvre abondante que le pays ne fournit pas, et nécessite des
opérations compliquées, cueillette, séchage, pressage, qui font monter le
prix de revient à plus de 1.000 fr. l'hectare. D'une année à l'autre, le
houblon peut rapporter plus que le prix du terrain, ou mettre le cultiva-
teur en déficit.
Le lin a été, il y a 35 ans, la culture la plus importante du pays,
sinon pour l'étendue occupée, du moins pour l'intérêt qu'y attachaient
les cultivateurs ; sa présence dans le pays est d'ailleurs fort ancienne;
Pline le signale chez les Morius, et la loi salique le mentionne à côté du
blé, des pois et des fèves '. Mais à partir de 1870 apparaît la concurrence
du lin russe et d'autres plantes industrielles en vogue, comme la bette-
rave ; les difficultés avec lesquelles est aux prises l'industrie linière
l'obligent d'employer de préférence la matière première de qualité infé-
rieure, mais moins chère, que lui offrent les lins. russes !; la culture
décline rapidement. En 1871, le département du Nord possédait 15.782
hectares de lin ; dès 1877, il n'en restait que 9.648; en 1887, 6.85 i ; en même
temps on voyait l'importation des lins russes bondir de 18.200.000 kilos en
1872 à 58.800.000 en 1882 Pour arrêter la chute, on accorda en 1892 uue
prime de (K)fr. environ par hectare à tout planteur de lin qui ferait sa décla-
ration de culture; le département ne cultivait plus à cette date que 1.862
hectares. En 1893, la prime faisait atteindre 3.168 hectares, et 4.671 en
1894 : mais les causes de décadence étaient trop puissantes, et la chuto
recommença : il n'y avait plus que 1.307 hectares en 1898, dont 422 pour
l'arrondissement de Lille, 419 pour celui de Dunkerque, 188 pour
celui d'Hazebrouck *. Une légère reprise a eu lieu depuis, à la faveur
1 Pline, XIX. II, 1-2; Vanderkindere, Introduction, p. 118.
i Aftalion (A.). Ln décadence de l'indusiric linière et la concurrence victorieuse île
l'industrie coionnière (Revue d'Economie politique, HXM, pp. î20-'i'i7, < ii< >-l Wi, 721-
78'i), p. 7* m. Ajouter la décadence <lu lin comme plante oléagineuse devant le sésauu\
l'arachide, le pétrole.
3 Merchier (L.), Monographie du lin et de l'industrie linière dans le département
du Nord, (Lille, Dauel, liKKi), p. lâi.
* lbid. pp.
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58!
...
LE PAYS DE LILLE .Td
de la baisse de la betterave ; mais ce no sont guèro que les derniers
soubresauts d'une culture agonisante'. Un tin la betterave, après une
fortune rapide, a vite connu le déclin ; en 1ÎMH la gare de Steenvoorde en
expédiait chaque jour, pendant la campagne, plusieurs trains supplémen-
taires ; en 1902, il n'y en avait plus un seul. Seulo la betterave fourragère
est capable de se maintenir; quant ;\ celles de sucrerie et de distillerie,
l'étendue des terres qu'on leur consacre peut varier de moitié d'une année
à l'autre, selon 1 état de l'industrie.
Le Pays de Lille.
Le pays de Lille participe à cette situation un peu instablo ; le blé y fait
toujours le fond de la culture, mais les autres produits augmentent ou
diminuent dans des proportions déconcertantes, le cultivateur, aujour-
d'hui informé, étant toujours prêt à fournir la denrée qui se vendra
le mieux. Sous Charlemagne, les missi de l'empereur constataient
dans les villas d'Anna pes et de Oruson la présence de 5.522 muids
d'épeautre, 4.000 muids d'orge, 630 d'avoine, 250 de seigle, et 100 de
froment pur; en plus, quantité de fèves et de pois, et 750 muids de
vin provenant des vignes du domaine *. Ainsi les céréales riches
étaient, de beaucoup, la culture principale. Bousbecquo au XVr siècle
produit « bleds, lain, eolsat et légumes » ; c'est l'apparition des
cultures industrielles. Aujourd'hui, ce territoire, siège d'une industrie
florissante, n'est plus qu'à demi agricole ; les cultures y sont déjà une
dépendance de la ville et de l'usine. Si les céréales, moitié par habitude,
moitié par nécessité d'équilibrer les assolements, continuent de tenir une
grande place, les autres plantes sont en évolution constante. La betterave
de distillorie y remplace la pomme de terre, qui avait profilé de la
déeadence du lin ; les prairies artificielles augmentent, car il faut nourrir
un bétail sans cesse plus nombreux, destiné à alimenter de viande, do lait et
• Voir: Brame (.1.), Rapport sur la ([nesiion .le-, lins au Conseil p'néral <lu Non!,
session de IHT.2 : — Lolnreau, Etudes sur les eaiises .le la •liiiiimitioii de la eiihure .lu
lin en Flandre (Bull. Soc. Auricult. Nnr.l. juillet |SX't); — Fniieheur, Kapjiorts (annuel»)
sur les concours liniers dans le Nord ; etc. — En l'.HKl, l'arrondissement de Dnnkerque
retrouve 1.1$) hectares; celui d'Hazebrouck VU); celui de Lille H'.») ; en l'.IO'i. les
chiffres *ont de 'J.l'iH, <£!1 et LOTO; c'est la plus forte quantité constatée depuis ÎKH',.
1 Leuridan (Th.), Statistique féodale du département du Nord : le Mëlantois (Bull.
Gomm. H. N., XXIV), p. :>.
' Dalle (J.), Histoire de Bousbecque (Wervicq, 1680), p. l<r>.
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FLANDRE INTÉRIEURE. - I/AORICn/TTRE FLAMANDE
de beurre une énorme population urbaine. A Bousbecque, sur 416 hectares
labourables, les céréales occupent 220 hectares ; mais la pomme do terre
qui s'étendait sur 05 hectares en 1880, est réduite (1901) à 2<> ; le lin est
descendu de il à 15 ; en revanche la betterave est montée de 42 à 100,
dont 67 pour la distillerie, et ses progrès semblent devoir continuer. A
Bondues, sur 9! VA hectares, le blé en tient le tiers, 326; l'avoine, 237;
et pendant que le lin est réduit à 20, la pomme de terre a 62, les bette-
raves de distillerie tiennent 147 hectares (190.**); enfin la proximité des
grandes villes fait prospérer les cultures maraîchères (60 hectares).
Ainsi cette agriculture du pays de Lille dépend étroitement des puissantes
agglomérations qui font de ce coin un dos plus peuplés du monde ;
jadis elle fournissait surtout le lin mis en œuvre dans ses usines ;
aujourd'hui sa spécialité, après les légumes et l'élevage, c'est la produc-
tion de la betterave utilisée dans les distilleries de Bousbecque, do
Wambrechies, de Mouveaux, de Boubaix, de Lille.
La Plaine de la Lys.
Plus on s'avance vers le S.-W., plus la terre devient bonne et forte. La
plaine de la Lys, à ce point de vue, est la partie du Houtland qui
ressemble le plus à la Plaine maritime. Le sol y est en général un limon
argilo-sableux, épais de 2 à :r, interrompu parfois par des affleure-
ments d'argile yprésienne qui constituent les terres glaiseuses tenaces des
Pacauts. Ce sont donc des terres fortes; il leur arrive de brûler les
plantes ; on sème plus tard le blé à Steeuwerck qu'à Bailleul : il viendrait
trop tôt, et d'ailleurs la moisson est encore en avance sur Bailleul
et Strazeele (lig. 3). La terre doit être préparée avant la fin d'octobre,
où les grandes pluies rendent les champs impraticables ; et souvent ou ne
sème qu'à la fin de janvier, quand il a gelé. L'horizontalité du sol est un*1
autre point commun avec la région poldérienne ; les altitudes varieut
entre H et 2Î mètres. La plaine est donc sans cesse menacée d'inonda-
tion, et il a fallu y creuser un système de walergands presque aussi
compliqué que celui des Wateringues. De plus les rivières, la Lys et ses
affluents, sont toujours près de déverser sur la plaine leurs eaux décrues;
jusqu'à la fin du XVIII'' siècle, les inondations étaient annuelles ; chaque
hiver encore il y a des inondations partielles, qui empêchent quelques jours
ou quelques heures la circulation; en 1*94, tous les habitants étaient dans
les greniers. Le sol est si plat que l'eau de la Lys remonte dans les
becquesjusqu a Steeiiwerck et Vieux-Berquin. Il faut donc curer avec soin
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LA PLA1NK 1>K LA LYS m
fossés et ruisseaux ; les Ponts-et-( Chaussées en surveillent chaque année lo
détail. Depuis un siècl»', c'est par le drainage qu'on remplace les fossés 1 ;
on pagne ainsi un espace appréciable; danslenrcahîor de 1789 Jes habitants
deFleurbaix, déclarant que leur pays est aquatique et n'a pu être défriché
qu'au moyen d'un grand nombre de fossés larges et profonds, avouent
qu'ils « absorbent avec les chemins la sixième partie du terroir » *. La
besogne s'est poursuivie par toute la plaine ; partout on constate que les
fossés diminuent de nombre, que les vieux chemins de terre, larges parfois
de 15 mètres, disparaissent ; avec eux on voit diminuer les haies d'aulnes
ou d'épines, et les arbres, ces grands bouquets d'ormes qui sont la
parure du pays ; on constate à Vieux-Berquin qu'il n'en reste pas le
dixième de ce qu'il y avait, il y a 60 ans.
domine dans la Plaine maritime, les céréales et les pâtures se sont parta-
gées ces terres fortes et humides. Les premières y ont gardé une situation
importante et le rendement en est considérable; à Riehebourg on arrive
assez aisément à 50 hectolitres à l'hectare. Les pâtures, groupées près des
fermes, occupent entre un quart et un sixième du sol. Cependant d'autres
cultures sont venues : le lin, important au XV IIP siècle, et qu'on faisait
rouir dans les fossés, au grand détriment de la santé publique1; le
colza et 1 œillette, dont on trouvait en 1814, 2.050 et 2.245 hectares
dans l'arrondissement de Béthune, contre 129 et 217 en 1898. La bette-
rave a pris leur place; mais elle est aujourd'hui fortement menacée par
la pomme de terre. On s'est mis â en planter en grand, pour l'expor-
tation ; et chez beaucoup de paysans, c'est le remède qui a permis de
sortir do la crise. A Steenwerck, à Kstaires, à Merville, Hazebrouck,
la pomme de terre vient aussitôt après le blé pour l'étendue cultivée ;
à Vieux-Berquin, elle l'égale, et occupe un tiers du sol arable. La gare
de Strazeele en expédie parfois 900 tonnes par semaine pour Paris
et les villes du Nord, tandis que des quantités énormes de plants sont
envoyés en Algérie, d'où ils reviennent comme primeurs en février, bmtin
les pois et les haricots, exportés d'Ëstaires et Merville vers Marseille et
l'Allemagne, les plantes fourragères, le tabac dont l'importance va
diminuant, se partagent le reste de l'assolement.
\jà prospérité de la betterave autrefois, colle de la pomme de terre à
« Li fièvre paludéenne, qui fr.ipp.iii surtout les moissonneurs, na disparu que .lopins
1870 h Yieux-Merquin, c'est-à-dire depuis qu'on a eomblé les trous et les fossés.
* Loriquet, Cahiers do ITS'J dans le Pas-de-Calais, f Arras. R.'-possé-Crëpol, 1*91,
h.-8»). p. :«».
» Arch. Pas-de-Calais. C. iiO.
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30', FLANDRE INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE
l'heure actuelle, contribuent à diviser dans la plaine do la Lys les exploi-
tations déjà 1res peu étendues. La densité de la population et l'habitude
des plantes industrielles en avaient fait un pays de petite culture ; dans les
communes de I,a Coulure, Locon, Richebourg-l'Avouè, 90 °;„ des exploi-
tations ont de 1 à 5 hectares; à Estaires, 500 sur 561 sont dans le même
cas; à Steenbecque, 310 sur 389. Merville, sur 602 exploitations, n'en a
que deux qui dépassent 40 hectares. Aussi cette petite culture est-elle
particulièrement soignée ; les engrais, surtout ceux qui remédient au
défaut d'acide phosphorique, sont d'un emploi courant ; les marchands
rt'enprais sont nombreux dans chaque agglomération ; pour leurs
produits, on délaisse le fumier, et la paille amenée de partout, à 20 km.
à la ronde, est pressée à la gare de Strazeele, et expédiée vers le
bassin houiller et l' Angleterre.
V.
L'ÉVOLUTION ACTUELLE: LES SPÉCULATIONS ANIMALES.
L'agriculture flamande a donc évolué au XIX" siècle. Conservant ses
traditions de labeur excessif, le paysan du Houtland a fait l'apprentissage
des nouvelles conditions économiques ; il s'est résigné à délaisser les
cultures traditionnelles que des pays plus favorisés ou mieux outillés
pouvaient produire à meilleur compte ; il s'enquierl dos désirs des
consommateurs ; il suit la demande, et parfois même la précède. L'agri-
culture flamande y perd en originalité, mais y gagne la prospérité.
Cependant malgré sa science et son courage, le cultivateur flamand,
resserré sur sa petite exploitation, ne pourrait pas vivre si les spéculations
animales ne venaient fournir leur appoint. Il en a toujours été ainsi ;
d'ailleurs le sol humide se prêtait à la production de l'herbe, et il fallait
fournir de la viande aux grandes agglomérations industrielles. l)o bonue
heure, la Flandre fui donc un pays de bétail. Aux IXe et Xe siècles, ou
retrouve assez fréquemment indiquéo dans les carlulaires l'existence de
ce bétail, et les grandes fermes en ont à peu près la proportion indiquée
pour une uiansi' de St-llertin, sur laquelle vivaient i bœufs, 10 vaches,
15 porcs et 50 brebis «. En 1162, la ferme de l'abbaye de Groeninghe
possède 4 juments de labour, 15 vaches à lait et 3 génisses, 3 taureaux;
i Guérard, Si-Henin, p. 1.'>S.
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LKS SPÉCULATIONS ANIMALES 305
c'est la proportion d'une grande ferme actuelle do 30 à 40 hectares
Au XVe siècle, le territoire de Bousbocque a beaucoup de moutons, et
en 1592, on constate que sur 125 feux, 83 ont des bêtes à cornes, une
ou deux chacun *. La loi salique elle-même énumèro déjà tous les
animaux domestiques que l'on trouve aujourd'hui en Flandre.
Mais la nécessité de s'aider des profits tirés des animaux pour boucler
le budget de l'exploitation est devenue bien plus pressante depuis 30 ans.
Les céréales ne se vendent plus à des prix rémunérateurs, sauf de rares
exceptions. Los cultures industrielles, dont la Flandre, grâce à son abon-
dante main-d'œuvre et a son savoir agricole, s'était fait une spécialité,
périclitent ou disparaissent. L'œillette, le colza, ne comptent plus ; le lin
recule ; la chicorée et le houblon languissent ; la betterave n'est pas
sûre. Seuls les animaux sont demandés, et rapportent. D'un bout à l'autre
de la Flandre, l'élevage, l'engraissement ont pris le pas sur toutes les
autres besognas de l'agriculteur. On constate à Cruybeke que le bétail
est « l'appoint essentiel $> ; à Bellem : que «c'est la vraie ressource du
pays ; on ne vend plus que cela et des porcs » ; à Poperinghe, « bétail
et houblon font tout » ; à Wervieq « c'est une ressource plus importante
I
encore que le tabac » ; à Neuve-Eglise, « la prospérité actuelle vient de
la vente des veaux et des porcs ; un fermier qui chorche à placer un fils,
essaie d'abord de lui louer beaucoup de pâturages >. Fait significatif :
à Thielt, l'ancien marché au lin est devenu le marché au beurre. La
comparaison avec l'Artois est intéressante ; le pays de la rive gauche
de l'Aa entre Arques et Eperlecques, qui avait mis sa confiance dans le
blé et la betterave et négligé les animaux, avoue sa gêne, tandis que la
Flandre est prospère.
On a vu que cette préoccupation générale d'étendre les spéculations
animales a occasionné à travers toutes les régions agricoles une révolu-
tion dans les assolements. Le temps n'est plus où « un tiers des récolles
était consacré à la nourriture de l'homme, un tiers a celle des troupeaux,
un tiers à la culture des plantes précieuses qui paient le loyer de la
ferme et l'achat des engrais » 3. On préfère acheter du grain au dehors
pour étendre la surface destinée aux plantes fourragères ; on no vend
plus le grain, sauf on Franco; on le consomme à la ferme. Quant aux
cultures industrielles, on a réduit leur étendue en proportion de l'aléa
« Van de Putte, Groeninghe, p. 82.
* Dalle (J.), Histoire de Bousbecque, p. lfi».
s Cordier, Agriculture, p. 278.
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m FLAN DR K INTKRIKI'RK. - I/ACRICULTIRL FLAMANDK
que présente leur production. En môme temps, on a développé les
herbages; à Moorsleede le nombre des pâtures a triplé depuis 30 ans ;
même mouvement à Harlebeke, Ardoye, Reveren-Roulers, et dans
cent autres communes. Enfin, on en améliorait la valeur, de façon à
augmenter d'un tiers, parfois d'une moitié, leur rendement. Aussi
arrive-t-on à des quantités considérables d'animaux par exploitation.
Le cheptel vivant de telle ferme de C) hectares en Flandre Occidentale
atteint la valeur de 19.505 francs; une autre, de ^hectares, en a pour
13.835. Dans la partie sablonneuse, une ferme de 49 hectares a un cheptel
vivant do 20.0:*5 francs; une de 13 hectares 30 ares, de 13.502 francs ;
une petite de 4 hectares 90, un de 2.095 francs *.
Lq porc. — Le porc a toujours été l'animal le plus utile et le plus
répandu en Flandre. La loi salique en mentionne des troupeaux de plus
de 50 tètes 3 ; beaucoup de coutumes s'occupent d'eux : la Keure d'Haze-
brouck de 1330 leur consacre sept articles3; Martial môme célèbre les
jambons de Ménapie4. C'est l'animal qui convient le mieux à un pays
pauvre, où les très petites exploitations sont si nombreuses ; aussi n'est-il
guère de petit paysan qui n'engraisse un porc , qui lui fournira de la
nourriture pendant des mois ou qui, vendu, payera le loyer. On en Irouve
donc partout, eu quantités considérables. ABlaringhem, il y a jusqu'à 80
têtes par ferme, et 4 à 5 coches; à Neuve-Eglise des fermes possèdent 10
truies. La commune d'Eecke (1903) sur 1.029 hectares a 180 truies et 1 .700
porcelets, vendus dans le Cambrésis; à Moorsleede, il naît 3.000 animaux
pendant l'été, qu'on expédie à Bruxelles et à Lille. Mais en tète vient la
région pauvre des bois et des bruyères. Là le porc est la grande ressource.
A Couckelaere, c'ost une spécialité; 10 bouchers en abattent 5 à 6.<XX)
par an ; ils alimentent Ostende. Aeltro en a 300 à chaque marché hebdo-
madaire ; Beernem, tout l'hiver, en expédie chaque lundi 7 à 10 wagons à
1 Monographies Région limoneuse, pp. 21.'J-2ir» ; Région sablonneuse, pp. 118- Mil.
Ces animaux sont surtout des pores, des ehevaux et des bêtes bovines. Cependant il
faut pas tenir pour négligeable le commerce des volailles. Chaque ferme en possède,
qui lui proeiirent d'appréciables bénéfices ; ce sont de petius profits, mais sûrs. ,\u
marché d'Aeltre, chaque mercredi, viennent passer au moiii9 12T>.000 u'ufs, sj.ns
compter les volailles. De même les lapins, élevés par les pauvres, et dont un vend
2.000 par semaine à Maldegem, pendant l'hiver. Quant aux moutons, ils sont à peu
près disparus, depuis qu'il n'y a plus de jachères.
ï Vanderkindere, Introduction, p. 110.
3 Ann. Coin. fl. Fr.. XXIII, pp. ^i^-
* Martial, XUI, épigr. LIV.
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LES SPÉCULATIONS ANIMALES
3fi7
Bruxelles ; Maldegem, dans ses cinq abattoirs, en débite, d'août en avril,
400 par semaine. Caprycke, en 1903, a 4. 100 naissances de porcelets. Enfin
Eecloo est le grand marché aux pores de toute la Belgique ; chaque jeudi
malin il en part onviron un millier de petits porcs, expédiés les uns au
pays wallon, les autres en Angleterre. En 1895, l'arrondissement d'Eecloo
possédait 132 porcs pour 100 hectares d'étendue cultivée, et la proportion
serait probablement plus forte encore à l'heure actuelle.
Le oheval. — Sauf dans la région d'Alost, le cheval n'est pas, comme
le pou-, un animal né et élevé dans le pays. En général, on va acheter,
à l'âge do lô à 18 mois, les poulains dans le Brabant ou le Boulonnais.
Ceux de l'Ouest vont aux foires de Eruges, d'Hucqueliers, de Witles, de
Thérouanne ; ceux de l'Est, aux foires d'Eeuame, de Monl-St-Amand, de
Hauthem St-Liévin, où viennent jusqu'à 1.000 et 1.200 chevaux ; ceux de
la plaine maritime amènent leurs bêtes à Thourout et Bruges. L'animal
acheté est gardé a la ferme, employé aux travaux de la culture, bien
nourri d'avoine, de féveroles, de foin et de trèfle, enfin vendu vers l'âge
de 4 ou 5 ans. Ce sont des courtiers allemands qui les achètent alors, et
les dirigent sur les pays rhénans ; ils sont les rois des marchés; de plus
une dizaine de ces commerçants, appelés dans le pays « les Juifs », par-
courent la contrée de ferme on ferme et achètent sur place '. La région
entre Dixmude et Roulers, et celle deCourtrai, sont parmi les plus actives
pour l'élevage du cheval ; dans chaque village, des affiches annoncent
des courses; des carrousels font partie de toutes les fôtes ; on sent que
l'attention des habitants se porte principalement de ce côté.
Le gros bétail. — Mais la spéculation sur les animaux de l'espèce
bovine es! celle qui s'est le plus développée en Flandre depuis 30 ans.
Partout on a entrepris l'engraissement et l'élevage, pour fournir aux
villes de la viande, du lait, du beurre. Dans l'Ouest, on a augmenté et
amélforé les pâtures, dans lesquelles les bêtes restent environ 6 mois,
de mai à novembre ; mais bientôt il a fallu trouver d'autres ressources,
l'étendue des pâtures ne suffisant plus à nourrir les bêtes dont le nombre
croissait sans cesse. L'intendant Dugué de Bagnols signale déjà en 1008,
outre les navels et les fèves donnés l'hiver, le « drac qui est le marc
du grain dont on a tiré la bière » (drèehe), les tourteaux de colza,
« nourriture très profitable », enfin le trèfle, « une herbe qui profite
i Leplae, Esquisse, p. 1*1.
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FLANDRK INTKRIKL'RK. - LWfiRIGrLTlîRF. FI.AMANDK
boa u coup aux bestiaux 1 ». (les produits sont toujours employas, et avoc
eux les betteraves fourragères, les tourteaux américains, les fèves, les
pois bleus. On est arrivé ainsi à posséder beaucoup plus de bélail
qu'autrefois. Dans la partie française, chaque ferme de Itf) à 40 hectares
possède de 15 à 20 vaches; la commune de Quaedypre, qui contient de
bons herbages, comptait 2..'J00 tètes en 190L L'arrondissement d'Yprcs,
de 1895 a 1902, a gagné 12.100 tètes, passant de 39.600 à 51.700 ;
Courlrai, de 30.200 à :-58.:iOO, en gagne 8.000. Le seul canton de Thouroul
passe de 12.575 a 16.029 animaux et l'accroissement continue de plus
bolle à l'heure qu'il est.
L'Ost-Flandre, dont le sol ne peut produire de céréales riches, ni sou-
tenir la concurrence des autres contrées pour les cultures industrielles,
avait plus grand besoin encore que l'Ouest de l'élevage. « Misère dans
l'étable, misère partout », rappelle Van Aolbroeck * ; et. le sage Lichler-
velde déclare en 1815 que <* c'est le bélail qui décide des produits les plus
avantageux de l'a-
griculture 1 ». Mais
* { comme les pâtures
son» rares sur le sol
sablonneux, c'est à
l'étable qu'il faut
tenir les bestiaux
toute l'année. Tout
ce que produit lesol
est donc réservé
pour les nourrir.
Au printemps, c'est
l'herbe des bordu-
res de gazon et des
prairies , puis le
# „„ q «, à », trèflecoupéen vert,
• *♦ ; » «" '" »m additionné de pain
et de farine de seigle. En août, les feuilles do betterave et de chicorée,
un peu de maïs fourrage, remplacent le trèfle, et permettent d'attendre
l'arrivée des navets, base de l'alimentation pendant l'hiver, avec les
carottes, le foin, les balles de céréales. Enfin les betteraves, sorties
i
• •
o
4,
K.hHIr «le I : uwhunhi.
Fm. 00. — R.-parutioii des b»H»-s bovines en Flandre b»-l<:e ».
|,a proportion est beaucoup plus fort».' «lans les pays du
sable, pourtant prives de ptUures, que dans la plume mari-
time ou le Siid-Uuest.
Nombre de bète> bovine* juir cent hectare- il'- teti«Jiie exploitée :
» Hull. Gomm. H. N., X. pp. 4(50-401.
* Van Aelbroeck, p. 44.
3 Liehtervelde, Fonds ruraux, p. 87.
* D'après l'atlas du Recensement agricole belge de l»G. pl. XXIV.
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les spÉcruvriONs animales
des silos, succèdent aux navets ; on est arrivé au printemps. La farine
de lin, les pommes de terre, les drèches, s'ajoutent aux autres produits.
Grâce à ces procédés, dès 1902, l'arrondissement de St-Nicolas possédait
108 tètes de gros bétail pour 100 hectares, celui de Termonde 118, et
celui de Garni 121. L'arrondissement de Gand à celte date comptait
87.570 tètes, et la province entière de Flandre Orientale 267.185, en
augmentation de -12.000 sur le chiffre de 1895.
On devine, après la lecture de ces chiffres, qui doivent être en 1900
fortement dépassés, quelle quantité de lait, de beurre, de viande, est
ainsi produite dans toute la Flandre intérieure, et dirigée sur les villes,
le groupe lillois, Bruxelles, le pays wallon. L«\s races de Cassel et du
Furnambacht, qui peuplent l'Ouest, celle de Hollande croisée avec le
bétail indigène dans l'Est, sont bonnes laitières ; on table en moyennesur
une production annuelle de 3 à 3.500 litres de lait par animal, donnant
111 à 122 kilos de beurre. De nombreuses sociétés s'occupent spécialement
de bétail; presque toutes les communes delà Flandre Orientale ont des
assurances contre la mortalité des bêtes bovines ; 158 syndicats d'élevage
fonctionnaient , au 31 décembre 1901 , dans la province 1 ; des laiteries coopé-
ratives se sont fondées, sur le modèle de la célèbre usine d'Oostcamp*.
Le mouvement s'étend vers l'Ouest; des laiteries à vapeur s'organisent ;
des écrémeuses centrifuges remplacent les primitives barattes. Il reste à
assurer la santé de ce bétail, que l'on a un peu négligée en poussant sur-
tout à la quantité, â l'accroissement ; dans l'Est, les vaches hollandaises,
habituées au grand air des polders, et parquées sans en jamais sortir dans
les étables mal construites et devenues insuffisantes, prennent fréquem-
ment la tuberculose; dans l'Ouest, l'abus des drèches, des tourteaux
falsifiés, des pulpes, conduit au même résultat; la production du lait
augmente, mais au détriment de l'animal.
Grâce au bétail, l'agriculture flamande est aujourd'hui prospère. La crise
n'est plus qu'un souvenir, que les cultivateurs aiment à rappeler, parce
qu'il leur permet de mesurer les progrès accomplis depuis 30 ans. Cette
prospérité semble durable ; l'agriculture flamande est assez souple, assez
avertie aujourd'hui, pour s'adapter à n'importe quelle circonstance. Elle
sait prévoir maintenant, et ne redoute plus les nouveautés ; elle est prête
à faire pousser sur sa terre indifférente n'importe quoi, qui rapporte.
Elle donne ainsi le spectacle curieux d'une culture morcelée à l'extrême,
où le travail et la patience n'impliquent pourtant pas la routine.
1 Turmann, Associations agricoles, pp. 192-196.
1 Cf. Journal de l'Agriculture, N° 1U'J7, 2 Janvier H KM.
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370 FILANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE.
CHAPITRE XIV
FLANDRE INTÉRIEURE: L'INDUSTRIE1
I. Nécessité de l'industrie: son ancienneté. Industrie drapièro. Industrie de la toile.
la crise de 189>. — II. Persistance d'anciennes formes: industrie à domifile.
Tissage. Autres industries : la dentelle. — III. La grande industrie. Caractères
généraux. Région gantoise. Groupe de Courtrai-Renaix-Roulers. — IV. Grou/>e dr
Lille. La main-d'œuvro étrangère. L« protection douanière. Un, laine, coton ;
confection.
I.
NÉCESSITÉ DE L'INDUSTRIE; SON ANCIENNETÉ.
Pour prospère que soit l'agriculture flamande, elle ne suffit pas encore
à faire vivre l'énorme population qui se presse dans la Flandre intérieure.
D'autres ressources sont nécessaires. Les 65.9 i3 exploitants que le
Recensement agricole signale en 1895 comme cultivant moins de 50 ares
dans la Flandre Occidentale, les 51.706 qui occupent la même étendue
dans la Flandre Orientale, ne peuvent considérer leur culture que comme
un appoint. D'autre part, les ouvriers agricoles qui vont travailler chez
1 A consulter: Briavoinne (N.), Sur l'état de la population, des manufactures et du
commerce dans les provinces des Pays-Bas depuis Albert et Isabelle jusqu'à la fin du
siècle dernier (Mém. Ac. R. Helg., 1841, in-'»0, 217 p.) ; — Ducpétiaux (Ed.), Mémoire
sur le paupérisme dans les Flandres (Mém. C. Ac. R. Belg., 1850, in-8\ 3i0 p.) ;
Merchier (L.), Monographie du lin et de l'industrie linière dans le département du
Nord (Lille, Danel, 1902, in-8°) ; — Houdoy (J.), La filature de coton dans le Nord de
la France (Paris, Rousseau. 1903, in-8°, 453 p.); — Royaume do Belgique, Ministère
de l'Industrie et du Travail. Office du Travail, Les Industries à domicile en Belgique :
II, Dubois, L'industrie du tissage du lin dans les Flandres; Gilles de Pélichy, L'indus-
trio de la cordonnerie en pays flamand (1890); — III, Beatse, L'industrie de la gan-
terie (1000) ; — IV et V, Vorhaegen, La dentelle et la broderie sur tulle (1902); —
VI, Bcatse, L'industrie du tissage du coton en Flandre et dans le Brabant, (1904); —
Ibid., Variez (L.), Les salaires dans l'industrie gantoise: I, Industrie cotonnière, 1901,
in-8\ 211-590 p.): — lbid., Recensement général des Industries et des Métiers,
31 octobre 1890(18 vol. in-K 1902); — Ibid., Salaires et durée du travail dans les
industries textiles au 31 octobre 1001, (in-'i0, 1905, <i89 p.) ; — Résultats statistiques du
Recensement général de la Population effectué le 24 mars 1901 (Ministère du Commerce),
tome I (Paris, li)Q5), pp. 570-017.
I/INDUSTRIK DRAPIKRK
les fermiers y gagnent un salaire trop peu élevé pour qu'une famille
puisse subsister : d'après le Recensement de 1895, l'ouvrier non nourri à la
ferme gagne par jour en moyenne, dans le canton de I^okeren, 1 fr. 48 les
hommes, Ofr. 83 les femmes ; à Bellem, 1 fr. 25 et 0 fr. 63 ; à Aeltre, 1 fr. 25
et 0 fr. 72 ; à Sysseele, 1 fr. 15 et 0 fr. 72 ; à Waerbeke près Grammont,
1 fr. 09 et 0 fr. 85. Ce n'est que dans l'Ouest, tout prés do la frontière, et
au delà, sur le territoire français, que les journaliers arrivent à dépasser,
les hommes 2 francs, les femmes 1 fr. 50; à Luingne près Mouscron,
2 fr. 50 et 2 francs ; à Reckem, 2 fr. 50 et 1 fr. 50 1 ; les mêmes salaires
moyens sont payés en France. Ce sont là des gains insuffisants, pour des
journées de travail très étendues, commençant a 5 heures du matin pour
finir après 8 heures du soir; l'ouvrier habitant loin quitte donc sa maison
à i h. 1/2, y rentre a 9 heures et doit prendre sur son repos pour entretenir
le lopin de terre qu'il a pu prendre en location s. La vie est par trop diffi-
cile dans ces conditions ; il faut qu'un membre au moins de la famille
s'ingénie à trouver d'autres ressources. L'industrie s'offre naturellement
pour les fournir. « Trop nombreux, dit une supplique de 1733, pour
s'appliquer tous à l'agriculture, trois quarts des habitants du pays s'occupent
actuellement à la fabrique des manufactures permises, avec quoi ils paient
leurs charges et entretiennent leurs familles, lesquelles, sans ce secours,
seraient réduites à la mendicité.... 3 ».
•
Industrie drapiere.
Aussi l'industrie est-elle très ancienne en Flandre intérieure. I/»s
jambons dont se délectait Martial n'étaient pas les seuls produits que la
Ménapie envoyait à Rome; elle expédiait encore des laines façonnées,
sorte de manteaux appelés « birri », dont un édit de Dioclétien fixe le
prix1. Ce sont les toisons des moutons de l'Artois qui semblent avoir fourni
les éléments de cette primitive industrie drapière, à laquelle succède sous
les Mérovingiens et Carolingiens la fabrication des draps frisons où l'on
mettait en œuvre la laine des moutons qui paissaient sur les sehorres de la
* Recensement 1895, t. III, pp. 28-55.
1 Monographie Région sablonneuse, p. 38.
3 Supplique des habitants de Wasquehal, dans : Leuridan (Th.), Notes pour servir
à l'histoire de Wasquehal (Mém. Soc. Emul. Roubaix, 2' série, t. I, 1885, pp. 117-
185), p. 105.
» Corpus Inscript, lat.. III, 801.
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372
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
plaine maritime *. Un diplôme de 8(X) nous apprend que les serfs de
St-Omer fabriquent « des draps ou chemises de laine qu'ils appelaient
bernicrist 1 ». Ce sont la les lointaines origines de l'industrie drapière.
L'abondance de la laine, la renommée des draps frisons, développèrent
l'industrie qui commença à s'organiser, et à venir s'établir autour des
comptoirs fondés parles marchands, à l'abri d'un château, Ypres, Bruges,
Garni, Lille. Bientôt, les progrès du commerce aidant, on lit apj>el aux
laines anglaises, [je Yorkshire, le Lincolnshire, devinrent les principaux
fournisseurs; les grandes foires aux laines de Northampton, Winchester,
Boston, St-Yves, Staniford, n'eurent pas de meilleurs clients que les
marchands flamands 3. La glaise yprésienne, onctueuse et délayable,
servait à merveille pour le foulage. Les XIIIe et XIV siècles virent un
essor inouï de cette industrie urbaine. Mais c'était l'époque où sévissait
déjà la surpopulation des campagnes. Pour échapper à la misère, celles-ci
se mirent à exercer la lucrative industrie dont le monopole avait été
jusque là réservé aux villes. Travaillant à moins de frais, elles purent
faire aux métiers urbains une concurrence victorieuse. Les villes
résistent, font rendre aux comtes arrêt sur arrêt défendant de fabriquer
des draps hors de leurs murs 4 ; quand l'arrêt est inefficace, la ville se
charge de le mettre à exécution ; en 1337, Ypres marche sur Poperinghe ;
en 1344, elle détruit, après une terrible bataille, les métiers de Pope-
ringhe, Langemarek, Beninghelst. Peine perdue; dès le XIYP siècle,
l'industrie est partout, à La Gorgue, à Bousbecque, à Ghistelles, Peynze,
Caprycke, Hulst. Au XVe siècle, malgré la concurrence anglaise, les
métiers battent dans tous les villages; en 1127, les plus insignifiantes
paroisses des environs d'Ypres, Dranoutre, Kenimel, Strazeele, Eecke,
Meteren, Merris, s'occupent à draper, et l'édit de Philippe-le-Bon constate
une telle fièvre industrielle que des terres restent sans labour ou sont
cultivées par des étrangers s.
1 I*irennc, Hist. Belgique, I, pp. 30-31.
* «iuérard, St-Bertin, p. 06.
3 Arch. de Douai, Registre L, fol. i i ; registre MM, fol. 43
* 1314 : défense «le fabriquer du drap dans un rayon de f> lieues autour de (.ami :
1322, défense d'en fabriquer dans la ehatullenie de Bruges ; 1322, défense ilVn
fabriquer dans un rayon de 3 lieues autour d'Ypres, etc. (Diegerick, Inventaire Arch.
Ypres, I, pp. 245, 289, 201).
5 De Cousscinaker (I.), Documents inédits relatifs à la ville de Baillonl (3 vol. in -8*,
Lille, 1887), 1, pp. 208-213.
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L'INDUSTRIE DE LA TOILE
373
Industrie de la toile.
L'industrie lainière s'étiole à la fin du XVe siècle. I^a matière première
n'arrive plus : l'Angleterre garde ses toisons pour elle ; l'Espagne n'en
envoi»» pas assez. Les draps anglais envahissent le marché des Pays-Bas.
dépendant, habituées à l'industrie, les campagnes ne pouvaient plus s'en
passer pour vivre: ce fut donc au travail du lin qu'elles eurent recours.
Employé dès l'époque franque, le lin était resté jusqu'alors la matière
première «l'une industrie domestique, qui ne fabriquait que pour le compte
des membres de la famille. Seules, quelques villes le travaillaient en
grand; les tisserands de toile sont cités à Garni en 1280 à Bruges en
l'2i)7 * ; on renouvelle à St-Omer en 1327 une keure qui les concerne 3, et
la keure d'Hazebrouck, do 1£*3, consacre à cette industrie sept articles,
qui règlent avec soin le blanchiment, la vente, le mcsurage *. Ce fut dans
la région où le lin est encore aujourd'hui le principal produit agricole,
que l'industrie de la toile commença sa fortune; une charte de 1471
indique qu'à Swevezeele « la plupart des habitants vivaient de la
marchandise des draps de lin » 5 ; et la plupart des villages situés entre la
région des bruyères et la Lys sont cités au XVIe siècle comme apportant
de la toile à Bruges 8. De là, elle gagna toute la Flandre. Appliquant au
lin les procédés techniques acquis en travaillant la laine, les Flamands
eurent bientôt créé une vaste industrie d'exportation. Véritable industrie
à domicile que celle-là ; la famille entière participait d'abord à la culture,
puis à la manipulation de la plante; les femmes filaient, les hommes
tissaient, à leur temps, lorsque l'état de la culture le leur permettait. Les
laboureurs prennent la navette loisqu'ils n'ont rien à faire aux champs,
dit des Madrys 7 ; et Dugué de Bagnols explique la prospérité de Roubaix
et Tourcoing en Uii)Spar«la commodité que les habitants y ont de joindre
quelque labeur avec le travail de leurs maisons 8 ». A la même époque, la
• Vhii Lokeron, St-l'ierro, 1, p. 388.
2 ("lilliodl.s. Inventaire, I, p. 54.
•*> Mêtn. Soc. Ant. Mor., XVI, p. 560.
» Ann. Com. fî. Fr., XXIII, pp. 3-128.
s Charte de Charles lo Téméraire, dans Ann. Soc. Km. Br., 2» série, II, 1844,
p. 291.
« « Lamentations » de Siger van Maele (Ann. Soc. Em. Br., 2« série, III, 1845),
p. 293.
7 Bull. Comm. H. N., XI, pp. 310-320.
• Ihid., X, p. 480.
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374
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
dentelle prend son essor, donnant du travail aux femmes ; la tapisserie,
pendant deux siècles, occupe 20.000 personnes autour d'Audenarde 1 ;
l'industrie de la lahie persiste dans quelques localités, à Garni et à Courtrai
où la trouve Guichardin, à Ypres, dans la région de Lille, à St-Omer où
elle existe encore on 18(33, à Neuve-Eglise où « la plupart des fabricants
sont en même temps laboureurs » *. Le coton lui-même, qui doit détrôner
le lin, apparaît au XVIe siècle ; en le mélangeant au lin et à la laine, on
obtient des siamoises que l'on fabrique à lîruges, à Courtrai, à St-Nicolas3;
et les fabricants du pays de Waes, demandant qu'on autorise l'entrée
libre du coton turc, affirment que l'existence de plusieurs milliers
d'ouvriers en dépend 4. En 181 1, le coton emploie, dans le département de
la Lys, 732 fi leurs, dont 310 à Bruges, et 1.705 tisseurs, dont 813 à Thielt,
le reste à Moorseele et Mouscron ; plus 350 ouvriers en siamoises 5.
Malgré cette concurrence nouvelle, la production de la toile augmente
au cours du XVIIIe siècle. La Flandre produit en 1705 200.000 pièces,
estimées 8 millions e ; Courtrai retrouve sa supériorité dans le blanchiment,
qu'elle avait perdue au XVIe siècle, par l'émigration de ses artisans à
Haarlem. En 1792, la seule circonscription du Vieux-Bourg de Garni
possède 8.868 métiers à tisser la toile, ce qui donne de l'ouvrage à
57.6 i2 personnes, fi Nuises, tisserands, épeuleurs 7. Dans le département
de l'Escaut en 1805, 101.033 individus « d'un âge fait » s'occupent à la
filature du lin, 21.871 au tissage; et il faut y ajouter les enfants pour les
travaux préparatoires ; c'est presque 200.000 |>ersonnes 8. Le département
de la Lys n'en possède pas moins: il a 23.133 tisserands en 1804 s; au
début do 1812, malgré la guerre d'Espagne qui faisait grand tort au
commerce de la toile, les ouvriers des textiles du département étaient
encore 19.650, soit 50.000 personnes ,0.
1 Voir l'étude de Van der Meerseh, Histoire de l'origine, du progrès, de la splendeur
et de la décadence des manufactures de tapisserie de la ville d'Audenarde (la Flandre,
XV, 1884, pp. 5, 77, 180, 300).
ï Ann. Soc. Em. Dr., 2* série, VIII, 18TX), p. 273.
3 Hriavoinne, p. 148.
* Arch. Nat. F" 007.
s Tableau dressé par le préfet, Arch. Nat. F^ ir>02.
« Briavoinne, p. 133.
" Tableau dressé par le bailli du Vieux-Bourg (Berten, Coutumes, Quartier de
(Jand, VII, pp. 117-98).
8 Faipoult, Mémoire, p. 128.
9 De Viry, Mémoire, p. l.V>.
10 Etat dressé par le préfet, Arch. Nat., F11 1585.
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L'INDUSTRIE DE LA TOILE
375
Presque toute cette population ouvrière vivait dans les campagnes.
Meulebeke, en 1811, avait 3.125 fileuses et 985 tisserands; Liclitervelde,
2.200 personnes occupées au lin ; Waereghem, 1.800 *. Tandis que Gand,
en 1795, avait tout juste 976 ouvriers en textiles pour ses 5 1.000 habitants*,
Thourout, en l'an XIII, avait « autant à peu près de fabriques de toiles
qu'il y a de ménages ; et l'agriculture n'y est pas moins florissante, quoique
le sol soit des plus ingrats » 3. En Franco, l'industrie roubaisienne, en
1771, donne du travail à 10.500 personnes, dont 30.000 fileuses répandues
jusqu'en Artois 1 ; et dans la châtellenie de Lille, la dentelle' fait encore
vivre 14.000 femmes, et 2.(XX) apprenties 5. Ainsi l'union de l'agriculture
et de l'industrie produisait les plus heureux effets ; littéralement, elle
faisait vivre la Flandre; elle apparaissait comme l'expression d'un
système qui était proposé en modèle aux autres nations. Appuyées l'une
sur l'autre, l'agriculture et l'industrie prospéraient: « Ce sont, dit
l'intelligent préfet de l'Escaut, les manufactures et l'industrie qui ont créé
dans ce pays le genre d'agriculture qui en fait la gloire et la richesse » 6.
Et tout cela, grâce au lin, une plante, écrit Van Aelbroeek, qu'il faut
mettre au premier rang dans l'agriculture flamande, puisqu'elle procure a
100.000 ouvriers peu aisés un travail continuel, et que sans cela ils seraient
tous réduits à l'aumône En 1810, on peut estimer à 220.000 le nombre
des fileuses dans les deux provinces belges, a 57.000 celui des tisserands,
soit 277.000 individus travaillant le lin, sans compter les enfants qui
vivent du labeur de leurs parents 8. En y ajoutant, pour la partie française,
le chiffre très modéré de 50.000 personnes, on arrive a 330.000 travailleurs.
« Je ne crains rien pour les Flandres, disait Charles-Quint, tant qu'il y
aura des champs pour cultiver le lin, des doigts pour le filer, des bras pour
le tisser; les Flamands seront toujours riches, tant que l'on ne coupera
pas les {Minces à leurs fileuses ». Le moment approchait où cette prospérité
allait brusquement sombrer.
« Arch. Nat. F»* ir»02 (état dressé par le préfet).
5 Variez, Industrie cotonnière, I, pp. 5-10.
3 Annuaire du département do la Lys pour Tan XIII (Bruges, do Busscher, in-8°,
411 p.), p- 220.
» Leuridan (Th.), Histoire communale do Roubaix, V, p. 88.
s Van Hende (E.). Etat de la ville et de la châtellenie de Lille en 178t)(Bull. Comm.
H. N., XIX, pp. 251-300).
8 Faipoult, Mémoire, p. 70.
' Van Aelbroeek, p. 173.
» Ducpétiaux, Paupérisme, pp. 7.V70.
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
La crise de 1846.
La crise de l'industrie linièro à domicile, qui éclata on 1846, avait dos
causes multiples. C'est d'abord l'insuffisance des débouchés, les marchés
français et espagnol formés par des droits sans cesse plus élevés à mesure
que l'industrie s'organisait dans ces pays; c'est la concurrence terrible de
la Grande-Bretagne, qui représente les progrés «le la grande industrie, et
qui inonde de ses produits l'Europe, y compris la Belgique; c'est l'avè-
nement du coton, qui détrône, par son bon marché et les facilités de s;i
mise en œuvre, les beaux et coûteux t issus de lin ; enfin c'est l'apparition
de la filature et du tissage mécaniques. Il y faut joindre l'insuffisance do
l'instruction, de l'éducation morale et professionnelle de l'ouvrier flamand,
due à ses habitudes, à son caractère, à sa langue qui l'isole du reste do
l'Europe «. En quelques années, l'arrêt du travail est presque complet.
En 1816, 200 métiers sur 800 sont en activité à Evergem, 170 sur 1 .250 à
Waerschoot, 12 i sur 500 à Tronchiennes, 80 sur 550 à Cruvshauteni s.
Tout l'édifice de la prospérité flamande était fondé sur cette union île
l'industrie linièro et do l'agriculture 3 ; la chute fut lourde. Dos causes
accidentelles, la maladie dos pommes de terre on 1815, l'insuffisance de
la récolte en 1816, vinrent augmenter le désastre. Le Nord français fut le
moins éprouvé ; pourtant à Hondschoote, les 1.500 ouvriers agricoles que
le travail du lin faisait vivre dans le canton se trouvent dans la misère;
autour d'Hazobrouck, les bureaux do bienfaisance ont grand peine à faire
vivre pendant l'hiver la population ouvrière privée de ses occupations
ordinaires * ; c'est do cette époque que date l'émigration do toute la West-
Flandre voi-s les villes, où prospérait déjà la grande industrie ; et la crise
qui priva do travail, au profit de la mécanique, les 200.000 femmes qui
1 Ducpétiaux, Paupérisme, p. 49.
* Van (1er Mcorsch, Do l'état de la mendicité et do la bienfaisance dans la province
do Flandre Orientale depuis le règne de Marie-Thérèse jusqu'à nos jours (Bull. C.
G. St., V, 1853, pp. 25-288), pp. 232-233.
3 Cette idée est exprimée partout avant 1840. « C'est des travaux productifs que la
manufacture de toiles procure aux cultivateurs, aux femmes et aux enfants de la
campagne que naît le supplément de subsistance que la seule culture de la terre ne
donnerait pas aux familles rurales. Voilà donc ici l'art de la culture et une grande
fabrique associés depuis des siècles, et dont l'existence et la prospérité sont mutuelle-
ment dans une telle dépendance, que le tort fait à l'un est toujours une circonstance
funeste à l'autre » (Dictionnaire de la Flandre Orientale, 1834, p. 193).
* (îossez. Le département du Nord sous la deuxième République (Ijlle, Leleu, 1904.
in-8°, 44K p.), pp. 191-192.
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LA CRISK DE 1846
377
filaient le chanvre et le lin sans compter les tisserands el les épeuleurs,
ne fut pas une des moindres causes du succès de la Révolution de 1848. I*»
crise fut bientôt plus grave encore en Belgique. Le nombre des indigents
enfle brusquement : en Flandre Orientale, il passe de 13 °/0 en 1840 à 'J8 °jn
en 1 S 47, soit 2^1 personnes à cette date dans la province, dont 171.000
pour les campagnes; rarrondissement d'Audenarde a .30"/,, d'indigents,
personnes J. L'agriculture et l'induslrie linière étaient si bien
associées dans les habitudes delà population, que l<*s gens du pays d'Alosl
se refusent pendant plusieurs années à accepter le fait accompli, el restent
dans une misère complète. Termonde et Wetteren. en 1840, « fourmillent
de mendiants », qui sont des hommes et des femmes adultes: c'est « la
grande misère » ». Kn Flandre Occidentale, le pays liniei- de (lourlrai-
Roulersest particulièrement éprouvé; la province compte 37% d'indigents,
-iti.OOO personnes ; il y en a :îD"/n dans l'arrondissement de Courtr.ii, i'*H
i3°/„ dans ceux de Thielt et Roulers ; au 1er mai ISÎ7, celui-ci a 1 indigent
sur v?,.'i7 habitants. La famine règne; les vieillards d'aujourd'hui se rap-
pellent ce temps où on se jetait sur lesaliments, même avariés, où on ne
parlait plus que de nourriture, et où les gens mouraient comme des
mouches. I>e pays se dépeuple : de 132.101 habitants au I" janvier 18 îv?, les
deux arrondissements de Roulers et Thielt tombent à 1 17.772 au I" janvier
18 iO, soit 14.332 de moins, en 7 ans. L-s naissances diminuent: en Flandre
Occidentale, elles étaient 22.185 en 1811): elles ne sont plus que ID.070en
moyenne entre I8il et 1850. Les décès augmentent: pour 1817, l'arron-
dissement de Roulers a 1.350 naissances, 3.000 décès; celui de Thielt,
1.101 naissances et 3.218 décès; la proportion est de 1 à 3. De f.if)7 en
18 ÎO, les mariages même descendent à 4.025 entre 18 il et [HT*). La
criminalité augmente brusquement : de 8.7(K) individus arrêtés en 1810,
on passe à 25.584 en I H 47 dans les deux Flandres; sur les 21.001 détenus
écroués à Bruxelles en 1840-48, 10. 15(3 étaient de Flandre. Ostende est
envahi de nuées de jeunes vagabonds venus a pied de Meulebeke,
Wynghene, Thielt, Thourout l. (l'est alors que de tous les points de la
Flandre des bandes émigrèrent vers le Nord de la France, et firent enfler
brusquement les chiffres de population de Lille, Roubaix-Tourcoing,
* Blanqui, Des classes ouvrières en Franco pondant l'année 18i8 (I vol. in-12", 1K4D),
p. 96.
* Ducpétiaux, Paupérisme, pp. 19-22.
3 Réponse de la Chambre de Commone <ie Termonde à l'Knqnète sur la condition
des classes ouvrières, II, pp. 08-70.
* Ducpétiaux, Paupérisme, pp. 23-ifi.
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378
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
Armentières. D'autres, n'ayant plus pendant l'hiver le travail du lin qui les
occupait *t les faisait vivre, gagnèrent Bruxelles, Anvers, et les mines du
pays wallon. Ce fut une des plus rudes crises que la Flandre ait connues.
II.
PERSISTANCE D'ANCIENNES FORMES: INDUSTRIE A DOMICILE.
Tissage a domicile.
La persistance de l'industrie textile à domicile après un pareil désastre
montre bien à quel point cette combinaison d'activités industrielles et
agricoles était nécessaire à la Flandre. I^e paysan flamand se cramponne
à ce genre de travail, parce qu'il sent que l'agriculture no lui suffit pas,
et que lorsqu'il aura cessé de lancer la navette, il lui faudra aller travail-
ler dans une usine, ou partir louer ses bras en France. Mais la mécanique
fait une rude concurrence, et le travail à la main se trouve peu à peu
resserré soit dans la fabrication des tissus les plus fins, des articlos de
grand luxe, devant lesquels la machine, un peu brutale, hésite encore,
soit dans la production des étoffes les plus grossières. Les produits de
consommation courante sont monopolisés par l'usine ; le tisserand à la
main ne s'y risque plus. Les 57.000 tisserands de lin de 1840 sont réduits
à 10.000, répartis surtout dans les arrondissements de Courtrai (-4.500),
Roulers (2.152) et Thielt (1.861) ; le nombre en est d'ailleurs variable, et
ils sont plus nombreux l'hiver, lorsque chôment les travaux des champs.
Certaines communes ont énorgiquement maintenu leurs positions : Meu-
lebeke, qui avait 985 tisserands en 18 11, en garde 683 ; Lendelede, de2G(),
ne descend qu'à 233, et a en plus 39 tisserands de jute : il existe encore,
dans cette commune, un atelier d'apprentissage pour le tissage à la main.
On trouve même encore ça et là, à Wynghene, à Gaprycke, à Knesselaere,
à Nevele, à Beveren-Roulers, même en France à Bollezeele, quelques
demi-douzaines de vieilles fileuses, qui luttent avec leur antique rouet
contre la victorieuse filature mécanique. I^jute, la laine, le coton, la soie,
sont également tissés, ça et là, par des travailleurs isolés. Il existe encore
1.100 tisserands de laine (article tapis et moquettes) dans le Sud de
l'arrondissement de Courtrai, à proximité de Roubaix ; plus de 800 à St-
Nicolas et Lokeren, 220 à Eecloo, et 2.600 dans l'arrondissement d'Aude-
narde, groupés autour de Renaix qui, à lui seul, en a 1.175. Le coton
donne du travail à 700 tisserands de la région de Courtrai, et à 2.230 en
Flandre Orientale, pour le compte de fabricants de Renaix, Gand et
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i« Ni'volc, à lSoviT"u lo'ul'T.-. nii'mi* en F^Tm'q à liniloxi jt.. I-, -
' 'lui-dou/aines (in viis.îfs llii*UM%. qui lutliuil av«*c l«*nr aa'iuuc •
• ')ir<- la vi -tonruM* fi' i'ur.' m .-. ^in jU". [^ j»ik\ la laino. lci'ut^i», V
• ai ''^mIi 131- .ut li.s.srs. (jk M là. par <J<\> Irava'Ucurs iswlfc. Il r\.>!.- ■*■
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. s .> «-I Lokc.-uiJ. 'i'H* à fr'elw, el L'.ti'H» flans ram-n«ii>>.'i!i. ; t »\\\ «
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I
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LE TISSAGE A DOMICILE
379
Ix)keren. La soie est mise en œuvre par 200 personnes autour de Deynze
et d'Alost ; le jute même, qui ne connaît guère que la grande usine, est
tissé par une centaine d'ouvriers entre Courtrai et Roulers, et par une
aulre centaine d'ouvrière de Zele, fabriquant des tissus très grossiers qui
servent h l'emballage des machines, à des prix si bas que la mécanique ne
peut pas encore faire mieux En France, on en trouve encore quelques
milliers dans la région qui s'étend de Roubaix a Bailleul, et de 20 à 50
dans les grosses communes de la plaine de la Lys : une cinquantaine à
Vieux-Berquin, au lieu de 500 vers 18(30; uno trentaine à Hazebrouck
contre 300 en 1875 ; une cinquantaine à Steenbecque l'hiver ; 5 à Sercus,
5 pour les deux Richebourg ; quelques vieux çà et là dans les autres
communes.
Mais les jours du tissage à domicile sont comptés. Le machinisme est
en progrès continuel : il s'attaque peu à peu aux spécialités que le travail
à la main avait gardées. D'autre part, le tisserand est un ouvrier trop
irrégulier; il s'évade dès que le travail presse aux champs, et le patron
ne peut pas compter sur la pièce au jour dit. Enfin le salaire est par
trop insuffisanl ; il ne faut pas espérer un gain de plus de 2 fr. pour
un travail de douze heures au moins ; la moyenne ne dépasse guère
1 fr. 50 pour une journée qui commence a 0 heures du matin et se termine
à 8 heures du soir. Écrasé par la grande industrie, le tisserand est si
misérable qu'on en arrive à souhaiter la disparition rapide de cette inté-
ressante forme de travail, si bien adaptée aux nécessités de la vie en
Flandre. Vivant dans une chambre obscure, souvent enfoncée dans le
sol, sans plancher, pour entretenir l'humidité nécessaire aux fils, un vrai
chenil, dit l'Enquête de 1840 1 ; mal nourri de lait battu, de pain et de
légumes, ignorant les nécessités de l'hygiène, prédisposé à la tubercu-
lose, l'ouvrier en textile passe à l'état d'organe atrophié dans l'activité
flamande. Le nombre des vieux ouvriers est considérable3: en 1896 les
*
tisserands à domicile de plus de 55 ans formaient 39,ÎK)% du total dans
l'arrondissement de St-Nicolas, 27,73 n/0dans celui de Gand, 22,20 %dans
• Tous les chiffres sont empruntés au tome 1 du Recensement de 1806. — Remar-
quer que l'introduction de la mécanique a surtout modifié les conditions du filage : la
machine produit 20 fois plus que la fileuse, tandis que le métier mécanique, qui bat
ses 140 coups à la minute, ne dépasse que médiocrement le métier à bras qui parvient
à en battre 80. Aussi le tissage à la main résiste, tandis que les fileuses sont à peu près
complètement disparues.
» Enquête, III, pp. 302-304.
3 Recensement 1800, XVIII, p. 3Î/7.
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
celui de Roulera ; le tissage à la main devient une occupation de
vieillards qui s'obstinent au travail de leur jeunesse '.
Autres industries à domicile : la dentelle.
Cependant l'industrie à domicile répond si bien aux besoins de cette
abondante population en quête de ressources, qu'elle se survit sous
d'autres formes que celle du tissage. Le pays de "Waes est peuplé de
sabotiers, qui utilisent les arbres des haies, canadas, saules ; les produits
sont vendus en Allemagne et en Hollande ; il y a là près de 4.000 travail-
leurs confectionnant les sabots à domicile ou dans de petits ateliers : 373
à Sl-Nicolas, 365 à lieveren, 257 a Tamise. Le teillage du lin est une des
ressources les plus appréciées du paysan flamand pendant l'hiver ; à Ste-
kene, lieveren-Waes, Caprycke, Maldegem, Cruybeke, le lin des polders
/.Mandais, roui dans les criques ou les fossés, est ainsi travaillé l'hiver ;
à Swevezeele, 300 personnes s'y consacraient jadis uniquement; et la
station compte encore chaque semaine un mouvement de deux ou trois
wagons de lin, de 10 tonnes chacun. Il n'est pas rare, même dans la
West-Flandre française, d'entendre sorlir des maisons d'ouvriers agricoles
le sifflement de la roue, et d'apercevoir par la porte ouverte l'ouvrier
faisant tourner son instrument, au milieu d'un nuage de poussière. I,a
commune de Beveren-lès-Roulers conserve cet étrange spectacle d'une
industrie à domicile encore complète, qui ramène à soixante ans en
arrière: le lin du pays, roui A la Lys, et teillé sur place, est encore filé
par des vieilles femmes, puis tissé à la main pour le compte d'un fabricant
qui ne craint pas d'affronter pour ses produits l'épreuve des expositions.
C'est là un curieux exemple de la résistance désespérée que fait l'indus-
trie à domicile, luttant contre des conditions économiques défavorables.
Elle se maintient encore dans la fabrication des cordages, où l'on trouve
en 1890 un millier d'ouvriers à la main, dont 514 à Hamme, les « buiten-
spinners » marchant lentement à reculons surlosbanen (chemins) des cor-
deries, tandis qu'un enfant tourne la roue qui opère la torsion du fil ; elle
domine dans l'industrie neuve des coupeurs de poils pour la chapellerie,
qui utilise les peaux des lapins bleus du pays de Waes dans tous les
villages autour de I/)keren ; elle l'emporte également dans la fabrica-
i Sur cotte disparition du tissage à domicile, voir Beatse, Tissage de coton en
Flandre ; — Dubois. L'Industrie du tissage ; — les Rapports annuels de l'Inspection du
Travail.
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LA DKNTBLLE
381
tion de la chaussure, qui occupe en Flandre Occidentale plus de
2.000 ouvriers à domicile, dont 1.200 dans la seule ville d'Iseghem,
280 à Thielt, 215 à Tliourout, 200 à Poperinghe ».
D'autre part les femmes sont restées plus fidèles encore que les hommes
à l'industrie familiale. Les nécessités économiques qui obligeaient les
paysans flamands à chercher hors de la culture un supplément de
ressources agissaient aussi sur les femmes ; de bonne heure la Flamande
consacra au filage les instants qu'elle pouvait dérober aux soins du
ménage ou au travail des champs. La fabrication de la dentelle apparut
au XV8 siècle; sa présence était toute nalurelle dans un pays qui travail-
lait le lin, et où les femmes avaient l'habitude de manipuler les textiles.
Charles-Quint aidait à l'extension de cette industrie, en faisant enseigner
les meilleurs procédés dans les couvents, et la dentelle prenait au
XVII*' siècle une importance jnstih'ée parl'usage universel qu'en faisait la
mode à l'époque de Louis XIV. L'apogée fut atteinte au XVIIIe siècle;
liruxelles et .Malines occupaient autour d'elles 100.000 femmes à la
confection du point A l'aiguille ; 5.000 personnes dans les seuls bégui-
nages de (iand fabriquaient de la Valeneieunes au fuseau, et le point de
Lille occupait dans la Flandre wallonne 10.000 ouvrières en 1780. L'appa-
rition de la grande industrie menaça un moment de mire partager à la
dentelle le sort de la filature à la main; la concurrence du tulle méca-
nique provoqua vers 18-50 une disparition presque complète de l'industrie
dentellière, disparition qui contribua à rendre plus pénible la crise de
1810.
dépendant l'excès du mal contribua à ressusciter la dentelle. On
cherchait de tous côtés des ressources ; il parut que cette industrie, allégée
de certains frais généraux, pourrait encore fournir uno carrière dans la
lutte contre la mécanique, et être utile à des populations besogneuses. On
abandonna le fil de lin qui atteignait, lorsqu'il réalisait les conditions de
finesse nécessaires, des prix fabuleux : jusqu'à 0.000 francs la livre pour
les meilleures qualités ; à la place on adopta l'économique « fil d'Ecosse»,
c'est-à-dire le colon, qui se trouva à l'usage plus commode ; on fit la part
du feu en abandonnant à la machine la fabrication des bandes de tulle.
Les couvents prirent une part active à la résurrection de l'industrie, en
fondant des écoles où s'instruisent aujourd'hui la plupart des ouvrières.
La dentelle reprit un essor qui lui a permis de garder jusqu'à nos jours
1 Voir Gilles de Félichy (Ch.), L'industrie de la Cordonnerie (Industries h domicile,
II, 1900).
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:«2 FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
un rôle important parmi les industries flamandes1. 45.000 dentellières
environ sont disséminées à travers la Flandre, presque uniquement dans
la partie belge, car la région française ne possède guère qu'une centaine
d'ouvrières dans la ville de Railleul*. Mais l'arrondissement deThielt en
avait en 1896 6.397, soit 18 % de la population féminine ; le Sud de celui
de Dixmude, 3.253, soit 12 °/o; celui de Roulers, 4.122 (8 u/o) ; celui
d'Alost 8.552 (12,9 7„).
Le chiffre élevé du nombre des dentellières indique l'importance
qu'occupe encore celte industrie dans la vie économique de la Flandre.
I^a dentelle remplace véritablement la filature du lin à domicile; elle
permet à la femme des champs de gagner quelque argent lorsque sa
présence n'est pas indispensable aux travaux de la ferme. Dans les villes,
l'ouvrière peut s'occuper dans la grande industrie, dont les salaires sont
plus élevés et qui ne demande pas l'apprentissage ; aussi la dentelle
en est-elle à peu près disparue, sauf de Bruges, qui n'a guère d'industrie,
et où elle est acclimatée depuis longtemps 3. Mais dans les campagnes,
elle constitue une des rares ressources supplémentairesque peuvent se
procurer les femmes. Dans les populeuses communes rurales autour de
Roulers, Thielt, Courtrai, c'est la dentelle qui permet aux paysans de
vivre pendant l'hiver. A Wynghene, où le Recensement de 1896 accuse
1.321 dentellières, le nombre des petites exploitations augmente, grâce
aux ressources fournies par cette industrie, qui permet aux journaliers de
louer des terres à leur tour. A I/)Otenhulle, on constate que la dentelle
n'a jamais tant rapporté qu'aujourd'hui ; c'est elle, et l'émigration sai-
sonnière en France, qui font vivre le pays; elle nourrit le ménage
pendant l'hiver. A Bellem, la broderie qui occupe 200 ouvrières est une
ressource des plus sérieuses. L'été, beaucoup de dentellières sont aux
champs ; c'est en hiver que l'on entend dans chaque maison claquer les
petits fuseaux de bois ; à Moorsleede, le nombre d'ouvrières passe d'une
centaine l'été à 600 l'hiver.
Opendant cette utile industrie est en crise ; elle diminue malgré l'active
campagne menée en sa faveur par le parti conservateur belge, désireux
de retenir la femme chez elle, et de l'empêcher d'aller se perdre dans les
foules des grandes fabriques. I>»s salaires sont trop bas : l'enquête de 1902
en cite de 0 fr. 95 pour 15 heures de travail, à Tamise ; de 0 fr. 52 pour
i Sur la dentelle, voir Industries à domicile, t. IV et V.
* Sur l'industrie dentellière à Bailleul, voir : Cortyl (E.), La dentelle à Railleul
(Bull. Com. fl. Fr., 1!«3, pp. 225-237).
3 En 1800, Bruges avait 3.3S>4 dentellières.
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LA GRANDE INDUSTRIE : CARACTÈRES GÉNÉRAUX 383
14 heures, à Courtrai ; de 0 fr. 40 pour 12 heures, à Beveren-Waes ; de
0 fr. 27 pour 10 heures, à Deynze. Pour dépasser ce gain de famine, la
dentellière veut produire beaucoup, et abandonne les points fins pour la
dentelle commune, appelée ordinairement le torchon ; la réputation de
l'industrie en souffre. La mécanique augmente sans cesse sa concurrence:
le tulle de Calais et de Caudry, perfectionné chaque jour, chasse la
dentelle flamande du marché français. Aussi l'industrie dentellière
manque-t-elle de solidité. Qu'une usine vienne à s'établir à la campagne,
qu'un autre mode de travail à domicile se présente, et la femme aban-
donne le fuseau. La fabrique de brosses établie en 1890 à St-André-lès-
Hrugesa fait tomber dans cette commune de 5.128 habitants le nombre des
dentellières à 55; de même à Lede la fabrique de lingerie. Les industries de
la broderie sur linge à Bellem et Sweveghem ont recruté leur personnel
travaillant à domicile parmi les dentellières ; de môme dans le pays d'Alost
la couture des gants pour les maisons de Bruxelles et pour l'Allemagne,
introduite par hasard en 1850, et qui groupe autour de Ninoveet d'Auden-
hove 3.350 ouvrières à domicile, gagnant au maximum 1 franc à 1 fr. 25
par jour en travaillant do 6 heures du malin à 7 heures du soir
Malgré sa lente décadence, l'industrie à domicile reste un des carac-
tères les plus curieux de l'activité économique en Flandre intérieure. Sans
compter les petits métiers de l'alimentation et du vêtement, qui restent
disséminés en ateliers minuscules, on peut encore évaluer à 80.000, pour
toute la Flandre belge, le nombre des personnes (la plupart à la cam-
pagne), qui travaillent chez elles pour le compte de patrons, dont 45.000
dentellières. (> chiffre élevé montre à quel point cette ancienne forme
d'industrie, appoint du travail agricole, est nécessaire à ce pays. Pourtant
la Flandre n'a pas pu échapper à la transformation qui a créé au XIXe siècle
la grande usine, et qui s'accentue encore, irrésistible. La grande industrie,
qui n'a pas pu tuer brusquement la petite vers 1816, s'est pourtant solide-
ment installée en Flandre, et y fait des progrès lents et sûre.
DL
LA GRANDE INDUSTRIE.
Caractères généraux.
Cependant celte grande industrie tient encore de près au passé. L'utili-
» Cf. Industries à domicile, III, L'Industrie de la ganterie.
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
sation des textiles, qui a fait le renom et la fortune de la Flandre» au
moyen-Age, est toujours l'objet de l'activité de ses ouvriers. Les autres
industries vont relativement peu d'importance. I^a métallurgie s'est à peine
installée sur les frontières : aciéries d'Isbergues, établies au bord de la plaine
de la Lys, à proximité du bassin houiller et de la grande voie d'eau qui le
relie à Dunkerque ; usines de Lille et Fives-Lille, bien placées pour disposer
d'une main-d'œuvre abondante et pour se procurer facilement le combus-
tible ; ce sont plutôt la des dépendances du bassin houiller rapprochées de
la Flandre pour utiliser sa nombreuse population L La fabrication des
briques et des pannes est éparse à travers tout le pays ; elle ne se concentre
un peu que sur le limon de la Basse-Deûle, l'alluvion de l'Escaut moyen
(pour les briques), et sur quelques affleurements d'argile yprésienne (St-
Momelin) ou rupelienne (Steendorp, Stekone), pour les briques, pannes,
tuiles et tuyaux *. Les huileries sont encore nombreuses, souvenir du
temps où l'on récoltait en Flandre le lin et le colza en abondance ; mais
ce ne sont plus guère que de petits établissements, travaillant une saison
par an, sauf autour de Lille, dans les fabriques de Quesnoy-sur-Deûle,
Marcq-en-Barœul, domines, et dans la grande usine de Termonde, qui
reçoit par l'Escaut les graines de Russie et des pays tropicaux, et peut
produire 300 tonnes par semaine. La distillerie est surtout concentrée
autour de Lille. I* bois, travaillé dans les ports du littoral, est également
ouvré à Gand et aux environs, a St-Georges, à Evergem dans une grande
usine occupant 700 ouvriers. Le tabac, les allumettes, occupent quelques
centaines de personnes à Gand, Grammont, St-Nicolas. La meunerie à
Landegem et Deynze, la vannerie à Maldegem, Halluin, Tamise, l'industrie
des coupeurs de poil à I/ikeren, Maldegem, Zele, Nevele, garnissent
quelques usines. Enfin le groupe de Lille possède des fabriques attirées là
• En plus, les ateliers de constructions mécaniques dans les grands centres indus-
triels, Lille. Roubnix, Oand. pour la fabrication ou la réparation des machines de
l'industrie textile.
- Cetie industrie occupe (K)0 ouvriers a Stekene; au XVIe siècle, les gens de Stekene
étaient déjà les « Toghelbackers », les fabricants de tuiles (St-Genois, Surnoms et
Sobriquets donnés aux villes et villages de Flandre ; Mess. Se, Hist., VI, 1838,
pp. 13-24). De même l'argile de Steendorp aurait déjà été exploitée à l'époque romaine
(Van Raemdonek, Le Pays de YVaas préhistorique [St-Nicolas, Edoin, 1878. in-8°, I7i\ p.],
pp. 134- 130). Le village vit complètement de l'exploitation de l'argile: au bord du
fleuve, des pontons de planches couverts de briques ; puis les fours, généralement
couverts d'une toiture ; derrière, les longs hangars de séchago, et enfin la carrière,
avec un escarpement d'une dizaine de mètres. Au fond, les hommes extraient l'argile :
les femmes brouettent vers les bateaux de lourdes charges de briques, ou les trans-
portent aux séchoirs: des vieillards tournent dos ventilateurs pour actionner les fours.
L'animation est intense.
LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX
38T>
par l'abondance et le bon marché do la main-d'œuvre, papeterie de Bous-
becquo ((il H) ouvrioi-s), fabriques de caoutchouc, de produits chimiques, de
ciment, d'appareils électriques, usines de eéruse, qui n'occupent qu'un
nombre restreint do personnes au milieu des gros bataillons do l'industrie
textile. Ainsi cette dernière reste do beaucoup la plus importante. Armen-
tieres, Roubaix, Tourcoing, (Sourirai, Roulers, en vivent. A Gand, sur
42. 100 poi"sonnos occupées à l'industrie en 1896, et parmi lesquelles il faut
compter maçons, couvreurs, tailleurs, modistes, blanchisseurs, boulangers,
on un mot tous les corps de métier, les seuls ouvriers du lin ot du coton
sont au nombre de plus do 20 A H K). Si le travail mécanique y devient de jour
en jour plus important, la Flandre est toujours le pays de la laine et du lin.
Cependant une nouvelle évolution se manifeste. Le lin recule, même
dans cette Flandre qui est son pays d'élection, devant le roi coton. A une
époque où l'on veut surtout du bon marché, la toile de lin est souvent
trop chère ; et elle est trop chère parce que la matière première coûte plus,
et que la transformation industrielle est plus difficile, plus onéreuse que
pour le coton. Tandis que celui-ci est d'un travail aisé, qu'un ouvrier peut
conduire 8 ou 10 cardes, un tileur avec trois aides suffire à un métier renvi-
deur de 2.800 broches, long de 37 mètres, un tisseur commander à la fois
plusieurs métiers, le lin réclame un personnel nombreux, un outillage
compliqué, une manipulation parfois malsaine : au tissage il y a un ouvrier
pir métier ; à la filature, quatre personnes pour 220 broches, et une femme
par carde à étoupes. La différence saute aux yeux entre l'absence presque
complète de personnel dans les grandes salles des filatures de coton, et
l'encombrement d'ouvriers et d'ouvrières qui se pressent au milieu dos
poussières ou des vapeurs dont est saturée l'atmosphère des établissements
liniors. L\s conditions hygiéniques y sont moins favorables: les pous-
sières, la température élevée jointe à un état hygrométrique voisin do la
saturation, peuvent produire chez les fileuses l'anémie, les affections rhuma-
tismales, et « liez les eardeuses la tuberculose 1 ; pourtant les salaires
sont moins considérables que ceux de l'ouvrier du coton. Aussi le person-
nel est-il souvent de qualité inférieure. Malgré tout, la fabrication d'uu
' tissu type revient encore trois fois plus cher pour le lin que pour le coton ;
1 Cf. Dr Glibert, Les filatures de lin : Etude d'hygiène professionnelle. Rapport
d'Enquête (Ministère Industrie et Travail : Bruxelles, Schepens, 1902, in-8°, X ~|~
462 p.). — A Lille, la mortalité des enfants en bas-ftge dont les mères sont ouvrières dans
les filatures de lin est plus considérable que celle des enfants nés d'ouvrières du coton:
il est mort en 1899 42,72 °/0 et en l'.tOO 38,7 % des enfants d'ouvrières en lin, contre
30,03 et 27,15) •/. d'enfants d'ouvrières en coton (D' Oui, La mortalité des enfants du
premier âge à Lille. Causes et remèdes. Lille, Danel, 1901, 48 p. ; cf. pp. 9-11).
Si
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380 FLANDRE INTÉRIEURE: L'INDUSTRIE
d'où la redoutable concurrence eontre laquelle lutte l'industrie linière *.
Ainsi cette vieille fibre, née dans le pays, utilisée par tous ses possesseurs,
Ménapiens ou Francs, passée au premier rang au XVe siècle, devenu»' la
matière d'une grande industrie d'exportation remplaçant tant bien que
mal celle de la laine, s'est vue attaqué»' par un nouveau venu, un exotique,
qui voudrait la reléguer au deuxième rang. Grave transformation, qui enlè-
verait à l'industrie flamande une do ses plus anciennes caractéristiques.
I,a grande industrie d'aujourd'hui se groupe autour de trois centres.
Gand est la capitale d'une région qui englobe les pays de Waes et d'Alost,
poussa jusqu'à Selzaete, Eecloo et Deynze ; c'est l'ancien foyer de l'indus-
trie gantoise telle qu'elle existait au temps d'Artevelde. Au contraire,
Ypres est morte au travail industriel, et l'activité s'est déplacée à l'Est,
vers la région de Courtrai-Roulers, dont dépend Renaix. Enfin le pays de
Lille-Roubaix-ïourcoing-Armentières forme le groupe le plus compact,
celui où la vie industrielle est la plus intense.
Région gantoise.
Garni est à coup sûr la ville de Flandre restée la plus fidèle à l'industrie.
I>e marasme où se débat le pays aux XVIIe et XVIIIe siècles pèse lourdement
sur elle ; cependant elle se débat et s'ingénie. La fabrication des toiles est
devenue à la fin «lu XVIe siècle la principale occupation de ses ouvriers 2 ;
cependant elle conserve obstinément la draperie, essayant en 1631 le
bouracan qui périclite après 1700, la tapisserie qui a le même sort, so
mettant au XVIIIe siècle au bombasin, puis aux ligatures, dont la fabrica-
tion occupe jusqu'à 000 ouvriers, pour finir ensuite misérablement ; en
1789 il n'y avait plus à Gand que 48 tisserands de laine ; le dernier métier
n'a pourtant disparu que vers 1880 3. Heureusement le coton sauva la ville,
et à sa suite le lin retrouva, dans l'application du machinisme, une nou-
velle prospérité.
Aujourd'hui Gand, avec ses 42.400 personnes occupées à l'industrio
(1806), représente la plus forte agglomération industrielle de la Belgique 4 .
« Renseignements empruntés à Aftalion. Décadence de l'industrie linière.
* Guichardin, p. X13.
3 Variez, Industrie cotnnnière, I, pp. 5-10.
* Recensement I80G, t. XVIII, p. 148. Suivent Anvers, avec 40.500, Liège, avec
38,100, Bruxelles, avec 96.000. Rien entendu, dans cette évaluation, les faubourgs do
Bruxelles sont comptés à part.
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LA RÉGION GANTOISE 387
Do vastes usines s'élèvent aux endroits où les bras de la Lys et de l'Escaut
pénètrent en ville. La filature belge du lin, du chanvre et du jute y est en
grande partie concentrée ; sur :J92.000 broches existant en 1898 dans tout
le royaume, Garni en possédait 197.635, n'en laissant que M5.000 en dehors
d'elle. Pour le lin en particulier, sur 13.3GG ouvriers qu'employaient toutes
les filatures belges, Gand en comptait 8.915, dont 6.000 femmes; eny ajou-
tant le chanvre et le jute, on arrive à 10.500 personnes occupées dans les
filatures gantoises en 1900, parmi lesquelles les femmes occupent une place
de plus en plus prépondérante, au point de monopoliser bientôt cette
industrie comme leurs aïeules avaient monopolisé jadis le travail du filage.
D'immenses établissements abritent cette industrie, comme cette usine de
la société « la Lys », véritable ville d'énormes bâtiments aux formes
géométriques, hauts de cinq étages, entourée de deux bras de la rivière,
et contenant 60. Î72 broches ; la Linière Gantoise, qui en actionne 50.000, la
société « la Lieve », 24.1 H H)1. Le tissage de ces textiles y est beaucoup
moins considérable ; en y joignant ses faubourgs de Ledeberg et de
Gentbrugge, Gand n'avait en 189(3 que 6 établissements, occupant
1 . 155 ouvriers, ce qui porte à 1 1 .600 environ le nombre des personnes occu-
pées dans la vieille capitale flamande à la grande industrie du lin. du
chanvre et du jute.
Ije coton a plus d'importance encore, quoique le nombre d'ouvriers
employés à sa préparation soit moins considérable que celui que
nécessite la transformation du lin en filés et en toiles. Cette industrie existait
à Gand au XVIf siècle, mais s'était moins développée qu'à Bruges ou dans
le pays de Waes ; Gand se bornait à la spécialité de la blanchisserie et de
la teinturerie, et oj^rait sur des tissus exportés. Plusieurs tentatives avaient
échoué pour acclimater dans la ville du lin la grande industrie coton-
nière s, et Garni n'avait encore en 1789 que il i ouvrière en coton, lorsque
Liévin Bauwens introduisit en 1801 les machines à filer et à tisser dont il
avait dérobé le secret à l'Angleterre. I/> succès fut énorme: la main-
d'œuvre linière était là, abondante, prête à se ruer dans les filatures et les
tissages; le blocus continental favorisait l'industrie nouvelle ; l'empereur
soutenait Hauwens <l> tout sou pouvoir, le décorait, l 'élevait à la mairie
de Gand. En 1802, on avait 220 ouvriers fileure et quelques tisserands; en
* Dubois, Industrie du tissage, pp. 41-45.
* En 17(X), Jean t'Kint demanda à ouvrir un»' fabrique de colon h Gand, qui doit
employer 470 personnes (de Potier, Potit Gartulaire de Gand, [Gand, teliaert, 1X85,
in -8°, 411 p.j, pp. 372-375). En 1753, permission ;ui sieur Yerhegghen d'établir une
filature de coton à Gand (Ibid. pp. 378-380).
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3HS
FLANDRE INTÉRIEURE: L'INDUSTRIE
1810, Bauwens et ses émules employaient 10.000 ouvriers cotonniers. Ce
fut une révolution dans (iand. Malgré l'abondance de la main-d'œuvre,
malgré des salaires de 7 à S francs par jour aux fileurs, on manquait
encore d'ouvriers, et il fallait monter des succursales à Audenarde, à
Dinant, à Paris, faire tisser à St-Quentin et dans le Nord *. (iand était
devenue la capitale du coton en France.
Cependant, a près ce formidable boom, vinrent les crises. I^a séparation
d'avec la France en 1811, privant l'industrie gantoise de son marché,
faillit la ruiner ; pourtant elle s'adapta aux circonstances et se découvrit
un nouveau champ d'action dans les colonies hollandaises. En ÎS'JO, (iand
avait 67 filatures et 11 fabriques d'indiennes; les premières possédaient
'J07.500 broches et produisaient i. 500.000 kilos de coton filé, donnant au
tissage l.'JOO.OOO pièces, tandis que les secondes fournissaient 300.000
pièces imprimées par an. Une nouvelle transformation politique, celle de
1830, ruina cet édifice. I,e marché de Java se ferma: ce fut la misère;
beaucoup d'ouvriers émigrèrent. Déjà après 181-1 ils avaient appris le
chemin du Nord de la France, où se levait la jeune industrie roubaisienne;
l'exode vers la région de Lille recommença après 1830, il partit en 1831
2.300 Gantois. Aussi (iand demeura-t-elle quelques années Orangiste, et
bouda le nouveau gouvernement. Malgré une reprise en 1839, il n'existait
alors que 217.000 broches dans 53 filatures, et la production d'indiennes
ne s'élevait guère par an qu'à 1 17.000 pièces *. Enfin la crise du coton de
1800, sortie de la guerre de Sécession, amena de nouvelles misères et jeta
de nouveau les ouvriers gantois sur la route de France, à la recherche
d'un travail industriel plus stable et mieux rémunéré.
Malgré les crises, (iand est resté le grand centre pour la filature et le
tissage du coton en Belgique. Débarqué sans transbordement, grâce au
canal de Terneuzen, le coton est travaillé dans 18 établissements, occupant
en 1000 573.000 broches à filer (870.000 en Belgique) et 83.000 à retordre
(161.000); 1.500 ouvriers forment le personnel de ces usines. De plus,
(iand possède environ 7.<NM) métiers à tisser, occupant également
4.500 personnes sur les 7.500 qui s'y consacrent dans la Belgique entière J.
population curieuse, très attachée à sa ville: quatre cinquièmes des
ouvriers cotonniers sont originaires de (iand, et le reste, pour moitié,
d'une commune limitrophe ; les lileurs en particulier sont Gantois dans la
« Variez, Industrie cotonnière, I, pp. 17-sqq.
s Chiffres empruntés à l'Enquête sur lu condition des classes ouvrières, III, p. 312.
3 Stneesters (C), L'essor industriel et commercial du peuplo belge (Bruxelles,
Schepeus, 1902, in-8\ 287 p.), p. 107.
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I,A RÉdION OANTOISK
proportion do 89°/0. Presque tous sont nés de parents oecuj>és dans
l'industrie cotonnière. C'est pour cette branche du travail gantois un
sérieux avantage que ce recrutement opéré dans une population spéciale,
possédant ainsi de véritables aptitudes professionnelles.
(Cependant malgré cet avantage, les chefs de l'industrie gantoise, pour
se dérober aux revendications dont se font l'organe les syndicats ouvriers,
groupés dans les puissantes associations du « Vooruit » préfèrent
employer, hors de (iand, des ouvriers moins entraînés, mais plus
maniables. L'industrie gantoise a essaimé hors de la grande cité; toutes
les petites villes de la Flandre Orientale se sont peuplées de manufactures,
qui ont fait augmenter rapidement leur population. Alost est un petit
(iand, avec «les produits plus variés peut-être que ceux de la capitale:
filature et tissages de jute, filatures, tissages et retorderie de coton, filature,
fillerie et tissages de lin, tissages de laine et de soie, corderies, bonneteries,
fabriques de rubans et tresses, ateliers d'apprêt, teintureries, blanchisseries
qui étalent sur la Dondre de longues traînées éclatantes, y occupent
i..-)0() ouvriers, sur les 7.501) personnes qui se consacrent dans la ville au
travail industriel. En comptant les ouvriers à domicile, St-Nicolas contient
8.000 individus occupés à l'industrie, dans les filatures de laine, dans la
fabrication de la bonneterie, des tapis, des tissus d'ameublement, dans la
teinturerie, sans compter les scieries et les fabriques de sabots. A
Lokeren, les filatures et tissages de chanvre, de jute, de lin; à Hamme,
les corderies mécaniques, la fabrication des nattes, des rubans, des lapis
et carpettes, occupent 3.801) et il^O!) personnes. Termonde, bien desservie
par l'Escaut et la Dendre, a ajouté à son rôle de forteresse celui de ville
industrielle ; elle a la spécialité de la couverture de coton, qu'un millier
d'ouvriers y fabriquent ; et son usine de câbles occupe plus de
.'Î00 personnes. Enfin les petites villes de la Dendre moyenne, Ninove et
(Vrammont, possèdent des fabriques importantes de fil à coudre et
d'espadrilles, des tissages de laine.
Mais c'est surtout à la campagne, dans les grosses communes à moitié
rurales, |>eupléos de 5 à lô.OOO habitants, que l'industrie gantoise est venue
s'établir depuis JO ans. Elle trouve là une main-d'œuvre abondante, plus
souple, plus maniable; la naissance d'une usine dans cette, région
surpeuplée est un bienfait pour tous ces petits paysans que l'agriculture ne
suffit pas à nourrir, et qui trouvent là le supplément de ressources que ne
fournil plus l'industrie à domicile; les salaires d'un tiers inoins élevés
que ceux dont se contente à peine l'ouvrier gantois font le bonheur de ces
1 Sur le Vooruit, voir Lauzel, 1a' Vooruit «le (iand (Revue de Paris, 1<KX», pp. (538-(i(i8).
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3510 FLANDRE INTÉRIEURE: L'INDUSTRIE
nouveaux venus à l'industrie. Pour le coton en particulier, le déplacement
est sensible; en HMH) on comptait déjà que 5.000 métiers à tisser battaient
dans les campagnes, contre 6 à 7.000 à Gand, et de nouvelles usines se
sont créées depuis. Eecloo possède des tissages de laine, coton, lin et juin,
des leillages mécaniques de lin, ce qui avec l'industrie chapelière constitue
une agglomération ouvrière d'environ 1.61)0 personnes, sans compter les
individus qui travaillent à domicile. Wetteren occupe près de -J.O0O per-
sonnes dans deux immenses tissages de coton et lin. Zele tisse le coton, le
chanvre et le jute ; Deynze a la spécialité de la soie ; Tamise travaille jute,
coton et lin; Stekene vient d'ouvrir une fabrique de draps; Moerbeke
possède un lissage de toiles. Le mouvement s'accuse surtout vers le Nord-
Ouest. Waerselioot, Evergeni, Slevdinge, Somergem ont des tissages de
coton, occupant près de 2.000 personnes, dont le salaire moyen ne dépasse
pas deux francs par jour; Thiell tisse le lin et le coton mélangés, et
l'industrie gantoise pousse ses dernières conquêtes jusqu'à Ardoye, à une
lieue de Roulers, où elle a fondé successivement deux tissages de coton
et lin, l'un de iO, l'autre de 500 métiers, qui groupent sous la direction de
contremaîtres gantois {00 jeunes paysans d'Ardoye et des villages voisins,
Liehtervelde, Meulebeke, Denterghem, Ingelmunsler, Cachtem, Emel-
ghem, (îoolscamp, Eeghem, même Thourout, qui s'empressent chaque
jour à pied ou en chemin de fer vers l'usine nouvelle. Ainsi la Flandre
Orientale redevient peu à peu ce qu'elle a toujours été avant 1840, un pays
où se combinent l'industrie et l'agriculture, et où celte combinaison seule
empêche une partie des habitants de mourir de faim. C'est en effet dans les
villages qui contenaient jadis les nombres les [dus élevés de tisserands à
domicile que se sont établies les usines : à Waerselioot où l'on comptait en
1 7î ):i S21 métiers, et 1 .250 en 1S46 ; à Evergem, qui en possédait aux mêmes
dates (551 et 800 ; à Slevdinge qui en avait 72 i et 075 ; à Somergem où l'on
en trouvait i00 et 700 Ainsi sous l'empire des mêmes conditions écono-
miques, c'est à la même place qu'autrefois qu'est revenue se fixer
l'industrie, sans laquelle ce pays agricole ne peut vivre.
Groupe de Oourtrai-Renaix-Roulers.
La région industrielle dont Courtrai est le centre voit se produire les
mêmes phénomènes économiques que celle de Gand. La aussi, le lin fut
1 Chiffres empruntés aux tableaux dressés eu 17ï»2 par lo bailli du Yieux-Hourg (cf.
p. -i71, nom 7) et pour 1846 par Van <ler Meersch (cf. p. 376, note 2).
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LE GROUPE DE COURTRAI-RKNA1X-ROU1.ERS
tout jadis; c'était le roi du pays; dans tout le département do la Lys, on
181 1, il y avait juste 473 ouvriers occupés à filer la laine, et 101 à la tisser:
à peine une vague dans la marée linière qui montait sans cesse; quant au
coton, il occupait en tout 2.500 personnes l. Le premier, Renaix, après
1850, suivit l'exemple donné par (îand, et remplaça le lin par le colon,
mélangea plus tard coton et laine, et attaque aujourd'hui l'article laine
pure: deux filatures de coton, une vingtaino de tissages de coton et de
laine, 19 teintureries, 5 ateliers d'apprè.ts, y constituent un groupe
important, qui rassemble au moins 3.000 ouvriers dans les usines, sans
compter les 2.500 à 3.000 travailleurs à domicile qui dépendent de cette
industrie. Cette fabrication des tartans, des coutils, cotonnottes, molletons,
draps pour dames, qui alimente le marché belge et depuis trois ou quatre
ans s'essaie avec succès à l'exportation (Congo), est malheureusement
entravée dans son essor par la situation de la ville; isolée derrière sa
colline, au fond d'une vallée pittoresque qu'elle enfume, Renaix réclame
un canal, des voies ferrées mieux desservies; son mouvement d'affaires,
qui monte à 20 millions environ par an, légitime ces doléances. Ce qui
manque surtout, c'est l'eau nécessaire à l'industrie, que des forages
nombreux n'ont pas encore trouvée en quantité suffisante dans la craie ni
dans les roches primaires.
C'est surtout à Renaix que le colon a réussi à détrôner le lin. Ailleurs,
la fibre flamande a gardé l'avantage. Sauf une retorderie à Courtrai, et un
tissage mécanique à Moen pour le coton, des petits tissages de laine à
Courtrai et Mouscron, le lin règne en maître ; il caractérise l'industrie du
pays, comme il en fait de l'agriculture. On s'occupe d'abord du rouissage,
pour lequel les eaux de la Lys sont particulièrement favorables. Une fois
arraché et séché, le lin doit rester plongé longtemps dans l'eau, qui est
chargée de dissocier de la fibre une sorte de petite éeoree appelée la
chénevotte: c'est le rouissage. Cette opération jmmiI se faire en étendant
simplement le lin sur un pré, où il est soumis à l'action de la pluie et de la
rosée (rorage) ; ou en le plongeant dans l'eau stagnante, comme on fait dans
les routoirs du pays de Waes; mais le rouissage à l'eau courante dans la
Lys, par les qualités qu'il donne à la fibre, est universellement préféré : des
lins provenant de toute la Flandre, française, belge et hollandaise, même de
Normandie, de Bretagne, des provinces de Zélande et de Croningue, sont
apportés à la Lys pour acquérir dans les eaux de la « Rivière d'or » le
brillant, la souplesse qui en font des matériaux de première qualité. Aussi,
en dépit des innombrables ordonnances qui ont proscrit, comme insalubre,
» Arch. Nat. F" 1502.
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
le rouissage en rivière \ cette opération constitue une industrie dos plus
prospères. Jadis établie sur la Deùle et la Lys moyenne, à Warnelon,
Cominos et Wambreehies, elle s'est déplacée au XIXe siècle et se déplace
encore vers lavai, abandonnant Warnelon, gagnant Vive-St-Kloi, Deynze,
concentrée surtout entre Bousbocque et Courtrai, peut-être j»our éviter le
contact direct des eaux impures de la Deùle. Le long des 75 kilomètres de
rivière s'agitent dans la belle saison (avril-octobre) 12.000 ouvriers
environ, manipulant 110 millions de kilos de lin, et gagnant 9 à 10 mil-
lions de francs. I,es rives sont couvertes de bottes jaunes, de rneulas, de files
de javelles, au point que la teinte verte des prés disparaît sous l'uniforme
couleur jaune-gris du lin séebé ; des hommes s'empressent dans ce
dédale, chargeant et déchargeant les lourdes caisses de bois (ballons) qui
contiennent le lin et qu'on enfonce dans la rivière) en les alourdissant de
grosses pierres. L'automne venu, on sèche et on engrange le lin; on
procède alors au teillage, qui sépare la libre de la chènevolte. L'ouvrier
de la Lys se transforme alors en teilleur, et va travailler dans les teillages
mécaniques de Wevelghem, de (lullegheni, do Courtrai : industrie souvent
insalubre à cause des poussières, qui occasionnent fréquemment chez les
teilleurs des affections de poitrine ; elle augmente cependant, et est passée
de 1896 à 1901, dans le district de Courtrai, de 98 teillages mécaniques
occupant 2.610 moulins à 121 établissements et 3.-119 moulins s.
Une fois teillé, le lin est mis en œuvre par les filatures et les lissages.
Courtrai jouit, dans la fabrication des toiles, d'une vieille renommée
justifiée encore par l'existence d'une dizaine d'usines. Roulers se déve-
loppe avec rapidité : le coton a été récemment entrepris, s'ajoutant aux
teintureries, blanchisseries, filatures de lin, et surtout aux tissages qui
produisent la spécialité de la ville, les toiles d'emballage en lin et jute.
Tout autour de ces deux agglomérations, les tisserands à domicile sont
restés nombreux, qui travaillent pour les fabricants de Courtrai et do
Roulers. Cependant ici comme à Gand on voit l'industrie s'établir à la
campagne. Autour de Roulers, des tissages de lin et de jute sont venus
s'installer à Emelghem, Isoghem, Meulebeko, Ingolmunstor, faisant de
cette partie de la vallée de la Mandel un pays complètement industriel
1 Ordonnances de I5i2 (Wolters, Recueil de lois, I. p. 82) ; de 1627. 1702, 1713,
1725, 1732. 175(5, 1815, 1825, etc. (Delesalle, L'Industrie linièro, M»;m. Soc. Dunk., XL
pp. 97-144).
* Office du Travail de Relique; Rapport annuel de l'Inspection du Travail (1901),
p. 159. — Sur l'insalubrité des travaux du lin, voir Enquête Condit. classes ouvrières,
111, p. m
LE GROUPE DE COURTRAl-REXAIX-ROULERS
joignant à la fabrication des brosses et de la chaussure celle des toiles, îles
lapis, des tissus (l'ameublement; c'est là que l'on trouve, pendant les
heures d'usine, des villages de briques complètement silencieux, — hommes
et femmes étant partis pour la fabrique —, qui s'animent matin et soir au
passage «les ouvriers pâles et maigres, pieds nus ou en sabots, qui portent
chacun quelque boisson dans un petit bidon peint en bleu. Au Sud de
Houlers, un tissage de sacs d'emballage s'est établi à bmdelede, un autre
à Rolleghem-Cappelle. Enfin à l'Est de Courtrai, les tisserands h la main
viennent peupler les nouvelles fabriques, le tissage de coton de Moen, les
tissages de lin et élastiques de Sweveghem, qui occupent bien un millier de
personnes, les petits tissages de Waeregh 'in. Ainsi l'extension de l'indus-
trie A la campagne, où elle trouve l'abondant" main-d'œuvre des tisse-
rands à domicile, n'est pas moins accusée qu'à Garni ; ell» serait plus forte
encore, à Garni comme a Gourtrai, sans la crise qu'a amenée de 1901 à MK)Ô
la surproduction générale, qui a fait passer de 1890 à 19H2 dans le district
industriel «le Gourtrai le nombre d<«s broches pour lin et jute de ^i.liOO à
29.790, et celui des métiers à tisser de 3.1>i)5 a 5.890.
LE GROUPE HE LILLE.
Le groupe de Gourtrai est limitrophe au Sud-Ouest d«* celui de Lille, le
plus grand do tous, un des plus importants foyers industriels du monde.
Des hauteurs qui entourent Y près au Sud, et qui portent les villages de
Zandvoorde et de Gheluvclt, on voit les files de maisons couronner les
buttes du Ferrain, les clochers, les cheminées d'usin» sortir des arbres, et
les fumées industrielles épaissir la brume bleuâtre. D'Halluin à Lille par
Boneq, Linselles, Marcq, d'Armentièrcs à Roubaix par l'érenchies et
Groix, l'industrie est partout; et ce groupe compact pousse encore des
prolongements vers Seclin au Sud, à l'Ouest vers Kslairesel Merville, vers
Hailleul et Hazebrouck.
G'tle industrie lilloise, dont le développement date surtout du
XIX' siècle, est cependant beaucoup plus ancienne. Au début du
XIII' siècle, Lille est célèbre A l'étranger « parles draps qu'elle a teints 1 »;
et le travail «le la laine reste jusqu'à la Révolution une des principales
formes de son activité. De bonne heure les villages qui l'entourent, surtout
l Giiill.mmc le Breton, M. G. SS, XXVI, \>. IV». v. 112.
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
les gros bourgs dos campagnes du Nord, se mettent à lui faire une concur-
rence redoutable, attestée dès 15.34 par l'acte do Charles-Quint défendant la
fabrication des snyettes dans la chàtellenie, hors do la ville de Lille, où
celle industrie occupait la plus grande partie de la population*, la dra-
porio existait avant 135*4 a Housbecque *, avant 1363 à Linselles 3 ; l'octroi
de ('ha ries le Téméraire aux Roubaisiens, leur permettant de draper, est
de 1109 *. Kn 160D, la fabrication des bourrais, futaines et tripes se f;iit
dans toutes les paroisses entre Lille, Menin et L innoy 5 ; Tourcoing a reçu
a son tour l'autorisation de faire battre 45, puis 50 métiers. Les guerres des
XYP et XVIIe siècles ralentissent celte activité industrielle, mais no la
font pas disparaître.
L'annexion du pays à la France après la paix d'Aix-la-Chapelle (1608)
fut un bienfait pour le pays de Lille, et surtout pour son industrie. Détaché
do la Flandre qui languissait depuis que les Hollandais l'avaient isolée de
la mer, incorporé a un grand pays où ses produits allaient trouver un
marché illimité, le groupe lillois se remit au travail avec ardeur. La con-
currence devint plus forte que jamais entre Lille et les villages de la chà-
tellenie, dont quelques-uns s'enflaient jusqu'à devenir des villes. En 1683,
l'intendant atteste que « l'industrie du plat pays a prévalu sur celle des
ouvriers do la ville et que Roubaix, Tourcoing, Wattrelos font dos étoffes
plus fines et plus belles quo Lille fi » ; Roubaix a 500 métiers en 1693 ; et
l'autorisation définitive de travailler toute matière industrielle, accordée
on 1702 aux paroisses, no fait que consacrer une situation do fait ; en 1771,
le groupe do Roubaix occupe ou fait vivre 8.400 personnes, sans compter
les fileuses dispersées en Artois I/> groupe d'Armentièros, abandonnant
la laine, s'est spécialisé au XVIIP siècle dans le travail des toiles fines ;
on IO0S, on constate que la draperie est fort diminuée dans la ville8 ; de
mémo à Houplines où le lin et le coton prennent définitivement l'avantage
après 1715 s. Kstaires, I*i (lorgne, Merville, suivent le mouvement, et les
« Diegerick, Archives d'Ypres, V, pp. 21U-217.
î Dalle. Bousbocque. p. 1.77.
:| Inventaire «le.- archives île Linselle-, p. I (série AA.).
i Leuridan, Roubaix. Y. pp. iiî-17.
s [bld. V, p. 51.
fi Instructions île Le l'elelicr île Souzy (Mull. Comm. H. N., X, p. IM>).
" Leuridan, Roubaix, V, p. 88. — Sur la lutte de Lillo et dos campagnes, voir Flani-
mermont, Histoire de l'industrie à Lille (Lille, IXU1).
8 Mémoire de Dugué de Hagnols (Hull. Comra. H. NM X, p. i78).
» Inventaire Arch. Houpliues, p. XXXVIII.
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I.A MAIN-D'ŒI'VRK KTRANGKRK :«f»
gens du pays de l'Alleu offrent à St-Simon, qui les a défendus au conseil
en 1717, « deux mannes prodigieuses du plus beau linge de table que j'aie
jamais vu *>. En 1789, malgré les effets désastreux du traité de com-
merce de 178(3, la région lilloise était déjà un des principaux centres
industriels de France : Armentières avec ses toiles fines, Halluin aver ses
toiles grossières, Roubaix et Tourcoing avec leurs draps, (domines avec
ses fils, Lille avec toutes ces productions réunies, auxquelles s'ajoutaient
encore le travail du coton et du tabac, la production de l'huile, de la
poterie, de la porcelaine, du sel raffiné '. \a\ machine trouve là, au début
du XIXe siècle, une main-d'œuvre abondante et exercée, qui forme
d'abord le gros, puis les cadres de l'armée industrielle démesurément
accrue depuis cent ans autour de Lille.
Cette rapide histoire de l'industrie lilloise permet de retrouver les causes
de la for mation de ce grand centre. La première, attestée par l'ancienneté
de cette industrie, est évidemment comme dans tout le reste de la Flandre
la présence d'une population très nombreuse, à laquelle l'agriculture ne
pouvait suffire et qui s'est mise de bonne heure à travailler les textiles
qu'elle avait sous la main, laine et lin. De là une vieille tradition indus-
trielle, qui a permis le vaste développement du XIXe siècle. La proximité
d'un grand bassin houiller estvenueaider le mouvement : de la banlieue Sud
de Lille, on aperçoit les fumées des fosses ; eu quelques heures les trains
de charbon arrivent de Lens ou d'Anzin à Roubaix, amenant le combus-
tible à des prix modiques, grâce à la concurrence des canaux. I.a mer non
plus n'est pas loin, et les balles de laine et de coton, les lins russes, lejule,
la ramie débarqués dans les darses de Dunkerque peuvent être rapidement
amenés à pied dVeuvre. Mais la vraie cause de la prospérité de l'industrie
lilloise, celle qui l'a fait s'élever au-dessus de (land et de Courlrai, c'est la
proximité de la frontière.
La main-d'œuvre étrangère.
De Railleul à Baisieux, la limite de la France et de la Belgique s'étend,
sinueuse, sur 70 kilomètres, formant un angle dont le sommet est à
Halluin. Rien de plus artificiel que cette ligne; la Lys, qui sert de limite
entre Armentièr es et Bousbecqne, est d'une largeur insignifiante ; ailleurs,
le tracé empr unte un fossé, un chemin, court à travers champs. Des rues
sont belges d'un côté, françaises de l'autre; des maisons ont une porte en
• Van Hernie, État de Lille et de. lu châlelleiiie en 1781*.
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FLAN DR K 1NTKRIKURK: L'INDUSTRIK
France, une autre en Belgique, ('/est pourtant cette ligne conventionnelle,
gardée par une année de douaniers, qui constitue le puissant, rempart
derrière lequel s'est élevé l'édifiée do l'industrie lilloise. D'une part, eu effet,
à l'abri des tarifs protecteurs qui empêchent les produits étrangers, malgré
leur prix peu élevé, d'entrer en France, la région de Lille peut garder le
marché français, et même exporter lorsque les cours de l'étranger sont
plus élevés que les siens. Mais d'autre part celle muraille de Chine, qui
arrête l'invasion des produits manufacturés du dehors, ouvre ses portas
toutes grandes pour laisser passer le flot d'ouvriers belges qui viennent
travailler à bon compte dans les usines du pays. Les conditions générales
de la vie économique en France sont telles que les bas salaires eux-mêmes
sont encore supérieurs au gain des ouvriers belges. Dans l'industrie eoton-
nicre, les hommes qui gagnent à Gand ^fr. 58 en moyenne par jour, les
femmes 1 fr. 91, peuvent trouver en France pour un travail équivalent des
gains de :î fr. Ml) et 2 fr. 40. Une pareille différence peut déjà donner à
réfléchir; cependant les salaires de Gand sont encore parmi les plus élevés.
Kn considérant l'ensemble des salaires dans l'industrie textile de Belgique,
on voit (pie 77 °/„ des fileurs, et 70 % «les tisseurs de jute, 51 °/0 des fileurs,
et 50 % oVs tisseurs de lin, gagnent moins de 2 fr. 50 par jour 1 ; parmi eux,
gagnent moins de 1 fr. 75 dans le travail du jute, et moins de 2 fr. dans
le travail du lin. Dans les bourgs industriels de l'arrondissement de
Roulers, 05 °/0 des tisseurs de lin, dans les entreprises de plus de 1 1 M »
ouvriers, 90 % dans les entreprises occupant moins de 100 personnes,
gagnent un salaire inférieur à 2 fr. 59 ; 75 "/„ des tisseurs de coton, dans
les grandes usines rurales de l'arrondissement de Gand, ne dépassent pas
ce chiffre ; 1 »/„ atteint 3 fr. 50. Il y a à Ninove des friteries où le salaire
moyen ne dépasse pas 2 francs par jour pour 11 heures de travail, et l'on
trouve des conditions analogues à Zele, Lokeren, St-Nicolas, Ilamme.
Pour les femmes, on estime à i i */„ le nombre de celles qui n'atteignent pas
un salaire de 1 fr. 75 dans l'ensemble des industries textiles de Belgique. Au
contraire en France le tisseur de coton se fait 3 fr. 30 à Roubaix, 3 fr. 5l)â
Lille; le fileur atteint en moyenne 3 fr. 90; le tisseur de lin lui-même, le
moins payé de tous, gagne de 3 à 5 francs à Armenlières, de iî fr. 50 à
5 francs à Lille. Dans la laine, cette aristocratie des textiles, les salaires
moyens de Roiibaix-Tourcoing s'élèvent : dans le peignage, à i fr. 50 pour
les ouvriers de la partie industrielle, à 0 fr. pour les trieurs ; dans la fila-
ture, à 0 fr. et (i fr. ','5 pour les fileurs, 3 fr. 50 pour les rattacheurs. 3 fr.
pour les femmes ; dans le tissage, les ouvriers conduisant un métier
i II s agii là uniquement .les ouvriers mâles delà fabrication âgés «le plus de 10 ans.
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LA M AIN-D'ŒI'VRF. KTRANGKRE
397
gagnent 4 fr. 50 y 5 fr. ; ceux qui en conduisent deux, de travail plus
facile, se tiennent à 4 fr. et 4 fr. 25 ; les femmes a 3 fr. Ainsi les femmes
de Houbaix gagnent plus que les ouvriers les mieux payés de l'industrie
du jute en Belgique. l)e l'autre côté de la frontière, on ne trouve plus que
12% à Renaix parmi les tisserands de laine et 7 °/0 à St-Nicolas, qui
gagnent 3 fr. 50; le plus grand nombre (67 °/0 à St-Nicolas) reste à moins
•le 2 fr. 50. La tentation est grande pour l'ouvrier belge de franchir la
frontière, et d'aller gagner en France des salaires que le Français
estime trop faibles, mais qui lui paraissent, à lui Belge, largement rému-
nérateurs; et cela d'autant que la journée de travail est moins longue
d'1/6 environ en France qu'en Belgique. Tandis qu'en France tous les
ateliers mixtes (c'est-à-dire presque tous les services de l'industrie textile)
ont la journée de 10 heures, celle de 1 1 h. 1/2 est la règle dans la plupart
des filatures, et dans le plus grand nombre des tissages de Belgique ; on
voit même dans l'industrie des corderies à la main (57 °/0 des ouvrière
travailler 12 heures et plus, 55 °/0 dans les blanchisseries, 42 °/0 dans les
filteries, il w/0 dans les filatures de chanvre, 36 % dans les fabriques de
couvertures de coton. A tous ces hommes la région lilloise apparaît comme
le pays béni, celui où l'on travaille moins, et où l'on gagne gros l.
Aussi est-ce la main-d'œuvre belge qui depuis l'essor de la grande indus-
trie a alimenté les usines d'Armentières, de Roubaix, de Tourcoing, môme
de Lille. Le flot des ouvriers flamands s'est précipité après la débâcle de
1840; mais il avait déjà coulé avant, en 1831 ; il n'a pas tari depuis. Une
bonne partie de la population, dans la région lilloise, est d'origine belge:
dans la commune de Lille, on évaluait au cours du lw semestre de 1904 à
40.827 le nombre des Belges, la plupart ouvriers d'usine, habitant dans le
quartier de Wazemmes quelques rues et ruelles que les Français appellent
« la Petite Belgique », et où l'on entend couramment parler flamand *-.
Dans l'arrondissement, on estimait en 1901 à 162.723 le nombre des étran-
gers, contre 648.9% Français ; c'est exactement le quart de la population
française. Roubaix a 35.577 Belges contre 88.788 Français ; Tourcoing,
17.773 contre 61.470. Hors des grandes villes, la proportion est plus forte
encore : Lys-lcz-Lannoy a 2.027 Belges, 4.198 Français; Croix, 5.451 contre
10.542; La Madeleine, 3.008 contre 9.351 ; Roncq, 2.625 contre 4.053;
' Pour les salaires, voir: Variez, Industrie cotonnière, I, pp. 144-145; — Salaires et
durée «lu travail en France, IV, pp. 308-314 et pp. 352-300; — De Winne (A.), A travers
les Flandres (Gand, Volksdrukkerij, 1W2, in-8», VIII + 130 p.) ; — Merchior, Mono-
graphie, pp. 257-25U ; — Houdoy, Filature, pp. 357-301 ; — Salaires et durée du travail
dans les industries textiles, etc.
* Renseignements du Commissariat central de police «le Lille.
KLANURK INTERIEURE : I/INIHSTRIE
Watt reins, 10. 482 contre 15.402. Enfin doux communes ont plus d'étran-
gers que do nationaux: Nouville-en-Ferrain, a ver 2.147 Rolges et
2.127 Français, Halluin où 1rs Belges sont 9.058, 1rs Français 7.541
Or n'est pas tout: rar si beaucoup de Belges sont venus en Franco
rherrher des salaires plus élevés que rrux dr leur pays, et grâce à leur
« 'sprit d'économie réussissent à vivre en France avec leur famille, d'autres
se sont avisés que le mieux serait d'habiter en Belgique, où la vie est a bon
marché, tout en allant gagner gros en France. Aussi un grand nombre
sont-ils venus habitera proximité de la frontière, et partent tous les matins
pour l'usine située en territoire étranger. Ploegsleert déverse ses habitants
sur Annentières et Houplines, Gnnines-Belgique sur (lomines-France,
Worvieq sur Worvieq - Sud, Menin sur Halluin, Heckem, Mouscron,
Luingne, Horseailx sur le groupe de Roubaix-Tourcoing. De grosses agglo-
mérations si> sont ainsi formées tout le long de la frontière, tristes lignes
de corons rougeàtres, recélant d'innombrables estaminets; on cherche en
vain au-dessus «les maisons basses la silhouette familière de la haut»*
cheminée d'usine; les fabriques sont groupées à quelque distance, sur
territoire français. Ainsi s'explique la croissance de ces bourgades fron-
tières, pourtant à peu près dépourvues d'industrie: Mouscron passant do
11.042 habitants en 1880, à 18.909 en 1900; .Menin de 11.749 â 18.611.
Menin vit d'Halluin, comme Mouscron vit de Roubaix-Tourcoing ; chaque
jour vers G heures du malin leurs rues s'emplissent de la foule d'ouvriers
en sabots qui descendent aux usines françaises: «3.500 travailleurs |>énèlrent
ainsi chaque jour à Halluin, autant à Tourcoing, un plus grand nombre
encore à Roubaix et Wattrelos, d'autres à Rousbecque, Wervieq-Sud,
(domines et dans le groupe d'Armentières : en tout plus de 15.000 par jour.
Mais il en vient de bien plus loin encore: anciens tisserands restés loca-
taires d'un lopin de terre, ils préfèrent continuer à habiter leur village où
la vie est bon marché et où leur champ les aide à se nourrir. Ils prennent
donc le train tous les matins, grâce aux abonnements ouvriers à prix
réduits, et débarquent aux gares frontières de Menin, de Comines, de
Worvieq, d'Herseaux ; il en vient ainsi chaque jour de Roulers, do Thou-
rout même : ceux-là quittent leur maison à 3 heures du matin, et ne sont
guère rentrés chez eux avant 10 heures du soir ; n'importe : le dimanche
ils se reposent et cultivent leur champ. Dos environs d'Audonarde, <lo
1 Chiffres communiqués par lu Préfecture du Nord. Ils sont d'ailleurs probablement
trop peu élevés. \jt mairie de Roubaix évaluait en 11)01 lo chiffre des Relges à 48.000
sur 124.000 habitants. Dans toutes ces villes industrielles, un tiers environ de la popu-
lation fst belge.
uigitizeo Dy Googl
LA PROTECTION DOUANIÈRE
•.Kl»
Doynzo, de Tliourout part ainsi chaque matin le misérable bétail humain,
parqué dans les wagons ouvriers où ces hommes dorment entassés, allant
chercher au loin le salaire qu'ils ne peuvent trouver rhez eux Il en est qui
demeurent trop loin pour aller et revenir chaque jour : ils partent donc le
lundi matin et ne rentrent au village que le samedi soir. Ceux-ci n'apportent
pas leur nourriture avec eux, tandis que les autres, surnommés les «. Pots
de beurre », ont sur le dos la gamelle qui contient le pain, la graisse, la petite
tranche de lard qui serviront au repas de midi, pris dans un estaminet à
proximité de l'usine. Ainsi ils profitent des salaires français, et de la vie
belge à bon marché.
Ainsi s'explique la présence de tant de grandes villes industrielles à
proximité de la frontière, le plus près d'elle possible. I,es agglomérations,
à la lettre, bordent la limite : Armentières étend ses faubourgs de Nieppe et
d'Houplines, en croissant, pour serrer de plus près la terre belge ; Comines,
Wervicq-Sud, Bousbeeque, se tassent tout contre le territoire étranger ;
Halluin forme un triangle dont la frontière forme la base, Tourcoing et
Roubaix poussent leurs faubourgs de Risquons-Toul, la Marlière, Mont-à-
Ixmx, Wattrelos, vers la limite. U-s usines, avec leurs toits en dents de
scie, s'établissent en pleins champs, faisant une partie du chemin à la
rencontre de cette précieuse main-d'œuvre, de ces ouvriers énergiques et
résignés, que la misère rend faciles à contenter. Ce n'est pas, comme on
se l'imagine parfois, que les ouvriers belges reçoivent des salaires moins
élevés que leurs camarades français. Tous les ouvriers de la même spécia-
lité gagnent autant les uns que les autres ; mais il est vrai que les Belges,
plus faciles à contenter, acceptent volontiers les besognes pénibles et
moins rétribuées, et quo cet afflux d'hommes habitués à gagner peu
contribue a entraver la montée générale des salaires. L'offre de bras étant
considérable, la main-d'œuvre ne peut guère augmenter de prix.
La protection douanière.
Ainsi sa situation de région-frontière, enfoncée comme un coin en terri-
toire belge, assure au groupe lillois une main-d'œuvre économique et
1 A la gare d'Herseaux, on compte que 450 A 500 ouvrier* débarquent tous les matins,
venant d'Avelghem, St-Genois, Bossuyt, Dottignies, Eapierres, Gourtrai, Aelbeke,
Marcke, Lauwe ; tf>0 arrivent le lundi et repartent le samedi, venant d'Audenarde,
Harlebeke, et jusque de Deynze. (Renseignements du chef de station). A Menin, le
nombre des abonnés quotidiens est de 200 environ, celui des hebdomadaires .l'une
cinquantaine.
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FLANDRE INTÉRIE1RE: L IND! STRIE
inépuisable. C'est là une cause décisive de proscrite. Mais la frontière a
un autre rôle. Si elle s'ouvre pour les hommes, elle se ferme devant les
choses, et protège contre la concurrence étrangère les produits que
fabrique cette main-d'œuvre en grande partie étrangère. Pour se procurer
des ouvriers à bon compte, le groupe lillois profite de sa situation et consent
à être à moitié belge ; mais c'est une autre affaire quand il s'agit de vendre
les filés et les toiles. On se souvient alors qu'il y a une frontière hérissée
de tarifs qui permet aux toiles d'Armentières, aux filés de Tourcoing et de
Lille, de se réserver le marché français et de tenter la chance à l'étranger.
Il est curieux à ce titred'examiner l'influence qu'ontexercée sur l'industrie
lilloise les transformations du régime douanier. Dès 1780, les députés de
la Flandre wallonne et de la Flandre maritime se déclarent, dans leurs
cahiers, protectionnistes ; le tiers de la seconde province demande instam-
ment que le traité de commerce avec l'Angleterre soit annulé, et que les
toiles étrangères ne puissent être introduites en France qu'eu payant un
droit considérable L'annexion des Pays-Bas autrichiens, en ouvrant le
marché français aux fabricants belges qui produisent à bon compte, porte
un rude coup aux industries lilloises ; en l'an X, les manufacturiers do drap
de Lille déclarent à Foureroy « que leur fabrique a beaucoup |*»rdu,
surtout depuis deux ans, par le défaut de consommation attribué à la
préférence que l'on donne aux draps de Verviers et autres fabricants de lu
Belgique, à cause du bas prix qui séduit les acheteurs * ». Les fluctuations
de la population «le Houbaix à cette époque indiquent bien l'influence
néfaste de cette disparition de la frontière: de 12.1 NX) habitants au moins
en 1789, Rou bai x est tombé en l'an VIII à 8. 302. Il est vrai que cette chute
pourrait être attribuée en partie aux c unpagnes de 1793 et 1704 dans le
Nord ; mais ensuite, tandis que Gand progresse, Roubaix reste slationnnire,
s'arrête à 8.704 habitants en l'an XI, à 8.998 en 1800; il ne retrouve ses
12.000 âmes qu'en 1822, et atteint enfin 18.000 habitants en 1831 ; un
auteur d'alors constate que « depuis 1814, la séparation de la Belgique
d'avec la France y a amené un nombre considérable de familles >, et
qu'on y compte 4 à 5.000 ouvriers étrangers 3. Ainsi la réapparition de
l'ancienne frontière et de ses prohibitions a ramené dans la région lilloise
la prospérité. Aussi le pays ne veut-il pas entendre parler de traités de
« De Coussemaker(E.). Les Cahiers d' Etats-Généraux on 178» (Ami. Corn. fl. Fr.. Vit,
pp. 182-318).
* Rapport du conseiller d'Etat Foureroy, Arch. Nat. AF IV, 1011».
3 Dupont (J.-R.), Topographie historique, statistique et médicale de l'arrondissement
de Lille (Paris, Delaruo, 1833, in-12, 3*T7 p.), p. 235.
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GROUPK OK IJI.I.E : LE LIN
401
commerce ; et lorsque le Second Empire pose discrètement la question,
Roubaix déclare repousser en masse toute espèce de tarifs, et ne pouvoir
accepter pour son industrie que le régime de la prohibition absolue, sous
peine de voir ses ouvriers réduits à la misère et à la mendicité *. Toutes
les Chambres de Commerce protestent pareillement, et ce n'était pas sans
raison, car la période inaugurée par les traités de 1860 marqua d'abord
un léger embarras dans la croissance de l'industrie lilloise. Aussi les
industriels ne se lassèrent pas de réclamer le retour au protectionnisme, en
dépit des réserves faites par les Koubaisiens, devenus libre-échangistes
depuis qu'ils avaient créé vers l'Amérique une remarquable exportation ;
et les tarifs de 1892 vinrent donner à la région un essor extraordinaire.
Sous reflet de ce « coup de fouet protectionniste », on vit accourir les
foules belges, les usines et les corons sortir de terre.
Lin, Laine, Coton, Confection.
Toutes les industries textiles sont représentées dans la région lilloise.
On y file la in mie ; on y utilise le jute et le chanvre. Mais les trois grands
articles sont le travail du lin, ceux de la laine et du coton. Le domaine du
lin, c'est la rive droite de la Lys, d'Annentières à Halluin, puis Lille et sa
banlieue ; la laine règne à Roubaix et a Tourcoing ; le coton est filé surtout
à Lille; mais la grande ville, en vraie capitale, concentre dans ses murs
et sa banlieue, sauf la laine, la plupart des autres spécialités industrielles
de la région 5.
Le Lin. — Le lin employé dans les filatures de la région lilloise n'est
plus la fibre indigène. On a vu comment la culture de cette plante était peu
à peu disparue du sol français, où cependant il serait peut-être plus facile
qu'on ne pense de la ressusciter, aujourd'hui que l'extension de la culture
en lignes contribue à tenir le sol propre, et où l'emploi des engrais néces-
saires à la croissance du lin est singulièrement facilité 3. Ce sont aujour-
d'hui les lins russes de Riga et d'Arkhangel, et dans une faible mesure les
1 Réponse de la Chambre do Commerce (1850), dans Merchicr, Monographie, p. 70.
* On trouvera les chiffres globaux concernant l'activité industrielle du département
du Nord (1901) dans les Résultats statistiques du Recensement de 1901, tome I, pp.
576MM7.
3 Renseignements de M. A. Potié, Sénateur du Nord. Le véritable obstacle à la résur-
rection de la culture du lin serait l'absence dos intermédiaires d'autrefois, les marchands
de lin, qui faisaient passer la plante du cultivateur au filateur ou au teilleur.
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402
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
lins belges do la Lys, qui alimentent l'industrie Presque tout ce lin étran-
ger qui pénètre en France est dirigé sur le pays de Lille. C'est là on effet que
s'est concentrée l'industrie linière, surtout celle de la filature, lorsque le
lin se vit serré de près par le coton, il se réfugia peu à peu dans la région
où l'on continuait à cultiver quelques milliers d'hectares de la plante, où
l'on employait des procédés de rouissage perfectionnés, et où l'industrie
Linière, antique spécialité, possédait déjà un personnel exercé, et pouvait
disposer des gros capitaux d'un pays riche. Aussi sur 485.572 broches qui1
comptait la filature de lin en France (1890), le déparlement du Nord en
avait . 134.351 , et l'arrondissement de Lille à lui seul 424.181 * ; c'est un
véritable monopolo. Même c'est presque uniquement dans la ville de Lille
et sa banlieue immédiate, à Lomme, à I^a Madeleine, ou dans un rayon de
quelques kilomètres, à Seclin et Pérenchies, que sont concentrées les fila-
tures : la ville compte 14 établissements, les faubourgs dix, la ville de Seclin
six 3. Quelques autres, d'importance moindre, existent à Armentièros et
dans sa banlieue; à Halluin et Housbecque, à Quesnoy, à Lnnnoy, à
Linselles *. Ainsi Garni et Lille, les deux grandes villes manufacturières de
la Flandre, ont fidèlement conservé la vieille industrie du pays, signe que
l'industrie flamande, dans son essor actuel, tient encore de près au passé.
C'est encore à Lille et dans la ville de Comines qu'est restée établie
depuis des siècles la fabrication dos fils à coudre en lin, appelée la fillerie
de lin; hors des lo' établissements qui dans ces deux entres produisent
par an 20 à 25 millions de francs de (il à coudre, il n'y a pas d'industrie
filtière en France «.
Le monopole du Nord est moins caractérisé en matière de tissage,
quoique la région lilloise comprenne déjà les deux tiers «les métiers
mécaniques existant en France. Dans cette branche de la fabrication,
Lille et ses faubourgs comptent encore 20 établissements, mettant en
marche 3.7(J5 métiers, dont la production comprend surtout des tissus
métis, contenant deux tiers de lin contre un tiers de colon. Mais la prépon-
1 D'après la Chambre île Commerce russe île Paris, les importations <le lin eu
France ( IS!R») ont atteint 74.SW6.700 kilos, dont 70.41 «.670 kilos de lins russes,
'.i.'£i't~îAI belles, 1.227.5Î0 d'autres pays. (Knquctes industrielles et commerciales,
fascicule 1. l!«C>, p. S). D'après Merchier (Mtmographie, p. 154) rimportatioii de 1«»7
porterait sur 74.200.000 kilos de lins russes, et 10.500.000 kilos de lins belges.
* Merchier. Monographie, p. 1*7.
3 Chiffres de l!*)l.
» Im filature du lin, chanvre, jute, occupe dans le département du Non! (I0OI)
24.'.W3 personnes ( Herensemcnt, p.
'•> M.-rchier, Monographie, p. 213.
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GROUPE DE LILLE : LE LIN
'•(M
franco appartient à Armentières et à ses environs. La circonscription de
la Chambre de Commerce, qui comprend le canton d'Armentières,
Bailleul, et les villes de la Haute-Lys, comptait en 1809 53 tissages méca-
niques où battaient 8.550 métiers, occupant plus de 12.000 ouvriers; cela
sans compter les 2.500 métiers à la main, dont 1.000 environ à Bailleul,
qui sont actionnés à domicile ou dans de petits ateliers réunissant au plus
10 métiers *. A lui seul, le canton d'Armentières comprenait les 9/10 des
métiers mécaniques, et la gare d'Armentières expédiait en 1902 la somme
de 19.664.000 kilos de toiles * ; or les envois par voitures étant évalués à
la moitié environ des exj>éditions par voie ferrée, c'est à bien près de
30 millions de kilos de toiles que s'élevait la production. Ainsi c'est à
peu près uniquement à la fabrication de la toile que se livre cette ville
d'usines créée au XIXe siècle autour de la vieille forteresse de la Lys, ainsi
que ses faubourgs d'Houplines, de Nieppe, de La Chapelle. Vers l'Ouest,
deux tissages sont installés à Bailleul, deux à Saillv-sur-Lys, six à La
(lorgne, un àMerville; et l'industrie armentiéroise pousse ses ramifications
jusqu'à Hazebrouck, où 1.000 ouvriers travaillent dans trois usines de
toiles, et à Richebourg-l'Avoué, dans la région toute rurale de la plaine
de la Lys, utilisant à l'exemple des industriels gantois la main-d'œuvre à
bon marché des paysans.
Enfin Halluin est le troisième centre du tissage, du lin. Ses 14 tissages
mécaniques, avec 2.500 métiers, produisant des coutils, du linge de table,
produits métissés où le coton se glisse pour un quart, écrasent de plus en
plus les 11 établissements de travail à la main, qui avec leurs 700 métiers
ne fournissent guère qu'un dixième de la production totale 3. Halluin
possède encore des établissements pour les dernières opérations que subit
la toile avant d'être livrée au consommateur; des blanchisseries bordent
la Lys jusqu'à l'extrême limite de la frontière, semblables aux grandes
usines établies au Sud de Lille, à Haubourdin et Don 4. Au total, filature,
tissage, blanchiment réunis, c'est un peuple de .50.000 ouvriers que le lin
1 Merchier, MonogTaphie, pp. 200-201.
* Recueil trimestriel des l'rocès-verbaux des séances de ln Chambre de Commerce
d'Armentières, I" fascicule 1003, p. 81.
•'» Merchier, Monographie, p. 204. Aux centres de tissage déjà mentionnés, ajouter
Lannoy, avec sa fabrication de toile à sacs, Wervicq avec celle des lacets. — Le
nombre d'ouvriers occupés dans le Nord (l!l01) à la fabrication des toiles s'élève à
31.321 (Recensement, p. fy.'7).
* Les industries de teinture et apprêts pour l'ensemble du travail des textiles
occupent en 1001 dans le Nord i:U»'d personnes (Recensement, p. .7.18).
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40/,
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
occupe encore, tout déchu qu'on le proclame, à Lille et le long de cette
Lys qui est bien en Flandre comme l'axe géographique de la région linière.
La laine. — Il semblerait que le travail de la laine à Roubaix, comme
celui du lin à Lille, fût une survivance directe de la plus ancienne des
industries flamandes. Or la fabrication actuelle est d'origine récente.
Roubaix, après avoir fait à Lille pendant des siècles une concurrence
heureuse dans la confection des étoffes de laine, abandonna après la
Révolution cette industrie pour celle du coton. O changement s'opéra au
milieu des troubles politiques et des guerres, et le succès de l'opération
montre à quel point était déjà développé l'esprit industrieux et actif des
Roubaisiens, abandonnant une industrie délaissée par la mode pour en
adopter une autre, à laquelle souriait la fortune. En 180 i, Roubaix
fabriquait donc le nankin avec « une activité toujours croissante, et les
coups répétés du tisserand qui bat sa toile, le murmure des rouets, des
dévidoirs et de la navette, donnaient aux voyageurs qui entraient dans la
commune l'idée d'une unique et immense manufacture » 1 . Puis la frontière
rétablie à ses portes la protégeant de la concurrence de Yerviers, les
lainages reprenant faveur, Roubaix à partir de 1830 revint à son ancienne
industrie avec la même aisance qu'elle avait mise à la quitter. Dès 18i i,
il n'y a plus qu'une dizaine de lilatures de coton dans la ville, contre 5"j
en 1833 *. Depuis, Roubaix est restée la ville de la laine.
O n'est pas, comme pour le lin à Lille, un monopole, et le groupe
champenois, le Rerry, le Ras-Languedoc, Fourmies, soutiennent la lutte ;
mais Roubaix, Tourcoing et leur banlieue forment le centre le plus
important de France, et l'un des plus considérables du monde, pour le
peignage, la filature et le tissage de la laine. I>a ville de Roubaix et ses
faubourgs, Wattrelos, Ooix possédaient, au début de 1903, 8 peignages de
laine, 18 filatures de laine peignée avec 305.000 broches, 7 filatures de
laine cardée avec 86.8,'iO broches, l'J retorderies avec 50.000 broches;
pour le tissage, 80 établissements à métiers mécaniques, et 38 maisons
ayant des tissages mécaniques au dehors ou faisant tisser à la main ; enfin
il teintureries 3. Tourcoing est plutôt la ville des filatures, tandis que
Roubaix se spécialise dans les tissages; enfin elle est restée le siège du
grand commerce des laines, et la ville comprend beaucoup d'entrepôts
où s'entassent les toisons arrivées d'Australie et d'Argentine.
> Dieudouné, Statistique, II, p. 322.
* l.euridan, Roubaix, V, pp. 142 et 161.
a Archives de la Chambre .le Commerce <le Roubaix (XXVIII, 1ÎKJ2), p. 236.
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GROUPE DE LILLE : LA LAINE. LE COTON
A côté do cette grande industrie lainière, le groupe comprend dos
spécialités ; Roubaix possède huit fabriques de bonneterie, deux de
broderie, dix tissages pour tissus d'ameublement ; Tourcoing est la
capitale de cette industrie, ainsi que le grand centre de la fabrication des
tapis. C'est surtout dans la banlieue que sont établies ces industries
annexes: Halluin fabrique des tapis du genre Tourcoing; le canton de
Lannoy possède 22 établissements de courtepointes, couvertures, tapis,
tissus d'ameublement, établis non seulement au chef-lieu et dans son
faubourg de Lys, mais dans les communes rurales de Chéreng, Fiers.
Annappes, Anstaing, Ascq, Leers, Forest, Tressin, Willems, avec les
teintureries, les blanchisseries, les tissages de toile et de jute. Aussi cette
région frontière qui va de Haisieux a Halluin est-elle la p irlie la plus peuplée
du pays lillois : l'agriculture n'y est plus qu'une occupation accessoire ; la
plupart des habitants des campagnes travaillent dans les fabriques des
villes, à moins qu'ils ne se consacrent chez eux à l'industrie à domicile
Le ooton. — Le domaine du coton est moins nettement délimité que
celui de la laine et du lin ; c'est que cet envahissant textile s'impose de
plus en plus à ses concurrents, et que les centres qui tissent le lin et la laine
ont besoin de fils de coton qu'ils incorporent à leurs tissus. C'est ainsi que
Roubaix possédait en 1 903 li filatures de coton avec 365.604 broches, et
Tourcoing une quantité à peu près équivalente ; qu'Armentières en mettait
en marche 53.800 dans quelques établissements. Cependant c'est surtout à
Lille qu'est concentrée l'industrie eotonnière, sous forme de filatures, le
tissage étant peu pratiqué dans le Nord, où on ne comptait à la fin de 11)02
que 2.951 métiers mécaniques, avec 1.200 ouvriers, sur les 102.000 métiers
français ; mais il ne faut pas oublier que le coton se tisse en métis,
mélangé au lin et à la laine, dans les usines d'Armentières et de Roubaix.
La croissance a été rapide : en 18 i0, l'arrondissement de Lille possédait
552.157 broches; en 1902, la quantité s'élève a 2.180.720 broches à filer
dont 1.200.000 pour Lille et sa banlieue », et à 5 à 600.000 broches à
retordre, dont 372.000 pour Lille ; 15.000 personnes y sont occupées. Là
encore, la région lilloise vient en tète des pays français qui pratiquent
cette industrie, Normandie, Lorraine, et fabrique les 3/5 des filés produits
par toute la France. Il y a la des établissements formidables, comme cette
Cotonnière d'IIellemmes, qui possède 180.000 broches ; et celte branche du
1 Le travail d»> la laine occupe en 11)01 dans le Nord 82.605 personnes (Recensement,
p. 508).
* Houdoy, Filature, pp. (30 et 17U.
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iOO
FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
travail lillois est uni' des plus vivantes, une de celles où l'accroissement
a été lo plus soutenu, le plus régulier *.
La confection. — A fabriquer tant de tissus, draperies, lainages,
cotonnades et métis, il était naturel que naquit l'idée de les transformer
sur place en vêtements. L'industrie de la confection trouvait à Lille la
matière première, si l'on peut dire, sur place ; elle profitait, comme les
autres, de l'abondante main-d'œuvre dji pays. Restée jusqu'à ce jour
tributaire du travail à domicile, elle était adaptée d'avance aux habitudes
d'une population dans laquelle la disparition du tissage à la main avait
laissé un malaise. La confection s'est donc établie dans tous les villages
que la grande industrie n'a pas occupés encore; aussi son domaine s'est il
étendu surtout au Sud de Lille; dans toute la Pévéle, les pays crayeux île
Seclin et Carvin, jusqu'à fourrières et Lens, la machine à coudre est
devenue le meuble indispensable de chaque habitation rurale ; elle
remplace le carreau des dentellières de 1780. (l'est de Lille que partent
les ordres, que viennent les étoffes, c'est là que retournent les produits du
travail à domicile. De grands ateliers se sont fondés dans la ville; les
plus vastes maisons de confection de Paris y établissent leurs fabriques.
Peu à peu cette industrie nouvelle tend à se concentrer en quelques
grandes entreprises, où la mécanique fait son apparition. L'essor consi-
dérable de la confection lilloise depuis quelques années en fait déjà une
des branches les plus importantes de l'activité industrielle dans la ville et
dans sa grande banlieue du Sud ; c'est à 00 millions de francs qu'on évalue
(1905) son chiffre d'affaires ; à l i millions le total des salaires qu'elle
verse aux 23.000 personnes qu'elle emploie.
('/est à coup sûr un formidable organisme que ce groupe industriel de
l'arrondissement de Lille, où plus de 150.000 ouvriers se pressent dans
les usines, constituant une agglomération que la France oppose avec fierté
aux grandes régions manufacturières de Grande-Bretagne et d'Allemagne.
Nulle part en France on ne manifeste autant d'activité, on ne fait preuve
de plus de sens pratique. Pourtant toutes ces grandes industries ne sont
pas également souples, également armées pour la concurrence interna-
tionale. Menacés par les filés et les toiles d'Angleterre et de Belgique, les
tisseurs et les filateurs de lin sont résolument protectionnistes, et ce sont
1 l„» filature et le lissage du coton oee.iipent en 1WI 20.3M personnes .lans le Nord
(Recensement, p.
LE GROUPE DE LILLE 407
les industriels liniers qui ont ou la plus grande part à l'élaboration dos
tarifs protecteurs de 1892. O n'est guère que pour se débarrasser de ses
stocks, et souvent à perte, que la filature exporte, en Belgique et en
Angleterre ; et si le tissage réussit à écouler normalement dans ces pays
des toiles spéciales en grosses étoupes pour bâches et sacs, c'est surtout
sur le marché français (France et Colonies), réservé par les tarifs, que
s'enlève leur production. I)éjà la filature de coton, grâce à une spéciali-
sation plus avancée de quelques grandes usines , réussit mieux dans
l'exportation que l'industrie linière ; enfin la laine s'est créé hors de
France une clientèle si considérable, que la plupart des industriels de
Roubaix-Tourcoing ne craignent pas, désirent même le libre-échange.
Seule la filature de laine, moins spécialisée, exploitée à peu près unique-
ment par dos façonniers qui travaillent pour les tissages, tient a voir
fermer la frontière aux filés allemands. Au contraire le peignage, centra-
lisé par de grandes maisons dont chacune se spécialise dans la produc-
tion d'un très petit nombre de peignés, l'emporte si bien sur les produits
étrangers que l'Allemagne est devenue, après la France, son meilleur
client; de même, le tissage alimente, outre le marché national, l'Orient
((frère et Turquie), l'Italie, la Belgique, l'Amérique du Sud, et surtout
l'Angleterre, qui lui achète par an pour 80 millions de francs de drap,
et lui permet ainsi de supporter les effets du terrible coup que lui a porté
l'adoption par les Etats-Unis du bill Mac-Kinley. Ainsi quelques industries
du groupe de Lille se révèlent singulièrement vivaees et actives, mais la
plupart ont besoin d'être aidées dans la lutte contre l'étranger; une partie
de la prospérité actuelle est à la merci des tarifs protecteurs ; que les droits
de W.Y> soient abaissés, et certaines industries connaîtront des heures plus
difficiles. Déjà quelques branches de production donnent des signes de
malaise ; le travail du lin a souffert particulièrement de la crise de surpro-
duction qui s'est déclarée de 1!H)1 à H)0r> dans toute l'Europe : à Armen-
tières, il a fallu diriger sur le bassin houiller un certain nombre de travail-
leurs inoccupés, que les trains emmènent chaque jour aux mines de Lens,
où ils s'emploient tout en continuant à habiter leur ville. Les ouvriers,
mieux organisés, réclament des salaires plus élevés, et certains patrons
trouvent avantage à établir des usines en territoire belge : une maison
d'Halluin possède un tissage a Moen, Koubaix essaime à Mouscron ; la
main-d'œuvre belge leur permet d'y fabriquer à si bas prix que leurs
produits peuvent affronter les droits de douane qui les isolent du marché
français *.
1 I,a chose n'est p«s nouvelle; en 1702, Roubaix, d'après les Lillois, était allé établir
des métiers à Mouscrou, Herseaux et Luingne (Uuri.lan, Roubaix, Y. p. 8*1).
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FLANDRE INTÉRIEURE : L'INDUSTRIE
Ces réserves faites, il n'en reste pas moins que l'industrie flamande tout
entière, au milieu de la lutte économique moderne, fait preuve d'une
remarquable vitalité, ("est un spectacle imposant que la continuité du
labeur industriel dans cette province, qui depuis dix siècles se maintient
au rang des premières régions manufacturières de l'Europe, tout on restant
un des plus riches jvays agricoles. C'est que ces deux branches du travail
humain lui sont également nécessaires ; l'industrie n'est pas un luxe en
Flandre, elle en est la moitié de la vie ; et ainsi se vérifie ce mot de
Michelet, que « l'industrie, ayant fait ce pays de rien, méritait bien d'en
ôtre souveraine »
i Micholet, Hist. de France, éd. 1841, V, p. 321.
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CHAPITRE XV.
FLANDRE INTÉRIEURE. — LE MILIEU HUMAIN.
I. La Vte et les Mœurs. — II. L'habitation rurale. L'Hofstede. I.a Onso. Los maté-
riaux. — III. Dispersion drs habitations. Dans l'Ouest : les maisons isolées. Dans
l'Est : Iob maisons groupées on rues. — IV. Les villes. Les villos avant le XIX" siècle.
Los villes au XIXe siècle : influence de l'industrie. Vieilles villes et villes neuves.
Le groupe de Lille.
I.
LA VIE ET LES MŒURS.
Beaucoup de travail et |>eu de profit: toile pourrait être la devise de la
Flandre intérieure. Le Flamand ;i beau pratiquer l'agriculture la plus
savante du monde, se livrer à l'industrie: c'est tout juste s'il peut vivre.
On a vu les salaires agricoles de la Flandre belge; ceux de l'industrie ne
valent guère mieux -, comment nourrir, avec une paie qui va de 1 à 3 francs
par jour, l'une de ces familles de 6 à 8 enfants que l'on rencontre si
fréquemment dans le pays ? C'est à peine de quoi ne pas mourir de faim
La Flandre intérieure est donc une des régions de l'Europe occidentale
où le train de vie des habitants est le plus modeste. Le journalier agricole,
le tisserand de Zele, le petit fermier même de la Flandre Orientale sont
loin de connaître l'aisance du paysan normand ou hollandais, onde l'agri-
culteur de la Plaine maritime. Tandis que la caisse d'épargne de F urnes
est à la tète d'une somme de 287 francs par habitant, celle d'Anseghem n'a
que 21 francs, celle de Gavere 16, celle d'Oosterzeele H, et celle de
Burst 13*. Aussi la nourriture en souffre. La description faite de l'alimen-
* A Pitthem, l'ouvrier agricole nourri à la ferme rapporte, pour tout salaire, 0 fr. CM
chez lui. A Steenbecque, ou cite un chef de famille qui doit faire vivre ses dix enfants
avec 1 fr. 25 par jour. A St-Floris on a dressé le budget d'un ouvrier agricole ( Pas-de-
Calais au XIX" siècle, IV, p. .T>7) : veuf avec cinq jeunes enfants, il gagne H fr. 10 par
semaine, en dépense <i fr. (.Ç>: d'où un excédent annuel de recettes de TjO fr. 80, avec
lequel il doit acheter T>4 francs de chaussures, puis du linge, des vêtements, de la
literie, etc.
1 Hurny et Hamande, Les Caisses d'Epargne, carte planche H.
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410
FLANDRE INTÉRIEl'RE. - LE MILIEU HUMAIN
talion des ouvriers par l'Enquête «le 1846 accuse une nourriture presque
exclusivement végétale, pain de seigle, pommes de terre, légumes ; la
Chambre de Commerce de Courtrai avoue que la plupart des ouvriers,
faute d'un salaire suffisant, ne peuvent se procurer même du lait battu *.
Ducpétiaux en 1805 ne découvre du lard que dans le menu des «gens
aisés » de l'arrondissement de Gâud *. H y a, 5 coup sûr, amélioration
depuis cotte date, dépendant la chère de l'ouvrier flamand est encore
maigre. Pain de froment (le seigle n'est plus que l'exception), pommes <le
terre et lait battu, forment le fonds de tous les repas. En général, les
tartines au saindoux se mangent cinq fois par jour, le potage au lait battu,
trois OU quatre fois; les pommes do terre, deux ou trois. Le matin vers
5 heures, les tartines s'accompagnent, dans la partie belge, du breuvage
appelé café, et qui n'est qu'une décoction, très étendue d'eau, de chicorée;
dans la partie française, d'une boisson faite d'une infusion de tilleul et de
réglisse, baptisée « le thé ». La bière, inconnue dans les ménages ouvriers
où l'eau seule est employée, n'est même pas en usage dans la moitié îles
fermes, pour l'alimentation «lu personnel. Quant à la viande, on ne la
trouve consommée régulièrement que dans les régions favorisées. La partie
française comprend bien peu de communes OÙ les ouvriers agricoles ne
mangent pas, au repas «le midi, un p«ni d«' lard, «'t une tranche «le bœuf le
dimanche ; dans la plaine de la Lys, le lard apparaît presque à tous les
repas. Passé la frontière, il en est «le même dans beaucoup de communes
du pays d'Ypros, a Poperinghe, a Messines ; mais à l'Est, la consommation
du lard diminue; autour de Roulers on n'en voit plus apparaître à table
que «I«mix ou trois fois la semaine; plus loin, il y a bien des villages où
l'ouvrier n'en mange qu'aux jours «le fêtes.
La rare d'hommes qui peine si fort sur le travail et cependant se nourrit
si mal porte la trace di^s fatigues qu'elle s'impose et «les privations qu'elle
subit. Tandis que l'homme de la classe moyenne est généralement grand et
large, le visage coloré, grand mangeur et grand buveur, l'ouvrier agricole
ou industriel a triste mine, maigre, souvent voûté; la croissance des
«Mitants »\st lente, leur développement paraît fréquemment incomplet. La
légende du Flamand grand, gros et fort, s'est créée à propos de l'homme
«h* la Plaine maritime, qui mérite ces épithètes; cVst parmi eux que Ton
trouve ces exemples «le robustesse restés fameux au moyen-Age : le comte
Charles le Hou haut «le neuf pieds ; Baudouin à la Hache, bâti en colosse,
i Enquête, IL p. 2i« ; II L pp. 304-305.
* Ducpéltatix (R.ï, Budgets économiques <K's classes ouvrières en Belgique (Bull.
<:. G. si., VI, 1835, pp. 29&-2JJ6).
LA VIE ET LES MŒURS
itl
qui d'un soûl bras et sans fatigue, pond dix chevaliers pillards aux pou Ires
de sa salle d'armes, dans le château de Wynendaele. Moins robuste, le
Flamand de l'intérieur remplace souvent la force par la ruse, la vigueur
par la brutalité.
Les étrangers ont fait au Flamand, pour le caractère, une réputation
détestable. « Ivrognes, paresseux, fanatiques, hypocrites et dissolus, bas
et rampants », les juge un lieutenant de gendarmerie d'IIazchrouck dans
un rapporta Fourcroy lueurs frères de la Plaine maritime les tiennent
pour arriérés, inintelligents, et ridiculement avares. Des écrivains flamands
eux-mêmes les jugent méliants, superstitieux, brutaux, vindicatifs *. Il est
certain que l'homme de l'intérieur est moins fier, plus soumis et aussi plus
sournois que celui des Polders; ces différences sont signalées parfois dans
la même commune, dont le territoire appartient moitié au pays bas et
moitié au Houtland. Il est infiniment probable que c'est à la différence
d'aisance que sont dues ces nuances de caractère; l'homme des Polders
est plus indépendant parce qu'il est moins pauvre. C'est à la même cause
qu'est dù probablement le retard où se trouve encore pour l'instruction la
Flandre intérieure, par rapport aux autres parties de l'Europe occidentale.
Il faut mettre à p irt la région française, où l'application des lois sur
l'enseignement obligatoire a fait sentir ses effets comme dans toute la
France; peut-être les instituteurs trouvent-ils leurs élèves un peu
indifférents à l'instruction ; en revanche, ils les estiment dociles et soumis.
Kn Belgique, où l'obligation n'existe pas, les résultats sont moins beaux.
En 1881, la Flandre Orientale était la province la plus illettrée de Belgique,
les trois arrondissements les plus retardataires de tout le pays étant ceux
d'Eeeloo, Termonde et Alost, tandis que l'arrondissement de Fumes, en
majeure partie composé de terres basses, et celui d'Vpres, moins pauvre
que ses voisins de l'Est, étaient les plus instruits des deux Flandres ■. En
1900, la Flandre Occidentale contient .'KM .700 personnes Agées de plus de
15 ans sachant lire et écrire, et l.'iX.TJM) illettrées: c'est une proportion de
plus d'un tiers. A Bruges, il y a 9.X21 illettrés de plus de L") ans, contre
20.137 sachant lire et écrire; on trouvait même près d'un tiers d'illettrés
parmi les enfants de 10 ans: 250 sur un total de 012. A Menin, les illettrés
de plus de 15 ans font presque la moitié des personnes sachant lire et
> Arch. Nat. A F IV, 1019.
* Huvttens, Etude sur les mœurs, les superstitions et le langage de nos ancêtres les
Ménapiens (Garni, 1861, in-12), pp. 220-221.
3 Sauveur (J.), Statistique générale de l'Instruction publique en Belgique, dressée
d'après les documents officiels (Hull. G. G. St., XIV, 18SI, pp. i-8T»4).
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412 FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
écrire: 3.976 contre 8.215 ». C'est bien pis en Flandre Orientale, où Ton
peut mettre en regard des 407.250 personnes de plus de 15 ans sachant lire
et écrire le total de 185.721 illettrés de même âge: soit 1 illettré pour
21/2 personnes sachant lire et écrire. Dans l'arrondissement pauvre
d'Eecloo, la proportion n'est même plus de 1 à 2 : 15.033 illettrés rentre
20.662. Dans la plupart des villes, Alost, Renaix, Eecloo, Lokeren,
St-Nicolas, on n'arrive pas à la proportion de 1 à 3: à Tamise, on n'a
même p;is 1 à 2: 2.823 illettrés pour 5.135; à Grammont, on compte
3.0 i i illettrés et 1.701 sachant lire et écrire ; enfin à Hamme, 3.853 illettrés
contre 5.106 ; dans cette commune, en défalquant les enfants au-dessous
de six ans, on trouve à peu près autant d'illettrés que d'individus sachant
lire et écrire1.
C'est encore à la misère qu'il faut attribuer vraisemblablement l'ivro-
gnerie, et à la suite la brutalité du Flamand. L'ouvrier qui a peiné toute la
semaine et n'a bu que de l'eau, profile du dimanche pour absorber de la
bière; il se venge alors de son abstinence; un « homme » doit pouvoir
avaler dans sa journée 40 chopes. Chaque dimanche soir, à la suite de ces
scènes d'ivrognerie, des bagarres éclatent, les couteaux sortent des poches.
« Rixantur nonnunquam inter poeula, dit Meyer, ac eaodes invicem
faciunt » 3. Le spectacle n'a guère changé. A Cortemarck, du 1" janvier
au !«* juillet 100 i, on comptait déjà 3 meurtres, plusieurs attentats, et
00 procès-verbaux avaient été dressés. A Isa Clinge, de 1897 à 1004, pour
une population de 2.400 habitants, on comptait 396 condamnations, pour
coups, blessures, vols et contrebande. C'est surtout au retour des ouvriers
qui sont allés travailler l'été en France que se produisent les rixes et les
méfaits ; c'est la détente après plusieurs mois de privations et de labeurs
écrasants. Il y a progrès d'ailleurs; la disproportion entre la criminalité
de la Flandre et celle des pays voisins s'atténue. Au début du siècle, de
1826 à 1833, sur 77 condamnations capitales prononcées en Belgique, on
en comptait 35 pour la Flandre Orientale, et 10 pour la Flandre Occidentale,
1 Au roui rai rt' l'arrondissement de Fûmes donnait, contre 20.215 personnes «te plus
île 15 ans sachant lire et écrire. 3.527 illettrés seulement, dont 2.006 ayant plus do
55 ans.
! Recensement de la population, du 31 décembre 1000. t. II. Des considérations sur
l'état d'ignorance des provinces flamandes de la Belgique sont développées dans le
chapitre « I j\ carte de l'ignorance en Belgique ». pp. 137-1 4'.» et dans le-» chapitres
suivants du livre de Huysmans ((',.), de Brouckère (i..) et Bertrand (L.) : 75 années de
domination bourgeoise ((iand, Volksdrukkerij, 1005, in-K<\ 327 p.).
3 Meyer, Reruin Flandriae, t. X, pp. 77-78).
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LA VIE ET LES MŒURS
413
soit plus de la moitié [>our elles doux Dans le tableau indiquant le
nombre d'individus condamnes par les tribunaux correctionnels à plus d'un
an d'emprisonnement (18'^(>- 18*30, six des sept arrondissements judiciaires
flamands venaient en tète, celui d'Audenirde avec 101 condamnés (TCA
pour toute la Belgique), celui de Garni avec 0.'i ; le premier comptait
1 condamné sur 1.700 habitants, le second 1 sur 3. iOO *. On voyait des
villages entiers se ruer sur la commune voisine, le dimanche, Vinderhanle
sur Tronchiennes, Poeselesur Vosselaere, Millam surPitgam. Aujourd'hui
encore, si les arrondissements llamands sont assez loin en arrière des
antres jM»ur les articles « Rébellion » et « Outrages a un agent de
l'autorité », ils viennent en tète de toute la IJelgique pour les rubriques
« Coups et blessures simples», où Termonde dépasse largement Bruxelles ;
pour « Ivresse publique », où Bruges, Garni, Termonde, Courtrai, ne sont
dépassés que par la capitale ; pour « Destruction «le clôtures », « Viols » et
« Attentats à la pudeur ». D'ailleurs dans la proportion de condamnés par
10.000 habitants, l'arrondissement de Bruges égale sensiblement celui
de Çharleroi ; ceux de Courtrai et de Gand dépassent Bruxelles et
Anvers 3.
Cette rudesse de mœurs, ce retard intellectuel, tiennent cependant aussi
à une autre cause qu'à la pauvreté. La Flandre est comme isolée, dans
l'Europe occidentale, par la langue qu'elle emploie. L'usage d'un dialecte
que les Flamands eux-mêmes considéraient naguère comme inférieur les
a empêchés de suivre d'un pas aussi rapide que leurs voisins les progrès
intellectuels accomplis au XIXe siècle. De là leur défiance contre l'étranger,
accrue aussi par le souvenir des maux que leur ont apportés les invasions.
De là aussi cette fidélité à la religion qui est un des traits les plus caracté-
ristiques de la mentalité flamande, et sur laquelle ne tarissent pas les
administrateurs étrangers, intendants, gouverneurs et préfets. Ainsi s'est
formé ce caractère fermé, à la fois soumis et brutal, d'hommes pacifiques,
obstinés et rudes, dont on a pu dire sagement qu'ils étaient laborieux, mais
pas actifs, qu'ils avaient les mœurs douces et les manières rudes 4.
* Ducpétiaux (K.), Statistique des tribunaux et des prisons de la Belgique (Mess. Se.
Hist., II, pp. Htf-188), P- 188.
1 Ibid., p. 181. — L'arrondissement poldérien de Fumes était au contraire le dernier
de la Belgique, avec un condamné seulement, sur fltJ.000 habitants.
3 Voir: Ministère de la Justice. Statistique judiciaire de la Belgique (ÎSHM). Vannée
(Bruxelles, Uircier, liX», in-4% LXVIf + Xi) p.).
* Dérivai, Le Voyageur dans les Pays-Bas, IV, pp. 248 et Zr%,
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'•H FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
II.
L'HABITATION RURALE.
Le genre di' vie du Flamand n'atténue pas ce qu'il y a, dans son carac-
tère, de fermé, d'hostile à l'étranger. L'habitant do la Flandre intérieure
vil autant qu'il le peut chez lui, dans sa maison, souvent isolée des autres
demeures ; il apporte tous ses soins a la rendre plie et propre : il la profère
au monde extérieur, où sévit un climat désagréable.
La ferme est le type principal de la maison flamande, celui où
s'expriment le mieux les influences du sol et do la race. Il en existe, dans
la Flandre intérieure, deux variétés: dans la région sablonneuse, et dans
la West-Flandre d'Ypres, Cassel et Hazobrouck, c'est l'hol'stedo, aux bâti-
ments séparés ; dans la plaine de la Lys, dans la région lilloise, au Sud de
Courtrai, d'Audenardo et d'Alosl, c'est la couse wallonne, complètement
close.
L'Hofstede.
L'hofstede rappelle, avec moins de complications, la ferme de la plaine
maritime. Kilo comprend généralement trois bâtiments, entourant de trois
côtés une cour carré»», occupée en grande partie par le trou à fumier. Au
contre, l'habitation, généralement orientée vers le Sud ou l'Est. C'est une
petite construction assez basse et allongée, contenant de chaque côté d'un
corridor, d'une part deux salles qui se suivent, de l'autre une pièce isolée.
Des deux premières, l'une est « bol huis » (la maison), l'autre la « voûte ».
La Maison est, comme dans la Plaine maritime, la salle commune, où l'on
l'ail du feu dans le grand poêle (stubo), où l'on fait la cuisine, où l'on
mange, où l'on se tient d'ordinaire. La « voûte », surélevée au-dessus de la
cave, est la pièce d'apparat, le salon, réservé pour les repas de kermesse,
de baptême, de noce, d'enterrement. La troisième pièce est une chambre
à coucher ; mais il est rare que les doux premières ne contiennent pas éga-
lement chacune un lit. Enfin le toit bas qui descend par derrière jusqu'à
un ou deux mètres du sol abrite souvent dos salles basses, parfois des
appentis, où l'on établit une relaverio, des chambres à coucher, et aussi,
dans l'Ouest, la petite pièce où l'on fait le beurre. Cet ensemble est simple;
ce qui en l'ail le charme, c'est la propreté: propreté des murs tapissés de
papier point ou badigeonnés de couleurs à l'huile, des meubles cirés,
horloge, armoire, du poêle brillant, dos objets de piété, bleus, blancs et or,
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IA CENSE
qui garnissent la cheminée. Des fleurs égaient les fenêtres qui sont
souvent quadrillées de menus carreaux, toujours garnies de rideaux et
flanquées de volets vert et blanc ; d'autres fleurs forment le plus souvent
une plate-bande d'hortensias, de dahlias et de giroflées devant l'habitation
qu'une grille et un trottoir de briques séparent du reste de l'exploitation.
Ainsi le fermier vit à part, avee plus de propreté et d'hygiène.
De chaque roté de l'habitation s'alignent les bâtiments d'exploitation.
D'une part, les écuries et étables, l'écurie toujours plus rapprochée de l;i
maison ; ce sont des bâtiments à plafond bas, chargé de paille en hiver;
une denii-obsrurité y règne ; I'augment'iUon de l'élevage y rend l'espace
insuffisant, surtout dans l'Est, où les botes restent en stabulation toute
l'année, Fn trottoir de briques permet de circuler le long du bâtiment. De
l'autre côté, c'est la grange, et à l'extrémité, la eharrelterie. l'ne haie
d'aubépine, ou une clôture en bois, enferme souvent l'ensemble ; mais les
trois bâtiments restent toujours séparés, ce qui diminue les dangers
d'incendie. C'est là le trait caractéristique de l'hofstede. Les autres dispo-
sitions peuvent changer : la voûte devient plus rare dans l'Est, où on la
trouve surtout dans les bâtiments un peu anciens; les grandes fermes ont
quatre corps de logis au lieu de trois, et enferment complètement la cour ;
les petites en ont deux seulement, orientés normalement l'un à l'autre :
l'habitation d'une pari, les dépendances de l'autre, ou bien bout à bout la
demeure des hommes jointe à la demeure des bétes en un long bâtiment,
tandis que la grange reste à part. Mais toujours les diverses constructions
sont isolées; il y a là une parenté évidente avec la ferme de la Plaine,
particulièrement avec celle de la Flandre zélandaise, dont la vaste grange
reparait encore çà et là dans le Pays de Waes, avec ses murs de bois et
sou toit «I»' chaume, pour ne disparaître que vers Gand et Termonde.
La Censé.
L'hofstede cependant n'occupe pas toute la Flandre. A l'Ouest, sur la
lisière de la Plaine maritime, la ferme close apparaît: elle accompagne,
jusque vers Aire, la limite de l'Artois et de la Flandre. Après Aire, elle
pénètre dans le pays flamand et occupe presque toute la plaine de la Lys :
tandis que l'hofstede se maintient sur les hauteurs argileuses, à Sereus,
Steenbecque, Morbecque, Hazebrouck, Caestre, Morris, liailleul, la censé
wallonne domine à Morville, Neuf-Berquin, Steenwerck, Nieppe ; à Yieux-
Berquin, les vieilles fermes sont du type hofstede, les neuves sont closes.
Au delà de Bailleul, la limite suit la Lys jusqu'à Menin, et de là se dirige
à travers le pays de Courtrai vers Avelghem et Audenarde. Dans le pays
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4M * FI.ANDRK INTKRIKURE. - LE MILIF.l' HUMAIN
d'Alost, les deux types sont mélangés: sur lo plateau d'Edolaore, uno
grandi* forme clos*' domino dos hofstodon établies dans la vallée ; môtno à
Ledo, au Nord d'Alost, on retrouve encore lo type censé, ainsi quo sur lo
plateau brabançon ontro la Dondro ot Bruxelles. Copondant los produc-
tions, la vio agricole sont los mémos do chaque côté do cotto ligne de
démarcation. Il faut bien croire qu'il y a là une influence ethnique, et cotte
hypothèse est renforcée lorsque l'on considère quo do Calais à Avelghem,
la limite dos doux types suit a peu près l'ancienne frontière linguistique
du flamand et du fiançais. Vers la limite, la couse présente d'ailleurs
fréquemment un aspect où l'on reconnaît dos traits do l'hofstedo, un air
do parenté avec le type purement flamand. (Test un assemblage confus
de bâtiments de hauteur différente, reliés comme artificiellement les uns
aux autres par tout un rapiéçage do toits. On dirait une véritable hofstedo
dont on a bouché les ouvertures entre bâtiments. Ailleurs, et par
exemple dans la partie Sud de la plaine do la Lys, los bâtiments s'égalisent,
deviennent homogènes et se raccordent naturellement les uns aux autres ;
c'est le type quo l'on retrouve au Sud vers Douai, Valencionnos, ot qui,
sur les plateaux de craie, devient la ferme picarde.
A l'intérieur, la censé wallonne présente une disposition semblable à
celle do l'hofstedo. Tout autour d'une cour carrée, los bâtiments; l'habi-
tation généralement au milieu, face à la grande porto, et comprenant
comme dans l'hofstedo la Maison, le Salon sur voûte, des chambres à
coucher, dos appentis ; d'un roté, l'écurie, qui tient â l'habitation, puis
l'étable; de l'autre, la grange, ot parfois dos établos supplémentaires, la
porcherie, le poulailler, lo fournil. \jt\ cour est en partie pavée; le trottoir
do briques l'entoure. En général, un bâtiment est établi on dehors de
l'ensemble : c'est un hangar à voitures, abritant chariots ot tombereaux.
Derrière l'habitation, collée au mur, apparaît la grande roue de bois
abritée sous un auvent, et qu'un chien met en mouvement pour faire
tourner la baratte.
Les matériaux.
Hofstedo flamande ou censé wallonne sont construites avec «les matériaux
identiques. La pierre est absente : il n'y a pas dans toute la Flandre dix
fermes bâties en grès ou en craie. Dans l'Est, la brique domino ; dans
l'Ouest, le torchis reste fréquent. On pourrait s'étonner do rencontrer
ainsi les maisons de terre dans les riches régions à limon, tandis que dans
les pays pauvres du Nord-Est elles sont construites en dur; la raison est
bien simple : on emploie la brique dans la partie sableuse parce qu'obligés
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.i u'iiih» iW *b'*i\ tyjH*s «ntiS. à p»'ii |»vs l'aiM-aMia* h «ailan !;t mi
'»«. flamand »*t <lu haiM'îris. Win la liiii'l»», la n»i<"* [ijY'voiiV
îr» 'pilMltlM'l * llïi 1<R l*t *tl IVl'O» ll.iil tlilliS l'h» »î« , l'i .
.■ jcM -Mt.'" »'«>.-! t>» tr|M' jiimMjioiit liant iU<1. Ol un a.vsi l.i' J:;j. ri.. '! -
i!«< hVun-'hts iî» Ytiib'iir ilill *r< nti», ivliôs l'iinniii' iiHifiri<'!i«,jj iMii l« » «i -
:imx aiitr"> ]t;ii' tiHil un rajiiiVtjT'' 'l'1 U'iK On di' ail uih1 ivrj.s.M" b-l*- •:
4 i r » 1 1 r <mi a ln'iit'hi* ouviM'tuivs »nlnl bnùiiMUils. Àilb*urs,
♦•.vin «'ans la p;it tio Stnl <!•• la |iht!iif-<b' la Lys, b'sbaUtns»!.* s'»'.;:»!: - <
if»'\itum< ni hdim^i iu'n *'t *• rîn-ronlwil i;nltfw*lb'im»iil \t\> tins ,m\ •
. •'. \v !; ;•" Ton Mrouv» au Sud wrs houat, Yab'iira-ai" , j .
<*tv 1rs |*l'«t«n-\ «Iî» <Tai»\ « 1« -x al la fwiH' jiU'Hi'ai».
A i'''il< ' irur. la wallonne |i*.''<on!e n*iv «It~-j" »^iti« >u s*antb! .
n'IU" <l<' l*h»>î"^t*»il<». Toul i»uU»ur 'l'uni' rôtir ruttvi*, U«> bi.'.j;u< i.K ;
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L'HABITAT RURAL: LKS MATÉRIAUX
417
d'importer des matériaux de construction que le sol ne fournit pas, les
habitants préfèrent choisir la brique, plus solide et moins exposée à
l'incendie. Toute la région sableuse est ainsi couverte de maisons de briques,
dont les murs sont passés à la chaux. Au contraire dans le pays d'Alost,
la région de Courtrai, dans toute la West-Flandre où le limon, plus ou
moins sableux, garnit le sol, on peut construire la ferme en briques
poussiéreuses, mais il est plus économique de prendre tout bonnement le
limon auquel on mêle un peu de chaux et de la balle de grain. Dans la
plaine de la Lys, les trois quarts des fermes sont ainsi bAties ; ailleurs, la
proportion des murs en terre est encore de deux tiers environ dans le pays
d'Alost, d'un bon tiers autour de Lille et dans le Houtland de Cassel.
Seulement il y a contraste entre la vétusté (souvent apparente) de ces
maisons, penchées, déjetées, affaissées sous le poids du toit, et la richesse
du sol limoneux. 11 faudra toutefois longtemps encore pour que la cons-
truction de briques prenne possession de toute la Flandre. La bâtisse en
dur gagne du terrain; elle s'adjuge neuf dixièmes des constructions neuves,
et la brique se glisse dans les murs en torchis, dont elle constitue souvent
le soubassement solide. Mais la construction en terre n'est pas près d'être
abandonnée pour les dépendances, étables, et surtout granges ; rien de
plus fréquent qu'une ferme où l'habitation est en dur, et les autres
bâtiments en torchis. De même le chaume, encore plus employé pour
couvrir les maisons que la terre pour les bâtir: l'on peut estimer qu'une
moitié peut-être des bâtiments, dans les campagnes flamandes, porte
encore cette couverture grise, rapiécée çà et là de jaune clair, sur le faîte
de laquelle s'alignent les joubarbes, comme une rangée de pots de fleur.
Malgré les risques d'incendie, beaucoup de cultivateurs préfèrent aux
pannes le chaume, qui convient mieux aux récoltes entassées sous le toit;
seulement presque partout le toit de paille se termine par une rangée de
i à 5 tuiles formant auvent qui protège le trottoir de briques. Dans les
villes, l'ardoise fait aux pannes une timide concurrence; la pierre elle-
même apparaît, amenée à grands frais de l'Artois, du Tournaisis ou de
l'Ardenne, et servant à décorer les façades *.
• Sur la ferme de la Flandre intérieure, voir : Meitzen (A), Siedelung und Agrar-
wesen der West- und Ost-Germancn (Berlin, 1816, 4 vol. in-8°). III, pp. 200-240; —
Winkler (J.). Oud Nederland (S'Oaveiihage, Kwings, 1888, in-8»,:*>7 p.), pp. 112-113;
— de Koville (A.), Enquête sur les conditions de l'habitation en France, les maisons-
types ; I, pp. 15-11) (étude de M. Bachelu) ; — Lemire (abbe). L'habitat dans la Flandre
française (Ann. Corn. fl. Fr., XX, pp. 1-18) : — Marguerit, A travers la Flandre mari-
time (Mém. Soc. Dunk. XXVII, pp. 213-215); — Glaerhout, Nos origines (Ann. Soc.
Km. Kr., LU, 1902).
n
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'.18
FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
Les mêmes matériaux, dans les mêmes proportions, se retrouvent pour
l'édification des maisons d'ouvrier. Mais qu'elles soient de briques ou de
terre, couvertes de chaume ou de paimes, celles-ci sont toujours longues et
basses, presque enterrées. Ce double caractère vient de leur ancienne
destination. Chaque maisonnette devait autrefois contenir un ou plusieurs
métiers, qu'il fallait abriter dans une grande pièce 6 part, qui s ajoutait
aux deux chambres réservées à la vie de la famille ; et pour obtenir l'humi-
dité nécessaire au fil, on établissait légèrement au-dessous du sol le
plancher de terre battue. A l'extrémité de la maison se trouve l'étable de
l'animal, vache, chèvre ou porc. L'intérieur est sombre, mal éclairé par
des fenêtres souvent étroites et garnies de petits carreaux, mal aéré par le
système de la guillotine ; le mobilier rudimentaire comprend surtout la
commode sur laquelle reposent sous globe les objets de piété ; la literie de
balle de céréales, d'herbe séchée, ou simplement de paille, est défectueuse;
les couvertures de coton trop souvent remplacées par des sacs ou des vête-
ments, le nombre de lits insuffisant. Mais l'extérieur reste agréable et pitto-
resque : les maisons les plus pauvres sont passées à la chaux ; les vieilles
sont peintes en bleu pale, et sur toutes tranche joyeusement le bariolement
des volets, sur lesquels les peintres ont épuisé toutes les gammes du vert,
du bleu et du jaune. Pour mieux apprécier la propreté et l'aspect avenant
de ces maisonnettes, il suffit d'escalader les pentes du pays haut d'Artois ou
de j>énétrer dans une des vallées qui en descendent vers la Flandre : à dix
kilomètres du bas pays, les maisons se font moins bien entretenues; les
rideaux disparaissent des fenêtres ; le badigeon est tombé par écailles, et
on voit sortir du torchis les pointes noirâtres du soubassement de silex.
Maisons et fermes sont comme jetées au hasard sur le sol. La dispersion
des habitations est la règle en Flandre ; et si l'un des traits essentiels du
pays est d'être4 la région des arbres, un autre, non moins caractéristique,
est d'être la terre des maisons éparses. Cela saute aux yeux d'autant plus
nettement que le cas n'est pas le même en Brabant, où les maisons tendent
à s'aligner en rues, ni dans les régions crayeuses du Sud, où le groupe-
ment en gros villages est la règle. Le changement est brusque ; dès qu'on a
dépassé Lille au Sud, les habitations isolées disparaissent; toutes les
maisons rallient les villages étendus le long des vallées tourbeuses ou
III.
DISPERSION DES HABITATIONS.
le
LA DISPERSION DES HABITATIONS
419
groupés sur une bosse du plateau. I^es habitants se rendent parfaitement
compte de la différence, et les gens de Stcenwerck demandent dans leur
cahier de doléances de 1789 le retrait de l'ordonnance défendant de garder
des fusils, « attendu qu'en Flandre les habitations sont dispersées çà et là
dans la campagne, tandis qu'en France les maisons sont toutes amassées
près de l'église » *.
La présence de l'eau à une faible profondeur dans le sol est la cause de
cette dispersion générale des habitations flamandes. Dans quelque partie
que ce soit du pays, on est assuré de trouver une nappe en creusant, dans
un sol meuble, un puits de moins de dix mètres de profondeur. Le plus
souvent, c'est à 4 ou 5 mètres que va s'alimenter la rustique pompe en bois.
Au Nord-Est, l'eau est à 3 mètres, 5 ou 6 mètres au plus, dans le sable
limoneux qui surmonte l'argile rupelienne : Beveren-Waes a 1.700 puits
privés, 6 publics ; St-Nieolas plus de 5.000, sans compter 80 puits
artésiens qui vont chercher dans le sable asschien le supplément d'eau
réclamé par l'industrie. Vers (iand, les linéoles argileuses qui traversent
les sables quaternaires ou tertiaires alimentent à Ertvelde 630 puits
pour les 67-1 maisons de la commune, à Mendonek 67 pour 77 maisons,
à Oostacker 801, a Zele 1.918, à Tamise 1.610, tous à 3, 4, 5 mètres
de profondeur. L'argile paniselienne, le sable argileux yprésien, enfin
l'argile yprésienne , se chargent de retenir à fleur de sol la nappe
phréatique de la West-Flandre et du pays d'Alost ; Waereghem a 1.100
puits, Ruysselede 1.350, Menin 2.467 privés, 4 publics ». Sans doute
cette imperméabilité du sol, qui permet la dispersion des habitations,
a de graves inconvénients : les nappes phréatiques s'épuisent vite, et chaque
été il y a des puits à sec ; surtout la faible profondeur du réservoir permet
la contamination de l'eau par les produits des latrines et les engrais libé-
ralement versés à la terre : il n'y a pas un village flamand dont certains
puits ne soient empoisonnés. Le paysan paraît s'en soucier peu, et continue
à boire cette eau impur*', de même qu'il va s'alimenter à une mare, au
ruisseau, au canal lorsque la nappe devient insuffisante. Même les citernes
qu'on trouve presque dans chaque village ne servent qu'à fournir l'eau
nécessaire à la lessive. Les villes, plus soucieuses de l'hygiène, sont plus
embarrassées ; la question de l'eau potable y est un des problèmes les plus
épineux des programmes municipaux. Gand pratique une distribution par
galeries de drainage qui donne une eau brune pou engageante ; Bruges n a
1 Seigneurie de Steonwerck-Dampierre, Cahier du 2<i mars 178!). article 11.
* André, Enquête sur les eaux alimentaires, l, pp. 355-401.
FLANDRK INTÉRIKURK. - LE MILIEU HUMAIN
rien trouvé de moins mauvais que l'eau du canal de Gand. Lille, Roubaix
et Tourcoing sont allées chercher dans les fissures de la craie, comme
Calais et Dunkerque, une eau plus pure et plus abondante que celle de
leur propre sol *.
Mais au moins, sûr de trouver partout sans difficultés l'eau nécessaire à
sa consommation et à celle de ses bêtes, le Flamand est allé établir son
exploitation à l'endroit qui lui paraissait le plus commode. Cependant la
dispersion qui en est résultée ne s'est pas opérée de la môme façon a l'Est
qu'à l'Ouest. On retrouve là, dans la disposition de cette poussière de
maisons et de fermes, la différence entre l'Ost et la West-Flandre.
Dans l'Ouest : les maisons isolées.
Le sol de l'Ouest est beaucoup plus compact que celui «le l'Est. Le limon
argileux, l'argile elle-même, les sables gras de l'Yprésien et du Paniselien
forment une terre lourde et tenace dans laquelle le paysan embourbe
ses attelages et enlise ses chaussures. A l'époque où il n'existait pas
de chemins régulièrement entretenus, c'est-à-dire jusqu'au début du
XIXe siècle, la circulation restait impossible en West-Flandre, pendant
toute la mauvaise saison. Détrempé par les fines pluies persistantes
de l'automne, le sol eût empêché le cultivateur d'aller à quelque
distance faire ses labours, ses semailles, ses hersages. Il n'y avait qu'un
remède : établir l'exploitation au milieu même des terres à cultiver.
L'hofstede ou la censé groupaient là autour d'elles, aussi étroitement que le
désirait l'exploitant, les pâtures où le bétail paissait sous la surveillance
du maître, et à proximité les champs de lin, de colza et de céréales *.
Lorsqu'une pâture se trouvait trop éloignée de l'habitation pour qu'on pût
veiller sur les bêtes, on y établissait une maison d'ouvrier, où un journa-
lier habitait à prix réduit sous condition de s'occuper du troupeau. C'est
ainsi que se repeupla le pays après l'occupation franque ; l'établissement
des fermes éparses et des maisonnettes disséminées y précéda l'apparition
' Sur un projet d'alimentation île toute In Flandre en eau potable pompée dans les
sable.-, pliocène* «le la Oampinc, voir: l'ut/eys (K.), Alimentation en eau potable île la
H^se-Helgique. (Hull. Soc. belge (îéol. XVIII. 1!*)4, Pr.-Y., pp. fii-M).
* Cette forme «le dispersion (hofsystom) serait, d'après Mcitzen, une survivance .lu
système celtique, .lù aux Mènapiens qui habitèrent le pays avant les Francs (Meitzen,
Siedelung. 111, pp. 23SI-240). Il serait étrange, dans ce cas, que la coutume celtique s*»
fût imposée aux Francs de la Westflandre, et n'eût laissé aucune trace dans la région
sableuse, qui fut cependant, au même titre que l'Ouest, un territoire ménapien.
^
DANS L'OUEST : LES MAISONS ISOLÉES
des villages groupés plus tard autour de l'église. Les Flamands, ditMever,
n'habitent pas comme les autres poupins autour dos églises, mais épar-
pillent leurs maisons par les champs et les bois ; et chacun possède là sos
Fragment <lc la feuille Huogttadc de U carte topographfque bel^e à I : ta. (m
Via. »J2. — Dispersion des habitations dans l'Ouest de la Flandre
(environs d'Hondschoote).
Fermes entourées d'eau ; petite agglomération communale (Oyverinchove) ;
maisons groupées aux carrefour».
terres arables, ses pâtures, ses vergers *. Cette disposition des habitations
subsiste encore. Dans toute la West-Flandre, les fermes restent isolées, sans
souci des villages ni des chemins, à travers la campagne. On dirait qu'on
• Mever, Rerum Flandriae. p. W.
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V£i FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
•
los a jetées au hasard. Pour remédier a cet isolement qui pouvait être
dangereux aux époques troublées, elles s'entouraient presque toujours d'un
fossé, qui enfermait tous les bAtiments, et au moins l'habitation. La belle
carte du Franc, exécuté*' au XVIe siècle par Pourbus, indique par exemple
dans la paroisse de S t- And ré-lez-Bruges 22 « manoirs » entourés d'eau !.
Os manoirs fortifiés sont encore nombreux dans le pays d'Ypres, dans la
plaine de la Lys et la région lilloise (Fig. 62).
Dans ces conditions, le village proprement dit, le chef-lieu de la paroisse,
était forcément pou de chose. Le « Plats », comme on l'appelle, ne com-
prenait guère, autour de l'église, que quelques maisons de commerçant,
avec une majorité d'estaminets. L'emplacement importait peu ; cependant
on remarque que beaucoup de villages sont établis sur «le petites hauteurs.
A l'Est d'Ypres, West-Roosebeke, Passchendaele, Mooi-slee.de, Becelaere,
Gheluwelt, Zandvoorde sont placés au sommet de tertres; même disposi-
tion pour beaucoup de villages à l'Est de Courtrai, pour la plupart de ceux
qui entourent Cassel, et surtout pour les villes et bourgades situées au
Nord de Lille : Bondues, Linselles, Roncq, Neuville-en-Ferrain, Mouveaux,
Mouscron et Tourcoing couronnent des collines, et cette disposition
donne du pittoresque à ce paysage industriel. Cette particularité, que
les habitants ne s'expliquent pas, doit tenir à des préoccupations de défense;
l'église était établie sur un lieu élevé pour pouvoir surveiller le pays, et
prévenir au son du tocsin les habitants épars du danger qui les menaçait.
Un autre lieu de villages, c'est le bord des vallées, à l'endroit où se termine
la bande de terres basses inondables; on compte 15 villages le long de
l'Escaut entre Helchin et Audenarde, sur 20 kilomètres à vol d'oiseau ; et
16 le long de la Lys pour les 25 kilomètres qui séparent Courtrai de
Deynze.
Li situation s'est modifiée au XIXe siècle, avec la création des chemins.
Les fermes neuves viennent se placer au bord des routes, assuré qu'est
désormais le fermier d'avoir accès dans toutes les parties du domaine
exploité ; les vieilles au contraire sont restées à l'écart, et principalement
dans les creux, où on les bâtissait jadis de préférence, pour trouver plus
facilement l'eau nécessaire à la défense et à l'alimentation; il arrivait même
qu'avant de construire on enlevait de la terre pour que la dépression fût plus
prononcée. Pour faire cesser leur isolement, elles se sont reliées aux routes
par de belles d rêves, avenues d'ormes qui s'allongent parfois sur un kilo-
mètre. Le Plalz a beaucoup grandi avec le développement des chemins.
1 Voir Van Spoybrouck (A.). St-An.lrv. (Aun. Soc. Km. Hr.T 38' volume, 1888.
pp. 1-172).
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• Mi • lu i. > ïMi»îl;i."S c'j.ïus du ilittir^iT qui !■ > :t. ..•
['■ • . i.'. ,':«.». -v. c*.- -t i»- li.. :il tli-s vii!i'-">, ;'i r« in!'<<il oi; - ! •
,., i. •: -i t'îi.M*> iiin'iihiliit's; on rompt*1 !,*» v-lla, s . • i
[']•[-.: '■ • • i1- 1. r:n *•* .\».« tiuiri", mit "Al kil'Ud»*lr«,s â vl t\'»-i • ♦ :
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La* i '«lilii-*» iiu XIX' . i»'! 1», hvih* ht < iAUi..u «les . ;>.
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i'X; l ; W- \j»»i!!»'s au roiiii'î-î'i» sni4t h 1 V-**-i et» »'l }U'iiK'î| '• *:
il.in^ i*h*l*X. «»U oïl ïi'.- Ii;*il't: s;iîl jiidiK tl*1 [•: (' 'V'ivii<-«\ jn>iir I S • »ll » ■ :
ip/.tvaut i|i»i,i>iMruin|i)ij "[itc\ai1 ilr la Wvvv [ii»ur ijin* la ilrp^-ssior t. t
j»:i»ni»uoi''«'. I'mui' lai**»- r»-svM- lf-ur is<»li-ni'Uit. fll-*s s»- muiI p*l:i"»*>nij\
j ai- ih- 1»'1I»'n iI'vvon» ;iv**iiuh.> fl'iH'inis qui s'allnin:*»»! |*ji:f««i> s,.r h-, k.
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DANS L'EST : LES MAISONS GROUPÉES EN RUES
423
qui viennent s'y croiser ; les rentiers sont venus s'y fixer; avec, eux sont
venus s'établir les ouvriers agricoles, quittant peu a peu les maisonnettes
éparses dans les pâtures. Maintenant que l'accès des champs est facile, et
qu'il n'est pas nécessaire que la ferme soit placée au centre de l'exploita-
tion, beaucoup de petites fermes ont disparu, dont les terres ont été parta-
gées entre d'autres domaines, les propriétaires y trouvant l'avantage d'être
débarrassés du souci d'entretenir les bâtiments. Pour la même raison, on
a démoli la plupart des maisonnettes isolées, « ces cabanes éparses dans la
« ampagne, asiles de l'innocence *> sur lesquelles s'attendrissait Forster,
et on a offert à leurs occupants un. logement dans des corons construits à
bon marché et d'entretien facile, situés aux abords du village. Le mouve-
ment de concentration est particulièrement prononcé en France, où la
diminution de la population rurale contribue à faire disparaître les habi-
tations isolées. La comparaison d'une carte de 1737 conservée à la mairie
de Steenbecque avec l'état actuel montre que les deux tiers des maisons
éparses n'existent plus. Dans la plupart des communes, on signale que
cette concentration s'opère: à Rexpoede, à Bollezeele, à Quaedyprc, à
Boeschèpe on voit disparaître les petites fermes; à Ste-Marie-Cappel, on
en a démoli dix en 25 ans. On s'aperçoit en parcourant le pays que la
plupart des maisonnettes isolées sont vieilles et délabrées, qu'on ne les
entretient plus; d'autres sont en ruine. Ainsi la dispersion, jadis poussée à
l'extrême dans l'Ouest, tend à s'atténuer et la plupart des villages forment
des bourgades assez compactes, avec une population beaucoup plus agglo-
mérée que dans la plupart des communes de Basse-Normandie ou de
Bretagne.
Dans l'Est : les maisons groupées en rues.
Loi-squ'on a dépassé à l'Est la ligne Thourout-Thielt-Deynze, l'aspect du
pays change. Tandis que les pâtures se font rares, que les champs
s'entourent d'une bande de gazon et d'une haie d'aulnes, on voit les
maisons dispersées rallier le chemin, et disparaître peu à peu du milieu
des champs; au delà du canal de Bruges à Gand, la transformation est
accomplie, toutes les maisons sont dorénavant au bord des routes, qui se
transforment en longues rues bordées de bâtiments. Hors des villages il
est rare que les maisons se touchent : elles restent à 10, 20, 50, parfois
100 mètres l'une de l'autre ; mais aucune ne s'écarte du chemin, vers lequel
elle tourne sa façade ou son pignon. Entre Exaerde et Oostacker (N.-E.
' Forster, Voyage philosophique, H, p. 1(57.
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124
FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
do Gand) s'allonge ainsi une route de 16 kilomètres, toute bordée de
maisons dont aucune n'est à plus de 100 mètres d'une autre, petites formes
dont l'habitation regarde la route, tandis que les bâtiments d'exploitation
lui sont perpendiculaires. Au delà, au Nord et au Sud, s'étend un désert
cultive, sans une cabane jusqu'aux maisons de la prochaine route dont on
aperçoit parfois les toits rouges entre les arbres. Entre Gand et Lokoren,
le voyageur qui suit le chemin de fer voit le pays se dérouler de chaque
Fragment de la reaille F.etloo de la carte topographique belge à 1 : SO.OOf.
Fio. 03. — Maisons groupées en rues dans l'Est de la Flandre.
Maisons et jardins au long des chemins ; champs enclos de haies s'étendant
d'un chemin à l'autre.
côté de la voie comme une vraie solitude boisée, quoique la densité de la
population soit supérieure à 200 habitants au Kmq. C'est que les routes
étant parallèles à la voie ferrée, et les maisons n'étant construites que le
long dos routes, on n'aperçoit qu'à de longs intervalles quelques toits
cachés par les peupliers et les saules.
C'est encore à la nature du sol qu'est duo la raison de cette curieuse
disposition. I/» sable et le limon sableux qui recouvrent toute cette région
sont des terrains toujours socs. L'eau do pluie est rapidement absorbée
par cotte surface poreuse, et jamais le sol n'est impraticable pour le passage
du paysan et do son outillage agricole. De mémo que dans la Plaine
maritime la ligne des dunes, on dépit de son sol mouvant, a toujours tenu
lieu de route, do mémo les sables de l'Ost-Flandro, dans lesquels le pied
bogie
DANS L'EST : LES MAISONS GROUPÉES EN RUES i2T,
enfonce parfois jusqu'à la cheville, n'ont jamais empêché la circulation
que les pluies rendent impossible dans les terres fortes de l'Ouest. Sûr de
pouvoir à toute époque de l'année avoir accès à ses champs, le paysan
préférait établir sa maison au long des voies de communication, chaussées
ou pistes de sable, échappant ainsi à un isolement qui pouvait être
dangereux : ses instincts d'indépendance restant d'ailleurs sauvegardés par
la possibilité où il était de se tenir à bonne distance de la maison voisine,
l'eau ne faisant défaut nulle part, à quelques mètres de profondeur.
Dès lors, dans tout l'Est, on passe de la pleine campagne aux villages
par d'insensibles transitions. Les maisons se rapprochent, leurs jardins se
touchent, puis disparaissent ; les habitations finissent par se rejoindre, la
mute est devenue rue. Aussi est-il difficile de dire où commence l'agglo-
mération. Villes et bourgades se prolongent dans la campagne par
d'interminables faubourgs : St-Nicolas a l'air d'une pieuvre dont les
maigres bras s'allongent sur le pays de Waes. La plupart des communes
sont complètement désarticulées en gros hameaux qui courent le long des
routes. Waerschool, qui compte 6.100 habitants, en groupe à peine l.tf71
autour des trois rues qui se rejoignent devant l'église ; les hameaux se
partagent le reste: 415 à I^eest, 300 à Kerre, 170 à Arisdonck, 601 à
Oostmoer, .161 à Hoeksken, 4 il. à Weststraat, etc. ; chacun d'eux est déjà
un village. Zele compte 21 hameaux, contenant plus de la moitié de la
population totale.
Ces villages, ces bourgades mi-rurales mi-industrielles, ont un aspect
Fragment de U feuille Kerloo de la carte topographique belge à I : 20.000.
Kio. 0i. — Un village de l'Est: Cnpryrke. Disposition en me.
largeur de la rue principale, «lue h ln disparition des jardins devant les maisons.
Vastes dimensions de la place.
singulier. L'entrée est charmante : des jardins et des vergers bordent la
route, derrièi*e une haie ; au fond, dans ce cadre heureux, apparaît la
propre maison de briques. Mais vers le centre, les jardins disparaissent,
J
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420
FLANDRE INTKRIKCRK: LK MILIEU HUMAIN
sans que los maisons se rapprochent du chemin, de sorte que la rue devient
une énorme voie de 20 à 30 mètres de large, comprenant une chaussé
pavée au milieu, et des pistes île sable, vrais champs d'ornières, il»1
chaque côté. Telle se présente hi ville d'Eecloo, où les jardins qui
s'étendaient devant les maisons sont disparus depuis une soixantaine
d'années. La place-carrefour est vaste en proportion des chemins; à
Capryeke elle atteint la superficie de 5 hectares ; la plupart servaient
ou servent encore de pâtures, et à l'époque de la prospérité du lin, on y
mettait séchor
les fibres rouies
dans les mares.
Il existe encore
des types curieux
de l'ancienne
disposition des
villages. Le ha-
meau de Doore-
zeele (commu-
ne d'Evergem)
comprend, d'une
ligne de maisons
à la ligne située
en face, d'abord les vergers bordés d'une haie, puis une pâture commu-
nale avec cinq rangées d'arbres, une chaussée pavée, une autre pâture
avec six rangs d'arbres, les haies et de nouveau les vergers: environ
100 mètres de distance d'une maison à celle qui lui fait vis-à-vis. Avec un
pareil système de groupement, les habitations finissent par être aussi
isolées que celles de la West-Flandre.
I,es noms de lieu expriment nettement cette dispersion des habitations
qui caractérise la Flandre. I/' nom de Iloek (coin) est très fréquent,
particulièrement dans les lieux-dits ; autour d'Hondschoole, presque tous
les hameaux sont ainsi le coin des tilleuls (Lindenhoek), le coin de
Heveren (Bevcrenhook), le coin de la chapelle (Cappelhoek), le coin de
l'Ouest (Westhoek), le coin du puits (Puthoek), etc. Mais les noms les ph,s
fréquents sont ceux qui désignent l'habitation germanique. Le suffis
« heim », traduit en hem, cm, ghem, gem, ghen, ghien, ain, et signifiant'
séjour, demeure, remplit la Flandre intérieure, déborde sur le RrabanL
la Campine, depuis les Maldegem et les Landegem de l'Est jusqu'aux
Pitgam, Frelinghien, Radinghem et Sainghin français. « Sele », désignai»!
la maison du chef franc, s'étend sur les mêmes territoires, en Belg^6
Fragment de la feuille Kvrixem «le la carte lopopraphiqoe belge à 1 : îO.noo.
FiG. (v>. — Un village de l'Est : l)Quresnelr. Exagération du
type ordinaire ; largeur énorme de la me, plantée d'arbres et
servant de pâture.
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LES VILLES
427
(Zole, Oosterzeole, Dadizeelo), on Franco et on pays wallon (Horzeolo,
Strazeele, Linsellos, Horseaux). Lo plus ancion do ces tormos employés
pour indiquer l'habitation, « Laer », est resté cantonné dans l'Est :
Vosselacre, Knessolacrc, ot ne fait dans l'Ouest que de rares apparitions :
Roussolaoro (Roulors), Rocolaere, Oxolaero. \ai maison isolôo (huis)
apparaît dans une multitude do lieux-dits. Do mémo pour la forme (hovo),
qui a également donné son nom à de nombreux villages, Etiehovo,
Kerkhove, ot dans la parti** française Ravinchovo, Volkorinckhove,
Polineove, jusqu'à i6 dans lo seul département du Pas-de-Calais. La dispo-
sition des habitations dans l'Ost-Flandre rend particulièrement fréquent
dans cette région l'emploi du terme Dorp (village), désignant les hameaux
en rues :Opdorp,Steondorp, West-ot Zuyd-dorpe ; do mémo pour le vocable
Straal(rue), qui s'applique à une quantité considérable do lieux-dits autour
do Zole, Hamme, et dans tout le pays de Waes.
Enfin d'autres ternies traduisent l'abondance de l'eau, la nature humide
du pays. Rroeck, Rriel (marais) se rencontrent mémo hors de la plaino
maritime; beaucoup de villages, de hameaux, ont pris le nom de ruisseau:
Beko, déformé en bocque el baix : Rooseboke, Harlebeko, Steenbecque,
Roubaix, Fleurbaix. On rencontre fréquemment des termes augmentés du
suffixe Voorde (passage sur l'eau): Steenvoordo, Zandvoorde, Hardifort,
ou du suffixe Rrugge (pont): Langerbrugge, Gonlbrugge. I>»s cliamps
(Veld, Akker, Kauter), les bois (Rusch, Hout, Loo), les noms d'arbres,
entrent fréquemment, en composition, ainsi que les termes qui expriment
les hauteurs et les dépressions (Rorg, Daele) «.
IV.
LES VILLES «.
Etant donné l'état de dispersion de la population, il ne faut pas s'attendre
à trouver en Flandre un grand nombre de groupes urbains bien constitués,
de vraies villes qui tranchent sur les agglomérations rurales. Beaucoup
de communes flamandes ont des populations supérieures à celles de
1 Sur les noms de lieu, voir l'excellent travail de Kurth. L'i frontière linguistique
en Belgique .'t ilans le N'ont de la France (Métn. ('.. Ac R. Helg., XLV11I. 1K!
2 vol.). On trouvera une bibliographie complète de la question dans : Adriaens (<î.),
Orthographe des noms <le commune ( Huit. C. C. St.. XVI, IH'KI, pp. 1-1)0), pp. ««.!«.
* Sur les villes, voir: Deventer, Atlas des villes de la Belgique au XVI" siècle
(publié par Ch. Kuelons et L. Oilliodu* van Severen).
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FLANDRE INTÉRIEURE : LE MILIEU HUMAIN
villes françaises, tout on restant de simples agglomérations rurales.
Wynghene avoe ses S. 132 habitants, Stekene avec 7.9 19, Moorslodo avoe
7.304, Aeltreavoc7.2i0ne sont que de gros villages. Mais faut-il considérer
comme villes des communes telles que Zele, où sur les 12.932 habitants
6.000 seulement habitent le centre *. De même à Iseghem : sur 12.172 habi-
tants, plus de la moitié se trouvent hors de l'agglomération. Thourout,
contre 3.000 habitants dans la ville, en a 7. KM) dans la campagne ; Thielt
se partage entre 3.500 habitants et 700 maisons sur s;i colline, 7.000 et
l.i(X) maisons dans la plaine d'alentour. Beaucoup de villes, môme parmi
celles qui sont en pleine croissance, restent donc à demi-rurales.
Les villes avant le XIX* siècle.
I/"s premières villes apparaissent à l'époque romaine. Ce sont des
forteresses qui succèdent peut-Aire aux oppida gaulois, Cassel (Castellum
Menapiorum), de sa butte, commande la West-Flandro sur laquelle il étend
son réseau de chaussées étoilées autour de la colline; sur le mont de
Wallon, dominant le gué de l'Aa, existe un établissement dont les ruines sont
décrites au IXe siècle par l'auteur do la Chronique !. D'autres villes sont
établies au bord do la Lys, marchés et tètes de pont : Minariacus (Pont-
d'Estairos), sur la route de Cassel à Arras ; Viroviacus (Wervioq), sur la
route do Cassel à Tournai ; Corloriacus (Courtrai), bâti à un endroit où se
rétrécit la vallée. Cependant Garni existe probablement déjà sur la pente
du Sablon, devant laquelle s'unissent les bras de l'Escaut et de la Lys ; au
VIIe siècle, avant qu'un monastère y fût fondé, St Amand se rond au
* pagus qui vocabulum osl Gandavum » *, que le biographe do St Bavon
appelle un castrum, et celui de St Eloi un municipium 3.
Los villes somnolent après l'invasion franquo. I^s nouveaux venus sont
une population rurale, qui se disperse en fermes et en hameaux. Quelques
grands marchés suffisent aux échanges. Messines reste pendant longtemps,
grâce à sa situation sur la frontière linguistique, une dos foires les plus
animées de la Flandre. Thourout, vrai contre du pays, est déjà en relation
avec le Nord do l'Europe ; on forme dans son monastère dos missionnaires
pour l'évangélisation de l'Allemagne septentrionale. Mais ces foires
i M. <;. SS. XIV. p. m.
4 Yita S. Amnndi i M.iliilluii, Aria Saïu-iomm, II, p. fi83).
1 \ ît.i S. Mavonis (Mabillon. 11. p. :V.H) ; vita S. Eligii <lans Dom Houquet. III,
p. rû7.
LES VILLES AVANT LE XIX* SIÈCLE 42!)
fréquentées ne donnent pas naissance à des villes. C'est la renaissance du
commerce régulier et permanent, à la fin de l'époque carolingienne, qui
va fixer des populations plus denses « aux nœuds du transit régional »
Les cours d'eau sont à cette époque les seules voies commerciales de la
Flandre. Ce sont donc des villes de rivière qui s'établissent aux endroits
les plus favorables pour le transit. St-Omer s'étend à l'endroit où l'Aa,
descendu rapidement de l'Artois, se calme en pénétrant dans les marais et
devient navigable. Y près se place au point extrême où peuvent atteindre
les bateaux de l'Yperlée, et d'où l'on peut facilement gagner la Lys *. Cette
dernière devient une rue de villes. Depuis Aire, où elle peut porter des
barques, jusqu'à Garni où elle atteint l'Escaut, les cités commerçantes se
succèdent a intervalles presque égaux: Merville, Esta ires, Arrnentières :|,
Warneton, Comines, Wervicq, Menin, Courtrai, Deynze. D'Armentières à
Menin, les villes sont placées successivement à droite et à gauche de la
rivière ; c'est qu'elles choisissent pour s'établir l'endroit où la Lys,
promenant ses courbes de gauche à droite, vient frôler le bord du lit
majeur; ainsi placées sur celte rive élevée, elles ne craignent pas les inon-
dations qui s'étendent chaque hiver sur la vallée. Lille 4 canalise déjà la
Deûle, Alost la Dendre ; Teruionde profite de la jonction de cette dernière
et de l'Escaut. Mais la position de Gand est favorable entre toutes. Non
seulement sa situation au confluent des deux grands cours d'eau flamands
lui assure un trafic important, mais elle est à l'endroit où les deux rivières
sont assez rapprochées de la mer pour que les marchandises puissent gagner
directement la côte en évitant le long détour par Anvers. La Lieve jadis,
I Pirenne (H.), villes flamandes avant le XII' siècle (Ann. E. N., I, 1JKT),
pp. it-32), |». 23. — Sur le même sujet : Pirenne, L'origine des constitutions urbaines
au moyen-àge (Revue Historique. LVII, 18U">, pp. r>7-U8 et 2113-327); — Id.. Villes,
marchés et marchands au moyeu-âge (Ibid. LW II, 181N, pp. îiO-TO) ; — Des Marez((ï.).
Les villes flamandes (Bruxelles, Moreau, 1!KMI, 24 p.); — Id., Etude sur la propriété
foncière dans les villes du Moyen-Age et spécialement en Flandre (20* fascicule du
Recueil des travaux publiés par la Faculté de philosophie et lettres de l'Université de
Cand, l«U8j.
* Sur Ypres, voir bibliographie très complète dans : Diegerick (A.), Liste des
ouvrages et notices concernant l'histoire de la ville d" Ypres publiés depuis 1830
(Ann. S. H. Ypres, VIII, 1*78. pp. 78-125).
3 Jean sans Peur accorde une foire à Arrnentières en considération de sa situation
sur la Lys. Voir Inventaire Arch. Arrnentières, série HIL p. 2.
4 Sur les origines de Lille voir: Hautoœur (E.), Cartulaire de l'église collégiale de
St-Pierre de Lille (Lille, Quarré. 18M, 2 vol. in-8») ; - Id.. Histoire de l'église collé-
giale et du chapitre de Si-Pierre de Lille (Lille, Quarré, 18(J0, 3 vol. in-8°). l>a première
charte originale où soit mentionné le nom de Lille est de 10G6.
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430 FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
puis lo canal do Bruges, aujourd'hui lo canal de Ternouzen, ont ainsi fait
do Garni un port maritiino on mémo temps qu'il était lo principal port
fluvial do la Flandre. L'existence de deux abbayes autour desquelles ne
sont nés que dos faubourgs agricoles, et d'un castrum resté longtemps à
part, n'était donc pas nécessaire à l'établissement et au développement
de la ville commerçante (Portus), étendue au confluent véritable, autour
des marchés aux Poissons et du Vendredi.
Le magnifique développement de l'industrie drapiëre aux XIIIe et XIV*"
siècles acheva ce que le commerce avait commencé. Les villes prirent un
essor inouï. Lille, qui apparaît au XIP siècle, est déjà comptée au XIIIe
comme une dos cinq grandes cités flamandes. La prospérité, restée attachée
jusque là aux villes de rivières, déborde hors dos vallées, roule à travers le
plat pays; les villages deviennent bourgs, et les bourgs, villes. Hazebrouck1 ,
Bailleul, Poporinghe, Roulors, Thielt, deviennent des cités actives pour-
vues d'institutions municipales. Los grandes villes voient leur population
s'accroître dans des proportions inconnues jusqu'alors, sans atteindre
cependant aux chiffres fabuleux qu'on leur attribue généralement :
30O.OOO habitants à Bruges, *J50.000 à Y près ; il est probable qu'aucune
ville de cette époque ne dépassait 60.1)00 habitants, peut-être 80.000; leur
croissance ne pouvait être indéfinie, chacune ne pouvant guère se nourrir
que de ce que produisait sa chàtellenio *. Pour Ypros en particulier le chiffre
de -J00.000 âmes donné on 1^47 par une bulle d'Innocent IV est corrigé
dès \'Sû par une bulle d'Alexandre IV, disant que d'après le prévôt et le
chapitre de St-Martin, la population de la ville dépasse 40.000 habitants 3.
Bruges et Oand étaient d'ailleurs plus importantes qu'Ypres, si l'on s'en
rapporte au Transport de VM) ». A cette date, sur 100 livres à fournir par
lo comté tout entier, Bruges était taxée à 15 livres, Gand à 13, Y près A 10.
La décadence do l'industrie drapière causa naturellement la décadence
des villes, que sa prospérité avait enrichies et peuplées. Ypros on souffre
particulièrement ; ses faubourgs sont détruits on 138:2 par l'armée anglaise
de révoque de Norwich ; ses artisans émigront. Dès le début du XVe siècle
> Pour le développement d'Hazebrouek.vmr Kinot. Inventaire des Arch. dTIazebrouck,
Introduction ; — Taverne de Tersud, Hazebrouck depuis son origine jusqu'à nos jours
(Hazebrouck. Venelle, 1890. in- 4°, 454 p.).
2 Dos Marc/, Les villes flamandes, p. IL
a Diegeriok, Areh. d'Ypres, 1, pp. fi4 et 82.
» Publié dans (ïilliodts. Inventaire, IV. pp. 279-280 ; de Limburg-Stiruni (Th.).
Codex diplomaticiis Flandriae, inde ab anno 1296 ad usque 1327 (Hruges, de Planekc,
1880. 2 vol.) II, pp. 141-143.
LES VILLKS AVANT I.E XIX- SIÈCLE ',31
on réduit de 10 à 8 livres sa contribution au Transport ; sa population
tombe à 12.1)00 habitants en 1412, à 10.000 en 1470; en i486, le tiers
d'entre eux mendie L'industrie linière, vers laquelle se retourne l'activité
flamande, s'exerce à la campagne, les villes n'en profitent pas, sauf
quelques rares exceptions. Au Transport de 1517 *, Y près est taxée à
7 livres, qu'elle est d'ailleurs incapable de paver; Courtrai, assignée pour
30 sous en 1300, est tombée à 22 ; Poperinglie, de 24 sous à 14 ; Thourout,
de 3 sous à 12 deniers. Les grandes villes commerçantes résistent mieux :
Gand s'est élevé de 13 à 14 livres ; Bruges est taxée à 14. Mais les guerres
surviennent : lutte contre la France, révolte des Pays-Bas, guerre de
80 ans. Au Transport de 1631 a, la décadence des villes est définitive,
(îand est tombé à 6 livres 14 sous ; Bruges à 5 livres ; Ypres à 2. On a dû
reporter sur les campagnes et sur les petites villes les charges que les
grandes ne peuvent plus payer. On a transformé en forteresses les anciennes
capitales de l'industrie ; en forts d'arrêt les petites villes. A Gand, on rase
un quartier et une abbaye pour dresser une citadelle espagnole. Audenarde,
où la fabrication des tapisseries réunissait 20.000 travailleurs dans la
ville et la banlieue, voit ses ouvriers émigrervers la Hollande et la France;
elle est réduite à son rôle stratégique de forteresse défendant l'entrée de la
Flandre; la situation était belle à l'endroit où la colline d'Edelaere se
dresse au-dessus de la vallée resserrée, facilitant le passage et la défense;
les sièges du XVIIe siècle cl la bataille du XVIIIe en ont prouvé l'impor-
tance. Termonde, marché du lin de l'Est, devient le fort contre lequel se
brise l'élan de l'année française en 1667. Menin, Wervicq, Armentières,
Warneton, St-Venant, sont des fortins qui hérissent la ligne de la Lys.
Encore ces villes fortifiées, qui languissent derrière leurs murailles, sont-
elles protégées contre les attentions que les belligérants, dans la seconde
moitié du XVII" siècle, prodiguent au plat pays et aux villes ouvertes :
pillages, incendies, contributions. Aussi Poperinghe tombe à 1.502 habitants
en 1608; Roulers à 600; Estaires à 1.027; Bailleul a 2.302 ». Même la
paix qui règne en Flandre de 1748 à 1780 ne ramène pas la prospérité dans
les villes. C'est la campagne, ce sont les bourgades à moitié rurales qui
1 Pirenne, Hist. do Belgique, II. p. .'ISS; — M., Les dénombrements de la population
d'Ypres au XV' siècle ( Vierteljahrsi hrift for Sooial-nnd Winschaftsgesehichtc, I, 1903,
pp. 1-xqq.)
* Publié dans : Kerste bonck der Ordonnancien, Siatuten, Kdieten en Placcaerten....
van Vlaenderen ((îhendt. bij Anna van den Sleene, UW, in-4\ &!0 p.). pp. 54î'-.T»l.
3 Publié dans Priem, Précis, série, VII. pp. 110-110.
* D'après le mémoire de des Madrys (Bull. Corn m. H. N., X, pp. 251-328).
FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
profitent du réveil de l'industrie à domicile. En 1784, Gand végète à
50.000 habitants, Ypres, à 12.(KX), Audenarde à 3.000, Termonde à 5.000%
faibles chiffres que la conquête française contribua encore à réduire.
Les villes au XIX' siècle. — Influence de l'Industrie.
Mais lorsqu'au début du XIXP siècle apparut la grande industrie, les
villes retrouvèrent leur supériorité, et les campagnes commencèrent à se
dépeuple!- en leur faveur. Ce fut un long et irrésistible mouvement qui se
prolongea toute la durée du siècle et continue de plus belle aujourd'hui.
Sous l'influence du développement industriel, et sous cette influence seule,
les anciennes villes reprirent leur croissance interrompue, et de nouvelles
naquirent, qui firent une fortune prodigieuse.
Hors de l'industrie, point de salut. Les villes qui ne voient pas dressées
dans leurs faubourgs les hautes cheminées de briques sont restées petites
ou médiocres, quand elles n'ont pas décru. L'influence des voies de commu-
nication, c'est-à-dire de la situation géographique, est restée nulle, ou à
peu près. St-Omer est établie au bord de la grande voie fluviale qui relie
Dunkerqueau Nord et à Paris ; c'est une étape toute désignée sur une ligne
dont le tonnage dépasse 2 millions de tonnes en 1901 ; enfin c'est l'inter-
médiaire entre le haut pays d'Artois et le bas pays de Flandre; pourtant
l'industrie ne s'y étant pas acclimatée, et s'y réduisant à quelques ateliers de
lingerie, à quelques fabriques <le pipes,la ville reste comme morte; de 20. 109
habitants en 1803, elle est passée à 20.867 en 1901. Aire, mieux placée
encore, au carrefour du canal de Neuffossé, du canal d'Aire à La Bassée et
de la Lys navigable, a gagné 872 habitants en un siècle, de 7.586 à 8.458 ;
sur ce nombre, 1.060 personnes indigentes étaient admises, pour 1903, à
l'assistance médicale gratuite *. Qu'on les compare à leurs voisines du Sud :
Lillers, à l'écart de la grande voie navigable, a pourtant gagné de moitié
grâce à l'industrie de la chaussure et au voisinage des houillères (de 4.094 à
7.747); Béthune,pour la même raison, estmontéedeO. looà 12.404 habitants.
Il y a bien d'autres exemples. Termonde est dans une situation commerciale
remarquable, au confluent de l'Escaut et de la Dendre, à mi-chemin de
Gand et d'Anvers ; cependant gênée par les servitudes militaires dans son
développement industriel, elle n'a pas connu l'essor rapide de sa voisine
Wetteren, pourtant moins bien placée. Renaix,aussi mal située que possible.
I kcrvvn de Lrumhovc, I-i Flandre d;»ns les trois derniers siècles, pp. 202-293.
s Journal L'Écho de la Lys du 13, novembre 1902.
LES VILLES AU XIX" SIÈCLE. - INFLUENCE DE L'INDUSTRIE «3
à l'extrémité de la Flandre dont dépend son industrie, isolée au fond d'une
vallée qui est une impasse, privée d'un canal et desservie par des voies
ferrées incommodes, est on pleine prospérité pendant qu'Audenarde végète.
Il est clair qu'Hazebrouck s'est heureusement ressentie de la création des
grandes voies ferrées qui s'y croisent et que les 400 ouvriers et employés
de la gare contribuent à sa prospérité ; cependant en 1876 la ville n'attei-
gnait pas encore 10.000 habitants, et c'est depuis la création des tissages
mécaniques et de la filature, avec leur personnel de 1.200 individus, que la
ville, en 25 ans, est passée de 9.857 à 13.261 habitants.
Aussi les villes qui ne se sont pas créé une industrie déclinent, fussent-
Prafinent de la feuille Drvnxc de la carte topographlque beljre à 1 : 20.000.
Fia. W. — Deynse, Tyjic de cille formée d'une chaussée à travers
, nue vallée marécageuse.
Emplacements «le batailles aux environs.
elles des centres agricoles de premier ordre. Cassel possède tous les quinze
jours un important marché de bestiaux, où l'on vient de toute la Wesl-
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FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
Flandre française ; ses foires sont fréquentées; sa butte pittoresque se
couronne d'un grand hôtel et de villas ; elle fait figure de ville de plaisance :
répondant sa population, de 3.785 habitants en 1804, après avoir atteint
4.200 au milieu du siècle, est tombée à 3.222. Poperinghe, après avoir
dépassé 1 1 .000 habitants, est descendue au-dessous de ce chiffre. Audenarde
est un type de la vieille ville flamande, avec les murs jaunâtres des grandes
casernes du XVIIe siècle qui rappellent le rôle militaire de la ville, les
toits à pignons en escalier, les églises, et l'hôtel de ville si finement ajouré
qu'il ressemble à une châsse d'orfèvrerie; mais l'industrie n'est pas venue,
et la ville s'est tout bonnement élevée en un siècle de 4.200 à 6.200 habi-
tants. Y près est une autre ville du passé ; ses 16.500 ha bitants tiennent peu
«le place dans les rues, et ses immenses Halles étonnent d'autant plus le
visiteur qu'elles sont disproportionnées avec l'activité actuelle de la cité.
Les autres vieilles villes, qu'avait rudement atteintes la crise du travail à
domicile, ne se maintiennent qu'en introduisant chez elles la grande
industrie. Thielt, devenue l'avant-garde de la région gantoise vers l'Est,
Thourout, vrai village aux rues étroites et tortueuses, bordées de maisons
basses, sans étage, qui s'emplit du tapage des marteaux de cordonniers sur
le cuir, se tiennent à 10.000 habitants, la plus grande partie dans la
campagne. Enfin l'important marché de Deynze, jadis chaussée traversant
les prés mouillés de la Lys, dont l'importance stratégique est attestée par
les nombreux combats que mentionne la carte autour d'elle, ne se maintient
que grâce à la fabrication des soieries et au travail des blés dans ses usines
et celles de son faubourg de Petegem.
Mais lorsque la grande industrie est venue s'établir â leurs portes, sur
les glacis des anciens remparts, ou au milieu des grands jardins qui cou-
vraient une bonne partie de leur territoire urbain, les vieilles villes
flamandes se sont réveillées, ragaillardies, ouvertes à la foule des paysans
vaincus par la concurrence des métiers mécaniques. Grammont et
Ninove ont doublé ; Alost et Courtrai ont triplé 1 . Au centre, ces dernières
villes sont restées propres, correctes et froides, d'une banalité que vient
corrige!- parfois l'aspect heureux d'un hôtel de ville Renaissance, d'un
beffroi, d'une tour d'église ; mais autour de ces quartiers bourgeois, des
i Population de (irammont en 180! : 5.048 h. ; 1900: 11.855. Ninove : 3.021 et 7.71V
Alost : I0.0-J7 et 20.203. Courtrai : 1 t.Ml et 33.143.
Vieilles villes et villes neuves.
LES VIEILLES VILLES ET LRS VILLES NEUVES
lignes do maisons ouvrières aux murs de briques rouges, de couleur crue,
s'étendent aux abords des usines ou s'alignent on faubourgs interminables.
Gand est le meilleur exemple de ces anciennes cites auxquelles l'industrie
moderne a donne une seconde jeunesse. La ville avait 55.000 habitants
on 1801, et les citadins étaient à l'aise dans l'enceinte. Mais lorsque
les « mécaniques » de Liévin Hauwens eurent amené des foules, il fallut
se serrer, s'entasser. On parqua les nouveaux venus dans des « enclos »,
impasses bordées de maisons, qui dépassaient en horreur les quartiers
ouvriers de Lille et de Paris. L'enclos Ha Ut via, long de 100 mètres,
contenait 1 17 habitations dos deux côtés d'un passage de ^m,70 de large,
et logeait 585 habitants dont chacun disposait d'une superficie de 3mt,24 ;
sur 1 .000 ouvriers interrogés par la Commission d'Enquête, 430 habitaient
dans des enclos semblables, 314 dans des ruelles qui ne valaient guère
mieux, sans compter ceux qui vivaient dans les caves 1 . Depuis, Gand s'est
étendu en d'immenses faubourgs qui doublent l'ancienne superficie de
la cité; cO[>endant elle avait conservé jusqu'à la fin du XIXe siècle cet
aspect do ville étriquée, poussée trop vite, aux rues étroites, animées, d'où
se dressent tout à coup des monuments « qu'on ne peut apercevoir qu'en
renversant la tète » *. Cette nuance d'antiquité que les beffrois, clochers,
châteaux, vieilles maisons, laissent planer sur la ville, mêlée à l'aspect
moderne que présente un grand contre de commerce et d'industrie, fait que
Gand symbolise mieux que Hrugos, la ville du passé, la vraie Flandre,
robuste et vivante, avec ses souvenirs et ses espoirs. L'accroissement
continue ; au delà du faubourg ouvrier de Muide, on creuse d'immenses
bassins qui doivent faire do Gand un véritable port de mer ; avec ses grands
faubourgs de Mont-St-Amand, Gentbruggo et I^edeberg, qui s'allongent
jusqu'à quatre kilomètres loin du beffroi, la ville comptait on 1900
198.000 habitants; depuis, elle a largement dépassé les SX).000.
A côté dos vieilles villes qu'elle a rajeunies, l'industrie a créé çà et là en
Flandre des agglomérations neuves qui ne sont pas moins curieuses à
étudier. Ce sont pour la plupart d'anciens villages, que l'industrie à domicile
avait élevés, dès le XV IIIe siècle, au rang de bourgades. St-Nieolas, jusqu'au
XVIe siècle, parait purement agricole; on y institue tin marché en 1513;
la place, qui s'étendait sur 12 hectares avant 1811, avait été d'abord un
bois, puis une prairie (Driesch) sur laquelle on mettait sécher les lins :» ; la
1 Enquête de 1840, III, pp. 387-389.
* Tonnent, Notes sur la Belgique (Bruxelles, Hauman, 2 vol. in-l^>). I, pp. 58-60.
a Van Raemdonck (J.). Topographie de St-Nicolas (Ann. C. A. 1\ Waos, X, 188T>,
pp. 23-3»).
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436 FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
paroisse,avec ses 15 hameaux, avait 10.890 habitants en 1801. Lokeren était
alors une grosse commune de 12.000 habitants ; Renaix en comptait 0.500.
Elles ont eu cette bonne fortune de voir s'élever autour d'elles des usines
sans que cette arrivée de la grande industrie fit disparaître les métiers à la
main ; mais les travailleurs à domicile s'embrigadèrent sous l'autorité des
chefs d'industrie, et exécutèrent pour eux les travaux que la machine
dédaignait ou n'osait pas entreprendiv. Ainsi, elles ont gardé en partie
l'aspect du passé: elles sont restées à demi-rurales. La plupart sont de
grands villages ; jusqu'au centre les maisons basses d'ouvriers agricoles se
sont conservées à côté des bà lisses modernes. I^okeren a l'air d'une ville
qui ne serait formée que de faubourgs, faubourgs interminables et sales, où
s'ouvrent de pauvres ruelles de corons ; Zele, Hamme, sont aussi tristes.
La banlieue est habitée par des paysans qui s'industrialisent : tisserands
travaillant chez eux pour les fabriques, ouvriers d'usine qui gardent leur
maison à la campagne et leur lopin de terre ; et cette qualité de villes mi-
urbaines mi-rurales est un gros avantage pour l'industrie, à laquelle elle
assure une main-d'œuvre patiente et économique, moins chère et plus sou-
mise qu'un prolétariat urbain. De là leur développement : Renaix, Tamise,
Hamme, Zele, Eecloo, Lokeren, Iseghem, ont doublé en un siècle; Roulers
et St-Nieolas ont triplé. Roulers est devenue une vraie capitale, plus active
que Bruges et que Courtrai : à 25 kilomètres à la ronde on ne remontre
que les voitures de ses négociants qui vont fournir les campagnes de denrées
coloniales, de riz, de pétrole, de maïs, en refoulant devant eux la concur-
rence de Courtrai et de Garni ; elle demande avec énergie le prolongement
du canal de la Mandel jusqu'à Dixmude. En revanche, si les agglomérations
augmentent, nulle part on ne rencontre en Flandre plus de pauvreté, caria
concurrence des ouvriers à domicile et des ouvriers de fabrique tient à un
taux très faible les salaires des uns et des autres; ce sont les villes de la
misère, emplies régulièrement quatre fois parjourdu passage des ouvriers
hâves, pieds-nus ou chaussés de sabots grossiers.
Le groupe de Lille.
Cependant nulle part l'industrie n'a autant bouleversé le pays flamand
que dans la région de Lille, où elle a dressé l'un à côté de l'autre deux
groupes urbains dont chacun dépasse 250.000 âmes, sans compter ceux
qui comptent quinze, trente, quarante mille habitants, jusqu'à faire de
l'arrondissement une fourmilière humaine de 811.000 personnes, (l'est de
celle région qu'est vrai le mot de Guiehardin, que « la Flandre n'est
-QjgilizaiJïy Google
LE GROUPE DE LILLE
437
qu'une ville » ; là les villages sont déjà <les bourgs, et les bourgs des villes.
Cependant on peut distinguer trois groupes où la population est plus
particulièrement urbaine: Lille et ses faubourgs, Roubaix-Tourcoing et leur
banlieue, enfin la ligne de la Lys.
Lille était déjà, au début du XIXe siècle, la plus grosse ville de Flandre.
Pour être moins ancienne que (ïand et Bruges, son territoire n'en a pas
moins été habité aux époques romaine et franque '. La ville qui apparaît
au XP siècle dans un îlot de la vallée tourbeuse où coule la Deûle était
dans une heureuse situation commerciale : terminus méridional de la navi-
gation sur la petite rivière, elle était une étape naturelle entre la Flandre
et les plateaux de craie, qui poussent une avant-garde jusqu'aux abords de
la cité; ainsi elle est un de ces entrepôts, nés au contact de la plaine
flamande et du haut-pays crayeux, qui se succèdent depuis l'Aa jusqu'à
l'Escaut. Mais celui-ci était un des mieux placés, sur la route delà Flandre
vers Paris par Bapaume * ; Lille se trouvait donc être la porte française du
pays flamand. \a\ prospérité vint vite, malgré les défauts de l'emplacement,
qui obligeait la ville à s'étendre dans un marais tourbeux, sillonné de bras
de rivière, et dont les noms des rues Basse, Marais, des Molfonds,
rappellent l'existence. Au moment de l'annexion à la France, Lille était
déjà tenue pour la première ville de Flandre, tant par son industrie dra-
pière que par son commerce. Après l'occupation française, Vauban
l'agrandit en bâtissant vers le Nord tout un quartier régulier (huit la
rue Royale forme l'axe. En 1098, l'intendant Dugué de Bagnols lui attri-
buait .*V5.000 habitants; mais la crise qui sévit sur les villes flamandes au
XVIir siècle entrava la croissance de Lille, dont la population n'atteignait
encore, en 1804, que ôîUXH) personnes.
L'essor commença après 1815. Lille profita brusquement de l'installation
des machines nouvelles dont de hardis industriels étaient allés dérober le
secret en Angleterre. Comme à Gand, la population s'entassa entre les
remparts; pourtant Lille était déjà, avec Dunkerque, la ville du départe-
ment où les habitants se trouvaient le plus les uns sur les autres 3. Aussi
devint-elle la plus malsaine de la région, celle dont le renom d'insalubrité
et de tristesse fut le plus répandu ; et cette fâcheuse réputation la suit
encore. Le médecin Brault, qui y tenait garnison en 1820, note « l'infection
« Rigaux (H.), Fouilles dans l'arrondissement <ie Lille. (Huit. Soc. nat. dos Anti-
quaires de France, 1872, pp. 80-if»).
* Cf. Finot (J.), Le commerce entre la France et la Flandre au moyen-âge. (Ann.
Gom. fl. Fr. XXI, pp. 1-392).
3 Dieudonné, Statistique, pp. 121-1X1.
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FI.ANDRK INTÉRIEURE. -
LE MIIJKI' HUMAIN
des tanneries, boucheries, triperies placées au centre de la ville, celle des
tonneaux des gadouards, les immondices qui remplissent les canaux » *.
L'entassement et l'insalubrité atteignaient leur maximum à L'Est,
dans le quartier St-Sauveur, devenu tristement célèbre à ce titre.
(Tétait déjà au XVIIIe siècle un quartier ouvrier, peuplé « d'un monde de
petits artisans attachés à leur domicile, peu policés et très rebelles » 1 ;
c'est lui qui supporta vaillamment les coups du bombardement en 1792. La
population y vivait dans des caves et des courettes, dont l'horreur rappelait
celle des enclos de Gand. Villormé y trouvait les habitants plus entassés
encore que dans les deux quartiers les plus populeux de Paris, les uns logés
dans des caves ne recevant le jour que par un escalier servant de porte et
de. fenêtre, les autres dans des cités ouvrières (courettes) plus malsaines
encore; la seule rue des E laques avec les courettes qui y aboutissaient
abritait, en 1826, 3.IHK) habitants. I,a misère, la mortalité, y étaient
effroyables, et la classe ouvrière lilloise semble encore sous le coup des
tristes conditions dans lesquelles vécurent ses ancêtres jusqu'au milieu du
XIXe siècle ».
Otte situation ne pouvait durer; la ville éclatait dans son enceinte. Le
second Empire se décida à l'agrandir en reculant le mur d'enceinte nu
Sud, jusqu'à englober les communes suburbaines d'Ësquennes, Wazemmes
et Moulins-Lille; la surface do la ville Ait près d'en être triplée. Cependant
l'accroissement se poursuivit si rapide, que l'étendue annexée s'est presque
tout entière couverte de maisons, et qu'il ne reste plus guère de vide que le
coinS.-W.,où pénètre dans un décor agrested'ormes et desaulesun tortueux
bras de la Dénie. Mais les nouveaux quartiers ne ressemblent pas aux
anciens. Il y a dans Lille, depuis l'annexion de la banlieue Sud, trois villes
qui se touchent et ne se confondent pas. lie vieux Lille, au Nord-Est, a
gardé en grande partie son caractère de cité compacte, aux rues étroites
1 Brault (J. A.)i Kssai sur la topographie physique et médicale de la ville de Lille
(Recueil de Mémoires de Médecine, Chirurgie et Pharmacie militaires, t. VII, 1820,
pp. 1-H3), p. 106.
> Klammermont (J.), Histoire de l'industrie à Lille (Lille, 1897), p. 94.
3 Voir à ce sujet : Dupont (J.-H.), Topographie historique, statistique et médicale de
l'arrondissement de Lille (Paris, Delarue, 1833, in-12, :«»"7 p.), pp. 112-110 ; — Villermé,
Tableau do l'état physique et moral dos ouvriers employés dans les manufactures de
coton, de laino et de soie (Paris, Renouard, 1840, 2 vol. in-8°) [, pp. 80-îK); — Gaze-
neuve (Dr), Rapport sur los opérations du conseil de révision dans le département <lu
Nord pendant l'année 18'il (Lille, Danel, 1842, in-8°) ; — Gossolot (!>'), Do la création
d'un hôpital pour los onfants dans la ville de Lille (Bulletin médical du Nord, 1847,
n» 5, p. 12J>, n° (5, p. 161) ; — et les vers de Victor Hugo dans les Châtiments, 111,
IX, IL
LE (iROUPE DR LILLK
bordées dp hautes maisons blanchies à la chaux, dont les fenêtres
sont souvent ornées de festons et de guirlandes de pierre que le citoyen
Barbault-Royer jugeait d'une « architecture pesante et surchargée »' ; c'est
la ville du grand et du petit commerce. En bordure du vieux Lille, sur
l'emplacement des remparts disparus et de leurs glacis, s'est bâtie une ville
neuve, grands hôtels des riches commerçants et industriels, maisons
bourgeoises, édifices publics; c'est le type de toutes les grandes villes
modernes. Enfin tout le Sud s'est formé de la réunion des anciens faubourgs,
rues ouvrières aux petites maisons de brique rouge, grandes usines, corons,
ruelles ; c'est là que grouille la population flamande émigrée à Lille ; c'est
la partie industrielle et pauvre.
En dépit de cet agrandissement qui lui a permis de respirer, Lille est
restée une cité où la salubrité n'est pas encore aussi complète qu'on pourrait
le désirer. I„a mortalité infantile y est considérable ; un quart des petits
enfants y meurent avant un an : la proportion est de 2i,2i°/0, contre
20ti8% à Roubaix, 13,2i à Bordeaux et 13,19 à St-Etienne *. Aussi, pour
trouver au dehors l'air pur qui fait défaut dans la grande ville souillée par
les fumées industrielles, comme pour échapper à la cherté de la vie, les
habitants vont s'établir en grand nombre dans les faubourgs. Lille pi-ésente
un curieux exemple de ce « retour aux champs », si prononcé déjà dans
beaucoup de grandes villes de Belgique et d'Angleterre ; grâce à la facilité
qu'offrent les voies de communication, les Lillois vont habiter les communes
suburbaines. Aussi la population de Lille a-t-elle légèrement diminué de
ISOÔà 1901, tandis que celle des faubourgs a fortement progressé. H osl
donc juste d'ajouter leur chiffre d'habitants à celui delà ville pour se rendre
compte du nombre d'individus que groupe l'organisme lillois : 290.000 âmes
en 1901 , dont 210.<HX) pour la ville, presque la population d'un département
moyen du centre de la France 3.
I.e même développement industriel, qui faisait passer la population de
Lille et faubourgs de 75.000 à 290.000 âmes au cours du siècle, quintuplait
celle des villes de la Lys. Armentières éUut une petite ville d'étape sur
la rivière; avant la création de la route de Dunkerqueà Lille par Cassel
(XVIIIe siècle), elle avait moins d'importance que (Aminés ou Warneton,
par où passait la vieille route Lille-Ypres-Poperinghe-Bergues. Devenue
grand centre industriel, elle a submergé le petit noyau urbain qui se séri e
1 Barbault-Royer. Voyage, pp. (50 ot <i2.
* Oui (D'), La mortalité, p. 5.
' Hellemmea, Mons-en-Barœul, La Madeleine, Marcpieltc, St-André, Lambereart,
Lomme, Haubourdin, lx>os, Fâches, Ronchin, Lezeunes.
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v.o
FLANDRE INTÉRIEURE. - LE MILIEU HUMAIN
autour do la grand' place dans un enchevêtrement de rues banales et droi-
tes ; les 7.485 habitants qui formaient en 1804 la population delà ville et <le
sa grand»' banlieue rurale sont devenus 29.401 en 1901, et même 52.000 si
Ton y ajoute les faubourgs d'Houplines, Nieppe, La Chapelle, en partie
découpés dans l'ancienne commune d'Armentières, et l'agglomération belge
de Ploegsteert, massée derrière la frontière. En effet chacune de ces villes
delà Lys est double : la population ouvrière se tenant de préférence sur la
rive gauche, — belge — , les usines et les commerçants sur la rive droite,
— française — .Warneton se double de deux communes françaises, (domines
ajoute aux 8.129 habitants de la rive française les 5.927 de Comines-
Belgique, soit 14.000 âmes; Wervicq et Wervieq-Sud forment une
agglomération de 11.000 personnes; enfin Halluin et Menin ne sont
qu'un seul groupe de 35.000 habitants. Halluin rappelle Zele, Lokeren,
Hamme, les tristes villes ouvrières de la Flandre Orientale; la mortalité
infantile y atteignait naguère l'effroyable chiffre de 50 %, tombé en un an
(1904) à 39% grâce à l'installation d'une Goutte de lait. En revanche,
la natalité y est plus forte que partout en France ; la misère de l'ouvrier
halluinois le détourne de la prévoyance. Tandis que la natalité ne s'élève,
à Cambrai, qu'à 18,4 pour 1.000 habitants, qu'elle atteint27,96à Roubaix,
28.74 à Tourcoing, 28,84 à Lille, elle est de 41,7 i à Halluin, St-Pol-sur-
mer ne venant qu'en seconde ligne avec 40,35 *.
Derrière la ligne de la Lys, la mer de maisons roule â travers les
campagnes pittoresques ; les villages s'entourent de corons, « les eourréos ».
qui gagnent de proche en proche. A partir de Bondues, la route de Paris à
Menin n'est qu'une rue où les vieilles censés, les auberges massives du
XVIIIe siècle voisinent avec les petites maisons ouvrières de brique rouge.
A Linselles, on distingue jusqu'au centre du bourg d'anciennes fermes
transformées peu à peu en habitations, en magasins, en dépendances
d'usines. A Roncq, l'agglomération est formée de corons qui escaladent
de tous côtés la colline. Enfin à l'Est la campagne disparaît derrière la
couleur rousse des toits et des murailles; c'est le groupe de Roubaix-
Tourcoing *.
On juge souvent le développement des deux villes au XIXe siècle comme
un prodige industriel comparable à la croissance des grandes cités améri-
caines. Cependant il faut en rabattre ; l'essor de Roubaix est même infé-
rieur à celui de la plupart des grandes villes industrielles allemandes,
' ChitTres se rapportant h la période 18fJ8-HK)2.
* Voir Gayet, La Maison «les environs de Tourcoing, dans l'enquête de de Fovillc, I,
p. 20.
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LK (ÎROUI'K DE LILLE
i'il
Barmen, Elberfeld, Essen passé de 6.000 à 1 19.000 habitants en un demi-
siècle, ou Lodzqui, hameau de 200 personnes en 1820, avait 350.000 habi-
tants en 1900. Roubaix ni Tourcoing no sont brusquement sorties de
terre au XIXe siècle. Dès 1697, on déclarait que Roubaix n'était pas un
village, et que ce serait leur faire injure que d'appeler ses habitants des
villageois ; que c'était un lieu fort considérable, peuplé d'un grand nombre
d'habitants 1 : probablement 12.000 en 1786. Tourcoing était plus considé-
rable encore, et sa population atteignait 15.000 Ames en 1750 *. Il est vrai
que la crise révolutionnaire et la disparition de la frontière firent diminuer
ces chiffres, et que le recensement de 1804 trouva seulement 8.7015 habi-
tants à Roubaix, et 11.889 à Tourcoing ; les deux villes n'en possédaient
pas moins 20.(300 habitants à l'aurore du XIXe siècle, ("était là une
enti*ée de jeu déjà respectable.
\a* développement n'en a pas moins été fort remarquable. Les
20.600 habitants sont devenus 203.000 en 1901; la population a décuplé.
Tout cela est l'œuvre de l'industrie ; seule la contrebande, à côté du travail
de la laine et du coton, contribue à faire vivre quelques milliers d'indi-
vidus. Aussi l'aspect est-il celui d'une ville ouvrière banale, sauf les
quelques quartiers cossus où sont établis les hôtels des fabricants. Les deux
villes d'ailleurs ne sont p;is toute l'agglomération. Sur ce sol où l'expan-
sion n'était pas gênée par des servitudes militaires, les faubourgs se sont
allongés, englobant peu à peu les communes voisines. Croix, Watlrelos,
Ixinnoy, tiennent à Roubaix ; Neuville, Moineaux, Mouscron, à Tourcoing.
En ajoutant à la population de ces deux villes celle de leur banlieue
immédiate, française et belge 3, on trouve que 203.000 personnes vivent
sur ce coin de terre, dans les maisonnettes de briques qui dévalent
des coteaux ou s'entassent dans les vallons. Déjà l'avant-garde du groupe
roubaisien vers le Sud n'est qu'à trois kilomètres des faubourgs de Lille,
et une grande voie monumentale doit être bientôt jetée d'une aggloméra-
tion à l'autre, consacrant la jonction de ces deux puissants foyers indus-
triels en une immense ville de 560.000 habitants.
Pourtant, en dépit de cette proximité, chacune de ces villes garde jalou-
sement son autonomie, son originalité. Os cités neuves ont chacune leur
caractère, tant est forte la personnalité de cette race d'industriels qui a
' Louridan. Roubaix, Y, p. '15.
* Roussel-Defontaine (C), Histoire «te Tourcoing (Lille. Vanackère, 1855, in-8%
452 p.), p. m.
3 Wattrelos. Lannoy, Lys-lès-Laimoy, Croix, Wasquohal, Nouveaux. Neuville,
Mouscron, Herseaux, Roubaix a 121. U00 habitants en l'JOi, Tourcoing 79.000.
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442
FLANDRE INTÉRIEURE. —
LE MILIEU HUMAIN
fondé la prospérité actuelle. Il existe un esprit roubaisien, et un esprit
toiirqueniiois, aussi éloignes l'un de l'autre que possible. Roubaix est
hardi, entreprenant; le Roubaisien se dit volontiers Américain; comme
l'Anglo-saxon, il se livre avec autant d'ardeur aux recréa lions qu'aux
|lre édition de la carte topojrraphique a 1 : ftn.ntm
FlO. <!7. — Koiibaix-Tourooing ver* 1810.
affaires, et cultive les sports plus qu'on ne fait dans n'importe quelle ville
française. I.eTourquennois, habitant d'une ville qui tient à Roubaix par des
lignes ininterrompues de constructions, est aussi réfléchi, aussi ponctuel que
son voisin est vif et primesautier. Ainsi une vie municipale intense existe
jusque dans nis agglomérations neuves, (l'est là d'ailleurs un des traits 1rs
plus caractéristiques de la vie urbaine en Flandre, que celle persistance de
fligitiaoct by-Goegte
LK GROUPE DE LILLE
443
l'esprit local. ta prospérité des villes au moyen-âge, en obligeant les
comtes à accorder des libertés aux citoyens, a habitué ceux-ci depuis six
siècles à prendre conscience des intérêts et de la vie de leur cilé; de là
cette persistance de sentiments locaux, et cet ardent patriotisme municipal,
Fi<;. >W. — Roubaix-Touivoing vers l!KM).
qui s'affirmenl encore par des fêtes vivaces, des plaisanteries tradition-
nelles, une rivalité devenue courtoise mais restée ardente avec les villes
voisines.
44i
LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
CHAPITRE XVI.
LES VOIES DE COMMUNICATION. — LE COMMERCE
I. Communications />ar terre: 1rs routes. Voies romaines. Mauvais état «les chemins
dans l'Ouest. — II. hi fuie d'eau. I» réseau navigable avant le XVI* siècle. Trans-
formations tles XVI' et XVII" siècles. Établissement «lu réseau français. Les voies
navigables au XIXe siècle. — 111. Les voies ferrées. — IV. Le Commerce. Trafic inté-
rieur. Trafic extérieur: échanges avec l'Artois et l'Angleterre. Mouvement commer-
cial des porte. Le transit.
Pour distinctes que soient les deux régions flamandes, l'unité de la
Flandre ne s'en est pas trouvée compromise ; jamais une domination poli-
tique nos'est établie dans l'unosans être maîtresse do l'autre, etsi les hommes
de la Plaine ont deux fois assuré le pouvoir du comte de leur choix sur le
Houlland, c'a été sans grandes difficultés L Le climat a beau présenter
dans chacune des deux parties «les différences appréciables, le sol, les
productions agricoles, l'activité économique, le caractère même et l'aspect
extérieur des hommes changer de chaque côté de la ligue de démarcation :
la facilité des communications a lié de tous temps à l'Intérieur la Plaine,
bande de terre d'ailleurs trop étroite et trop allongée pour pouvoir se
ramasser en une province compacte et vivante, comme l'a fait la Hollande.
L
COMMUNICATIONS l'Ail TERRE : LES ROUTES.
Le sol de la Flandre semble se prêter admirablement a rétablissement
des roules. Pas d'accidents de terrain : les « monts » ne sont pas des
obstacles. Pas de grands fleuves à traverser: la Lys, l'Kscaut, étaient
partout guéables. Pourtant la nature du terrain constituait un gros
obstacle. A l'Est le sable, un sol fuyant et meuble, dans lequel les roues
des chariots enfoncent de vastes ornières. A l'Ouest, l'argile, bien plus
' Sous Robert le Frison et Thierry «l'Alsace.
LES VOIES ROMAINES
V.:.
funeste encore, avec sa boue tenace qui enlise bêtes et gens ; au Nord, une
terre gluante coupée «le canaux. I/humidité du climat dégrade les chemins
que les lourds charrois mettent à une rude épreuve.
Voies romaines.
Cependant l'administration romaine, dont la construction des routes
constituait une des grandes préoccupations, s'était mise hardiment a
l'œuvre. Môme, c'est dans l'Ouest, où les difficultés étaient pourtant plus
grandes, que s'est porté son principal effort. De la forteresse érigée sur le
mont Cassel, sept grandes routes s'éloignaient vers tous les points de
l'horizon : les unes reliant la place forte aux villes romaines de l'Ouest et
du Sud, Arras, Térouanne, Boulogne, les autres s'enfonçant vers l'inconnu
du Nord et de l'Est : deux viennent s'arrêter, à Steene et Hovmille, à la
limite de la Plaine maritime, où l'invasion marine a fait disparaître leur
prolongement avec les lointaines bourgades vers lesquelles elles se
dirigeaient; une autre, par Poperinghe, pénètre dans les fourrés de
l'Est. Du haut de la colline, on les voit toujours s'éloigner inflexiblement
droites, escaladant les pentes, disparaissant dans les creux ; tout le long
de leur parcours, elles servent de limite aux communes, ce qui est une
preuve de leur haute antiquité. Les soudages pratiqués ça et là ont moutré
qu'elles étaient laites de grès de Cassel (grès diestiens) surmontés d'une
couche de gravier pris dans les exploitations les plus proches; de là les
noms de Steenstraete (route empierré*») ou Rue des Pierres que leur ont
gardés les habitants '.
\aï présence de voies romaines devient beaucoup moins sûre vers l'Est*.
route Cassel-Poperinghe se suit sans grande hésitation par Elverdinghe,
Merckem, Zarren, jusqu'à Wynendaele : mais là s'arrête son tracé. Sur les
cartes, on en a indiqué bien d'autres: de Courtrai à Oudenbourg, deThielt
1 Voir Figault de Beaupré, Reconnaissance des voies locales existantes au V« siècle
(Mêm. Soc. Dunk., VI, 1858-50, pp. 75-91); — Rigaux (H.), Topographie, pp. 198-202.
* Sur les voie» romaines de la Flandre belge : Van der Rit, Etude théorique et
pratique sur les anciennes chaussées romaines traversant le royaume de Belgique
(Journal de l'Architecture, 4e année, Bruxelles, 1851, pp. <i(>-97, 1 carte) ; — Van
Oessel (C), Topographie fies voies romaines de la Belgique (Bruxelles, 1877, 4* volume
de Sohaeyes) ; — Verschelde, Notice sur la route romaine de Cassel à Poperinghe et
Winendale (Ann. Soc. Ern. Br., série, I, 1876-77, pp. 245-249) ; — (îauchez (V.),
Topographie des voies romaines de la Belgique (Ann. Ac. Arch. Belg., XXXVIII,
1882, 432 pp., 3 cartes) ; — Van den Bussche (E.), I^is chaussées romaines en \V est-
Flandre (la Fl., XV, 1884, pp. 51-70, carte).
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LRS VOIES DE COMMUNICATION.
- LE COMMERCE
à Bruges, de Furnes à Gand, do Cassel à Anvers, de Bavai à Bouchaute,
de Bavai à Wenduyne, de Boulogne à Utrecht, sans compter <les tracés
plus extraordinaires encore. Ces hypothèses reposent sur «le faibles
indices: découverte de monnaies, persistance en un point du nom
Steenslraete, existence de vieux chemins encore appelés Ileirweg (chemin
militaire) ou Heidenweg (chemin des païens). Il y eut bien là des routes
antérieures au XIe siècle, et par où se faisait le trafic: plusieurs d'entre
elles s'étoilenl au Sud de Bruges, le Dixmuidschen hoirwog, par Aertryeke,
recliligue par les bois et les clairières; l'Aerdenhurgschen heirweg, le
Gendschenheirwcg, le Curtryewech; une autre, le l/ioweg, longe de
Drincham à Loi) le bord de la plaine maritime. Peu importo qu'elles
soient d'origine franque, romaine, ou an té- romaine : au moins ces pistes de
sable déroulant leurs ornières à travei-s la Flandre orientale continuèrent-
elles jusqu'à notre époque à assurer le trafic, tandis que les belles et
authentiques voies romaines de l'Ouest ne suffisaient plus, faute d'entretien,
à faire communiquer entre elles les régions de la West-Flandre.
Mauvais état des chemins dans l'Ouest.
La West-Flandre souffrit jusqu'au XIXe siècle de ce mauvais état des
voies de communication. Avec ses fossés, ses haies, ses arbres, ses chemins
défectueux, c'était le pays impraticable. Philippe-Auguste en sut quelque
chose, lorsqu'il mena son armée s'engluer autour de Steenvoorde, malgré
les conseils de ses familiers qui lui avaient représenté les difficultés que
causeraient à son armée « l'abondance des fossés et l'étroitesse des
chemins » Il en était encore de même au XV1T siècle; en 163Ô Bailleul
ne pouvait guère se procurer le nécessaire pendant l'hiver que grâce à la
navigation sur la beeque, les chemins étant trop mauvais i. L'intendant
Barentin constate en 1699 que la riche chàtellenie de Cassel, faute de
chemins praticables, ne peut débiter les denrées qu'elle produit, ni assister
les châtellenies voisines en cas de disette 3. Un projet de défense du pays
après 17 10 déclare qu'entre Armentières et Cassel, les grands chemins
sont impraticables quasi toute l'année, parce qu'ils sont trop bas et bordés
d'une si grande quantité d'arbres que le soleil n'y peut être jamais et ne
1 Radulf de Coggeshale, M. <L SS. XXVII, p. 352.
* De Coussemaker (I.), Documents inédite, I, p. 424.
I Mémoire concernant la Flandre française occidentale, ou Flandre du coté de la
mer, par M. BareoUa (Bibl. connu, de Lille, m se. n° 7>Tî).
LE M AL VAIS ÉTAT DES CHEMINS DANS L'OUEST
peut les sécher L Au début du XA'III** siècle, tout 1»* commerce de Lille
avec Dunkorque se faisait soit par la chaussé» d'Ypros, soit par la Doûle et
la Lys jusqu'à Ai re, d'Aire à St-Omorpar terre, et de St-Omorà Dunkorque
par eau; de là l'opposition violente que l'Artois, qui profitent do ce transit,
fait on 1732 au projet do chaussée do Berguos à Armonlières ot Lillo *. 1/*
préfet Dioudonné constatait encore avec tristesse, on I SI > i , le mauvais état
des routes, « qui ont, dans la nature du sol, une cause perpétuelle
de dégradation, le terrain bas, humide, et souvent tourbeux, n'ayant
aucune solidité » \
L'état des routes était pis encore dans la plaine de la Lys. La nature du
sol, plus gras et plus humide qu'autour de Cassel et d'Ypros, les rendait
impraticables en toute saison. En 1701, la ville de St-Venanl se plaint
d'être « inaccessible par le mauvais état dos chemins » * ; en ITlio les
échovins expliquent que par temps humide c'est la boue qui empêche
d'approcher do la ville, et par temps sec les ornières qui sont si effroyables,
« qu'il est impossible d'y aborder soit à cheval soit en voiture sans
s'exposer à tout briser » s. Pendant plusieurs années, la vieille voie romaine
Cassel-Arras est impraticable entre Kstaires et La Hassée à un endroit
appelé le Trou (iallot, « où s'est creusé un abîme qui dévia coûter la vie
à tous ceux qui y passeront » 6. Le seul moyen pour les piétons de circuler
en hiver dans le pays (car pour les voitures il n'y fallait guère compter),
c'était de sauter de pas eu pas sur les blocs de grès de Béthune que la
prévoyance de l'autorité avait fait placer sur un côte de chaque chemin,
et qu'on appelait* pierres de Marche-pied » ou « pierres de pas » ; chaussés
de souliers fortement ferrés pour ne pas glisser sur les grès et disparaître
dans le bourbier jusqu'à la ceinture, armés de longues porches pour sauter
d'un bloc à l'autre, les gens du pays étaient habitués à celte manière de
voyager, et les accidents étaient rares7. Tout au contre de la plaine, le
petit pays de l'Alleu restait, une grande partie de l'année, isolé du reste du
« Document publié [»ar I )esplanqiie (A.), (Bull. (è>m. fl. Fr. IV, pp. 252-270.1 ; cf.
p. 205.
1 An-h. Pas-de-Calais. Fonds Ktats d'Artois, n° 12-'?.
•"» Dieudonné, Statistique, III, p. 2.
* Requête des oeheviris aux Etats «l'Artois; Areh. Pas-de-Calais, G. 583, pièce 40.
» Ibid., pièce 50.
8 Ibid., pièces 96 et !f7.
7 Sur l'existence des pierres de Marche-pied, voir : Arch. Nord, G. (Fl. Mar.), 54 ; —
Dieudonné, Statistique, I, p. 2-U ; — Feuille hebdomadaire de rarrondissemeiit de St-
Onier, n° du 20 juin IS07.
LKS VOIKS I)K COMMl'NICATION.
- LK COMMKRCK
monde, sauf par les cours d'eau ; et ses habitants réclament dans les
cahiers de 1789 « que comme le pays n'a point de sortis, il soit accordé
un pavé » Cette difficulté de pénétrer dans le pays créait dans ces
quatre paroisses de l'Alleu un état d'esprit particulier; l'autorité conitale
ou royale ne s'y faisant que diflicilemenl sentir, les habitants avaient
contracté de singulières habitudes d'indépendance et de violence, qui
rappellent celles des gens de Fumes au XIP siècle; la guerre, privée des
d'Englos et des Neuve-Eglise y ensanglante 'S) années du XIV'' siècle ; en
L'^88 ceux de l'Alleu viennent provoquer les « Flamands » à I^a Gorgue ; en
quelques années on compte trente homicides à Laventie. Au XV F siècle
ce sont les protestants qui s'y établissent et résistent longtemps à l'Espagne;
au XYIIF siècle, des contrebandiers y ont leur quartier général. Sous
l'Empire, les réfractaires s'y protègent dans le dédale des fossés, des haies,
des arbres, des marais, ayant à leur tôle l'aventurier Fruchard, surnommé
Louis XVIII ; de là ils narguent en 181^ la division Boyer de Hibeval qui
n'ose pas quitter Béthune tant que dure l'automne, mais qui, la gelée
arrivée, pénètre dans l'Alleu, pousse les réfractaires vers le pont d'Estaires,
et les y enveloppe pour les incorporer à Béthune d'où ils s échappèrent
au premier dégel *.
Bien entendu, la situation était la même dans la Plaine maritime. On
n'y trouve pour ainsi dire pas de routes jusqu'à l'époque moderne ; toutes les
communications se font par voie d'eau. C'est en 1502 seulement qu'on
parle de construire une chaussée de Bruges à Nieuport 3; et en 17871e
Calaisis et l'Ardrésis n'avaient encore que trois grandes routes et trois
chemins *. On s'explique la popularité du Pont-Sans-Pareil(Pont-d'Ardres),
qui permet de franchir d'un seul coup quatre larges cou rs d'eau, réunit
quatre routes, huit chemins de halage, soit en tout douze voies de commu-
nication; dans un pays si impraticable, c'était un résultat merveilleux. Il
est vrai que jusqu'aux travaux effectués après la loi sur les chemins vici-
naux, la plupart des voies étaient encore impraticables par les hivers
pluvieux sans des pierres ou des planches disposées sur le côté ; et en 18"J8
le maire de Guemps se plaint qu'une personne ayant négligé de mettre des
1 Loriquet, Cahiers, p. 387, article 17 du cahier de I milieu.
î Desplanque (A.), Batailles et guerres privées dans le pays de Italien au XIV* siècle.
i:fts2-r«»5 (\Ui\l. Corn. fl. Fr. IV, pp. 2(19-230) : - Dictionnaire historique et archéo-
logique du Pas-de-Calais, arrondissement de Béthune, I, pp. ^T)S-^î2; II, pp. 228-25»,
2V7-25X.
3 Feys, Oudenhoiirg, I, p. 255.
* Arch. Pas-de-Calais, C. H2, pièce 3.
LA VOIR D'EAU
planches le long du chemin, a compromis la vie dos étrangers, empêché le
curé d'aller célébrer le service divin, le médecin d'aller secourir les
malades Encore aujourd'hui, certaines fermes de la Flandre zélandaise
restent comme isolées tout l'hiver.
Ainsi la Flandre, celle de l'Ouest surtout, a souffert jusqu'au XIXe siècle
du manque de routes. Le fermier restait cloîtré une partie de l'année dans
son hofstede, son horizon restant borné au petit coin de terres qui
ent< mraient son habitation; peut-être cette difficulté de communications
a-t-elle eu quelque influence sur le caractère un peu fermé du paysan
flamand. Car les routes praticables en toute saison ne datent que du
XIXe siècle. Le XVIIIe vit ouvrir quelques grandes chaussées, utilisables
pour le trafic général: la route de Lille à Dunkerque par Warneton et
Ypres est achevée en 17IMI, relie d'Armentières à Dunkerque en 1751); on
commençait en 1773 celles de St-Oiner et d'Aire à Cassel ; celle de
Dunkerque à Calais n'était ouverte en 178» que jusqu'à Loon. Mais les
chemins ruraux, qui font sortir de l'isolement les villages et les fermes,
sont du XIXe siècle; les Waloringues, dans le bas-pays, contribuèrent
largement à leur extension. D'ailleurs la plupart de ces routes et chemins
sont pavés, tant l'établissement de voies macadamisées est jugé coûteux
sur ce sol mou, détrempé par l'humidité incessante.
II.
IJl VOIE D'EAU.
<
Heureusement la Flandre disposait d'un autre moyen de communi-
cations, qui venait, dans une large mesure, atténuer l'inconvénient du
mauvais état de ses routes. L'humidité de l'atmosphère et du sol, funeste
aux chemins, permettait en revanche d'utiliser largement le système des
voies d'eau. Li navigation fui jusqu'au XIX' siècle le mode de communi-
cation le plus apprécié, et il est peu de pays où elle ait conservé autant
d'importance.
C'est par la commodité des rivières, disait en 1(532 Philippe IV dans ses
instructions au Cardinal-Infant, que le commerce fut autrefois introduit
en Flandre *. C'est en effet par les rivières, Lys, Escaut, Dendre, Deûle,
Aa, fleuves lents et commodes, que pénétrèrent en Flandre les marchands;
1 Registre îles délibérations île la commune, G janvier 1828.
* Hriavoinne, Etat 'le la population, p. 30.
•A»
450 LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
c'est sur leurs bords que s'établirent les grandes villes. Mais le reseau serré
des petits affluents, bocquesqui coulent à la Lys, fossés du pays de l'Alleu,
watergands de la plaine maritime, ne laissait pas de porter bateau, et de
venir déposer jusqu'à la « place » des villages les denrées agricoles, les
matériaux de construction et de chauffage. C'est par bateau que les gens
du Franc amènent les grains au marché des bonnes villes, puisque « le
pays est de telle nature qu'en temps d'hiver on n'en peut sortir à cheval ni
à chariot » et qu'on transporte la tourbe exploitée dans la plaine mari-
time *. Aussi les échevins de Calais en 1777 déclarent-ils inutile la cons-
truction de la route de Dunkerque, « puisque le transport des marchan-
dises pour Dunkerque ne se fait jamais par charrois, mais par bateaux, les
canaux étant à proximité et moins frayeux » ; à peine servira-t-elle pondant
les quelques jours où les cours d'eau sont gelés 3. C'est en grande partie
pour être à portée des matériaux de construction qui leur arrivent par les
watergands que les villages s'établissent nombreux à la lisière du Houtland
et de la Plaine ; et c'est pourquoi un certain nombre de vieilles églises de
cette lisière, à Steene, liulscamp, Noordschoote, sont bâties pour moitié
en grès de Cassel. Dans l'intérieur, d'insignifiantes becques sont utilisées
de la même façon ; il existe à Steenweirk au XVIIe siècle un « martschop»
ou bateau du marché, qui va porter les denrées par le ruisseau, une fois
par semaine, à Armentières *. Malgré l'établissement des routes, le trafic
existe encore ; il y a 25 ans, on chargeait des bateaux de grain à Steen-
werek ; il y a peu de temps qu'on n'utilise pins, à Yieux-Berquin, la Plato-
becque pour les transports, et il y a encore une petite navigation sur le
Keminelbeek. Par les watergands, les bateaux de briques, de fumier, do
denrées agricoles continuent à se glisser dans tous les coins de la plaine
maritime, et il y a des petites régions, les marais de Guînes et ceux de
Sl-Omer, où les" barques sont utilisées seules pour le transport : barquettes
effilées aux extrémités, qui se faufilent dans le dédale du marais.
Le réseau navigable avant le XVI* siècle.
A mesure que s'augmentait le mouvement commercial, la nécessité
d'user tics voies d'eau devint si grande qu'on dut songer à les améliorer.
« Charte île 1515, Ltelepierre, Précis, l'« série, III, p. 223.
* Van de Putte, Dunes, p. C»:i3.
Arch. l'as-ik-Calais, C. 151, pièce 1GU
» Arch. Nonl, C. (Kl. Mar.) 54.
d by Gc
LK RKSKAl* NAVKiABLK AVANT LE XVI« SIÈCLE
I,a pente naturelle» était pou considérable; cependant pour la rendre
moins sensible encore, on barra les rivières; et comme l'écluse a sas
n'existait pas encore, on s'avisa de faire passer les bateaux d'un bief
à l'autre au moyen d'un overdrach, plan incliné sur lequel on faisait
glisser les embarcations au moyen d'un treuil actionné par des hommes
ou des animaux l. Il en existait dès le XIIIe siècle à Watten, à Bergues,
à Lynck 1 ; un autre est mentionné en 1351 à Slype sur l'Yperleet, un à
Snaeskerke en 1633 3 ; celui de Fintelle, sur le canal de Loo, n'est
disparu qu'en 1828. Non seulement on rend navigables, au XIIIe siècle,
la I tondre jusqu'à (irammont, la Haute-Deûle de Lille à Ui Bassée,
mais on creuse des canaux. \«\ plupart ne sont que des tronçons de rivière
que l'on rectifie et approfondit : la Lieve, qui joint l'Escaut au Zwin,
ouverte par les Gantois de 1228 à 1251, est dans ce cas; le canal de Pope-
ringhe, dont le creusement est autorisé par une charte de 1 187, utilise avec
l'aide de plusieurs overdrachs le cours du ruisseau qui coule de Poperinghe
à Klsendamme ». Le canal d'Ostende à Oudenbourg remonte à 1281; la
Colme est recreusée en 1293; le canal de I/>o existe au XIIIe siècle5.
Enfin l'Yperleet est canalisé dès le XIIe siècle entre l'Yser et Bruges. Abou-
tissant d'un côté au Zwin, se prolongeant de l'autre par la Venepe et la
Colme jusqu'à l'Aa, et par la « rivière de Calais » jusqu'à Ardres, Guines
et Calais, au Sud permettant d'atteindre Ypres, à quelques lieues de la
Lys, c'était la plus magnifique voie d'eau de toute la Flandre, « profitant
non seulement à ceux d'Ypres, mais à ceux de Sl-Omeretde tout le West-
quartier, qui viennent importer leurs marchandises en toute saison au lieu
de les amener comme autrefois par mer, avec grand danger et grosse
aventure, et à plus grands frais » 8. C'est par là qu'arrivaient les laines
anglaises, lorsque l'étape eut été transférée à Calais; et la charte de 1 132
énumère parmi les denrées transportées les blés et graines, laines, chaux,
vin, fruits, fers, etc. 7. Aussi veillait-on avec grand soin à son entrelien :
« Deschamps de l'as (L.), Ce que c'éiait qu'un overdrach (Ami. Coin. 11. Fr. VI,
1861-02; pp. 210-222).
* Lynck, 1234 ; Bergues, 1244 ; Wallen, I2T»4 (Van de Hutte, Dunes, pp. 192, l!l9,380j.
3 Limburg-Stiruin, Cartulaire, II, p. 10; — Van den Bussohe, Inventaire, I, p. 289.
* D'Hoop, Recueil «les chartes <Iu prieuré de SiBertin à Poperinghe (Bruges, Soc.
d'Em., 1870), p. 25.
5 Sur ces canaux, voir: Van Ortroy (F. t. Carte de Flandre de l,ri38 par lierre Van
der Beke (o'and, Van Doossclaere, 1891, in-8», 14T» p.), pp. 114, 120, 120-128.
6 Charte do 1-417, dans (iilliodus. Coutumes du Franc, II, p. 209.
7 Diegerick, Arch. d'Ypres, III, p. 101.
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452
LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
des envoyas d'Ypres visitaient fréquemment lo cours, examinaient la pro-
fondeur du lit, l'état des ponts, des écluses, des overdrachs 1 ; en 131 1 les
Yprois ouvrent un canal latéral à la rivière entre leur ville et l'Yser; en
14 10 ils établissent à Nieuwendamme un nouveau canal et un overdrach
pour éviter aux bateaux allant d'Ypres ou deSt-Oiner à Bruges de passer par
Nieuport ; en 1423 ils approfondissent l'Yperleet tout entier pour le rendit»
navigable à des bateaux d'un fort tonnage *. L'Aa, de St-Omer à G ra vé-
lines, n'était pas moins utilisé; enfin on a vu la fortune du Zwin.
Transformations des XVI" et XVII' siècles.
Ce réseau navigable se modifia au XVIe siècle. La disparition du Zwin
en fut la première cause : elle ruina la prospérité de l'Yperleet, qui deve-
nait un cul-de-sac ; d'autre part Ypres déchue n'avait plus la force ni les
moyens d'entretenir la rivière dont elle avait jalousement assumé la garde.
1*1 l.ieve s'envase à son tour ; en 1513 déjà, elle ne sert plus guère qu'aux
transport des tourbes •*'. Pour se rouvrir vei-s la mer une issue directe,
Garni fait recreuser à partir de 1551 un vieux canal mentionné en 1323
entre l'Escaut et Selzaete *, et qui ^ès 1552 atteint le Braakman au Sas.
Kn même temps Philippe II octroie (1550) la concession d'un canal entre
Stekene, Hulst et l'Escaut 5. Bruges, de son côté, creusait son « Nieuwe
Gedelf » jusqu'à Sluis. Mais la grande guerre survient. En 1572, les écluses
du Sas sont détruites ; Sluis et Hulst deviennent hollandais. \je traité de
Westphalie empêche toute navigation de la Flandre vers le Ilont ; les
grands estuaires sont condamnés à mort, et les voies qui y aboutissaient
désertées par le commerce.
Pour retrouver des débouchés vers la mer, la Flandre dut faire volte-
face. Malgré leurs efforts, les Hollandais n'avaient pas pris Dunkerque, ni
gardé Ostemle; on se retourna vers ces ports. Gand donnait encore
l'exemple en commençant, vers 1013, les travaux d'un canal qui devait le
relier à Bruges; mais ces travaux traînèrent, et ce n'est qu'en 172 i que les
bateaux purent aller d'une ville à l'autre : c'est le canal actuel de Gand à
• Feys, Omlenbourg, I. p. 571.
i Diegerick, Arch. .l'Ypres, 1, pp. 232 et 2»>i, III, p. 72.
3 Dubois et île Hutnlt, Coutumes de Garni. II, p. 87.
* Van Diiyse i-t il.- Bussoher, Inventaire aualviicpie .les chartes et tloeuments appar-
l.-nant aux arehives de la ville île (îaml (Garni, Annout-Uraeekmaii. 18C.7, iii-i", 720 p.),
n" :m.
•• Wolters. Recueil, I, p. 106.
LES TRANSFORMATIONS DES XVD ET XVII" SIÈCLES m
Bruges par Vinderhaute et St-Goorgos. De son côté, Bruges essaie do
retrouver à l'Ouest son débouche à la mer. Four cela on recommence a
utiliser l'Yperleet, mais cette fois a rebours de son ancien cours. On le
recrense, en 1G22, en un canal qui va de Bruges a Plasschendaele, où il
atteint la criquo d'Ostondo, étendue à cette date vers Zandvoorde. Mais ce
débouché à la mer par une crique vaseuse fut. bientôt jugé incommode ot
insuffisant ; dés 1639, on allait chercher plus loin à l'Ouest l'estuaire qui
serait le port définitif de toute la Flandre ; on utilisait le lit de l'Yperleet
à partir d'Oudenbourg pour creuser, jusqu'à Nieuport, un canal qui
s'appela Canal de Flasschendaele. Enfin Nieuport étant envasé, la Flandre,
avec une belle ténacité, alla plus loin encore conduire ses canaux vers
l'Ouest: en 1(348 on établissait la voie d'eau Nieuport-Furnos, qui se reliait
à Fûmes avec le canal creusé en 1(>38 jusqu'à Duukerque. Ku 1648 donc,
la ligne Bruges-Dunkerque était achevée, 90 kilomètres de canaux ressus-
citant à travers la plaine maritime la voie de l'Yperleet, complétée à
l'Ouest parla remise en état du canal de Borgnes en I&34, de la Haute-
Colme à la mêmedate, et de la Basse-Colme eu 1662; de nouveau on pouvait,
de Bruges et bientôt de Garni, gagner Gravelines, St-Omer, Calais, mettre
en relation les différentes parties de la Flandre. La grandeur de l'œuvre
surprendrait, étant donné l'état précaire du pays à celte date, si l'on ne
songeait que la plupart de ces travaux n'étaient que des rectifications,
approfondissement, élargissement de voies d'eau déjà existantes: l'Yper-
leet de Bruges à Nieuport, et de là à Furnes un canal existant déjà au
XIVe siècle, et qu'on recreusait en 1113; comme le dit l'acte d'octroi de
1638, il s'agit « deslargir, approfondir, et en aulcuus endroits, par
nouveaux fossoyements, accourir les canaulx se trouvant depuis le Sas du
dict Plassehendaelo... jusquos à Duncquerque » Enfin on se préoccupe de
joindre directement la Lys à ce système de canaux ; il est question en 1611
d'un canal de Roulers à Dixmude, et en 1664 on exhausse tous les ponts
de la Mandel pour livrer passage à la navigation ; en 1667 naît un projet
de canal Warneton-Ypres *. Le réseau est reconstitué, orienté vois la mer
du Nord, avec Dunkerque comme débouché.
Mais en 1662, I)unkerque tombe définitivement entre les mains des
Français. Il faut se rabattre sur Ostende : en 1666 on trace un canal de
quelques kilomètres de Plasschendaele à Slykens, où une écluse à sas
permet aux bateaux l'entrée dans la crique et le port. Ostende devient
l'emporium flamand, et connaît la prospérité au début du XVIII8 siècle.
1 Delopierre, Précis, Ie série, III, p. «52.
i Vifquain, pp. 30-4&
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151
LES VOIES DE COMMUNICATION. — LE COMMERCE
Cependant la Franco continue ses conquêtes : la Haute-Lys, la Deûle,
passent sous la domination de Louis XIV ; plus tard les Anglais et les Hol-
landais obtiennent la disparition delà Compagnie d'Ostende. Bâillonnée
au Nord) diminuée à l'Ouest, la Flandre végète au XVIIIe siècle ; on se
contente d'entretenir lo réseau navigable devenu presque inutile, sans
chercher à l'améliorer ni à l'étendre.
Etablissement du réseau français.
Au contraire dans la partie devenue française, les XVIIe et XVIIIe siècles
sont la grande période de canalisation. Il s'agit de relier aux anciens COUTS
d'eau français ceux des nouveaux territoires. Dunkerque était à peu près
isolé de l'Ouest depuis que le canal de Bergucs, d'où on pouvait passer dans
la Colme et l'Aa, servait de bassin de chasses; aussi dès 1670 Ixmis XIV
octroie la création d'un canal de l'Aa à Bourbourg et Coppenaxfort,
continué jusqu'à Dunkerque par l'approfondissement du watergand Vliet
Graeht ; on communique ainsi de Dunkerque avec Gravelines, avec St-Omer
d'où les marchandises gagnaient Aire par voie île terre, avec Calais enfin par
le canal de l'Aa à Calais qui fut rétabli de 1681 à 1082, en même temps qu'on
canalisait les rivières de Guînes et d'Ardres. Ainsi le réseau de la plaine
maritime française était complet, et tel qu'il s«i présente aujourd'hui. Restait
à le relier au reste de la Flandre française, en joignant l'Aa à la Lys, que
l'ouverture du canal de la Haute-Deûle réunissait à ce moment (1(593) à la
Scarpe, et par suit*» à l'Escaut. Vauban, que l'on retrouve à l'origine do
tout ce qu'il y a de grand dans le pays en matière de travaux publics,
suggéra à Louvois le projet d'un canal à écluses utilisant d'Aire à St-Omer
la dépression où un comte île Flandre avait, suivant la tradition, établi au
XIe siècle un parapet et un fossé de défense qu'on appelait le Neuffossé.
Les plans en furent dressés dès 1686, et pourtant ce ne fut qu'en 1753
qu'on entreprit les travaux, et en 1786 que tout fut terminé : le nouveau
canal de Neuffossé utilisait en un seul palier la vallée de la Melde par où
l'Aa rejoignait jadis la Lys, puis plongeait par cinq écluses superposées
dans la vallée de l'Aa sur Arques, rachetant ainsi 13 mètres de dénivella-
tion brusque. En même temps, de Deulémont à Aire, on améliorait la
Lys, dont le nouveau canal allait augmenter le trafic, en y opérant d'im-
portants travaux de redressement ; on créait à Lille le canal de l'Esplanade
qui permettait pour la première fois de passer de la haute dans la basse
Deûle. On pouvait désormais, par bateau, aller de Dunkerque ou Calais à
Valcnciennes et Cambrai.
L'ÉTABLISSEMENT Dl* RÉSEAU FRANÇAIS
Cependant cette voie navigable n'était pas irréprochable. Elle s'attardait
on trop nombreux zigzags, entraînant les bateaux de Valeneiennes vers
Condé et Maulde, les ramenant l)rusquement vois Douai et Pont-à-Vendin,
les renvoyant vers le Nord-Est jusqu'à Lille èt Deuléniont, pour les expédier
de là sur Aire et St-Omer ; il y avait trop d'écluses, sur la Haute-Lys en
particulier; enfin la Scarpe et la Lys n'avaient pas toujours la profondeur
nécessaire. Les défectuosités étaient telles que jusqu'en 18*25 les bateaux
charbonniers qui se rendaient de Mons à Dunkerque préféraient passer par
Gand, Bruges, Nieuport et Furnes que par Lille et Aire. Il fallait trouver
une combinaison pour rejoindre plus directement l'Aa à la Scarpe et
à l'Escaut. Dés 1771, un projet était apparu, préconisant un canal de St-
Venantà Béthune et La Bassée 1 ; puis ce fut un projet I,a Bassée-I^i (lorgne,
par Lacouture et Vieille-Chapelle ». Ce ne fut cependant qu'au début
de 1826 que fut ouvert le canal d'Aire à Ui Bassée, joignant parle Neuflossé
l'Aa a la Deûle, et permettant d'éviter le détour de la Haute-Lys et ses
dangers. Déjà depuis 1820 le canal de la Sensée joignait la Haute-Searpe au
Haut-Escaut; ainsi se complétait au début du XIXf siècle la chaîne des
voies navigables qui desservent la plaine flamande en longeant les dépres-
sions dont les hautes terres crayeuses sont précédées tout le long de leur
lisière, de Calais à l'Escaut.
Ainsi développé, le réseau navigable flamand faisait tête à la concurrence
que la création des grandes chaussées commençait à faire à la batellerie.
Toutes les marchandises lourdes continuaient à être transportées par eau,
grains, arbres, bois scié, pierres, charbons, engrais, chaux, tuiles, briques \
Canaux et rivières gardaient même une fidèle clientèle de voyageurs.
Au XVIIe siècle, Furnes a des transports réguliers pour passagers vers
Dixmude, Loo, Ypres, Hondschoote et Bergues *. En 1801, les services
publics des « coches d'eau » sont nombreux ; la barque de Lille à Douai a
un départ quotidien ; de Dunkerque, on va à Furnes, Bergues, Calais et
Sl-Omer ; de Hondschoote, à Dunkerque; de Gravelines, à St-Omer ; de
Merville, à Armentières, Hazebrouek, Aire, St-Omer ; d'Estaires, à Armen-
tières 5. De Gand, une barque se rend à Bruges tous lesjours, et vice-versa ;
« Arch. Nord. C (Fl. Mar.) 18.
* Arch. Nat. H' 37, pièce 150 (plan), 178»>.
3 Ordonnance de 17'K», réglementant les transports par eau entre Eeeloo et Gand
(fîilliodis, Cotiuimes petites vill»-*, Eerloo, 11, p. 711).
» Ann. Corn. fl. Fr. XV, p. 430.
» Dieudonné, Statistique, 111, pp. 72-73.
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LES VOIKS DK COMMUNICATION. - LE COMMKRCK
c'est le moyen do transport le plus apprécié jusqu'à l'apparition des
chemins de fer, et Paquet-Syphorien en fait, dans son voyage de 1812, un
éloge enthousiaste L
Les voies navigables au XIX" siècle.
La naissance des chemins de fer surprit donc le réseau navigable dans
une époque de pleine prospérité. En France, on construisait des canaux ; la
Belgique, dans l'essor économique qui suivit 1815, reconstituait les siens.
De 1821) à 1830, on procède au dévasement des voies d'eau, à la suppression
d'écluses devenues inutiles, des overdraehs archaïques: sur le canal de
Plasschendaele, sur le canal d'Ostende qu'on relie aux bassins du port par
une dérivation, sur la Lys où l'on fait disparaître des bancs dangereux. On
continue le creusement du canal de Bruges à Sluis commencé en 1810, et
qui atteint le Zwin en 1818 ; enfin on travaille à la grande œuvre du canal
Gand-Terneuzen. Profitant de l'union de la Flandre zélandaise à son
ancienne patrie, les Gantois élaborent dès 1817 le projet de la voie d'eau
qui doit amener les bateaux de mer dans leurs bassins : cette fois, il faudra
aller au delà du Sas-de-Gand, dépasser le Braakman condamné à l'enva-
sement, pour atteindre les eaux profondes sur le Hont, a Terneuzen. De.
1825 a 1827, on restaure les débris de l'ancienne voie entre Gand et le Sas ;
au delà, on barre un golfe du Braakman, la crique d'Axel, travail pénible
qui retint sur place pendant deux ans 800 terrassiers et 200 embarcations 1 ;
cependant l'activité fut telle que le canal était ouvert en novembre 1827, et
que le bassin du Commerce, à Garni, était prêt en 1829. On projetait de
nouveau, en 1810, un canal de Roulers et un canal d'Ypres à la Lys; «mi
France, on entreprenait en 18*2 i le canal de Roubaix, destiné à rejoindre la
Deûle à l'Escaut ; la section Marquette-Croix était inaugurée en 1831 ; les
Belges terminaient en 1813 la section de l'Espierre (Roubaix-Eseaut) ; on
continuait de travailler à la partie intermédiaire.
L'engouement qui se prononça pour les chemins de 1er à partir de 18 10
amena un ralentissement dans le travail de création ou de perfectionnement
des voies navigables. Il fallut attendre 30 ans pour que l'on rendit justice
aux cours d'eau. C'est en 1870 que l'on se mit à réparer et à approfondir le
canal de Gand à Terneuzen, que l'hostilité de la Hollande avait longtemps
tenu fermé après 1830; les travaux se terminaient en 18&5. canal de
1 Voyage, II, pp. il'.M^.
î Vifquain, pp. lSSMtti.
LES VOIES NAVIGABLES AU XIX« SIÈCLE i57
Roubaix, dévié de son tracé primitif et établi entre Tourcoing e Isa voisine,
fut inauguré le 31 décembre 1870; à la même tlah* on ((livrait le canal de
(Cin trai à Bossuyt, qui joint la Lys à l'Escaut et permet aux houilles
belges d'alimenter les fabriques de la Lys ; la Mandel était canalisée jusqu'à
Roulers; enfin les Yprois, réalisant leur rêve, se mettaient au «mal de
Comines, qui devait joindre l'Yperlée à la Lys, et dont les difficultés de
percement dans la traversée des collines ont fait jusqu'ici retarder l'achè-
vement. Sous l'impulsion du programme Freycinel, on perfectionna dans
la partie française les artères existantes ; on poursuivit l'approfondissement
à 2m,50 de toutes les voies, le redressement des courbes, rétablissement de
garages; on doubla les cinq écluses des Fontinettes par un ascenseur
hydraulique.
1rs résultats sont magnifiques. Si on laisse de côté les voies secondaires,
canaux d'Ardrcs. de (iuînes, d'Audruicq, qui ne transportent chaque
année que quelques mille tonnes de betteraves, de charbon et de briques;
canaux de Furnes et de la Hnsse-Colme, dont la frontière fait de véritables
impasses; canaux d'Hazebrouck, qui ne servent guère qu'à évacuer les bois
de la forêt de Nieppe et à approvisionner Hazebrouck ; rivière de la I*»\ve
qui, par défaut d'entretien et d'amélioration, ne porte par an que 31) à
iO.(MM) tonnesau lieu des i( HUM M) qu'elle devrait charrier, le réseau français
se présente comme un tronc vigoureux détachant à droite et à gauche de
puissants rameaux. De Duukerque à l'Aa, le canal de Bourbourg trans-
portait en 1901 I.409.IMM) tonnes; l'Aa, qui lui fait suite entre le (iuindal
et Arques, en portait 2.03r>.<HM), le canal de Neuflbssé, 1.988.<HM); les
affluents de ce grand cou raid, commercial, canaux de Bergues et de la
Haute-dolme, qui doublent la voie vers Duukerque, et canal de (/dais,
avaient un trafic de 227.818, :îG2.il2, et i7i.(HH) tonnes. Sur toutes ces
voies, les produits agricoles constituaient de 30 à 10 "/„ des marchandises
transportées, la houille française 30"/,, environ ; les bois, les matériaux de
construction, les engrais, les produits de l'industrie métallurgique h» reste.
A partir d'Aire, et surtout à la hauteur de Béthunc, le canal de La Bassée
fait un trafic bien plus considérable encore : 3.G79.IMM) tonnes en 1901, qui
deviennent 5.I8G.1MM) tonnes sur la Ilnute-Deùle ; mais l'honneur n'en
revient plus à la Flandre; c'est le bassin houiller du Pas-de-Calais qui, de
ses « rivages »> de Yendin, Héthune, Haines, Beuvry, y déverse plus de
2.000.000 de tonnes de charbon, qui forment (H °/„ du total, tandis que les
produits agricoles ne contribuent plus à l'ensemble que pour 16°/,,. De
même sur la Lys française, où sur 720.898 tonnes, i3 "/„ représentent la
houille française, 2r> °/„ les matériaux de construction, et 18 "/„ les produits
agricoles. Enfin la Deûle en aval de Don et le canal de Roubaix transpor-
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LES VOIES DE COMMUNICATION. — LE COMMERCE
taienten 1901 i. 537.234 et 600.844 tonnes, parmi lesquelles le trafic des
houilles françaises représente encore plus de la moitié du total. I>es grands
ports établis le long de ces canaux ont une importance exceptionnelle: celui
de Dnnkerque «»n 1898 avait un tonnage de 1 . 570.000 tonnes ; celui de Lille,
710.000, celui de Roubaix 470.000, celui d'Isbcrgues 232.000, sans parler
de ceux du canal d'Aire où s'effectue l'embarquement de la houille
réseau belge présente la même activité. Là, c'est l'Escaut qui accapare
Echeile de t : I.SflO.aoo.
Fig. AD. — Les voies navigables do la plaine flamande.
Branches navigables des canaux ou rivk'res.
< '.anaux en construction.
ltiviores ou canaux non navigables.
la plus grande partie du trafic ; la houille descend, charriée par d'innom-
i Renseignements dans L'i Rivière, ot dans : Guillain. Canaux du Nord, Rapport.
(Chambre des députés, Session extraordinaire do 1001, annexe, n° 2.773, pp. ir>4-ir»f ») ;
— Conseil Général du Nord. Session d'août 1002, Rapports «les chefs de service,
p. "{) ; — enfin les travaux des Chambres do Commerce de Calais, Dnnkerque, Lille.
LES VOIES NAVIGABLES AU XIX« SIÈCLE
K50,
brables flottilles, du bassin du Borinage voi-s Courlrai, vers Garni et do
là vers Bruges; par lo canal do Blaton d'autres péniches do charbon
gagnent la Dendro, Termonde et le Bas-Escaut. I>es briques, pavés et
pierrailles, les engrais, les bois, les produits agricoles font le reste. \x Lys
est moins fréquentée, sauf par les bateaux amenant le lin de Waes et
de Hollande; les voies d'eau de la plaine maritime sont désertes depuis
qu'elles ne sont plus la route de Dunkerquo voi-s l'intérieur. \a* canal do
Gand à Bruges a retrouvé de l'activité dans les travaux de Bruges-Port de
mer et dans l'alimentation do l'usine Solvay, qui traite à Zeebrugge les
sous-produits de la houille. C'est Gand qui reste le grand carrefour. Le
Haut-Escaut lui a amené on 1003 2.080 bateaux, d'une contenance de
610.000 tonnes; le canal de Bruges 2.301 , avec 200.000 tonnes; lo Bas-
Escaut 5.008, avec 881.603 tonnes; enfin la Lys 131 seulement, avec
12.000 tonnes. De toute celte flotte, une partie ne fait que passer à travers
la ville; cependant le mouvement du port s'est élevé on 1001 à 890.000
tonnes, soit on gros 000.0011, portant sur 4.687 embarcations. Gand, port
fluvial, est donc supérieur à Lille, et se range, après Dunkerquo, au second
rang parmi les entrepôts flamands
Ainsi la navigation a gardé, dans la vie économique de la Flandre, une
grande importance. On peut dire que ce mode de transport est resté familier
au pays. Il y a encore, en bien dos endroits, rivalité avec la voie ferrée:
le canal est employé à des fonctions que les chemins do feront monopolisées
ailleurs. Autour de Gand, des bateaux font encore des services do messa-
geries. De Bellem part chaque vendredi, pour le marché do Gand, une
barque d'œufs et de beurre. La voie d'eau a gardé des transports do
voyageurs: il existe un service Gand-Selzaote ; A Tamise, on compte six
départs quotidiens pour Anvers ; Bruges on a pour Ostondo, pour Sluis;
à Rupolmondo, presque tout le trafic, marchandises et voyageurs, se fait
par le fleuve.
m.
VOIES FERRÉES.
Cependant cette persistance de la navigation fluviale, dont l'importance
s'accroît sans cesse, ne parait pas avoir entravé le développement d'un dos
réseaux ferrés les plus denses qui soient au monde. L'établissement, il est
vrai, en était facile : pas d'ouvrages d'art, sauf les ponts, qui sont nom-
breux ; les ingénieurs, on construisant leurs lignes, n'avaient à tenir compte
• Chambre de Commerce de Gand, Rapport de iUOi, pp. 811-81.
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LE TRAFIC INTÉRIEUR 4f?i
que des courants commerciaux ; pas de vallée à laquelle le chemin do fer
dut s'attacher pour pouvoir passer, car tout est vallée en Flandre. Seule
la ligne de Konaix à Gand a dû être pourvue d'un petit tunnel. Aussi le
reseau des grandes voies a-t-il été rapidement constitué, et l'on a pu se
mettre à la construction des lignes secondaires à une époque où d'autres
régions en étaient encore à établir leurs grandes artères. Dix voies ferrées
partent de Lille, dont la gare a vu on l!M)4 un mouvement de 4.332.467 voya-
geurs 1 ; et bientôt un réseau plus considérable encore de tramways va
garnir toutes les routes de l'arrondissement. La partie belge, où les chemins
de fer vicinaux sont en honneur, ne comptera bientôt plus un village situé
à S kilomètres d'une station. Cependant toutes ces lignes font leurs affaires ;
le bas prix que les abonnements ouvriers accordent aux voyageurs, au lieu
d'ameuer le déficit, contribue à la prospérité. La concurrence de la batel-
lerie, en obligeant les chemins de fer à abaisser leurs tarifs, contribue en
réalité à l'activité des transactions par voie ferrée : c'est ainsi que la
houille, la matière préférée des transports par eau, est l'objet d'une
circulation plus active encore par chemin de fer que par bateau. La coo-
pération est d'ailleurs fréquente entre les deux modes de transport :
le vicinal, et même la grande ligne, pousse ses voies entre les bassins des
ports maritimes ou fluviaux; la richesse circule aisément d'un réseau à
l'autre.
IV.
LE COMMERCE.
Trafic intérieur.
1^ nombre et l'importance de ces voies de communication atteste
l'ampleur du trafic qui passe à travers la Flandre. Une région si peuplée
et si active est évidemment le siège d'un commerce intérieur florissant.
Matériaux de construction pour les villes-champignons, denrées agricoles et
produits de boucherie pour les agglomérations, betteraves pour les sucreries
de la plaine maritime, alimentent une bonne part du trafic. Cette circu-
lation intérieure, on en retrouve un exemple dans la liste des fournisseurs
de Bruges au XVIe siècle. Le blé lui vient du quartier Sud-Ouest du pays,
et de l'Artois ; le beurre, le fromage, les œufs, les poulets, les bœufs gras
et les vaches, de Dixmude, Furnes, Bergues-St-Winoc et Lani|>ernisse ;
1 Voyageurs ayant pris loup billot à ou pour Lillo : ceux qui transitent par Lille ne
sont pas compris dans ce chiffre.
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LES VOIES DE COMMUNICATION. — LE COMMERCE
les fruits, de Courtrai et du pays de l'Alleu ; les moutons et veaux gras
de la fégîoti gantoise l. La présence «l'une frontière depuis le XVIIe siècle
gène, il est vrai, ce trafic intérieur, ou plutôt le coupe en deux. Mais la
frontière, à son tour, a fait naître tout un commerce, qui pour être inter-
lope n'en est pas moins florissant. La contrebande s'exerce en grand
sur cette ligne tracée comme au hasard, et qu'aucun obstacle naturel ne
défend ; c'est une vraie ressource pour toute une catégorie d'individus, et
on connaît des fortunes qui s'y sont faites. Rien qu'à Roubaix, la justice
a constaté, l'existence d'environ 15.000 fraudeurs de profession, et le
préfet de Viry s'apercevait dans la Lys en 1804 que la population lies villes
frontières avait diminué depuis la réunion a la France :« la fraude dans
ces villes nourrissait un grand nombre d'individus, qui ont dû aller
chercher fortune ailleurs»*. Les communes rurales de la frontière sont
sillonnées de mystérieux sentiers qui se dirigent l0U8 vers la Belgique.
La Lys même n'est pas un obstacle ; des barques se faufilent la nuit
d'un bord à l'autre, sous prétexte d'inspecter les ballons du rouissage 3.
A côté du fraudeur isolé, il y a de vastes entreprises qui sont des modèles
d'organisation et d'ingéniosité. Au Nord de la Lys, il existe des relais de
contrebande, l'un sur la bulle argileuse du Ryveld, près Steenvoorde,
l'autre sur la colline caillouteuse de la Relie-Hôtesse, derrière Morbecque ;
et les denrées que les fraudeurs ont péniblement amenées au premier
relais, transportées par ballots au second, sont chargées là sur des voitures
qui les répandent dans l'intérieur, à travers l'Artois et la Picardie. Ainsi il
y a là tout un commerce très actif qui, né d'un élément artificiel, doit une
partie de son développement aux circonstances géographiques : facilité de
la circulation dans im pays sans obstacles, abondance d'un»' population
pauvre qui assure un recrutement aisé pour ce trafic dangereux et lucratif.
Trafic extérieur : échanges avec l'Artois et l'Angleterre.
Les échanges intérieurs n'ont jamais suffi à la Flandre. La population y
est trop dense pour que le pays pût la nourrir ; d'autre part l'industrie,
presque dès son origine, a dû faire appel aux matières premières du dehors.
La Flandre intérieure, avec son sol médiocre, n'a pu suffire de bonne heure
1 « Lamentations » de Siger van Maele (Ann. Soc. Em. Br., 2' série, III, 1845,
pp. 298-299).
1 Dé Viry, Mémoire, p. 27.
3 Sur les procédés des fraudeurs et l'activité de la douane, voir série d'articles dans
« l'Kcho du Nord », janvier et février 11*15,
LKS ÉCHANGES AVKC l/ARTOIS
à fournir ses habitant do grains ; il lui a fallu s'adresser aux riches terres
du Sud, où le blé croît en abondance sur le limon qui revêt les plateaux
de craie, b» transport des grains par l'Escaut, la Deûle et la Lys
a été un des premiers éléments de la circulation sur ces rivières, et l'une
des causes de la fortune de Garni, qui centralisait dans ses 220 entrepôts
(beerien) les cargaisons amenées par eau: monopole qu'elle gardait
jalousement Au XVI' siècle, Meyer constate que la Flandre ne peut se
suflire en blé, et qu'il lui faut en demander à ses voisins du Vermandois,
de l'Artois, de PAmiénois, du Cambrésis, bien plus favorisés que les
Flamands pour la fertilité de leur sol *. Guichardin témoigne du même
fait 3. De là l'importiince ancienne d'Aire et de liéthune : ce sont les fournis-
seurs de pain pour la Flandre; aussi leur rôle est-il d'être des marchés à
blé. « Le commerce de grains est le seul que les supplians connaissent dans
leur ville » écrivent en 1749 les habitants d'Aire *, et ceux de Béthune en
173) déclarent que le commerce de leur ville ne consiste que dans les
marchés publics des grains et des lins que l'on apporte des environs 5. Tous
les documents contemporains insistent sur ces traits: ce qui fait vivre
l'Artois, c'est l'exportation des blés, le passage des voyageui-s et des
marchandises. Ainsi l'Artois se trouvait lié de très près à la Flandre par
des relations économiques. Le blé était le principal objet d'échange:
mais jadis il lui avait envoyé ses laines, et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle
il lui expédia ses grès 6 ; aujourd'hui, il lui vend son charbon. Les fileuses
de l'Artois travaillaient pour Kouhaix et pour le groupe de la Lys. De
pareilles relations d'affaires devaient nouer entre l'acheteur et le fournisseur
de solides liens politiques ; l'Artois et la Flandre apparaissent à peu près
inséparables dans l'histoire, I*i Civitas Morinorum s'étend sur les deux
pays: plus tard, jusqu'au XIIe siècle, Arras est la capitale des comtes de
Flandre. Séparés par la politique habile de Philippe-Auguste, les deux pays
tendent à se rejoindre ; l'Artois devient vite distinct du domaine royal, et
l'union avec la Flandre recommence sous la maison de Bourgogne. Fsca-
» Pirennc, Hist. Belgique, II, p. 334.
* Kerum Flandriae, p. 77.
3 Guichardin, p. 382.
* Arch. Pas-de-Calais, C. 263, pièce 161.
« Ibid., C. .T76, pièce 94.
6 En 1757, achat pour le pavage du chemin d'Ypres à Menin (Arch. Pas-de-Calais,
C. 657); la même année, pour la roule de Bailloul à Meteren (ibid.) ; en 1778, pour le
pavage des rues de Dunkerque (C. 14(1 et 140 bis), pour le pavage dos rues de Gand
(C. 584), etc.
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'•(Vl
LES VOIES I)K COMMUNICATION. -
LE COMMERCE
motê par Louis XI, il est rendu par Charles VIII. Aussi 1rs souverains «lu
XVII* siècle, en annexant l'Artois au royaume, y joignirent-ils un gros
morceau de Flandre, et l'ensemble fit comme une nouvelle province
complète] qui entra Facilement dans l'unité française.
Les mêmes circonstances donnent leur caractère mixte aux villes de
l'Artois qui bordent le pays flamand. Ain» cl St-Omer, se détachant, de
L'Artois annexé par la France au traité des Pyrénées, suivirent le sort de
la Flandre et ne furent absorbées qu'avec elle en 1G7.S. Pour l'aspect
extérieur, ce sont des villes artésiennes, où la pierre tient une bonne place
dans les constructions et apparaît dans de belles églises soigneusement
fouillées, chose si rare en Flandre; mais leurs relations sont avec la plaine
qui s'étend devant elles ; St-Omer ne connaît pas Arras : Lille est sa vraie
métropole; de même pour Aire, Lillers, Béthune, au delà seulement de
laquelle la présence du bassin houiller oriente vers une autre direction,
vers Lena et Douai, les préoccupations et les relations des habitants.
L'Artois fournissait le blé, mais l'Angleterre avait la laine. « Il est vrai
que de France nous viennent blés, auraient dit en 1329 les députés des
villes à Philippe de Valois; mais pour acheter faut-il avoir de quoi payer.
Or d'Angleterre nous viennent laines, qui nous donnent grand profit et
nous permettent de vivre à l'aise et joyeusement » \a\ réplique était
juste : privée des prés salés de la plaine maritime qu'étaient venues rempla-
cer des cultures, la Flandre ne pouvait approvisionner son industrie
drapière qu'en achetant de la laine en Angleterre. De bonne heure les
relations s'établissent avec la grande île. St-Omer achète dès 8()0 des
étoffes de l'autre côté du détroit1; au Xe et au XIe siècle, ses rapports
commerciaux sont fréquents avec la Grande-Bretagne 3. Les lois du roi
Ethelred, au début du XP siècle font mention des marchands de Flandre *;
et dès la fin du XIIe, l'association commerciale de la hanse de Londres
s'étend à tous les Pays-Bas 5. Jusqu'à la fin du XVe siècle, ce commerce de
laines fut pour la Flandre le problème vital, et l'on a mit remarquer depuis
longtemps la solidité des li'ms politiques que ces relations économiques
avaient noués entre les deux pays. « \a\ laine était d'un côté du détroit,
« Cité dans Le (îlay (Ed.), Histoire des Contes de Flandre, (2' éd., Tournai, Caster-
niann, 1H67, in-8°), 11, p. 415.
* Guérard, St-Uertiu, p. (36.
I (liry, St-Omer, p. 276.
* Cité dans Kervyn de Letteuhove, Hist. de Flandre, I, p. 212.
5 Van der Linden (H.), Los gildes marchandes dans les Pays-Bas au moyen-âge
(Recueil travaux fac. lettres <land, 1ÎV fascicule, 1896, 126 p.), p. 28.
LE MOUVEMENT COMMERCIAL DES PORTS 465
l'ouvrier de l'autre. Le boucher anglais, le drapier flamand, étaient unis au
milieu des querelles des princes, par une alliance indissoluble»1. Ces
liens se relâchèrent au XVe siècle, lorsque l'Angleterre garda sa laine pour
fabriquer elle-même. Dès lors ce furent des produits manufacturés que la
Grande-Bretagne essaya de faire pénétrer en Flandre, tandis que celle-ci
expédiait aux Anglais les produits agricoles de la plaine maritime. En
1781, le Calaisis « vend fort cher aux Anglais tout ce qu'il ne consomme pas
de ses denrées », et reçoit les nombreux produits que lui apportent les
bateaux des fraudeurs (smoggleurs) *. De nos jours, il existe des services
réguliers vers les ports anglais pour le transport des fruits et des produits
de l'élevage. Des paquebots rapides embarquent pour Douvres les denrées
alimentaires amenées par trains directs sur les quais de Calais ; la Bel-
gique a organisé une ligne Ostende-Tilbury par laquelle les produits partis
à 3 heures du soir d'Ostende peuvent être le lendemain matin à 4 heures
sur les marchés de" Londres.
Mouvement commercial des ports.
Cependant l'importation flamande, au moyen-âge, ne se bornait pas à la
laine et au blé. Le pays, aux époques de prospérité, consommait beaucoup.
L'Espagne, le Portugal, les ports français de l'Atlantique, étaient les
grands fournisseurs. Au début du XIVe siècle, le vin, amené des ports de
Biscaye, Bayonne, Guéthary, Fontarabie, et surtout du Poitou par La
Rochelle, tient dans les entrepôts de Calais autant de place que la laine.
Ias harengs viennent ensuite, puis une liste de denrées d'une variété
incroyable, bière d'Angleterre, fruits en boites, dattes, figues, sel du
Poitou, grains, lard, suif, cuirs, cire, poix, goudron, vinaigre, métaux :l.
En revanche la Flandre exporte ses draps dans le monde entier, et jusque
dans les pays qui lui font la guéri e mais ne peuvent se passer des produits
de son industrie. Un tonlieu de Perpignan du XIVe siècle cite les draps
verts de Garni et d'Ypres, ceux de St-Omer et de Bruges, les draps rayés
d'Ypresetles draps blancs de Tamise 4. Plus tard, les toiles de Courtrai
approvisionnent la France, conquièrent le marché espagnol. Tandis que
< Michelet, Histoire de France, éd. de 1837, III, p. 277.
* Arch. Nat. H* 647, pièce 2.
3 Chavanon (J.), Etudes et documents sur Calais avant la domination anglaise,
1180-1346 (Paris, Picard, 1901, in*, 35 + 32 p.).
» Finot, Commerce, passim.
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460 LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
les marchandises importées arrivent généralement par mer, en raison de
leur nature lourde et encombrante, ce que la Flandre exporte, produits
de fabrique légers et précieux, prend déjà la roule de terre, comme le font
aujourd'hui les tissus et les filés sortis des usines de Gand ou de Lille.
Il s'ensuit que le mouvement des marchandises a été toujours plus
important, ou si l'on veut plus bruyant, par les ports de Flandre que par
les bureaux de douane de l'intérieur. Aussi les ports ont-ils joué de bonne
heure un rôle considérable. Ce fut d'abord le règne des entrepôts établis
au fond des estuaires : St-Omer, Damuie. I,cs golfes maintenus jusqu'au
XIIe siècle dans la plaine maritime semblaient inviter le commerce à
s'établir sur leurs bords ; la mer s'offrait aux bateaux flamands ; elle avait
fait elle-même la moitié du chemin. Tandis que prospéraient ces villes aux
rades bien abritées, les havres du littoral n'étaient guère que des refuges
de pêcheurs. Devenus grands, ils ont gardé cette industrie : mais l'objet et
le lieu de la pèche ont souvent changé depuis le moyen-Age ; on m» pour-
chasse plus la baleine que les contemporains de St Ha von, et même ceux
de St Arnulf (XII* siècle) harponnaient encore dans la mer du Nord Un
petit nombre seulement des pécheurs reste en vue des côtes; beaucoup
sortent de la mer flamande, à la recherche du maquereau ou du hareng.
Ostende, où se répand la pratique des chalutiers à vapeur, a vu vendre en
1902 pour i. 80*^.000 francs de poisson 1 ; Calais, dans la même période,
pour l.(C*).O0O3. Enfin Dunkerque et Gravelines arment pour la grande
pêche en Islande ou sur les côtes de Norvège, tandis que les autres villes
ou bourgades de la côte, la Panne, Nieuport, Hlankenberghe, Breskens,
envoient des barques chaque jour pour croiser dans les parages des
bancs *.
busqué les grands ports d'estuaire furent déchus, enlisés dans les
alluvions ou isolés de la mer par la disparition des golfes, on vit passer
au premier rang les havres de pêche de la côte. La fermeture de l'Escaut
augmenta leur prospérité, malgré les efforts de leurs rivaux maritimes,
Anglais et Hollandais, pour ruiner Dunkerque et museler Ostende ; dès
i cf. m. o. ss., xv, pp. :m et nui.
* Huit Ch. Commerce, Janvier 1003, p. 10.
3 Exposé sommaire Ch. Commerce, 1002, p. 234.
* Sur la pèrhe, voir: l'atria Belgica, 1, pp. 331-333: — Van don Bussche (E.), l-i
pêche et les pêcheurs de Blankenberghe (Li Kl. A 111, 1K70, pp. 347-464) ; — Capdeville
(E.), La pêche maritime à Ostende en lH07(Kevue maritime. Paris, Beaudûiiin, mai
pp. 401-401»); — Delhecq (I)1), Le matelot de Omnd-Fort-Philippe (Mém. Soc. Dunk.,
XXXVL lOd-, pp. 4J7.»-4KOt.
47. -- Ai:dcnjid<, ;l -i» I* . '!m« cl I urlirrc.
• • • • •
48 — V u« vîjn» U nort Je C»nd Qui> lk« H
•>;hS hî\ COMNH NICATInN. _
LE CdMMKKCK
importées arrivant généralement par ui<n\ eu ra:son <;<•
! ►uni** i'i emuuubrunte, ee que la Flandre exporte, priHi'i.î*
■ • • ' i»> « eieux. prend déjà l;i ronte de terre, eoinme I'
■ '. • i>| le.s Hlér M>rlis des usines de Gaml ou de Ijlie,
mouvement des maivliandises a i «*• tuujmr'. p.' •
■:, plus bruyant, par los ports, de Flandre que . •.
"de l'intérieur. Aussi les purts oui -ils juin' de !»•#•-
. viiiltlt*. <> fut d'abord le règne m* eii|i*p&x <*!.»• l».:»
.:!'•«: St-Mmer, [Hniitlio. I.es golfes maintenus j 11 «••])! ..m
• 1«> plaine iij;i.i!iiU" semblaient iuvil"i* le <i>iuiii«i.i i.
• « » ^ ;»'»ï«ls; la mer s'offrait aux bateaux flamands; • .
• ! • .te-ifé «lu cli-'iniu. Tandis que prospéi aient (••"> viMe> a \
s. |i'.s havres du littoral n'étaient guère que «le.s r«-li ^ -
- :» . m' i< grands, ils ouf gardé celte industrie : mai'* l*oî>j-
• ■*■ „• i.jit souvent eb.'inifè depuis le moyen àjfî mi ue {<.•::
.. :■.«'■•, if que les i'<»i)l**mpor.ous de Si I ta von, et même •• i ♦
■' \i' > I<*i !i;ii |iou!i.M< ut enenre <lans la mer du Non! !. •
• . ' i' .ifl.t d"v |»e> ||(Mirs reste en Vile de.s <ô|e>.; |ie,IU< ■
.• '.« <»••! t'aiiMhde, a la n< Ijerebe du maquereau ou ri II \iw .
- •. ••••i-e.d la pratique de* ehalutiers à vapeur, a \u vend-
■m francs de por*s,in * ; (lulais, dans la même |**r '*
p i i »•• ' !>it.n lHitjkeii|t!e et l îravelines arment poui 11. « ■•:
«cette en 1 < . >•..•, |,-s côtes de Xor^e^e» taudis que les aiitr*"* \''
nu hiait'.«i les ' '.i eùle, la Kitilie. Ni« i, lîlankenbertrhe. l»r 'A—
eu\<é'iil i' - ' ■ '[••■< i Itaq'.te jnlir pour croiser dans les in*Hlff» -
! 4. ^ ».
Loisque I - . pmls d'estuaire, furent déclins, enlisés d,in>
.nu\i"iis o', i •• .•*» <'e la mer par la disparition des golfes, ou \ .i ;•
au ;>'*• mier r. '• •• havres de pèche de ht eût»». La fermeture de |'|-
aii'JriueiiLi l"i t* j •»...t«iViU', mal^n* les ••ll'u. K de leurs rivaux' ma.*:'
Aiu'.os et 11 •|i«:ih pour miner huukerque et museler Osiemi"
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1 s;(jr ja -i*. , \oir. l'un:» H-I^u-i, t. pp. IL'U-Î$S.": -- V.»n Ittt«.»*ht< .1"
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47> — Audcnardc, vu de 1» colline d'Edelacrc.
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LE MOUVEMENT COMMERCIAL DES PORTS
467
que la pression étrangère faiblissait, on voyait grandir à vue d'oeil le
mouvement dos affaires : Dunkerque prend une importance énorme de
1763 à 1780, et (Monde pondant la guerre d'Amérique : indice de la
nécessité absolue où se trouve la Flandre d'avoir des débouchés sur la
mer. Au XIXe siècle, malgré la résurrection triomphante d'Anvers, dont
rhintorland s'enchevêtre dans le leur, les ports flamands ont accepté la
lutte et l'ont glorieusement soutenue.
Dans cette prospérité actuelle des ports, Dunkerque a la plus belle part ».
b\s débuts du XIXe siècle avaient été durs; on tâtonnait. Ce fut le
perfectionnement du réseau navigable entre 1815 et 1830, puis la création
des chemins de fer, puis de nouveau les améliorations apportées à la voie
d'eau après 187.'), qui ont donné et soutenu l'élan. Dunkerque est redevenu
ce qu'il était déjà à la fin du XVIII0 siècle, le port régional de la Flandre
française et do la France du Nord. Déjà, vers 1789, la Norvège y expé-
diait ses bois, l'Angleterre son charbon, ses métaux, sa quincaillerie,
Riga la graine de lin, le chanvre, les céréales *. Dos 1.90-i. 113 tonnes
reçues en 1001, dont 1.800.000 venant de l'étranger, c'est en grande partie
vers les foules de la région lilloise que Dunkerque expédie les 363.000
tonnes de farineux alimentaires, les 191.000 tonnes de graines et fruits ;
c'est sur les campagnes flamandes que doivent être répandues pour la plus
grande part les 182.000 tonnes de nitrates du Chili, dont il a presque le
monopole d'importation eu Franco (83 °/„ du total); de môme les 42.000
tonnes de tourteaux oléagineux destinés aux exploitations do l'intérieur.
C'est à Roubaix-Toureoing que sont réservées les 130.000 tonnes de laine
arrivées d'Australie et de la Plata, et à Lille les 35.000 tonnes de lins
russes. Lille et sa banlieue réclament encore pour leurs usines de produits
chimiques les 80.000 tonnes de pyrites. Enfin des 243.000 tonnes de mine-
rais, tout se dirige vers Denain, Douai et Isbergues ; des 137.000 tonnes de
houille, la plus grande partie est expédiée vers Paris. Par les canaux,
par les voies ferrées, par les routes même, ce trafic de marchandises
s'achemine vers le Sud ; Armentières est traversée chaque nuit de lourdes
voitures qui roulent de Dunkerque vers Lille, utilisant encore la route,
plus rapide que le canal, moins chère que le rail.
' Sur Dunkerque, voir l'excellente étude de : <le Rousiers (1\), Ports de France.
Dunkerque (Revue «le l'a ris, 1!XIM, I, pp. »«>-!*»). Us chiffres cités s'y rapportent à
iWi ; ceux «le liKtt se trouvent dans le Tableau général du Commerce, et «le la
Navigation, année lîKW (Direction «les Douanes, Paris, 1104), I, pp. 110-117, IL
pp. 'ii>-r>8.
* lie Bertrand (R.), Ia> port et le commerce maritime de Dunkerque au X VHP siècle,
partie (Mém. Soc. Dunk., X, pp. «j^sqq.j.
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m LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
Ainsi Dunkerque est la porte d'entrée du Nord français, de l'Escaut
à la mer, et son rayon d'action, par les canaux picards et champenois,
gagne vers le Sud. Il en est aussi la porte de sortie. Sur les 549.000 tonnes
exportées en 1901, le sucre des fabriques picardes et flamandes n'est pas
loin de fournir la moitié, 253.000 tonnes, soit 52°/0 de l'exportation totale
des sucres français à cette date; les produits métallurgiques de Lille et du
bassin houiller, 80.000 tonnes; les charbons du Pas-de-Calais, 50.000;
enfin les denrées agricoles de la Flandre, 30.000. L'énorme différence
entre les exportations et les importations (presque le l'apport de 1 à 4) ne
paraît pas faire du tort au port de Dunkerque en augmentant le fret des
navires obligés de reprendre la mer sur lest après avoir débarqué la car-
gaison. C'est qu'il y a, à proximité, d'autres grands ports où le long cour-
rier, arrivé d'Australie, du Chili ou de l'Argentine, va chercher le fret de
retour qui lui manque à Dunkerque ; et ce nouveau parcours de quelques
cent kilomètres vers Anvers, Hull ou les ports charbonniers du Durhnm
lui importe peu, comparé à l'immense trajet qu'il a déjà fourni. Ainsi celte
infériorité est compensée par la situation du port; de là le grand avantage
que présente Dunkerque sur le Havre. I,a Manche n'est guère qu'une nie,
très animée, très fréquentée, mais où on s'arrête» peu, Uindis que la nier
du Nord est la grand'plaee de l'Europe, bordée des façades de ces gigan-
tesques maisons de commerce qui s'appellent Londres, Newcastle,
Hambourg, Rotterdam, Anvers. Dunkerque doit beaucoup à ce voisinage,
et avec lui la région du Nord, desservie par un port qui peut presque
impunément importer sans rendre aux visiteurs l'équivalent de ce qu'ils
lui ont amené ».
Ià*s autres ports, en plus petit, ont un rôle analogue : grands impor-
tateurs, exportant peu, et desservant la région où ils se trouvent. Mais
tandis que les uns, Calais, Gravelines, sont gênés par Dunkerque, qui
absorbe la plus grande part du trafic, les autres, Ostende, Gand, sont déjà
trop près d'Anvers, ("est Gand qui réussit le mieux, grâce à sa situation
au centre d'une région agricole et industrielle surpeuplée. Le mouvement
du port, entrées et sorties réunies, a porté en 1904 sur 2.307 navires, d'un
tonnage de 1.556.000 tonneaux; il n'était, en 1894, que de 1 million de
tonneaux, et de 500.000 seulement en 1884 ; le mouvement a donc triplé
en 20 ans. Aussi l'accroissement du trafic a-t-il déterminé la ville de Gand
et l'Étal belge à faire exécuter de nouvelles améliorations au canal de
« En 1003, Dunkerque (2.213.000 tonnes) est le 3« port français, entre Le Havre
(2.:>87.(K)0 tonnes) et Bordeaux (2.213.000). — Le mouvement du port s'est élevé la
même année à 4.5)30 navires entrés et sortis, d'un tonnage net do 3.647.225 tonues.
■M
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LE MOUVEMENT COMMERCIAL DES PORTS
Terneuzen, par lequel s'effectue la totalité de ce trafic maritime. I,a
convention de 187V) avec la Hollande prévoyait un mouillage de 6m,05; les
nouvelles stipulations de 189Ô et de 100*2 vont faire porter le mouillage
minimum à 7n,,80, élargir à 24 mètres le plafond du canal et à 420 mètres
carrés la section. La voie n'aura plus qu'un seul bief, de Gand à
Terneuzen, l'écluse nouvelle du Sas-de-Gand devant être ouverte en temps
normal ; une nouvelle écluse de mer, atteignant 18 mètres de largeur
utile, et HO mètres de longueur, est en achèvement à Terneuzen *.
D'immenses darses se construisent à l'Est des anciens bassins do Gand.
C'est un effort considérable, que la croissance rapide du port depuis
20 ans semble justifier. Les bassins présentent déjà une animation, une
variété remarquables. A côté du grand vapeur anglais apportant du colon
ou chargeant des denrées agricoles, du steamer russe ou Scandinave
chargé de bois, on aperçoit toute sorte de bateaux qu'on ne voit pas à
Dunkerque. La, c'est la péniche flamande, avec ses couleurs vives, qui est
seule à naviguer dans les darses et les canaux de jonction. A Gand, on la
retrouve encore, mais à côté d'elle s'alignent les longs chalands du Rhin,
aux teintes sombres, puis des bateaux hollandais larges et courts, avec
une paire d'ailerons à leur flanc, enfin la barque du pécheur de Philippine
amenant des moules et des poissons au marché du vendredi.
Gomme à Dunkerque, les importations de matières premières pour
l'industrie flamande, lin (27.000 tonnes), jute (14.000), minerais (19.000),
d'engrais pour l'agriculture, tourteaux (14.000), nitrates (7.000), enfin de
houille anglaise (21.3.000 tonnes), forment les principaux éléments du
commerce gantois, tandis qu'à l'exportation les pommes de terre, les
sucres, les matériaux de construction, les fruits, les fils de lin et les
ciments sont les articles essentiels. Mais avant tout, et de loin, viennent les
bois; ils forment en 1004 plus de la moitié de l'importation : 448. 000 tonnes
sur 884.000 *. (jette proportion se retrouve dans les autres ports flamands.
A Oslende (1902), les bois viennent en têt»', précédant les charbons et les
nitrates 3. A Galais (1903), le bois constitue plus delà moitié des arrivages;
loin en arrière viennent la houille, les fers, les laines, tandis que les
denrées agricoles (fourrages, pommes de terre) prennent le premier rang
à l'exportation *. Gravelines, Nieuport, hors du mouvement de leurs
« Cf. Brunpel et Braun, Le Canal de Terneuzen ; Gand et ses installations maritimes
(Garni, Annoot-Braeckman, 1881, in-4°, HO p., 10 pl. et caries); — baron Guillaume,
L'Escaut depuis 1830 (Bruxelles, Castaigne, 1003,2 vol. in-8", 4 pl.), II, pp. 4.7) Ï<i3.
1 Rapport Ch. Commerce, 1904, pp. fi2-f>7.
a Bull. Ch. Commerce, 1002, p. 310.
* Tableau Commerce-Navigation, 1903, I, pp. 122-123.
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470
LES VOIES DE COMMUNICATION. —
LE COMMERCE
pécheurs, n'ont d'activité que par l'arrivée des bateaux do bois du Nord ;
sur 138 bâtiments outrés on 1!M).'$ à Gravolinos, 57 revenaient de pêcher la
morue, 43 arrivaient de Suède, 21 de Norvège, 8 de Russie *. Le bois
encombre les quais ; on circule entre des montagnes do planches ; les ports
flamands sont réellement dos ports à bois. La présence de ces amas a
même donné lien, dans chacune dos villes de la côte, à dos industries assez
actives. Calais a 6 scieries et des fabriques de moulures (pour bâtiment et
canalisation électrique) qui sont prospères et occupent 500 ouvriers. A
(iravolinos s'est créé au bord do l'Aa un petit quartier industriel contras-
tant avec la ville vieillotte, et où l'on trouve entre autres deux scieries,
une cartonnerie, une grande papeterie utilisant les bois, et pâte de bois
amenés du Nord. Oslonde, Nieuport, ont quelques scieries; de même
Dunkerquo qui recevait en IfKKi 113.000 tonnes do bois, et en utilise la
plus grande partie.
Ainsi ces ports destinés à desservir une grande région industrielle
finissent par s'industrialiser eux-mêmes. A voir passer sur ses quais tant
de graines, d'huiles minérales, de balles de jute ou do coton, Dunkerquo
s'est mis, lui aussi, à fabriquer. Dans la ville et ses faubourgs se sont
établies des filatures de lin, do coton et surtout do jute, dos fabriques
d'huile végétale, dos raffineries de pétrole et do soufre, des usines de cons-
tructions métalliques, dos fonderies, minoteries, rizerie, savonneries, sans
compter les grands chantiers de construction dos navires où travaillent
1.800 ouvriers. Gravolinos s'est dotée d'une filature de chanvre. A Calais
même, on peut dire que c'est à la situation maritime do la ville qu'est
due la grande industrie du tulle. Les fabricants anglais qui acclimatèrent
on 1816 le tulle à St-Pierro s'établissaient tout naturellement à l'endroit le
plus rapproché de l'Angleterre, d'où devaient leur parvenir les machines,
et aussi les filés do lin et do coton, que l'industrie française fut longtemps
hors d'état de fournir. Ainsi c'est à sa position de port le plus rapproché
do la Grande-Bretagne que Calais doit la présence de cotte belle industrie,
avec ses 400 fabricants, ses 20.000 pei-sonnôs employées, sans compter le
travail du cartonnage et la construction dos métiers à tulle. Créé par les
besoins de l'industrie, le commerce a créé l'industrie à son tour.
Le transit.
Le trafic important qui se fait entre la Flandre et les pays étrangers,
' Tableau Commerce-Navigation, 1003, II, p. 116.
■itiz
LE TRANSIT
471
amenant les grains, les engrais, les bois et charbons, les laines et les lins,
renvoyant au dehors les produits agricoles et industriels, ne constitua pas
encore la totalité du mouvement d'échanges qui s'accomplit à travers le
pays. I^a Flandre est une région de transit. Tenant largement à la France,
dont aucun obstacle ne la sépare et à laquelle la joignent un réseau serré
de routes, canaux et chemins de fer ; aux pays de la Meuse et du Rhin par
les plateaux brabançons ; à la Hollande par les îles et les (-anaux ; établie
bien en face de la mer du Nord, route de l'Ecosse, du Danemark, de la
Scandinavie et de la Russie, enfin aussi proche que possible de l'Angle-
terre, la Flandre occupe peut-être la plus belle situation internationale qui
soit en Europe. Ce rôle de pays-carrefour, que tout*' la Belgique partage
avec elle, lui a valu bien «les désagréments. « Il semble que Dieu ait fait
.cette bonne Flandre, qu'il l'ait placée entre tous pour être mangée ries uns
et des autres 1 ». Mais la ruée des peuples vers ses campagnes, qui ruinait
la Flandre à chaque guerre, l'enrichissait dès qu'on proclamait la paix. La
Flandre fut pendant tout le moyen-Age le point de contact du Nord et du
Midi de l'Europe. Vénitiens, Génois, Espagnols, Gascons et Poitevins,
Danois, Scandinaves, Lithuaniens, Allemands de la hanse, désireux de
s'épargner les dangers d'une trop longue navigation, avaient fait des bords
du Zwin leur foire permanente, où les produits du Nord s'échangeaient
contre ceux de la Méditerranée. A Thourout se prépare l'évangélisation des
Danois; les monnaies des comtes du X* siècle, Arnould II, Baudouin IV,
retrouvées en Danemark, en Russie, en Prusse, attestent l'importance des
relations commerciales de la Flandre à cette époque ». I,es denrées île
l'Europe entière affilient h Bruges, les unes par mer, les autres par terre,
par la Champagne, Bapauine, et la ligne des foires flamandes, allongée de
la Scarpe au Zwin, Douai, Lille, Messines, Ypres, Thourout'1. Parles
canaux et la Leulene s'acheminent vers Calais et Wissanl les marchandises
destinées à l'Angleterre, les tonneaux de vin, les draps de Flandre et ceux
de Brabant, croisant en route les sacs de laine, les chevaux et bestiaux, les
peaux de mouton *. C'est un incessant va-et-vient à travers le comté, qui
enrichit le comte et ses sujets, et ne contribue pas moins que l'industrie à
faire de la Flandre du XVe siècle le plus beau comté de l'Europe.
Depuis, cette situation s'est modifiée. Lorsque la nature eut tué Bruges
1 Michelet, Mis». Franc* fl8»7), III, p. 45.
* Pirenne, Hist. Helgi<ju*\ I, p. 1">9.
3 Sur la variété des marchandises vendues à la foire de Thourout, voir le règlement
du tonlieu de 1270 dans: Gilliodts, Coutumes, Petites villes, V, pp. 104-10*5.
* Tailliar, Livre des L'saiges, art. 176, p. 73.
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472
LES VOIES DE COMMUNICATION.
— LE COMMERCE
au profit d'Anvers, le trafic international adopta sans peine ce déplacement
de quelques kilomètres: mais il suffisait à tuer la Flandre. Servi par un
admirable réseau de voies fluviales, qui s'enfoncent dans toutes les direc-
tions comme les brandies d'un éventail, Anvers a gardé sa qualité de grand
port de transit. Dunkerque seul peut prétendre à lutter, expédie des
marchandises vers le Sud hors de la Flandre et du pays houiiler
vers la Picardie et la Champagne ; et l'on peut espérer que le jour où
il possédera vers la Meuse et la Moselle la voie d'eau directe qui lui
manque, il étendra jusqu'en Lorraine le rayon d'action de son port. En
attendant, le rôle international de la Flandre s'est réduit au transport des
voyageurs. De ce côté au moins, elle a gardé tous les avantages que lui
donne sa situation. Aucun progrès n'empêchera Calais d'être le point du
continent le plus rapproché d'Angleterre, si bien qu'une heure de naviga-
tion suffit d'une terre à l'autre. Plus de 300.000 voyageurs s'embarquent ou
débarquent chaque année dans son avant-port; 301.677 en 1902 1 ;
306.002 en 1903 ». Ostende de son côté en voit passer 120.000 environ par
an, 113.827 en 1900, 122.019 en 1902 ». Boulogne et Dieppe en 1902
avaient un mouvement de 158.000 et de 1 95.000; l'avantage reste donc aux
ports flamands. De 1888 à 1902, les lignes de Calais et d'Ostende ont
transbordé 5.(i30.tHX) voyageurs, soit 375.000 par an ; aujourd'hui le
mouvement atteint 430.000. Ces foules s'embarquent, au sortir des
steamers, dans les grands trains rapides qui traversent la Flandre à tout/*
vapeur; si la ligne Calais-Paris quitte aussitôt la plaine pour les hauteurs
crayeuses du Boulonnais, la ligne Cala is-Bâie, par St-Omer et Hazebrouck,
dessert Lille et Douai qui lui assurent d'ailleurs une bonne partie de son
trafic ; et les trains Calais-Bruxelles emportent par Lille et Tournai les
voyageurs vers l'Europe centrale. Pour lutter contre l'admirable situation
de Calais, Ostende possède des services vers toutes les régions de l'Europe
du centre et de l'Est: Ostende-Milan par le Gothard, circulant trois fois
par jour, Ostende-Vienne, vers Constantza et Constantinople, Ostende-
Berlin et Eydtkùhnen. Ainsi la Flandre est encore un des pays de grand
transit international ; elle voit passer à toute vitesse les gens affairés qui
s'empressent de l'Angleterre vers la Méditerranée, la mer Noire, la Russie,
les pays du Danube, ou refluent de ces directions vers le Nord. C'est
quelque chose encore que de posséder ces grandes voies ; pourtant il y a
' Exposé sommaire Ch. Commerce, 1902, p. 238.
* Tableau Commerce-Navigation, 1903, II, p. 62.
a» Bull. Ch. Commerce, 1902, p. 312.
LE TRANSIT
473
décadence sur l'époque où les marchandises suivaient, elles aussi, ces
mémos routes. L'activité commerciale reste un facteur important dans la
vi«» économique do la Flandre ; mais elle n'occupe plus le premier rôle
comme au temps où le herault Berry disait que « n'est ce pays riche que
des grans marchandises qui descendent en iceluy J>ays » dette sentence
a cesse d'être exacte, mais elle a été profondément juste, et l'on verra
l'importance de ce commerce international dans l'explication d'une des
particularités géographiques les plus curieuses de la Flandre, le grave
problème de la surpopulation.
• Hérault Berry, in Labbe, p. 70-i.
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471
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
CHAPITRE XVII.
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION.
1. Origines de (a population fhtmatule. Les anciennes populations. Invasions germa-
niques. \jl frontière linguistique. — IL Lit 8ur/>o/iulation. \* surpopulation
précoce. Mouvements de population au XIX* siècle. Causes des transformations.
Densité actuelle de la population ; ses conséquences. — III. L' Emigration. Nécessité
de l'émigration. Déplacements quotidiens et hebdomadaires. Migrations saisonnières.
L'émigration définitive.
Lit Flandre est très peuplée : 249 habilants au kilomètre carré dans la
province de Flandre Occidentale, 313 dans celle de Flandre Orientale,
•404 dans la partie flamande du département du Nord. En ajoutant la
Flandre zélandaiseet la partie du Pas-de-Calais qui s'étend dans la plaine
flamande, on oblienl la forte densité de 31^ habitants au kilomètre carré :
3.119.000 personnes se pressaient en 1901 sur les 9.979 (en gros 10.000)
kilomètres carrés du territoire flamand Ainsi la Flandre contient presque
le douzième de la population française. C'est une des régions les plus
habitées de la terre.
On pourrait dire qu'elle est trop peuplée. I^a Flandre, on l'a vu, n'est
pas par elle-même un pays riche. Le sol, dans une grande partie du terri-
toire, esl pauvre, ou médiocre. Les métaux et les combustibles minéraux,
dont l'exploilation attire les foules, ne s'y trouvent pas : ni houille, ni fer.
Les matières premières nécessaires à l'industrie sont toujours venues du
dehors: la laine d'Angloterre. le lin, au XIX' siècle, do Russie, le coton
d'Amérique. Sans doute l'agriculture y est admirablement développée, et
L'industrie y est prospère: mais on a vu que c'était la présence d'une
1 On trouvera les chiffres de population et «le superficie : pour le début du siècle,
dans les Mémoires statistiques de La Chaise (Pas-de-Calais), Dieudonné (Nord), de
Viry (L\>i, Faipoult (Kscauti; pour le milieu du siècle, dans les Annuaires statistiques
dos départements du Nord et du Pas-de-Calais, et dans le Recensement de la population
belge de 1840; pour 1901 dans la Situation financière îles communes de France en HOM,
et le Recensement général de la Population belge au 31 décembre 1900 (tome I). Los
chiffres delà Flandre zélandaise pour 1846 et P.KK) ont été communiqués par M. de
Man, à Middelbourg, par l'obligeant intermédiaire de M. Ach. Ix:dieu-Dupaix, consul
des Pays-Bas à LiUe.
LES ANCIENNES POPULATIONS
population surabondante qui avait déterminé la naissance d'une agri-
culture savante, et y avait, de force, associé l'industrie. Ainsi la surpo-
pulation en Flandre ne procède pas de la prospérité agricole et indus-
trielle : elle la précède. Agriculture savante, industrie nécessaire, tout
vient de là. Le problème de la surpopulation est donc le plus important, et
le plus difficile a résoudre, de tous ceux que soulève l'étude de la région
flamande ; il domine tous les autres. La meilleure manière de l'aborder
semble être de suivre à travers les siècles le développement de la popu-
lation flamande, pour voir à quel moment, et sous l'influence de quelles
causes le pays se trouve surpeuplé.
I.
ORIC.INKS DE LA KJPILATION FLAMANDE.
Anciennes populations.
La Flandre a été peuplée à l'époque préhistorique. I,es hauteurs qui
derrière Ypres rejoignent aux collines du Sud les monticules de Staden el
d'Hooglede recèlent parmi les traînées de cailloux dont elles sont
couvertes des silex sur lesquels on a rru distinguer des traces d'utili-
sation; les auleurs de ces retouches involontaires seraient des hommes
paléolithiques, vivant au début de l'époque quaternaire1. Du moins,
si la présence de ces populations est encore discutée, il n'y a pas de doute
sur le séjour que firent en Flandre les néolithiques. I^es collines conti-
nuaient à offrira ces peuples des refuges et des observatoires : aux Monts
des Cals et des RécolleLs, sur le Mont Noir, le Mont Kemmel, le Mont
Rouge et le Mont Aigu, sur les collines de Tieghem et de Lendelede, les
tertres de Lichtervelde, Pilthem, Ardoye, Gits, enfin à Ter Heest les
archéologues ont récolté en abondance grattoirs, haches polies, pointes de
flèche, lames D'autres populations ont abandonné des instruments sui-
tes bords des rivières du pays de Waes, à Hupolmonde, Lokeren,
1 Voir: Kutot (A.), Note sur la découverte d'importants frisenients de- silex tailles
(Bull. Soc. Anthr. Krux., XVIII, 1000). — Discussion dans Claerhout (.1.), Nos
origines; Le Préhistorique do la Flandre occidentale (Ann. Soc. Em. Rr., t. LU, 1002).
* Gilles de Pélichy (Ch.). Les stations préhistoriques de la Flandre occidental.'
(11* Congrès arch. et histor. de Belgique, Gand, 1800, II, pp. 2H-3Î) ; — Rapports sur
les fouilles de 1000 et 1001, rédigés par le baron de Loe pour la Soc. d'Archéologie
de Rruxelles ; — Claerhout (.1.), Les stations néolithiques de Pitthem (Rull. Soc. Anthr.
Rrux., XXI, 1002-03,).
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47fi
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
Exaordc, Dacknam l, Enfin les valléos marécageuses semblent avoir
été dos poinls d'établissement appréciés des néolithiques. Sur les pieux
enfoncés dans la tourbe s'élevait une palafitte : on en trouve des débris
dans la vallée de la Caele à Meerendré ; sur le boni do la Deûle à
Houplin ; le long de la Mandel A Houlers, Emelghem et Denterghem,
dans les tourbières de l'Escaut à Audenarde *. Ces populations ont
d'ailleurs laissé d'autres traces que les débris de leurs habitations et de
leurs instruments ; elles ont contribué à former la race flamande
actuelle II suffit d'avoir voyagé quelques jours en Flandre, et d'avoir
interrogé les habitants, pour s'apercevoir qu'à côté des Germains blonds
ou roux, aux yeux bleus, existent des types bruns aux yeux foncés, que
d'innombrables métissages relient aux blonds par une foule d'intermé-
diaires où se distinguent tous les tons châtains. Les bruns, moins
nombreux, semblent représenter les anciennes populations, repoussées
dans les forêts par les envahisseurs, comme il est arrivé à Ter Heest et à
Maldegem. L'examen des résultats de l'enquête anthropologique faite en
1870 sur la couleur des yeux et des cheveux semble indiquer que le type
brun se retrouve surtout vers la frontière française, vers le pays resté
plus pur d'infiltrations germaniques : 32,7 % dans le canton do Messines,
31,7 dans celui du Sud d'Ypres, 29,5 dans celui de Wervicq, tandis que
le type blond garde une majorité considérable dans les cantons de la
Flandre orientale: St-Nicolas et Zelo, (56,2% contre 17,5 et 16,8 de
bruns), Hamme, Lokereo, St-fiilles-Waes, Somergem, Thourout, Ardoye
et Thielt, où la proportion des blonds dépasse 50 °/0 sans que celle des
bruns atteigne le chiffre de 23 3.
• Van Raemdonck (J.), Le pays do Waes néolithique (Congres arch. et histor.
Namur, 18W; pp. 241-25)3). Pu même autour: Le pays «te Waes à l'époque du
mammouth (Ann. G. A. P. Waes, XII, 1889-90, pp. 79- 122 et 185-194); — Le pays
de Waes préhistorique (St-Nicolas, Edom, 1878, in-8°, 153 p., pl.).
* Voir : Gosselet, Esquisse, Quaternaire, pp. 315-319 ; — Schaeyes, Notice sur
plusieurs découvertes d antiquités (Bull. Ac. R. Belg., XIV, 2* partie, 1847, p. 2»i0) :
— Claerhout (J.), Objets provenant de la station palustre do Denterghem (Ann.
Soc. Arch. Brux., XVI, liJOci, \n et 2" livraisons, et XVII, 1903, 3" et 4e livraisons) ;
— «le Lof- (A.), Découverte de palafittes en Belgique (C.-R. Congrès international
«l'Anthropologie, XIIe session, Paris, 1900) ; — Delvaux (E.), Les alluvions de l'Escaut
et les tourbières aux environs d'Andenarde (Ann. Soc. géol. Belg., XII, 1885, Mém.
pp. 140-170).
3 Vandorkindore (L.), Enquête anthropologique sur la couleur des yeux et des cheveux
en Belgique (Bull. Soc. belge Oéog. 3« année, 1870, pp. 409-449, 4 cartes). — Consulter :
Houzé (Dr), Les indices céphaliques des Flamands et des Wallons (Bull. Soc. Anthr.
Brux. I, 1882-83, pp. 20-26) ; Cartes de la taille en Belgique (Ibid., VI, 1887-88, p. 304) ;
LES INVASIONS GERMANIQUES
477
Les populations celtiques qui possédèrent la Flandre sous le nom de
Ménapiens et de Morins ont laissé peu de traces datant do l'époque oii elles
étaient indépendantes. Au contraire on peut se faire une idée de l'état du
pays sous l'administration romaine. Ce n'est pas la région désolée, tout
en bois et marais, que l'on s'imagine sur la foi des textes mal interprétés
de César et do Strabon. Les monnaies et les vases qu'on y a trouvés eu
grand nombre, les fragments de voies romaines, attestent le peuplement
et la civilisation. Si on ne trouve guère trace de maisons, c'est qu'on les
bâtissait, faute de pierres, en torchis, ou en bois, comme l'étaient encore
nombre de maisons de la ville d'Ypres au début du XIXe siècle, et que ces
demeures fragiles sont disparues sans laisser de vestiges. Cependant tout
le pays ne semble pas avoir été également peuplé. Les cartes archéo-
logiques montrent les antiquités romaines réparties en deux groupes:
celui de la plaine maritime, auquel so rattachent les découvertes
faites sur le boni Sud, à Bruges, St-Miehel, Zedelghem, Aertryckc,
Merekem, Bixschoote, Poperinghe ; d'autre part le groupe, beaucoup
plus ( ompart, «les vallées de l'Fscaut et de la Lys, qui so poursuit par le
pays do Waes jusqu'à Anvers. Entre les deux, un vide, qui n'est
comblé que dans la Flandre française. On y a bien dessiné quelques
routes romaines assez sinueuses. Mais d'antiquités, on n'en a découvert
qu'à Thourout, Gits, Roulers, Rumbeke, c'est-à-dire le long d'une route
allant de Courtrai vers le Nord. Ce pays intermédiaire, si vide de
traces romaines, était donc assurément peu habité, peut-être désert ;
c'était la région boisée 1 .
Invasions germaniques.
Cette population si inégalement répartie dut subir, après la mort
d'Aurélien, une catastrophe à laquelle nous devons l'enfouissement d'un
grand nombre de séries monétaires s'arrètant aux empereurs gaulois *.
Le pays ne dut se repeupler que faiblement, car les trésors postérieurs à
Enquête anthropologique sur le village de Mendonek (Ibid., XV, lHî)6-97, pp. 24i-270,
8 pl.): — Dclvaux, Notice sur la fouille de Flobecq. — Enfin les connaissances sur le
préhistorique belge sont résumées dans: Fraipont (J.), l>a Belgique préhistorique et
protohistorique (Bull. Ac. R. Belg., Sciences, 1901, pp. 823-877) ; — Engerrand (().),
Six levons de préhistoire (Bruxelles, Urcier, 190"), in-12, VU -|- 263 p.).
• Voir les listes d'antiquités romaines dans de Bast, et la carte archéologique de
Van Dessel.
î Cf. p. 144.
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478
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
celte date n'ont été trouvés qu'en petite quantité, et à peu près uni-
quement sur les bords de l'Escaut et de la Lys. C'est dans ce pays vidé
que pénètrent peu à peu de nouveaux, envahisseurs. Installés dans la
Toxandrie (Campine) dès 358 les Francs touchaient ainsi à l'Escaut ;
nul doute qu'une partie de ce peuple n'ait déjà pénétré par infiltration
lente dans les vallées flamandes, plus fertiles que les sables et les maré-
cages où ils étaient campés. Au début du Ve siècle, l'invasion de la
Flandre par les Saliens est chose faite. 11 n'est pas nécessaire de penser
que ce fut là une marche d'ensemble d'un peuple s'avançant d'un seul
bloc dans un pays nouveau. La désorganisation do l'Empire les laissant
libres de chercher vers le Sud une terre plus fertile que la Toxandrie où
Home s'était efforcée de les maintenir, les Francs, arrêtés en Brabaut par
les ouvrages de défense qui flanquaient en avant la grande voie Bavay-
( Pologne, et par le monde boisé de la Charbonnière, s'écoulèrent au long
de la forêt et se transportèrent, à quelques lieues de leur ancien séjour, le
long des rives de l'Escaut et de la Lys. Certaines familles ne firent peut-
être pas trente kilomètres pour trouver en terre plus fertile, sur les
limons sableux d'entre Lys et Escaut, ou le long des ruisseaux du pays
d'Alost, l'emplacement d'un nouvel « heim », d'une « sala » définitive. Ce
qui restait des Ménapiens et des Nerviens dépossédés se retira dans les
fourrés de Thourout et d'Houthulst, dans les solitudes de la Charbon-
nière, où bientôt ils furent si bien absorbés par les envahisseurs, que le
christianisme disparut complètement de la région. Mais au Sud de
Courtrai, de Wervicq, d'Eslaires, où la population gallo-romaine était
restée considérable, les Francs s'établirent en nombre moindre, et finirent
par se fondre au milieu de leurs nouveaux sujets ; enfin ce ne furent guère,
à la génération suivante, que des enfants perdus d'avant-garde, établis
vers Tournai au contact des pays restés romains, qui partirent avec Clovis
et firent la conquête politique de la Gaule s.
Il y eut cependant en Flandre une région que respecta l'invasion frauque.
La Plaine maritime, isolée d'ailleurs, par la ligne des bois, des pays
saliens de la Lys, était sous les eaux deux fois par jour au moment où
les Francs s'établissaient le long des rives des deux fleuves. Il était difficile
de pénétrer par terre dans cette région noyée ; au contraire des peuples
marins pouvaient facilement aborder dans la rangée d'îles de sable
1 Animien Marcellin, XVIII, 8, 3.
1 Voir Kurth (G.), La frontière linguistique, I, pp. 543-560. — Sur rôvangelisation
du pays flamand : de Bertrand R. i, Dévotions populaires chez les Flamands de
l'arrond. d'Hazebrouck (Ann. Com. fl. Fr., II, 185*55, pp. 105-196).
LES INVASIONS GERMANIQUES 470
qui limitaient au Nord les wadden de Flandre. Ce sont les Saxons,
« peuple vivant dans les boues dos rivages » f, et les Frisons, que les
auteurs de l'époque confondent souvent avec les précédents, qui prennent
pied sur cette côte tronçonnée qui était déjà au IVe siècle le LUI us
Saxonicum. Lorsque St Eloi se risque au VIIe siècle sur cette terre à
peine émergéo, il y trouve des peuples marins, « Flandrenses, Andover-
penses, Frisiones quoqueet Suevi » *, différents des Francs de l'intérieur
auxquels s'attaquent les prédications de St Amand. On retrouve encore
aujourd'hui dans la plaine maritime des traces de l'origine frisonne de la
population. La langue, le droit ancien de la Plaine, ressemblent aux
dialectes et aux coutumes frisons; la toponymie de la région côtière,
avec ses « ham », ses « lun, ton, thun », si fréquents dans le Boulonnais,
ses « wick », « muyde », « mude », « drecht », « donck », se rapproche
beaucoup plus des formes qu'on retrouve sur les côtes de Hollande et
d'Angleterre, que de celles du pays salien, caractérisé par le « heim ». On
a vu la ressemblance des fermes de la Flandre zélandaise avec celles du
reste de la Zélande, et comment ce type d'habitation se rattachait à la
maison frisonne. Les mœurs même de la Plaine rappellent celles des
habitants de la Frise, et on trouve encore au Nord de Bruges des vieilles
femmes qui portent autour de la tète l'ornement frison appelé « oorijzer » :| ;
la physionomie même des gens de Leeuwarden ou de Dokkum a été
entrevue par M. Winkler chez les gens du pays bas, et particulièrement
parmi les pêcheurs de la côte. Celte origine frisonne explique en partie
les différences qu'on ne peut manquer d'apercevoir en Flandre entre
des gens aussi rapprochés les uns des autres que le sont les habitants de la
Plaine et ceux de l'intérieur *.
L'invasion de la Flandre par ces peuples germaniques refoula vers le
' Orose, 1. VIII ; cf. Kervyn de Lettenhove, Hist. de Flandre, I, p. 32.
* Act. SS. Belg. III, p. 231.
3 Cberhout (J.), Sur un ornement frison trouvé à Dudzeele (Bull. Soc. Anthr.
Brux. XX, 11)01-11)02, 4 p.).
* Sur l'origine frisonne des hommes de la Plaine, voir en particulier les travaux de
Winkler (J.): Algemeen Nederduitsch en Fricsch Dialecticon (S'Gravenhage, Nijhoff.
1874, 2 vol. in-8<\ r>00 et 4'«H p.) ; — Oud Nederland (S'Gravenhage, Ewings, 1888,
in-8\ 307 p.); — In ons zeventiende gewest (ïijdspiegel, 18H5, pp. 121-266) [l'Artois
revendiqué comme pays néerlandais] ; — Studien in Nederlandsche Namenkunde
(Haarlem. Tjeonk Willink, 11)00, in-8\ 328 p.). — Bon article de Vanderkmdere (L.),
Les origines de la population flamande ; la question des Suèves et des. Saxons (Bull.
Ac. R. Belg. 3' série, X, 1885, pp. 431-458, carte, et XI, 1886, pp 211-241) ; du même :
Sur l'établissement des Francs en Belgique, spécialement d'après la toponomastique
(Bull. So<-. Amhr. Brux., 111, 18*4-85, pp. 31M8, carte).
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480 LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
Sud-Ouost la langue latine au profit du dialecte néerlandais que l'on
appelle 1»' flamand (Vlaamsch). Le flamand [l'est pas une langue homo-
gène, et l'on y distingue des différences assez fortes entre les sous-
dialêCtes : rOst-flamand, limité à l'Ouest par une ligne très droite passant à
Lapschenre, Sl-Georges, Ruysselede, Aerseele, Wacken, Harlebeke ;
Courtrai1, et qui est plus proche du brabançon que dos idiomes de l'Ouest ;
le West-flamand, mélangé d'éléments frisons, qui s'étend à l'Ouest du
premier jusqu'au contact avec, la langue française ; des philologues
estiment que celui-ci, dans la prononciation, rappelle le français,
tandis que la rudesse de l'Ost-flamand fait déjà songer au haut-
allemand *. Mais les nuances sont infinies dans chacun d'entre eux.
En France, ou a pu distinguer un flamand de Bailleul, un autre
d'Hazebrouck, de Cassel, de Dunkerque; et do village à village les
différences sont fortes. Un homme de Courtrai, qui ne comprend pas
un Anversois, converse sans difficulté avec un citoyen de Leeuwarden 3.
Hauthem St-Liévin ne parle pas la langue d'Alost, et comprend à peine ce
qu'on dit à Erembodegem, à Burst même, dont 4 kilomètres le séparent.
Eecloo possède un idiome différent de celui de Maldegem. Aussi pour
faire l'unité et résister aux empiétements du français, les flamingants ont-
ils dû adopter une langue presque étrangère, le néerlandais littéraire, qui
est devenu sans modifications le flamand officiel, enseigné dans toutes les
écoles de Belgique.
La frontière linguistique.
Cette langue sans unité avait fort à faire pour se maintenir devant
l'invasion lente de sa rivale, le français, idiome des maîtres du pays, fort
de la puissance matérielle et intellectuelle d'un grand royaume. I^a résis-
tance a été inégale. A l'Ouest, où le tudosque avait jeté une avant-garde
qui occupait, dans une position très aventurée, on flèche, le Calaisis et le
Boulonnais, les progrès du français ont été considérables. Partant île
Boulogne, que le flamand n'avait pu enlever, la langue romane gagna
vers l'Est. Les noms flamands dominent dans les chartes de l'abbaye de
Licques au début du XIIIe siècle *, et les affaires se plaident on tudesque
1 De Bo (L.), Westvlaamsch Idioticon (Bruggc, Gailliard, 1873, in-8°, H88 p.), p. V.
* De Bo, p. VII ; — Winkler, Dialocticon, II, pp. 306-388.
3 Winkler, Oud Nederland, p. 139.
* Haigneré, Chartes de Licques, Mém. Soc. Ào. Boul., XV, p. 13.
LA FRONTIKRK I-IN< îL'ISTIQ!
devant la cour de l'abbaye d'Andres en 1229 ; un curé du pays de Langle,
appelant d'une sentence, s'exprime en flamand en 1 45 i ; les baillis et
échevins d'Ardres peuvent tenir leur plaid en flamand ( 1507) « en la mainere
accoustumée » ; même en 1674 Louis XIV rend encore en langue germa-
nique une ordonnance pour le pays do Bredenarde. Mais dès le XIe siècle
la cour de ( iuînes emploie le français ; des actes dans cette langue sont
publiés au XII" siècle à St-Omer, et le cueilloir de l'abbaye de Beaulieu
(1286) est rédigé de la même manière; en L"kS6, Philippe II ordonne que
toutes procédures dans le pays de Langle se feront en langue française
et le magistrat de St-Omer cesse on 1593 de publier ses sentences dans les
deux idiomes Il y a 120 ans, le flamand était encore parlé à Audruicq;
le dernier curé flamand y est mort en 1728, mais ses successeurs, jusqu'à
la Révolution, étaient encore obligés de connaître les deux langues *.
Depuis, sous les coups des ordonnances royales en interdisant l'emploi,
corsées p;ir le déeœt de la Convention du 2 thermidor an II, le flamand
a repassé l'Aa, et le français le poursuit au delà de la rivière.
Mais aux endroits où la langue germanique opposait à l'envahissement
du français un bloc compact, appuyé sur d'immenses réserves, la situation
n'a guère changé depuis le haut moyen-Age. De bonne heure, les éléments
flamands qui avaient franchi la Lys pour s'aventurer autour de Lille, de
Valenciennes, de Douai, d'Arras, s'étaient vus absorber parle gros delà
population romane; seuls les noms de lieu d'origine germanique, tout
défigurés qu'ils sont, restent pour attester la venue des envahisseurs. Lille,
Armentières, le pays de l'Alleu, n'ont aucune trace du flamand dans les
plus anciennes pièces d'archives qui les concernent, et dès le XII" siècle
on peut admettre que la limite linguistique, entre St-Omer et Courtrai,
doit être fixée au Neuffossé et à la Lys 3. C'est à Courtrai que Guillaume
le Breton, revenant du Nord, se réjouit d'entendre de nouveau la langue
française 1 ; et c'est la Lys que l'Italien Villani indique comme frontière
< Détails empruntés à : Courtois (A.). I>> roman et le théotisque belge (Mém. Soc.
Ant. Mor. XIII, 2*' partie, pp. 1-tï.M : — Communauté d'origine et de langage entre les
habitants de l'ancienne Morinie flamingante et wallonne (Ann. Coin. fl. Fr., IV. 1858-
pp.3*Mijf>.
* Dictionnaire hist. et arch. du Pas-de-Calais, arr. de St-Omer, canton d'Audruicq,
pp. 31.5-310.
» Voir les arguments réunis par Dehaisnes (Ci. Délimitations du Français et du
Flamand dans le Nord .le la France (Hull. Connu. H. Nord, XX, lift«7, pp. 277-318).
pp. 21*2-301.
* M. fi. SS. XXVI, p. 350, vers 580-5*4.
n
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LE PROBLÈME DE LA Sl/KPOITLATION
linguistique L Or jusqu'au début du XIXf siècle, le français ne lit que de
minces conquêtes le long de la rivière. I,a ligne des communes de la lisière.
Beekem, Halluin, Bousbecque, Wervieq-Sud, (domines, Warneton i,
Ploegsteert, devint romane; une pointe fut poussée vers Ypres, où Zand-
vooi'de, Houlhem, Hollebeke même, se francisèrent. Plus loin Nieppe,
Steenwerck, Neuf- Berquin , Haverskerque , Thiennes, Booseghem ,
Blaringhem et Renescure furent perdues pour le flamand. Ainsi la langue
prépondérante, en dix siècles, n'avait pu enlever qu'une lisière.
Il est intéressant de voir ce qu'est devenue la frontière linguistique au
coure du XIX1' siècle, où un double mouvement de pression s'est exercé
de chaque côté pour la faire reculer, où pour la première fois on a lutté
pour propager l'idiome. En France, renseignement obligatoire eu
français, rétablissement de voies de communication niellant les centres
flamands en contact incessant avec les pays de langue romane, la
conscience chaque jour plus nette de l'unité nationale, étaient assurément
de puissants moyens d'action. Pourtant, la plus grande partie de l'ancien
pays flamingant a gardé l'usage de sa langue.
La limite des deux idiomes 3 part de la cote à l'Est de Dunkerque, à
Lelfrinckoucke. La ville neuve de Malo est toute française, et Roseudael
de même jusqu'au centre ; le flamand ne se conserve que chez les
maraîchers de la périphérie. Dunkerque est devenu complètement
français, et le flamand n'est plus connu que des petits commerçants que
leurs affaires niellent en relations avec les gens delà campagne. De même
pour les faubourgs ouvriers de Coudekerque-Branche et de St-Pol. Par
contre, la langue germanique se maintient, quoique en minorité, dans la
parlie rurale de Pelite-Synthe et dans la commune de (Rappelle. Grande-
Synthe possède quelques habitants flamands dans le Sud, vers le canal de
Bourbourg ; Mardick et Loon sont dans le même cas. Ixj français a gagné
sensiblement dans ce coin depuis 50 ans, grâce à la prospérité de
Dunkerque et au rôle que la villejoue dans le développement de la Franc*'
du Nord. De nouvelles conquêtes s'annoncent: à Zuydcoote où le Sana-
torium amène un élément français important ; à Teteghem où la langue
romane est en progrès sensible; à Rcrgues et à Quaedypre où les enfants
l <( Lisn;t, uve si parte la lin«rua Fram-esea tlalla Fiaminga » (Historié Florentine,
éd. Muratori. Seriptores rvriiin It.dicarum, \UlT p. .*">02).
* Pour les propre-, à Warneton. voir: do Simpel, L'envahissement de la laii>>.ie
t'raneaise en Flandre (la FI.. XIV, p. il).
(Uni'' limite a été étudiée et suivie sur le terrain, avec le eoneours «le M. J.
Dewaehter, «le Lille.
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LA KROXTIKRK LlNCllSTIorK
dans leurs jeux commencent à délaisser l'ancienne langue pour la
nouvelle.
Vers le Sud, les gains sont moins accusés. Cravwick est complètement
français, mais le flamand se cramponne aux bords du canal de Bourbourg,
à Copponaxfort. Bourbourg est francisé, la dernière génération seule sait
encore le flamand ; celui-ci est refoulé derrière le Vliet, sur Looberghe.
A Capellebrouek, la situation est transformée depuis 1850, la prépon-
dérance est passée du flamand au français ; celui-ci tient encore Holque,
Watten, et contrebalance l'influence de la langue rivale à Wulverdinghe.
A St-Momelin, le flamand n'est guère que la langue des nouveaux
venus, émigrés de Buysscheure, d'Arneke. Lederzeele reste germanique ;
cependant le français est la langue usuelle de 200 personnes sur
1 .40(1 habitants, et gagne du terrain. l,es faubourgs aquatiques de St-Omer
sont francisés, et le flamand n'est plus parlé à Lvzel que par un nombre
très restreint d'individus. Clairmarais, Renescure n'ont plus qu'une
infime minorité flamande. La jWmétration commence dans l'intérieur,
dans le bloc flamand de Cassel : a Staple plusieurs familles n'emploient
que la langue nationale; à Bavinchove autour de la gare, à Cassel grâce
a la villégiature, le français se taille sa part ; il commence à l'emporter
dans Ebblinghem.
Enfin dans la plaine de la Lys, le français a lentement pris possession
de tout le pays bas, refoulant le flamand vers les hauteurs. Lvnde et
Sercus restent en majorité germaniques, mais à Steenbecque 150 familles
sur 100 sont devenues françaises; à Morbecque le flamand a rétrogradé
jusqu'à la place. Hazebrouck, depuis l'établissement de la grande
industrie, se francise avec rapidité, quoiqu'elle soit la seule ville en
France où dans une institution d'enseignement secondaire on fasse un
cours de néerlandais. De là jusqu'à Bailleul, la limite suit à peu près
exactement la voie ferrée, englobant dans le pays roman Vieux-Berquin
d'où le flamand est presque disparu. Seule, la ville de Bailleul, solidement
appuyée sur la Belgique, reste la citadelle de la langue tudesque en
France, abandonnant seulement au français ses faubourgs du Sud,
Outtersteene et la Crèche, par où la limite linguistique atteint le territoire
belge.
Depuis un siècle, et en particulier depuis 50 ans, le français a donc
gagné sur tout le pourtour de la lisière ; il gagne encore. L'enseignement
obligatoire, l'instruction religieuse faite en français, le service militaire
font beaucoup pour le répandre. Dans toutes les communes où le flamand
reste la langue usuelle, le français est compris et parlé de tous sauf
quelques vieillards; on entend dans les estaminets les consommateurs
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I.K PROKLKMK DK LA SlKPOPL'LATION
employer successivement les deux langues, parfois dans la même phrase.
L'idiome vieilli dont se sert la population ne s'adapte plus aux nécessité»
do la vie moderne; déjà les Flamands de France, qui en sont restés au
langage de Maerlant, ne comprennent plus les ouvrages belges, écrits en
Néerlandais. Pris comme dans une pince entre Lille et Dunkerque devenu
un foyer de rayonnement du français, le flamand de France parait con-
damné a mourir; et l'on ne peut plus guère discuter que sur la date à
laquelle finira cette agonie
Mais il n'en va pas de même en Belgique. La* propagande flamingante,
s'exerçant au nom du principe « in Vlaanderen Vlaamsch », ne s'est pas
contentée d'empêcher le français de prendre, dans la vie des communes
purement flamandes, une place exagérée ; elle a marché résolument à
l'assaut des localités où le wallon était la langue usuelle de la population.
Le mouvement d'émigration des ouvriers de la Flandre intérieure, qui
descendent de leurs villages vers les villes de la Lys afin d'être à portée
des usines françaises, a puissamment aidé cette marche en avant ; l'action
du clergé, des instituteurs, n'a pas été moins efficace. Les résultats sont
tangibles. A Ploegsteert, si le nombre des français est passé de 1.917 à
2.800 entre 1&<0 et 1900, celui des bilingues est monté de ÎSO à 1.389.
Or sous le titre de bilingues se dissimulent des Flamands qui ont appris le
français, mais continuent à faire un usage constant de leur langue natu-
relle ; car le Wallon, le Français, dédaigne d'apprendre le flamand, tandis
que le Flamand, servi d'ailleurs par une remarquable faculté de s'assimiler
des idiomes étrangers, apprend vite celui qui lui sera utile, la langue du
patron d'usine et du contremaître. A Warnetou, en 20 ans le français per d
250 unités, les bilingues augmentent de moitié ; de même à lias- Warnetou,
et surtout à Comines-Belgique, où le français fléchit de 2.651 à 1.910,
pendant que les bilingues passent de218à2.384, le flamand se maintenant
de 1.132 à 1.313. Hollebeke et Zandvoorde, de wallons sont devenus
flamands ; il reste à Hollebeke 10 wallons contre 767 flamands et bilingues,
à Zandvoorde 96 contre 843. Houthem est menacé, perdant 119 français
en 20 ans pendant que les autres catégories gagnent. A Mouscron, les
flamands purs passent de 7^3 à 2.523 ; à Luingne les bilingues et flamands
dépassent les w allons. Le français recule à Dottignies, à St-Genois ; s'il
se maintient dans les petites agglomérations rurales d'Orroir, Amougieset
Kusseignies, il recule à Kenaix, perdant 600 unités pendant que flamands
1 Pour comparer à l'état actuel la situation «lu llaman.I en 18TiO, voir: «le Cousse-
uiakor (,K.), Délimitation du flamand et du français dans le Nord de la France (Ann.
Corn. 11. Kr. III, 18Tj6-ô7, pp. :f77-^/7, carte à 1: ltiO.000).
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I.A SURKUTLATION PRÉCOCE
«S
et bilingues en gagnent G.ôOO, dont plus de 2.<HK) aux flamands purs.
Ainsi tout le long de la limita, entre Hailleul et Renaix, la poussée du
flamand semble irrésistible. Chose plus grave, le territoire français est
envahi. On entend parler dans Wervicq-Sud, dans Bousbecque même, la
langue germanique; à Halluin, elle resonne dans tous les corons, et refoule
le français dans la campagne ; dans les usines, il faut employer des inter-
prètes. C'est un nouveau pays flamingant que l'industrie fixe sur terri-
toire français, sans que l'on puisse craindre d'ailleurs que cette poussée
flamande s'avance bien loin au Sud, où elle serait absorbée par les popu-
lations françaises comme le sont les immigrants de Roubaix ou do Lille.
II.
LA SURPOPULATION.
La surpopulation précoce.
Cependant les Saliens se sont établis dans les vallées de la Lys et de
l'Kscaut, tandisque les Frisons parsèment de leurs «stelleu» les schorres
que la mer abandonne dans la plaine maritime. Or la population, dès
cette époque, parait déjà nombreuse dans le Sud du pays flamand. I^e
nombre considérable de villages que les chartes mentionnent sur les
bords des deux grandes rivières aux IXe et Xe siècles semble indiquer, non
seulement (pie le nombre «les habitants devait être déjà considérable dès
cette époque, mais encore que cette forte densité doit remonter jusqu'aux
VIIIe et VIIe siècles, car il est p.m probable que tous ces villages aient été
fondés au IXe siècle, dans la terreur des invasions normandes; et les
chartes des abbayes demandant fréquemment aux souverains, après le
départ des barbares, la restitution ou la confirmation d'un grand nombre
de biens dans ces mêmes villages, semblent être une nouvelle preuve
qu'ils existaient déjà auparavant '. Le nombre considérable de petites
communes très exiguës que contient le pays d'Alost donne à penser que
ces petits organismes ont été de très bonne heure érigés en paroisses,
tandis que beaucoup de gros hameaux du Nord et de l'Ouest ne sont pas
devenus autonomes parce qu'ils ont été créés et peuplés bemnoup plus
tard, presque tous après le XIIe siècle, dans la période des grands défri-
chements.
« Van Lokeren, Histoire do l'abbaye de St-Bavon (Gand, iSVi, in-*0), p. 8.
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iSfl
LE l'ROHLKMK UK LA SI II POPULATION
Ce ne sonl là encore que des déductions: au XIe siècle, des textes
indiquent que la Flandre est déjà surpeuplée. Le premier, Lambert do
Hersfeld l'énonce avec précision, en parlant de cette « multitudo, qua
regio praegravari videbatur » 1 : c'est la première fois que l'on indique que
la Flandre souffre d'être trop peuplée. Le diocèse do Tournai, qui ne
Comprenait qu'une partie du pays flamand, aurait eu vers 1130, d'après
un chroniqueur, plus de 900.000 habitants*; l'exagération évidente du
chiffre indique au moins que le nombre devait en être considérable. Suger
d'ailleurs témoigne à la môme époque que la Flandre est une terre très
peuplée, «t valde populosa» 3. Les faite viennent corroborer ces affirma-
tions. Si aucun peuple du monde n'a fourni, proportionnellement à
l'étendue du pays, autant de combattants pour les croisades, si les
Flamands se pressent autour de Guillaume le Conquérant pendant et
après sa conquête, s'ils forment déjà sous le nom de Brabançons, qui
cache des Flamands de l'Est, des armées do mercenaires au XIe siècle,
c'est que le pays, dès cette époque, a trop d'hommes. I^e mal est déjà si
grand, la Flandre si gênée au XIIe siècle, qu'il lui faut à tout prix do
l'espace: l'expansion commence; les Flamands colonisent a l'extérieur,
ils se répandent dans toute l'Allemagne, Marschen de Brème, Holstcin,
Thuringe, Misnie, Brandebourg, Lusace, Silésie, jusqu'en Hongrie et en
Transylvanie; d'autres passent en Angleterre, sur les marches d'Ecosse
et de Galles. On colonise aussi fiévreusement à l'intérieur: les XIIe ot
XIIIe siècles voient la grande poussée vers les bruyères et les bois, vers les
hemmes et les jets de mer de la plaine maritime, et la chevauchée des
prélats courant délimiter les paroisses nouvelles ».
La surpopulation existe donc déjà en Flandre à la fin du XP siècle.
Il s'ensuit que c'est dans la période qui s'étend avant cette date qu'il faut
chercher les causes de ce phénomène anormal. Files n'en sont que plus
difficiles à dégager. L'industrie est encore peu développée à celle époque ;
l'agriculture ne devient intensive que lorsque la population est surabon-
dante.
l'ne première hypothèse, c'est que le nombre d'habitants a dû être élevé
dès la fin de l'invasion franque. Une fois engagé dans les vallées de
i Lambert do Hersfeld. Annales, éd. Holder-Egger, 18U4, p, 121.
J Historiée Tornacenses, partini ex Herimanni Libris exivrpt.v (M. G. SS. XIV,
p. 344).
I De Vita Ludovici Grossi régis (Recueil des Historiens «le France, XII, p. 54, G.).
* Cet état do surpopulation précoce aux XI" et XII' siècles est remarquablement
étudié djins : Pirenne (H.), Histoire de Belgique, I, p. 134 sqq.
LA SLRl'OlTLATlON PRÉCOCK
487
l'Escaut et do la Lys, le peuple salien se trouva resserré entre la Charbon-
nière à l'Est, les bruyères et les wadden à l'Ouest, arrêté au Sud par la
masse des populations gallo-romaines restées denses autour d'Arras, de
Famars, do Tournai, et n'ayant à sa disposition qu'un espace assez
restreint, la moitié à peine de la Flandre actuelle, qu'il partageait avec
les survivants des Mênapiens et dos populations préhistoriques. (Ju'on y
ajoute la forte natalité de cette population germanique, où les grandes
familles sont la règle, et où une mortalité considérable n'empêche pas les
naissances d'être toujours en excédent sur les décès, et l'on comprendra
que le nombre d'habitants devait déjà être élevé au XIe siècle autour de
(îand, de Courtrai et de Termonde.
Mais rien ne pouvait, dès les premiers siècles, contribuer à la prospérité
et au peuplement de la Flandre, autant que sa magnifique situation inter-
nationale et son beau réseau de voies de communications, ses rivières, ses
canaux. Ce rôle de marché de l'Europe du Nord, que la Flandre assume
dès le IXP siècle, en attirant chez elle le commerce et les marchands, que
l'on retrouve mêlés au XV siècle a tous les événements de son histoire,
donna l'essor au développement des richesses et de la population. liienlot
le commerce permit l'extension de l'industrie, amoncela des foules
d'artisans autour des points de transit où s'étaient fixés les marchands, et
il fallut, pour les nourrir, transformer en terres productives le maigre sol
de sable. L'impulsion était donnée; commerce, industrie, agriculture,
réagissant les uns sur les autres, firent de la Flandre la contrée la plus
peuplée de l'Europe.
l,a première crise de surpopulation parait se terminer à la fin du
XIlf siècle. L'exode vers l'étranger, lo défrichement des terres vides,
assurèrent une répartition plus égale des habitants; l'Est, engorgé, se
dégagea vers l'Ouest. C'est alors que toute la Flandre se couvre de petits
paysans libres, propriétaires d'un lopin et d'une cabane '. La prospérité
du grand commerce international, par le Zwin et les routes de terre,
l'essor de l'industrie drapière, le perfectionnement de l'agriculture,
suffisent a assurer la subsistance d'une population pourtant considérable.
Les grandes villes sont en plein développement ; les campagnes ne sont
pas moins habitées. L'inventaire fait en des biens appartenant aux
rebelles défaits a Casse 1 donne sur l'état des campagnes de la Wesl-
Flandie au début du XIVe siècle des renseignements aussi précis que
favorables f. Watou a envoyé au combat 272 hommes, ce qui, en comptant
i l'irvnno. Hist. hVlgiquc, 1, p. 28*'».
1 l'iremie, Le .soulèvement de la Flandre maritime.
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488
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
les vieillards, les enfants, les femmes, et ceux des rebelles dont le nom a
pu échapper aux commissaires du roi, donne à la paroisse une population
d'environ 1.000 personnes. Par l;i même méthode, on en trouvera il 250 à
Elvcrdinghe, 265 à Reninghe, !J00 à Kousbrugge, !&5à Alveringhem, 400 n
Beveren, et ces nombres sont évidemment au-dessous de la réalité, puisque
tous les habitants n'avaient pas pris part à la révolte, et que beaucoup
s'étaient enfuis au début des troubles.
Vinrent les mauvais jours du XVe siècle, la décadence de Bruges et le
déplacement du grand commerce vers Anvers; la chute de l'industrie
drapière; au XVIe, la guerre contre l'Espagne, et la lutte avec la Hollande.
La Flandre se dépeuple; le problème de la surpopulation est écarté. On
constate en 1588 que depuis 5 ans le pays du Franc esl inhabité, et les
terrains en friche parce que les habitants ont dû fuir; en 1506 on est
obligé de payer pour aider les habitants de Cortemarck et d'Aertrvcke à
remettre leurs terres en culture C'est pire encore au XVIIe siècle. Vn
registre de la commune de Lampernisse indique qu'en i643 il existe dans
la paroisse 25 fermes de moins qu'en 1 120 *. 1^ guerre de la ligue
d'Angsbourg a fait mettre en friche 25.000 mesures dans le Franc, et une
grande partie des habitants a quitte le pays 3. Le Vieux-Bourg de Gand
et le pays de Wacs sont, ravagés périodiquement par les Français, particu-
lièrement dans les randonnées que dirige le maréchal d'Ilumièresen 1675
et 1077, et au cours desquelles « il brûle au nord de Gand les plus beaux
villages du monde ». C'est Saflelaere incendié on 1(575, en 1676, en 1077,
et où il ne reste plus que 4 maisons ; Deslelbergen et Desteldonck anéantis
eu 1077, Wachtebeke brûlé en 1676, Hansbeke et I*tndegem pillés en ItHiX,
liachte-Maria-Leerne détruit eu 1690, Somergem ravagé pendant la guerre
de Succession d'Espagne, et bien d'autres qui partagent leur sort k. Après
une pareille période de désolation, ce ne fut pas trop de tout le XVIIIe siècle
pour que la Flandre pût retrouver sa population normale, et ce n'est
qu'au XIXe siècle que s'est posée de nouveau la question de la surpopu-
lation.
1 Comptes du Franc, dans Priem, Précis, 2* série, IV, pp. 124 et lii.
* Notice sur la commune «te Lim pernis.se (Ann. Soc. Km. Mr., 2« st;rie, IX, tST>l-.Vi,
p. 222).
3 Delepierre, Précis, lrc série, III, p. 112.
* I)e Potier et Broeckaert, Geschiedenis van ilen Helgischen boerenstand tôt op
het einde der XVIIP oeuw (Mém. G. Ac. R. Belg. XXXII, 1881, 406 p.), pp. 306-3(19.
LKS MOirVKMKXTS DK POPULATION Af XIX- SIECLE 48i>
Mouvements de population au XIX' siècle.
La densité do population indiquée |»our la première l'ois d'une façon
préi ise par les recensements opérés do 1801 à 180 i est déjà considérable.
La répartition est inégale d'ailleurs; il y a des régions faiblement
habitées; d'autres ont dès lors trop d'hommes. La plaine maritime ne
présente guère que des communes où la densité n'atteint pus 50 habitants
au kilomètre carré ; on en trouve 27 à Nouvelle-Eglise et St-Georges (du
Nord), 15 aux Moores françaises, 7 aux Moeres belges. 17 à Coxyde, 22 a
Vlisseghem et l ytkerke, 23 à Stalhille, 21 à Hoek. 22 ii Philippine. Au
contraire l'intérieur ne contient que des communes où la densité est supé-
rieure à 50, et l'immense majorité dépasse 100 habitants au kilomètre
carré. Autour de Cassel, presque tous les villages atteignent ce chiffre ;
dans la région boisée, de Dixmurle à Thourout et Garni, dans le pays de
Waes, enfin le long de la Lys, la densité ne descend qu'exceptionnel-
lement au-dessous de 100. Mais il y a mieux : la riche plaine de la Lys a
9 communes peuplées de plus de 200 habitants au kilomètre carré ; toutes
celles du pays linier de Roulers, Iseghem et Courtrai se tiennent au-
dessus de ce chiffre. Enfin les pays d'Alost et Audenarde paraissent une
vraie fourmilière; de simples communes rurales y dépassent 250,
300 habitants au kilomètre carré. Erondegem en a 2tii, Kerkxken 285,
Syngein 299, Asper 315, Moire 325, Nederbrakel 361. La population y
est plus entassée que dans la région industrielle française; la banlieue
d'Alost est plus habitée que celle rie Lille. Ainsi le vieux pays salien a
gardé â travers les siècles la forte densité que révèle déjà pour le IXe
l'examen des oartulaires d'abbayes; c'est dans la région où s'érigèrent
aux Ve et VT siècles la foule des « heim » et des « sala » que la population
se retrouvait le plus étroitement pressée au début du XIX'" siècle.
dette population si dense s'est encore accrue dans l'ensemble au cours
du XIXe siècle. L'augmentation a été inégale, mais à peu près générale.
Si l'arrondissement d'Hazebrouck passait seulement d'une densité do
H6 habitants par kilomètre carré à celle de ICI en 1901, celui de Lille
(partie flamande), s'élevait de 344 à 1.298, et celui de Dunkerque de IIS
a 202. De 600.000 âmes, la Flandre Orientale allait au million, et la
Flandre Occidentale de 500 â 800.000. Comparée au mouvomont de la
population dans les autres régions françaises, l'augmentation flamande
paraît extrêmement satisfaisante.
Cependant la comparaison avec les pays voisins, avec les autres
provinces belges par exemple, est moins favorable à la Flandre. Celle-ci
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490
LE I'ROULÈME DE LA SI KIMI'ULATION
l.KS MOI VKMKNTS l>K l'Ol'U.ATlON Al XIX- SIKCLE
41 n
était, jusqu'au milieu du siècle, de beaucoup la région la plus peuplée de
la Belgique. Eu 1831, sur les neuf arrondissements belges où la densité
de population s'élevait aux chi lires les plus élevés, la pnrlie flamande en
possédait huit: Court rai, Roulers, Alost, liaud, Audenanle venaient en
téle, précédant Bruxelles; et derrière, les riivonseriptions de Termonde,
Si -Nicolas et Thielt dépassaient eneore eelle de Liège. Or, dès 1805, la
Flandre avait perdu les premiers rangs; Court rai et Cand venaient bien
loin derrière Bruxelles, Lièfife et Charleroi ; Mous précédait de beaucoup
Alost, Termonde et Roulers. Kn 180."), il n'y avait plus que quatre
flamands parmi les dix arrondissements belges les plus peuplés; du
deuxième rang, Roulers était |>assé au onzième, Audenanle < I n cinquième
au quatorzième, Thielt du neuvième au dix-septième '. Et dans cette
déchéance, il ne s'agit pas seulement de l'infériorité de régions purement
rurales dont l'accroissement ne saurait être comparé à celui d'arrondis-
sements où le développement d'une grande ville comme Bruxelles fait
doubler ou tripler la population. L'accroissement delà population rurale
en effet a été presque, aussi faible dans les circonscriptions flamandes que
celui de la population urbaine. L'arrondissement le plus favorisé, celui où
les communes rurales ont atteint la plus grande augmentation (arr. de
Termonde), n'est eneore que le huitième des 41 arrondissements belges;
celui d'Ostende est le dixième. Charleroi, Anvers, Liège les précèdent là,
comme lorsqu'il s'agit de l'accroissement de la population urbaine. U's
autres sont loin: Gand est le Court rai le Xf ; enfin celui d'Aude-
narde se classe 40e f. Ainsi le taux d'augmentation de la Flandre belge
reste inférieur à celui des autres partie* du royaume. Les campagnes de
Liège, de Namur, d'Anvers, du Limbourg même, se sont beaucoup plus
rapidement développées.
Ce n'est pas pourtant que la natalité flamande soit inférieure à celle des
pays voisins; au contraire. Kn France, si le Finistère possède la natalité
la plus considérable (31,!>i pour I.IMMI h.), il est immédiatement suivi par
le Pas-de-Calais (31,18) et le Nord (•28,7:2)'t; et la partie flamande du Nord
donnerait un chiffre bien plus considérable encore. On a vu combien ce
phénomène était caractéristique dans certaines localités, à Ilalluin (41,7 î),
à Sl-Pol-sur-mer (i(),3Ô). Les départements flamands viennent encore en
tète pour le chiffre des familles nombreuses; le Nord en comptait (1890)
1 Rutten (A.), l^i population belp- depuis I8.')0. Tome 1, Kt.it du la population
(Louvain, Peeters, 1SDD, m -S", \Zi p.,. p. JS.
1 Rutten, p. 100. I /accroissement est calculé de I8i»> à I8DU.
' Résultats statistiques du dénombrement de 18!*), p. DU.
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4«>2
LE PROBLEME DE I.A SI'Rl'OI'l LATION
."S3.937 composées Ho 7 personnes et au-dessus, contre 40.236* à la Seine,
11)3 au Finistère, '27. 1 ion u Pas-de-Calais; de même il possédait 42.."» 17
groupes de 6 personnes, la Seine il. 193, le Pas-de-Calais 22.571, le Finis-
lère 17.868. En Flandre belge, les calculs effectués pour la période
1 87.r>- 1 88 i montrent que les arrondissements d'Ostende et de Fumes,
suivis de près par presque toutes les circonscriptions flamandes, présentent
la natalité la plus forte de toute la Belgique. De 1884 à 1893, Ostende
est toujours en tète, suivi de Roulers et de St-Nicolas, les autres arron-
dissements, sauf Thielt, dépassant largement les arrondissements wallons,
où la natalité est beaucoup moins élevée *. Mais la mortalité enlève à la
Flandre ce que la natalité semblait lui promettre. Les pays wallons, avec-
leur quantité restreinte de naissances, n'accroissent pas moins leur popu-
lation avec plus de rapidité, grAee au faible taux de la mortalité. Dans les
mômes périodes 1870-81 et 188i-93, les arrondissements flamands
d'Ostende, puis de Furnes, Dixmude, Gand et St-Nicolas, présentaient
une mortalité supérieure a celle de tout le reste de la Belgique ; de toutes
les autres circonscriptions de Flandre, celle d'Eecloo seule était privilé-
giée, et pouvait offrir quelque ressemblance avec les pays wallons, Nainur,
Luxembourg. Le tableau de la mortalité par maladies infectieuses met
encore en tète Bruges, Ostende, (lourlrai, Alosl, de loin les premiers de
la Belgique 3. La même distinction se retrouve dans le département du
Nord, entre arrondissements wallons et flamands. tëst-ce là un phénomène
ethnographique, et la race germanique, plus prolifique, serait-elle moins
résistante a la maladie que la française ?. Ou bien le climat flamand
serait-il le coupable, en dépit de la ressemblance qu'il présente avec les
climats brabançon et picard, dont l'influence est loin d'être aussi néfaste ?
Ou plutôt les causes de cette forte mortalité ne seraient-elles pas la misère,
due à l'entassement de la population dans un pays médiocrement doué, et
l'ignorance du paysan flamand ?
L'augmentation de la population flamande au XIXe siècle n'est donc
pas aussi considérable qu'on aurait pu l'attendre. Et non seulement
L'accroissement total reste assez faible, mais il y a même, en quelques
endroits, des communes où la population en 1900 se trouve moins élevée
qu'en 1800. Dans la Flandre Orientale, 8 communes entre Somergem
et la Lys, et une vingtaine autour d'Audenarde, ont diminué de 0 à 30°/„.
• Réaultatu statistiques Au dénombrement <!<> 18S*î, pp. 52-03.
- .lanssons, Bulletin île statistique démographiquo ot médicale (Bull. C. C. St., XVII,
1800-Uft, p. !C)T>, pl.).
3 Ibid.
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l.K l'H OHI.KMK DK I.A Sl'KI^IM LATloN
ta Flnndrc française, sauf le pays lillois et la plaine maritime, est plus
rudement frappée : 83 communes du rebord de l'Artois, de la plaine de la
Lys, et surtout du Houtland de Cassel voient leur population moins
nombreuse qu'au début du XIX* siècle ; la diminution est surtout sensible
dans les petits organismes ruraux : elle atteint un quart à Sle-Marie-Cappel
el Vieille-Chapelle, trois dixièmes à Wulverdinghe, quatre dixièmes à
Warneton-Bas. L'influence de conditions générales, politiques ou écono-
miques, s'annonce déjà dans l'inégalité de traitement entre la partie
française et la partie belge. ta diminution, générale autour de Cassel et
d'Hazebrouck, s'arrête en ettet à la frontière; quatre communes belges
seulement sont atteintes dans la région d'Ypres, où les productions, la
manière de vivre des habitants, sont identiques à celles du pays français
voisin. Quant à la région éprouvée par la dépopulation autour de Somer-
gem el d'Audenarde, il faut constater qu'elle était au XYIII' siècle et
jusqu'au milieu du XIX1' le centre le plus important d'industrie linière a
domicile, et que la disparition des rouets, puis des métiers de Mec rend ré,
Ardoye, Lovendegem, Nevele, Waersehoot, Somergem, Cruyshautein,
Wortegem, Iluysse, est à coup sûr la cause principale de la diminution
constatée.
Ailleurs, l'augmentation est inégale. Le pays d'Ypres voit surtout grandir
les villages des hauteurs, de la frontière française à West-Roosebeke :
Westoutre gagne 90 °/o, Ilollebekc 80, Zandvoorde 70, Zillebeke 90,
Zonnebeke 160 "/„ ; les défrichemenls des collines sont la cause de cette
augmentation. Le pays boisé, entre Dixmudc, Thourout, Aeltre et Bruges,
double ou triple sa population : c'est le résultat d'une nouvelle colonisation
du pays, aussi ardente qu'au temps de Walter de Marvis. Avec la mise en
valeur des Yelden, on a pu voir à St-Michel la population passer de 696 à
2.452 habitants, à Ste-Cmix de 1.021 a 3.300, à Lerneghem de 1.49.") à i.514,
â Assebrouck de 405 à 2.7:*3, à Hekeghem de 3 12 â 043, à St-André de 40< ) à
5.128: l'augmentation de presque toutes les communes de cette zone est
supérieure à 100 "/„. l)ans les paysd'AlosI et de Termonde, l'accroissement
est régulier; la plupart des communes rurales ont augmenté de moitié ou
des deux tiers ; une trentaine ont doublé. De Meninà Deynze l'industrie du
rouissage a fait croître la population dans toutes les communes de la
vallée: Bisseghem a gagné 260 «»/,„ Marcke 200, tauwe 280. ta pays de
Lille enfin, comme il fallait s'y attendre, a connu un accroissement
formidable. Le canton d'Armenlières, peuplé au début du siècle de
236 habitants au kilomètre carré, en compte aujourd'hui 791 ; ceux de
Tourcoing sont passés de 319 à 1.453, enfin les trois cantons de Houbaix,
dont la densité au kilomètre carré était de 400 habitant s en 1804, atteignaient
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LE PROM.KMK DK I.A SU RI «H I.ATION
4.522 en 1901 ; ht population a décuplé. Do Lille à Ain', l'augmentation
s'est étendue à toutes les communes de la lisière entre Flandre et Artois,
irrûco à la présence du bassin houiller, tout proche de I^i Bassée «M de
Béthune.
Mais aucune région flamande n'a connu un accroissement aussi régulier,
aussi général, que relui do la Plaine maritime. Les ports et les villages
des dunes ont les plus gros chiffres: Coxyde, rytkerke augmentant de
360 °/o, Heyst passant de 437 à 3.662 habitants (7.".0"0), la banlieue de
Dunkerque, de 3.000 à 30.000. I,a plaine elle-même, toutes les agglo-
mérations rurales, participent à l'accroissement : de Sangatte à Calloo, il
n'y a pas une défaillance. A Armbouts-Cappel, aux Moëres, entre
Ostende et Bruges (Stalhille, Ylisseghem, Oudenbourg), l'augmentation
dépasse 2» H) "/„ ; ailleurs il n'est pas rare qu'elle atteigne 100 "/„. C'est là le
plus beau commentaire de l'œuvre accomplie au XIXe siècle par les
Wateringues ; par l'aménagement judicieux des eaux, elles ont fait doubler
la population d'un pays purement rural, à une époque où la région voisine
de Cassel perdait 16 °/„ de ses habitants.
Les phénomènes d'augmentation et de diminution constatés pour le
siècle tout entier se précisent dans la deuxième moitié du siècle, lorsqu'on
compare aux chiffres de 1900-1901 ceux de 1810'. Toutes ou presque
toutes les communes rurales autour d'Audenarde, ou sur les plateaux
entre Audenardeet Grammont, et d'autre part le groupe de Thielt, Nevele.
Somergem et Waerschoot, perdent 10 à 20"/,, de leur population2.
A Waermaorde, on tombe de 1 .200 à 833 habitants; à Castor, de 1.320 a
807. En France, l'abaissement do la population est général, sauf autour
de Lille, sur le bord du bassin houiller, et dans la plaine maritime. De
Bergues à la Lys, il n'y a pas dix communes rurales en augmentation.
De 492, Bissezeele tombe à 3_C> habitants; Wulverdinghe de 412 à 24-");
Quaedypre de 1 .875 à 1 .363, Ledringhem de 7i IJ à 478. Le canton de Cassel
avait, en 18i0, 127 habitants au kilomètre carré : il n'en a plus que 10 i ;
celui do Bergues passe de I.T> à 121, celui d'Hondschoote de 10 i à 03,
celui de Wormhoudt de 111 à 07; dans le Pas-de-Calais le canton de
Laventie perd 2.000 âmes. I,a dépopulation a même gagné un coin de la
West-Flandre belge, où toutes les communes entre la plaine maritime
t On a choisi le reeensement français «le |KS(i do préférence à celui de |ST>1 pour
plusieurs r.nsf.tis : il concorde avec un recensement bel^o (l*i'o. tandis que le
recensement suivant opéré on Belgique ne date que «le ÎKVJ: d'autre part ee<te date
précède exactement la pratnlo crise île l'industrie à domicile, qui a si profondément
modifié le pays.
* Cf. J.ïequart ((>.). La dépression démographique des Flandres. Ktude sur la natalité
de rarrondissemeiit de Thielt. (Bruxelles, l'olleunis et Ceuterick, 15*15, in-8°, iS> p.).
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LK PROBLKMK DK I.A Sl RPOI'L'LATION
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LES CAUSES DES TRAN S FORMATION S
et l'Yser sont en décroissance. Cependant les augmentations se main-
tiennent de 1816 à 1000 dans les mêmes régions où on les découvrait
lorsqu'on considérait le siècle en entier. La banlieue de Lille continue
à présenter des accroissements de \ a 500 °/0 ; le rouissage exerce
toujours sur les communes riveraines de la Lys une influence heureuse.
Pays d'Alost, pays de Wa&s. pays d'Ypres, sont en augmentation
complète. De même pour la région boisée au Sud de Bruges, et enfin
pour toute la plaine maritime ; c'est encore là, particulièrement le long
de la côte, que persistent les taux les plus élevés d'augmentation.
Causes des transformations.
Ce ne sont pas des différences de natalité ou de mortalité qui viennent
dépeupler telle partie de la Flandre, et accumuler les hommes dans telle
autre. Ces augmentations et diminutions sont presque partout le fait de
déplacements de population. A mesure que le service des Wateringues
perfectionnait le dessèchement de la plaine maritime, faisait disparaître
les fièvres et permettait d'éviter les inondations, on voyait descendre dans
le pays les fermiers et les journaliers du Houtland, en quête de terres plus
riches et de salaires moins faibles. C'est ainsi que le Calaisis est envahi
peu à peu par les hommes de Cassel et de Wormhoudt, par les Belges de
Roulcrs : à Oye, il y en a dans toutes les fermes; à Loon, outre les
Flamands du Houtland français, on compte SO Belges établis dans le pays.
Seuls les villages des dunes doivent uniquement à leur triomphante
natalité l'accroissement romarquable de population signalé à Gravelines,
Fort-Mardick, Bray-Dunes, La Panne, Coxyde.
C'est surtout vers le Sud, vers les régions industrielles, que se préci-
pitèrent les émigrants. Les filles vont s'engager comme servantes dans les
villes ; il y a des villages où le domestique de ferme est devenu un rouage
introuvable. Les hommes deviennent ouvriers d'industrie, ou pratiquent
dans les villes de durs métiers manuels: ils peuplent les faubourgs de
Dunkerque, et les rues tristes de St-Pierre, a Calais ; d'autres vont offrir
leurs services aux compagnies minières. Depuis 50 ans, le bassin houiller
du Pas-de-Calais fait l'effet d'une énorme pompe pneumatique, dont l'aspi-
ration puissante enlève des hommes de toutes les parties du pays flamand.
Il est peu de communes du Houtland français qui n'aient envoyé leur
contingenta Bruay ou à Lens, et l'exode continue. Kn Flandre belge, il en
est venu jusque de Thielt, d'Aertrycke, de Clercken, d'Oostcamp et de
Maldegem, tandis que la Flandre orientale en envoie surtout vers les
charbonnages de la Sambre et de la Meuse, Charleroi et Liège. Enfin les
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500
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
grandes villes ont reçu les plus fortes quantités d'immigrants flamands.
La Flandre belge a contribué à l'accroissement de Gand, Bruxelles, et
Anvers. Surtout le groupe de Lille a paru longtemps la terre promise, le
pays béni des hauts salaires, du travail assuré. C'est entre Armentières,
Halluin, Waltrelos et Wazemmes qu'il faut chercher les anciens émigrants
de Somergem, d'Ardoye, des banlieues d'Audenarde et de Roulers, mêlés
à ceux de Cassel, de Quaedypre, de Vieux-Berquin. Chaque village du
Houtland avait au loin sa ville, presque sa colonie, vers laquelle ses
émigrants se dirigeaient de préférence : Caprycke envoyait vers Croix,
Somergem vers Halluin et Lille. Vite assimilés, les nouveaux venus ont
fait souche de Français: on a vu des fils d'immigrants parvenir aux
dignités municipales.
Les causes du mouvement qui a vidé au profit de la plaine maritime et
des grandes agglomérations industrielles les campagnes du centre de la
Flandre sont faciles à apercevoir. I,es pays frappés sont ceux qui vivaient
de l'industrie à domicile associée à une agriculture savante et aléatoire.
L'installation des filatures et des tissages mécaniques autour de (îand et
de Lille réclamait des foules d'ouvriers que la disparition du travail à
la main allait fournir. Abandonnant son rouet inutile, la fileuse n'avait
plus qu'à venir offrir son travail aux cardes ou aux bancs à broches de la
grande usine, et le tisserand qu'à se transformer en tisseur. Il était
pénible pourtant à ces paysans d'abandonner le village, le lopin de terre,
le travail familial, pour entrer dans l'inconnu de la grande ville et de
l'industrie. Mais l'agriculture était moins que jamais capable de fournir
le nécessaire à ces hommes privés déjà de la moitié de leurs ressources.
La mévente des céréales se prononçait à partir de 1860, et le lin, la plante
nourricière, n'était plus d'aucun rapport, écrasé sous la lourde concur-
rence de la Russie. Il fallut émigrer, partir pour les usines jamais
remplies. Ainsi diminua la population, à partir de 1840, dans la plaine de
la Lys, dans le pays français de Cassel et bientôt après dans les arrondis-
sements d'Audenarde, Koulers et Thielt, les pays du lin par excellence,
ceux qui vivaient de la culture à la fois et du travail de la précieuse
plante. Au contraire le pays d'Alost, où de nouvelles industries à
domicile venaient promptement remplacer celle qu'avait écrasée le travail
mécanique, le pays d'Ypres et la région boisée du Sud de Bruges, où de
nouvelles terres s'offraient à la culture, voyaient se continuer leur lente,
mais continue augmentation de population. En même temps la plaine
maritimo, qui n'avait jamais connu le travail industriel à domicile,
traversait sans en souffrir la crise causée par la disparition de ce dernier ;
et remplaçant dans ses terres fortes le lin par la betterave, elle ne
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LES CAUSES DES TRANSFORMATIONS
501
trouvait dans le marasme de la culture linière que l'occasion d'une
nouvelle prospérité.
C'est donc bien à la disparition ou à la diminution de l'industrie à
domicile que sont dues les diminutions de population signalées en
plusieurs points de la Flandre intérieure. La dépopulation a frappé là où
les rouets et les métiers étaient jadis les plus nombreux. Cependant il y a
encore autre chose. La crise de dépeuplement, qui semble avoir produit
des résultats définitifs dans les communes rurales de la Flandre française,
n'a eu que des effets temporaires en Flandre belge Les communes même
qui ont perdu le plus d'habitants depuis 1801 ou 1846, se trouvent
aujourd'hui presque toutes en croissance. Dans l'arrondissement d'Aude-
narde, où 37 communes ont aujourd'hui une population inférieure à
celle de 1846, il n'y en a que 10 qui aient diminué depuis 1880 : toutes les
autres sont en augmentation ; et huit seulement ont légèrement diminué
de 1890 à 1900. La diminution par rapport à 1846 s'étend à 12 communes
(sur 19) de l'arrondissement de Thielt : or i d'entre elles seulement ont
moins d'habitants en 1900 qu'en 1880, et 5 ont décru légèrement de
1890 à 1900. Dans l'arrondissement de Gand, mêmes constatations:
29 communes y ont un chiffre dépopulation inférieur A celui de 1816, 16 un
chiffre inférieur à 1880, 11 seulement un chiffre inférieur à 1890; ainsi la
reprise s'accentue à chaque recensement. Seules quelques très petites
communes rurales perdent, chaque dizaine d'années, une douzaine de
personnes. On peut prévoir le moment où sera comblé à peu près partout
le déficit creusé après 1846.
Ainsi la population augmente partout en Flandre belge, soit dans les
régions où elle avait décru depuis 1801 et 1846, soit dans celles où elle
avait continué son mouvement d'ascension. En dépit de l'émigration, de
la mortalité élevée, l'excédent des naissances suffit à accroître, parfois
rapidement, la population. A Wetteren, qui gagne en 10 ans 2.500 habi-
tants, les entrées et sorties s'équilibrent a peu près; il y a en 1903
483 immigrants, et 512 émigrants; mais le nombre des naissances est
deux fois plus élevé que celui des décès. Oostcamp avait 6.690 habitants
au 31 décembre 1900 ; 3 ans après (31 décembre 1903), cette commune
purement rurale atteint 7.123 personnes. Rumbeke avait 6.042 habitants
en 1846 ; en 1890 on n'en trouve plus que 5.866 ; mais on 1900 le total est
monté à 6.116, et dès le 31 décembre 1903 il atteint 6.511. Soniergem,
qui possédait 7.396 habitants au 1* janvier 1831, est tombé à 5.000 vers
1850 ; mais il est bien près d'en retrouver 6.000. Dans la plaine maritime,
l'augmentation continue, sauf dans quelques communes du Furnambacht
où l'abondance des pâtures fait diminuer la quantité de main-d'œuvre
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-m
LE PROBLÈME DE LA SL'RWPLLATtON
nécessaire. A Vlisseghem (Est d'Ostende), l'accroissement est de 25 par
an ; à Adinkerke, de GO. A l'heure actuelle, il n'y a pas 80 communes en
voie de diminution dans toute la Flandre belge. Ainsi la crise qui avait
dépeuplé une partie du pays n'était due qu'à dos causes temporaires ; c'est
la grande misère de 1846-47, aggravée par le déclin du lin et des céréales,
qui en était responsable. Aujourd'hui que la grande industrie s'installe
dans les campagnes, qu'elle utilise même les métiers à la main qui ont
résisté à la tourmente, et que l'élevage est devenu une source de richesse,
la dépopulation parait enrayée, et l'augmentation redevient générale.
Grosse différence avec la France! Cette frontière invisible et artifi-
cielle qui court à travers les champs de l;i West-Flandre suffit à bouleverser
les conditions économiques. Houtkorque, commune française, est mi-
toyenne do Walou, commune belge: or la première, de 1876à 1901, est
passée de 1.323 à 1.095 habitants, la seconde de 2.494 à 3.632. En France,
la diminution constatée après 1846 n'a pas cessé; il y a même des
communes qui se dépeuplent depuis le début du XIXe siècle. Hondeghem
avait 1.596 habitants en 1803, 1.375 en 1846, 1.137 en 1901. Killem passe
de 1.407 à 1.348(1846), à 1.157 (1876), à 1.086(1901). Ainsi la dépopulation
est un mal beaucoup plus profond dans les campagnes françaises ; elle n'est
pas enrayée comme en Belgique. De 1876 à 1901, 72 communes perdent
des habitants dans les deux arrondissements de Dunkerque et d'Haze-
brouck ; celles qui en gagnent sont toutes situées dans la plaine maritime,
à l'exception de 12, dont quatre villes, Hazebrouck, Bailleul, Merville et
La Gorgue. Les cantons de Wormhoudl et Cassel tout entiers sont en
décroissance, et la ville de Cassel en ces 25 ans perd à elle seule 1.071 habi-
tants. De même le canton de Laventie, où la diminution de toutes les
communes fait tomber la population de 14.798 à 13.554, et les communes
de La Couture et Vieille-Chapelle, passant de 2.062 et 690 habitants à
1.699 et 519, soit une porte globale de 534 habitants en 25 ans, le quart de
leur population totale.
Donc, si la dépopulation en Flandre française paraît due, dans la première
partie du siècle, aux mêmes causes qu'en Flandre belge, et particuliè-
rement à la disparition des industries à domicile, d'autres causes l'ont
maintenue et aggravée, qui n'agissent pas de l'autre côté de la frontière.
La prospérité agricole est cependant revenue, et le bien-être ; un rapide
voyage de chaque côté de la frontière suffit à montrer que le pays qui se
dépeuple est loin d'être le moins prospère des deux. Ce n'est pas non plus
l'abaissement do la natalité qui cause le déficit; les grandes familles
demeurent nombreuses. C'est par l'émigration vers les villes que diminuent
toutes ces communes rurales. On entend partout ce monotone refrain : les
Dig
LA DENS1TF. AC.TTKLLK DK LA TOI'I LATION
jeunes gens s'en vont, les hommes vers Lille, Dunkerque, Calais, 1ns
mines du Pas-de-Calais, les filles en particulier vers le groupe de Lille.
Calais, il y a 20 ans, eut la grande vogue; aujourd'hui la prospérité des
houillères attirerait plulôt vers Lens et Béthune les émigrants. Or ce
déplacement irrésistible, qui menace de vider complètement certaines
petites communes comme Wulverdinghe, n'est plus dû à la misère
résultant de la disparition du travail à domicile, — ce sont là vieux
souvenirs, presque oubliés — , mais à des causes plus générales. Le service
militaire obligatoire, qui fait vivre tous les jeunes hommes plusieurs
années dans les villes, semble être le principal coupable : précisément il
n'existe pas en Belgique. La diminution de certaines cultures délicates,
qui exigent beaucoup de soins, est une autre cause : le tabac, le lin, le
houblon, réclamaient une main-d'œuvre abondante, que leur disparition a
faite libre et qui est allée chercher ailleurs un travail jugé plus agréable cl
mieux payé. Knfin les machines agricoles, venues pour remplacer les
travailleurs dont le nombre se raréfiait déjà, ont précipité l'exode: effet
de la dépopulation, elles en sont devenues une cause. Déjà ce pays, jadis
si peuplé, a besoin de la main-d'œuvre étrangère ; les Flamands Belges
viennent chaque année y louer leurs bras. Les cabaretiers se plaignent ;
il n'y a plus d'ouvriers pour achalander leurs estaminets ; ceux qui restent
au pays, bien payés, devenus une manière do bourgeois, ont chez eux de
la bière ; les beuveries en commun, si chères aux Flamands d'autrefois,
se font rares. Enfin la campagne se parsème de maisonnettes en ruines,
désertées pour les corons de Lens, les courrées de Roubaix et de Lille.
Densité actuelle de la population; ses conséquences.
Malgré les pertes subies au XIXr siècle, malgré des diminutions dont
les unes ne sont pas encore réparées, dont les autres vont s'aggravant,
la Flandre n'en reste pas moins extrêmement peuplée. Il est vrai que le
chiffre global de 312 habitants au kilomètre carré (densité de la population
en liKXMîHM). ne représente pas une réalité concrète. Dans ce chiffre sont
comprises les grandes villes, dont l'énorme population pèse trop lourd
dans la balance. De plus, il existe des régions beaucoup moins peuplées,
et d'autres dont la densité dépasse celle de la moyenne.
La Plaine maritime est toujours la partie la moins habitée. C'est la seule
région flamande où l'on trouve encore des communes possédant moins de
50 habitants au kilomètre carré, une dizaine environ ; et cela en dépit de
l'augmentation constante de toute la population de la Plaine au cours du
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504
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
siècle. On a vu que d'une part l'importance des exploitations ne permet
qu'à un petit nombre de cultivateurs aises d'acquérir ou de prendre à bail
ces formes dont beaucoup commandent 50 hectares ; d'autre part la grande
place que tiennent les pâtures contribue à la faible densité de la popu-
lation, car l'entretien de ce bétail qui reste la moitié do l'année hors do
l'étable ne réclame qu'un petit nombre d'hommes. Lampernisse, la riche
commune du Furnambacht, est l'exemple le plus typique de cette faible
densité des polders : ses 392 habitants sont 27 par kilomètre carré. La
plupart des communes de la Plaine en ont 50 à 100, sauf les villages de
pêcheurs, les stations balnéaires et les ports ; et cette densité, qui paraîtrait
considérable partout ailleurs, en fait la région vide de la Flandre ; c'est la
seule où l'on puisse éprouver parfois une impression de solitude.
A l'autre extrémité de l'échelle des densités se tient le pays lillois. Le
canton le moins peuplé (La Bassée) y possède déjà 257 habitants au
kilomètre carré; celui de Quesnoy-sur-Deûle atteint 358; Lannoy est à
475 ; quant aux trois cantons de Roubaix, ils sont peuplés de 4.522 habi-
tants par unité kilométrique. De Lille à Tourcoing, de Mouscron à
I^annoy, la campagne n'est qu'une ville, avec quelques champs dans les
intervalles des quartiers. La présence de l'industrie explique aisément la
présence de cette agglomération d'hommes; le pays est très peuplé, mais
on ne peut pas dire qu'il le soit trop, puisque ces foules trouvent aisément
sur place de quoi les occuper et les faire vivre.
Surpeuplé au contraire se trouve être, quoique la densité de population
y soit bien inférieure à celle de la région lilloise, tout le pays entre l'Yser
et la Dendre, entre Ypros et Dixmude a l'Ouest, Grammont, Termonde et
St-Nicolas à l'Est, en un mot presque toute l'Ost-Flandre. Tandis que la
West-Flandre, malgré sa fertilité, ne nourrit guère qu'une population de
100 à 200 habitants au kilomètre carré autour d'Ypres, de Cassel,
d'Hazebrouck et de Merville 4, les communes où la densité do population
s'abaisse au-dessous de 200 habitants deviennent une exception dans
l'Ost-Flandre : 235 habitants par kilomètre carré dans l'arrondissement de
Thielt, 266 à Audenarde, 319 à St-Nicolas, 349 à Roulers, 362 à Termonde,
388 à Alost. Dans l'arrondissement de Roulers, il n'y a qu'une seule
commune dont la densité kilométrique soit inférieure à 200; encore
atteint-elle 199, et cela à cause de la présence, sur le territoire de cette
commune (Staden), d'une partie de la forêt d'Houthulst. Rien n'est plus
remarquable, comme densité de population rurale, que celle du plateau
alostois. Entre Sottegem et Alost, 11 communes rurales ont plus de
1 Arrondissement d'Hazebrouck, 161 habitants au kilomètre carre: dYpres, 200.
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LA DENSITÉ ACTUELLE DE LA POPULATION 505
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■m RR l'ROHRRMR DR RA SIRRORURATION
RM) habitants au kilomètre carré, dépassent 300 ; aucune n'en a moins
de 200. Rien qu'à traverser le pays, l'impression est forte ; le voyageur
éprouve qu'il y a vraiment trop de monde autour de lui. On ne peut faire
cinquante pas sans voir quoiqu'un dans les champs, femmes sarclant en
se traînant sur les genoux, hommes labourant, poussant la raselte,
grattant le sol, tirant la herse ; d'autres sortant des maisons, conduisant
des chariots, montant des charrettes à chiens. On se sent constamment
surveillé, épié; il y a des gens partout, même lorsque les hameaux sont
un peu éloignés. L'Ost-Flandre grouille de population.
Do quoi vit donc cette foule ? Quel miracle continu nourrit et fait
prospérer ces multitudes ? Le sol est pauvre, ou médiocrement riche. I^i
grande industrie, beaucoup moins développée qu'autour de Lille, est
surtout cantonnée dans îes villes ; elle ne fait que commencer à s'établir
dans les campagnes. Dans ces conditions, il faut forcer la nature, faire
porter au sol rebelle «les moissons plus abondantes que celles des riches
terroirs, et joindre aux bénéfices de la culture ceux que procure l'industrie
à domicile. De la cette agriculture de la Flandre de l'Est, ce tour de force
par lequel une terre ingrate, la première en iïurope, a vu supprimer la
jac hère, établir les cultures dérobées ; ce prodige qui fait que ce pays sans
pAtures possède plus de bétail que tout le reste de la Flandre (tig. 60). De
là ce travail du lin à domicile, teillage, filage, tissage, qui était l'appoint
nécessaire à la vie de ces familles agricoles. Aujourd'hui encore les
régions qui ont conservé une industrie familiale sont celles où l'augmen-
tation de la population est la plus rapide, où l'émigration définitive est la
moins importante. La West-Flandre française, qui a complètement aban-
donné le tissage, se dépeuple ; l'Ost-Flandre, qui s'entéte à garder ses
métiers, et leur a adjoint la dentelle, la broderie ou la couture des gants,
est en croissance.
Mais les habitants de l'Ost-Flandre ont beau forcer leur ten-e en la
gavant de labeurs et d'engrais, peiner 12 et 1 i heures par jour à lancer
la navette, à faire voltiger les fuseaux ou à actionner la machine à
coudre, ils n'arrivent pas encore à se suffire, (jette population acharnée
au travail ne connaît pas la moitié de l'aisance où vit l'homme de la plaine
maritime, qui garde paisiblement ses bêtes ou surveille le travail des
tâcherons venus de l'intérieur; elle se fait concurrence à elle-même, et
végète dans la pauvreté. Sur la carte du mouvement de l'épargne en Bel-
gique, la Flandre apparaît comme le pays où l'on économise le moins, à
l'exception de la plaine maritime ( lette faiblesse de l'épargne en Ost-
1 Hurny et H;tijiaiid«>. Les Caisses d'Rpargne on Holgiqiie, planche H.
LA NÉCESSITÉ DE L'ÉMIGRATION
Flandre ne signifie pas que l'habitant d'Audenarde ou do Roulers soit moins
économe que (relui de Furnes ou de Dunkerque, mais qu'ayant déjà à
peine de quoi se suffire, il ne peut songer à faire des réserves. Il est exact
que la plus grande partie de la Flandre est un pays pauvre, que l'homme
violente pour lui faire produire la subsistance do la formidable population
qui s'y est établie, sans réussir à faire sortir de l'état degène cette population
qui se développe plus vile que les ressources. De là les crises qui ont secoué
le pays, comme celle de 184(1; mais de là résulte aussi la misère qui
accable de tous temps une partie de ses habitants. (Test là un état ancien,
et Van der Meersch évalue déjà à 64.081 le nombre des indigents du seul
plat pays pour l'année 1771 en Flandre autrichienne, ce qui donnerait
sur 1 1 M > personnes le chiffre d'une dizaine qui ne pouvaient suffire à leurs
besoins '. De cette misère chronique est née assurément cette antique et
vaste organisation de la bienfaisance dont la Flandre donne l'exemple;
mais de là procèdent aussi cette énorme mortalité qui contrebalance les
effets d'une natalité pourtant florissante, ces tares physiologiques qui font
que la Flandre précède tous les pays voisins pour la proportion de mort-
nés, d'infirmes, d'aliénés, d'hommes impropres au service militaire
cette ignorance dont l'Osi- Flandre donne encore l'exemple, et à leur suite
ce taux élevé de la criminalité qui fait que leurs voisins du Sud et
de l'Est considèrent parfois encore les Flamands comme des demi-
barbares.
[IL
L'ÉMIGRATION.
Nécessité de l'émigration.
La Flandre est donc trop peuplée. Il y a dans le pays trop d'hommes
pour son étendue et ses ressources. Cette situation ne comporte qu'un
remède : il faut aller chercher au dehors ce que le pays ne peut fournir.
L'émigration devient nécessaire.
Aussi n'est-elle pas une chose nouvelle. I.a Flandre, vaste réservoir
d'hommes, a souvent débordé ; elle a fourni des habitants à toutes les
parties de l'Kurope. Déjà la surpopulation précoce du XIT siècle a
« Van «1er Meorseh (I». G.), Do lYt.it do la mendieiié et Ho la bienfaisance .lans la
provime «le la Flandre Orientale depuis le ré^no do Marie-Thérèse jusqu'à nos jours
(Bull. G. G. St.. V, lXïd. pp. •£>-'A\8). p. a*.
1 Meynne, Géographie médicale (l'a tria Holgira, 11. pp. Ui-scpp j.
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LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
précipité sur toutes les routes des Flamands en quête d'un gîte Ils
en trouvèrent en Allemagne, où la guerre d'extermination contre les
Slaves laissait beaucoup de cantons déserts. Dès 1106, ils colonisent les
Marschen de Brème ; en Thuringe, ils mettent en culture la Goldene Aue.
établissent autour d'Erfurt la culture maraîchère au XIIe siècle, fondent
près de Naumbourg des villages dont l'un porto encore le nom de
Flemmingen. Une charte de 1154 parle des Flamands venus par hasard
(adventanles) à Meissen ; un diplôme de 1200 cite des formes flamandes
dans la vallée de l'Elsler noire, et un village de Flâmisch-dorf rappelle
le souvenir des colons établis près de Ixmbus (Silésie). L'Anhalt a gardé
de leur venue les expressions « ein flàmischer Kerl » (vigoureux gaillard)
et « das ist flàniisch » (disproportionné) ; la rive droite do l'Elbe en face de
Magdebourg était la * Flâmische Seite ». Enfin les princes, empressés à
se procurer de pareils sujets, aussi laborieux qu'habiles, les avaient
appelés dans la Wagrie, où un village de Flemigstorf rappelle leur
souvenir au Nord d'Eutin ; en Brandebourg où Albert l'Ours les établit
autour de Stendal ; et à Jutterbog où ces industrieux émigrants, creusant
des puits sur le plateau aride, élevant des digues et creusant des rigoles
dans les terres basses, ont si bien transformé le pays qu'il leur a emprunté
et qu'il en a gardé son nom de Flâming. Mais ils sont allés bien plus loin
encore. A Vienne, des artisans sont attirés dès 1208, et le métier des
tisserands porte encore en Autriche le nom de Flemmingc Hantwerk ;
d'autres se fixent au XII0 siècle dans le Zips, et participent avec les
Allemands au peuplement des montagnes de Transylvanie sous le nom
général de Saxons. Nombreux autour de Guillaume le Conquérant dans
sa conquête, ils pullulent en Angleterre sous Guillaume le Roux, époux
d'une Flamande ; Henri Ier, puis Henri II les établissent sur les marchés
de Galles, où le Flemingsway atteste leur activité ; ils apportent dans le
Norfolk l'art de travailler la laine, et le roi Edouard, pour attirer ces
affamés dans son royaume, fait répandre parmi eux un alléchant
prospectus, qui leur promet outremer « du bon bœuf et du bon mouton,
tant qu'ils en pourront manger » L'induslrio drapière anglaise date des
deux grandes émigrations flamandes des XIIIe et XVIe siècles; à cette
dernière date, on trouve jusqu'à 4.000 Flamands établis à Norwich ; aussi
' Sur lï-migration flamande aux XIP-XIIP siècles, voir: de Borchgrave (Mêm. Ac.
R. Belg., 18U5. VIII + 375 p. ; 1871, VIII + 126 p. ; - Ann. Ac. Arch. Belg., 1874.
pp. 744-753) ; — Pirenne, Hist. Belg., 1, pp. 13f> et 257.
î Stocquart (E.), Les Flamands on Ecosse au moyen-âge (Ann. Soc. Arch. Brux..
XIII, \m>, pp. 5-14), p. 7.
LA NÉCKSSITK I)K L'KMNÏRaTîON 509
le Norfolk et Norwich restent-ils jusqu'à la fin du XVIIIe siècle le grand
centre de cette industrie de la laine I„es tisserands flamands créent à
l'étranger bien d'autres industries. Appelés à l'époque do Guy de
Dampierre par un sire do I„aval époux de Béatrix de Gavere, ils intro-
duisent dans le Maine la grande fabrication des toiles 1 ; à la fin du
XVe siècle le Brugeois van Gobeleen va fonder en France la manufacture
des Gobelins, dont les ouvriers se recrutaient encore au XVIIe siècle
autour de Bruges el d'Audenarde 3 ; d'autres, amenés par le duc d'Epernon,
viennent assécher à la fin du XVIe siècle les marais autour de Bordeaux *.
L'émigration a repris déplus belle au XIX* siècle, avec l'augmentation
générale de la population ; et la crise de 18 16 précipita les Flamands vers
les grandes villes belges et surtout vers la région industrielle du Nord
français. Depuis .'*0 ans, les traces de la crise effacées, la population
s'accroissant de nouveau, l'exode a recommencé. Aussi bien, il n'y a plus
déplace en Flandre. \& plaine maritime est asséchée; il n'y a plus de
rnoeres à conquérir. I^s forêts et les bruyères, à l'assaut desquelles on
s'est lancé depuis le début du siècle, sont réduites à leur plus simple
expression; on songe plutôt à reboiser des terrains imprudemment
défrichés. Plus de wastines, plus de raoeres; il faut voir au dehors.
Pourtant le Flamand répugne au départ ; il tient à son sol ; c'est un paysan
difficile à déraciner. Il faut que la nécessité soit bien pressante, qui l'oblige
à partir.
Cependant les progrès de la locomotion lui ont permis, depuis 30 ans,
de résoudre à son gré le problème. Grâce aux voies ferrées, le Flamand
est arrivé à émigrer tout en restant chez lui. Il va travailler au dehors,
chercher au delà des limites de son pays pauvre un salaire rémunérateur,
quitte à revenir le plus souvent |w>ssiblo au logis où il a laissé sa famille,
et autour duquel il cultive encore le petit champ dont le produit, joint à la
paye du père et au gain réalisé par les femmes à faire des gants ou de la
dentelle, permet d'équilibrer le budget. De là ces nouvelles formes d'émi-
gration qui sont les déplacements quotidiens ou hebdomadaires, et les
migrations saisonnières.
» Cf. Doehesne (L.), L'évolution économique et sociale de l'industrie de la laine en
Angleterre (Paris, Larose, 11*10, in-8% 282 p.).
* Kervyn de Lettenhove. Hist. de Flandre, IV, p. H30.
i Van Hruyssel (K ). Histoire du commerce et de la marino eu Belgique (Bruxelles,
Lacroix, l*Gl-»r>, 3 vol. in-8"), II, p. i«*5.
* Mess. Se. Hist., t. 83, 1895, pp. 3i»> .148.
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510
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
Déplacements quotidiens et hebdomadaires.
C'est vers les régions industrielles les plus proches, les grandes villes,
les entreprises de travaux publies de longue durée, que se dirige donc
chaque joui l'ouvrier flamand. Solide travailleur, soumis, peu exigeant,
il est recherche des ingénieurs et entrepreneurs, heureux de trouver cet
allié dans leurs difficultés avec le prolétariat industriel. Trop éloigné pour
attirer chaque jour des Belges, le bassin houiller du Pas-de-Calais emploie
au moins des Flamands de France; Steenbecque envoie chaque jour
cinquante ouvriers aux charbonnages, cinquante aux aciéries d'Isbergues;
Hazebrouck abrite 300 mineurs, qu'un train enlève tous les matins vers
lîerguetle et Béthuue, et qui, heureux des i à 5 francs de leur salaire qu'ils
comparent aux 2 fr. 50 de leurs camarades tisseurs, sont très satisfaits de
leur sort et ne craignent rien tant que les grèves. Estaires, La Gorgue, en
envoient par le tramway, et d'autres partent à pied de toutes les
communes situées dans le Sud de la plaine de la Lys. De Coulogne et
(luines, on va à Calais; de Tetcghem à Dunkerque. Ostende, Blauken-
berghe, Heyst, Zeebrugge et ses grands travaux attirent des ouvriers de
tout le Nord du Houtland ; de Boernem, Oosteamp, Oudenbourg sur
la ligne de Gand, de toutes les stations depuis Gits sur la ligne de
Boulers, ils s'en vont vers \ h. 1/2 du matin, reviennent à 9 heures
du soir ; terrassiers, manœuvres, paveurs, briquetiers, il en part déjà
une trentaine de Cortemarck, 200 d'Kerneghem, ;J00 de (ihistelles.
Dans l'Est, on se dirige vers les travaux du canal de Terneuzen.
L'industrie gauloise, en s 'établissant dans les campagnes de la Flandre
Orientale, crée autant de centres d'attraction que de fabriques ; les
ouvrière viennent de plusieurs kilomètres aux usines d'Eecloo. de
Moerbeke, de Waerschool ; le nouveau tissage d'Ardoye recrute son
personnel à plusieurs lieues à la ronde ; deThouroul, Lichtervelde, Thielt,
Pitlhem, Meulebeke, Denterghem, Ingelmunster, Cachlem, Eeghem,
Coolscamp, Emelghem, on se dirige vers la nouvelle usine, a pied ou
en chemin de fer. Les grandes villes recrutent les ouvriers d'alentour;
on vient à Gand de Maldegem, d'Aeltre, de Nevele, de Wetteren et de
tous les villages intermédiaires; Anvers attire les gens du pays de Waes ;
20 dockers prennent chaque jour le bateau à Tamise, HO à Rupelmonde;
Cruybeke envoie (iOO ouvriers travailler dans les chantiers Cockerill, à
Hoboken ; 700 prennent le train à Beveren-Waes ; Melsele, Zwyndrecht
se vident tous les matins vers la métropole de l'Escaut. Termonde, Zele,
Lokeren même, expédient des travailleurs quotidiens vers Bruxelles,
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LES DÉPLACEMENTS QI OTIDIENS ET HEBDOMADAIRES 511
éloignée de 50 kilomètres ; ceux-ci, maçons, terrassiers, partent avant
4 heures du matin, sont de retour à 9 heures, sans parler du trajet qu'ils
ont encore à l'aire à pied jusqu'à leur domicile ; d'autres viennent d'Hautem-
St-Liévin, de Sottegem, Herzele, Ninove, de tout le pays d'Alost; Lede
envoie chaque jour 5 à 600 terrassiers et paveurs, qui vivent bien, mangent
de la viande tous les jours, et vont souvent passer a (iand ou dans la
capitale un joyeux dimanche terminé par une soirée au théâtre. Il en est
qui ont le courage d'aller travailler, à oO ou 00 kilomètres de chez eux,
dans les charbonnages de La Louvière. Enfin l'exode le plus important est
celui qui entraîne chaque jour vers la France les ouvriers de Roulers,
Thourout, tlarleboke, Avelghcm,et de toutes les communes desservies par
les lignes se dirigeant vers Herseaux, Mouscron, Menin et Wervicq ;
d'autres à pied, a vélo, l'ont chaque jour les 10 ou 12 kilomètres qui les
séparent d'Halluin, de Tourcoing, de Roubaix. Ainsi tous les matins, de
tous les points de la Flandre intérieure, des hommes se mettent en route
vers les grandes villes, les usines et les mines ; la circonférence qui limite
l'attraction d'un foyer urbain ou industriel est tangente aux circonférences
qui entourent les autres; de Lichlervelde, on va a la fois vers Ostende,
Ardoye et llalluin ; à Deynze les émigrants se partagent entre Gand et la
France, à Lede entre (iand et Bruxelles, à Sottegem entre Bruxelles,
(iand et la Wallonnie. De partout, sans souci do l'écrasante fatigue, on se
hâte vers les gros salaires.
Cependant, quelles que soient l'endurance décos hommes et la facilité
des communications, il reste impossible à beaucoup d'entre eux de faire
chaque jour le voyage entre leur domicile et la ville ou l'usine qui les
emploie. Ceux-la se résignent à ne revenir chez eux qu'une fois la semaine ;
partant le lundi matin, ils ne retrouvent leur famille que le samedi soir,
et n'ont que le dimanche à consacrer au petit champ que la femme ou les
enfants entretiennent pendant leur absence. Les autres jours, réunis en
groupes, ils prennent ensemble les misérables repas dont les provisions
apportées de chez eux font presque toujours les frais, du pain, du saindoux,
parfois du lard ; la nuit ils s'entassent dans d'économiques dortoirs, dont la
fatigue fait oublier l'exiguité et les conditions insalubres, ("est ainsi que
des terrassier du Sud vont travailler à Ostende ou Zeebrugge ; que des
maçons de Stekene, deLaClinge et des villages voisins, ont leurs occu-
pations à Bruxelles: que de Zele, de Lokeren, même d'Aeltre (à moitié
chemin de (Iand à Bruges) il y a des ouvriers pour Charleroi, et l'on voit
parfois de ces malheureux, pour rentrer plus vite chez eux le samedi soir,
s'entasser encore noircis de charbon dans les trains où ils dorment les
uns sur les autres. A plusieurs lieues à la ronde de la frontière du pays
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512
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION'
lillois, les ouvriers partent pour los usines le lundi matin, souvent à pied :
de Messines pour Pérenchics, de Zandvoorde et Hollebeke pour les
briqueteries de la Deûle, de Moorslede pour Halluin, tandis qu'il en
vient en chemin de fer jusque des environs d'Audenarde et de Devnze.
»
Migrations saisonnières.
D'autres partent pour plus longtemps encore, sans quitter pourtant le sol
de Flandre. Il y a des régions flamandes où la main-d'œuvre locale n'est pas
assez abondante pour certaines besognes industrielles ou agricoles qui
doivent être exécutées rapidement, et à époques fixes. La cueillette du
houblon autour de Poperinghe et d'Alost exige un soin, une minutie, et en
même temps, pour ne pas laisser les baies se gâter, une rapidité, qui obligent
les cultivateurs à faire appel à de nombreux étrangers. L'Ost-Flandre
en fournit autant qu'on en désire. A Poperinghe, tandis qu'on recrute
peu d'ouvriers aux alentours même de la région houblonnière, 10 à 20
par village, il en vient des troupes de l'Est : déjà 30 de Vladsloo, 50 de
Becelaere, une centaine de Couckelaere et de Moorslede, 50 d'Hooglede,
des centaines de Roulers, de Thielt, d'Aertrycke, de Ghistelles, jusque
de Wynghene, d'Aeltre, d'Eecloo (50 en 1903); la paroisse d'Houthulst à
elle seule en fournit 3 à 400 -, tous les villages des arrondissements de
Roulers et de Thielt donnent. Ces gens partent à pied au début de
septembre, cheminant en bandes, chantant le long de la route, au son d'un
accordéon, et les paysans de l'Ouest ne les voient pas défiler sans crainte ;
à leur approche, on clot soigneusement les poulaillers. La commune de
Poperinghe en héberge ainsi 3 ou 4.000 ; Watou un millier environ ;
Booschepe en avait 2.000 en 1902, 40 à 50 par ferme. Pendant trois semaines
ou un mois que dure la cueillette, le pays vit dans la terreur; les batailles
sont fréquentes entre houblonniers qui vivent pêle-mêle dans les granges ;
on quadruple pendant leur présence les brigades de gendarmerie. Les
mêmes scènes se produisent autour d'Alost et d'Assche, où les cueilleurs
viennent du pays de Lokeren et de Termonde ; Zele en a parfois envoyé
jusqu'à mille à la fois.
Ailleurs, c'est pour la moisson, pour le sarclage, le binage et l'arrachage
des betteraves, pour la préparation des cossettes de chicorée, pour la
sucrerie enfin, qu'on fait appel à l'inépuisable réserve de la Flandre
intérieure. La Plaine maritime, avec sa faible population d'agriculteurs
aisés, ne peut se passer pour ces multiples opérations de secours étrangers;
elle s'adresse aux familles de pêcheurs et surtout aux gens du Houtland.
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LKS MK'.KATIDNS SALSONNIKRKS
513
En Belgique et en Hollande, toutes les communes de l'intérieur établies
le long de la lisière envoient leurs bras disponibles travailler dans les
polders voisins ; Stekene à elle seule fournit 4 a 500 personnes, qui restent
trois mois absentes; Watervliet, Axel, en reçoivent chaque été plusieurs
centaines. On les voit venir, particulièrement nombreux, dans la plaine
maritime française, où la culture sur de larges espaces de la betterave
et de la chicorée, où la présence de sucreries et de distilleries réclament
une main-d'œuvre abondante. C'est ainsi qu'on voit à la distillerie des
Moëres des gens de Maldegem ; à la sucrerie de la Bislade des hommes
de Houlers et dllarlebeke, des travailleurs d'Oudenbourg et de lihistelles
à Pont-d'Ardres, où ils se rencontrent avec les pauvres habitants des
* côtes » crayeuses du haut pays d'Artois. La chicorée, avec le travail
pénible des séchoirs, est une autre spécialité des Flamands belges, parti-
culièrement des gens de Roulers. Tous les hivers, depuis une cinquantaine
d'années, on les voit se diriger vers la Plaine, vers les tourailles du Calaisis
et deDunkerque; à Loon il en arrivo 70, et 80 se sont établis défini-
tivement. La commune «le Beveren-lès-Roulers, qui fournit spécialement
les chefs de fabrication, envoie ainsi 300 hommes chaque hiver dans les
séchoirs de l'Ouest. Enfin la diminution constante de la population dans
les communes rurales du Houtlaud fiançais, due à l'émigration vers les
villes, oblige les cultivateurs à faire appel aux Belges, surtout pour la
moisson ; il n'est pas de village qui n'en fasse venir au moins une dizaine ;
une centaine à Bondues, autant à Linselles, 50 à Quacdypre, 10 à Strazeele.
A Steenwerck, on convient qu'il n'y aurait pas de moisson sans eux ; la
propriété est trop morcelé*' pour qu'on puisse se servir utilement de
machines; il en vient donc une centaine de la région de Becelaere, géné-
ralement les mêmes chaque année, sous la conduite d'un chef de bande;
ils travaillent une quinzaine, presque jour et nuit, et s'en retournent chez
eux à pied. Les rares ouvriers français restés au pays ne voient pas sans
dépit la venue de ces étrangers, plus soumis, et mieux payés qu'eux-
mêmes; ils se vengent par des sarcasmes, les traitant de« Casten », tonne
méprisant dont la signification est inconnue même de ceux qui l'emploient;
ils se moquent de leur pauvre accoutrement, les appellent « Clouftjes »
(sabots), injure où tient l'immense dédain de l'homme en souliers pour
celui qui marche pieds-nus, tenant ses sabots à la main de crainte de les
user; à Groede même et dans le reste de la Flandre zèlandaise, des
batailles éclatent, où les habitants du pays essayent de se venger de ces
« Flamands » laborieux et méprisés.
Beaucoup deces moissonneurs sont en même temps briquetiers. Le métier
est pénible : il répugne à l'ouvrier français : voilà l'affaire du Flamand. Le
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514
LE PROBLEME DE LA SlRPOl'LLATrON
préfet Dieudonné indiquait déjà (1803) que dos ouvriers d'Armentières,
Frelinghien, Lompret, Pérenchies, partaient chaque année faire des
briques dans les autres arrondissements du Nord, et au loin, en Bour-
gogne, en Bourbonnais '. Il est vrai qu'aujourd'hui ee ne sont plus
guère des habitants du pays, mais surtout des gens d'Ypres et do
Roulers qui viennent travailler aux briqueteries de la Basse-Deûle.
Il en part bien M) de Moorslede, 100 d'Harlebeke ; il en vient
jusque de Steendorp, non loin d'Anvers. Ils quittent leur pays à
Pâques, se dirigent vers les chantiers de la Basse-Deûle et du bassin
houiller; Lens est leur capitale. Mais ils vont bien plus loin au Sud, à
travers le pays picard, en Hainaut, en Hesbaye; partout où le limon
argileux se prête à la fabrication des briques, on aperçoit leurs énormes
tas de briques crues autour desquels circulent leurs équipes silencieuses.
En juillet, beaucoup lâchent le moule à briques pour la faucille, et
font la moisson, puis reviennent à la fabrication jusqu'à la fin de
septembre. La plupart rentrent alors chez eux ; d'autres vont s'embaucher
jusqu'à l'hiver dans les sucreries, voire dans les usines métallurgiques et
aux charbonnages, où on les emploie à la surface. Ils se sont faits, de
mars à septembre, fr. 5<) à 3 francs d'excédent par jour ; la moisson leur
a rapporté 100 francs environ; c'est un peu plus de 500 francs qu'ils
peuvent rapporter â leur famille, pour l'aider à passer l'hiver.
Mais ces pays du Non! étaient encore trop peuplés, et trop proches de la
Flandre, pour que les salaires agricoles puissent être élevés ; les Flamands
en quête de hautes payes s'avisèrent bientôt qu'il leur fallait descendre
plus loin au Sud pour trouver les pays rêvés : d'immenses plaines de
céréales, habitées par une population clairsemée dont le total diminue
sans cesse, la Beauce et la Brie. Sans doute les fermiers de ces régions
pensaient avoir avantage à employer les machines agricoles; mais il y a
des opérations que ces instruments ne peuvent encore entreprendre, et
des circonstances — la verse par exemple — où leur usage est impossible.
L'arrivée des Flamands, s'olfrant à planter, a sarcler, à biner, à arracher
les betteraves, à moissonner le blé, fut accueillie avec joie ; c'était le
remède à l'émigration des campagnes. Depuis une quarantaine d'années,
les Flamands vont et viennent chaque année de la Loire et de la Seine à
l'Escaut ; ils sont devenus un des facteurs les plus importants de la vie
agricole en ces régions françaises *.
• Statistique, I. p. 527.
* Voir Eylenbosrh (H.), I^s ouvriers belge?* en France (Annuaire de la ligue dt;nio-
t ratique belge, IHif.t, (iand, het Volk, 20 p.) : — de Grûnne (Ch.), Le* ouvriers agri-
coles belges en France (Rev. gén. agr. L., 1899, pp. 127-133, 145-157).
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LKS MIGRATIONS SAISONNIERES
5ir>
\jc Franchman, comme l'appelent ses compatriotes, part au printemps.
Sou bagage est simple : un bissac bleu en toile à matelas, contenant les
vêtements de travail, le linge ; à la main, il tient la faucille piquée dans
un bouchon de liège ; sur la tête, une casquette plate. Il y en a de tous les
âges, entre 15 et 60 ans. Les premiers s'en vont au milieu de mars : mais
le grand exode ne se dessine que dans les premières semaines de mai,
pour les betteraves. Us ont été recrutés par un chef de bande, auquel s'est
adressé le cultivateur français; des agences de placement existent
d'ailleurs dans les villes flamandes, et Lille en possède de nombreuses
aux alentours de la gare. Us voyagent en chemin de fer, par groupes,
le gouvernement belge leur accordant un prix très réduit jusqu'à la
frontière. De quinzaine en quinzaine, leur nombre s'accroît; en 1898, le
nombre des lMges occupés ainsi en France, de 692 dans la première
semaine de mars, s'était élevé à 3.846 dans la 2e quinzaine du mois ; il
montait à 27.2(10 dans la première quinzaine de mai et atteignait le
maximum, 40.176, à l'époque de la moisson, dans les quinze derniers
joui's de juillet l.
A combien s'élève le nombre des Flamands qui participent à cette
invasion pacifique? La statistique de 1898, établie par le gouvernement
belge pour constater quelle quantité d'électeurs seraient absents dans un
scrutin opéré au cours de l'été, indiquait 31.527 Flamands sur 57.262
partants; 18.942 de Flandre Orientale, 12.582 de Flandre Occidentale
Ce recensement des émigrants n'a plus été établi depuis; cependant on
peut affirmer que le chiffre actuel est beaucoup plus élevé. Celui de 1898
était de 18.942 pour les 297 communes de Flandre Orientale ; or les rensei-
gnements fournis eu 1901 parles administrations de 23 communes de la
province donnent déjà 4.375 parlants ; de même on a trouvé 4.235 émi-
grants dans 25 communes seulement de Flandre Occidentale. Si l'on ajoute
que dans ces chiffres ne sont pas compris la majeure partie desbriquetiers
»'t des moissonneurs qui viennent travailler dans le Nord de la France, on
voit que c'est à 50.000, peut-être à 60.000 hommes qu'il faudrait fixer le
nombre de ces émigrants temporaires. C'est une véritable année. Les
grosses communes fournissent d'épais bataillons. Il en part 400 de
bmgemarck, 450 de Couckelaere, de Lede, de Nederbrakel, 500 de Zele
et de Nazareth, 700 de SUulen, un millier de Henaix. Certains villages sont
vides d'hommes; on n'y trouve plus que les enfants, les femmes et les
vieillards.
1 Kylenboseh, p l.
* Ibitl.. pp. i-r».
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51Ȕ
LE PRORLKME DE LA SURPOPULATION
Arrivé en France après un voyage lent dans des trains peu rapides, le
Franchraan gagne l'exploitation où il est engagé, de préférence celle où
il a travaillé déjà, où ont peiné ses parents ou ses amis ; il y a des fermes
où ils se succèdent de père en fils depuis 1870. On discute les conditions
du travail, et l'on se met à l'ouvrage ; payé à la lâche, l'ouvrier flamand
fournit un labeur extraordinaire; en moisson, il commence parfois à
3 heures du matin et ne s'arrête qu'à 9 heures du soir. Les Franchmans
se nourrissent eux-mêmes, à peu de frais comme on pense ; la nuit, ils
s'entassent dans les granges. Parfois ils reçoivent la visite des consuls
belges, ou des prêtres qu'envoient des patronages spéciaux ; de temps à
autre on célèbre à leur intention une messe en flamand dans les centres
où ils sont particulièrement nombreux. Ils vivent isolés de la population
française, et supportent cet exil en pays étranger sans trop de peine, étant
groupés dans chaque ferme en compagnies nombreuses, une vingtaine en
Beauce, :J0 à 40 en Brie, jusqu'à 50 dans les grands domaines, tous du
même canton, parfois du même village.
La moisson du blé terminée, une partie des Flamands reflue vers le
Nord ; l'on voit en particulier remonter tous ceux qui s'étaient aventurés
au Sud de la Loire, jusque vers Moulins, Châteauroux, Angoulôme. Ceux du
Sud du paysd'Alost, où la moisson esl particulièrement tardive retour-
nent chez eux audébuld août, et rentrent leur blé ou leur seigle avant de
repartir à la lin de septembre. D'autres reviennent définitivement ; mais un
grand nombre restent en France, employés parles fermiers à des travaux
accessoires pour attendre l'arrachage dos betteraves. Au début d'octobre
s'ouvre cette nouvelle campagne, qui occupe encore les Franchmans
pendant un bon mois. C'est vei-s le 15 novembre que la plupart reparaissent
chez eux, après 6 mois d'absence. Ils rapportent de 3 à 500 francs, féro-
cement économisés sur leur gain. Le sarclage des betteraves en Beauce
leur a valu environ 150 francs, autant la moisson, autant l'arrachage ; les
travaux accessoires, une centaine de francs. En Brie, le salaire est un peu
plus élevé 2. C'est peu pour une pareille somme de travail, mais c'est
l'appoint indispensable à la vie de la maisonnée. Dans beaucoup do
communes rurales, l'existence des ouvriers serait impossible sans la
France. A Hautem-St-Liôvin, rien que du 15 mai au 15 août, pour la
betterave et la moisson, les i50 tâcherons rapportent environ .'J00 francs
par tète: c'est 75.000 francs de numéraire que cette saison d'été jette dans
le village; à Renaix, avec les 1.000 émigrants travaillant de mai à
i Voir la carte .le la moi^oii -lu blé .'u Flamlrc (Kig. 3).
î Eyleiibosch, pp. 12-13.
I.KS MIGRATIONS SAISONNIERES
novembre, c'est presque un demi-inillion. I.a dentelle, la couture des gants,
le tissage, l'élevage des bestiaux ou du porc sont l'appoint, mais l'émi-
gration en France est la grande ressource; sa disparition brusque provo-
querait en Flandre une catastrophe semblable à celle île 18i6.
Cependant tous les Franchmans ne réintègrent pas leur domicile au
mois de novembre. Certains d'entre eux, séduits par les hauts salaires de
France, sollicités par les fermière désireux de garder ces bons ouvriers,
finissent par se fixer en Beauce ou en Brie ; ils l'ont venir leur famille et
s'établissent définitivement. l)e petites colonies agricoles s'organisent
ainsi dans ces plaines, à la place des paysans français partis pour les villes.
La statistique des étrangers dans l'arrondissement de Melun au 1" juillet
HX>3 indiquait ',\.{bT> Belges, que l'on pouvait prendre pour des émigrants
temporaires; mais le relevé effectué le 1er janvier liK)i en indiquait
encore l.lCiO, parmi lesquels 151 femmes et '/iî enfants ; ce sont là des
sédentaires '. D'autres restent jusqu'à Noël occupes dans les sucreries et
distilleries du pays picard. Il en est qui, ne pouvant se décider à rentrer,
se font pour l'hiver ouvriers d'industrie : les établissements métallur-
giques de Ilautmont (la Providence) et de Montataire en recueillent un
grand nombre; d'autres s'embauchent aux fours à coke des charbon-
nages du Pas-de-Calais. Ceux-là ne font plus à leur domicile qu'une
rapide apparition, delà mi-janvier à la mi-mars; et parfois ils repartent
pour Ilautmont en attendant l'ouverture de la saison des betteraves. Ceux
qui reviennent chez, eux en novembre ne peuvent se décider à travailler
la terre : les uns se mettent à tisser, quelques autres à faire delà dentelle;
ceux de Couckelaere vont louer leurs bras à Ostende, ceux d'Ardoye
s'emploient à l'usine, ceux du pays d'Alost vont travailler à Bruxelles.
Knfin beaucoup, laissant la femme et les enfants continuer les travaux
agricoles entrepris en leur absence, restent oisifs ou s'occupent des soins
du ménage. Mais tous, en rentrant chez eux, connaissent la détente qui
suit les longues privations et le travail excessif; leur retour s'accompagne
d'interminables séances à l'estaminet, suivies de batailles, de coups et de
meurtres. Ainsi ils sont devenus de véritables prolétaires agricoles, dont
les liens avec leur sol se relâchent sans cesse, et qu'un rien suflil à
entraîner dans l'émigration définitive î.
1 Communiqué par M. Louis Raveneau.
i Au Nord-Kst île la Flandre, quoique* ouvriers émitrrent ailleurs qu'en Fraïuv. [)c
Hulst. <>n va passer l'hiver à Kssen, dans les usines métallurgiques: les ^rens de l-i
Clinge vont faire .les briques en Westphalie. D'autres travaillent au canal de Charleroi,
à Senell'e.
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518
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION
L'émigration définitive.
L'émigration définitive est beaucoup moins considérable aujourd'hui
qu'il y a 50 ans; cependant elle subsiste. Chaque flux et reflux des
Flamands abandonne au loin quelques épaves ; parmi les ouvriers qui se
déplacent à la journée, à la semaine, pour une saison, pour 10 mois, il en
est toujours qui restent en route, se fixent dans les villes, aux alentours
de la région lilloise, en Wallonnie, en Fiance. Four atténuer l'influence
politique que lo séjour en France exerce sur les émigranLs, le parti catho-
lique encourage un mouvement qui s'est dessiné depuis une trentaine
d'années vers l'Amérique du Nord. (Test vers le Canada (Manitoba), la
région des grands lacs (Détroit) et l'Ouest que se dirigent les émigrants,
la plupart ouvriers agricoles. Il en part de Flandre zélandaise, de toute la
Flandre Orientale, de quelques communes de Flandre Occidentale. I„a
quantité des départs varie avec l'état des travaux agricoles ou industriels.
Dans certaines communes, cette émigration a disparu ; ailleurs, elle est en
faveur. En avril 1904, West-Roosebeke voyait partir 17 de ses habitants ;
à Swevezeele, il y a des départs chaque semaine, une centaine au moins
par an ; à Wynghene 150. Tout l'arrondissement de Tbielt en fournit ; le
village d'Eeghem menaçait un moment de se vider. La crise de l'industrie
cotonnière en l90ôM!H)i a précipité les départs autour de Garni : à Bellcin,
tout ce qui est fort va en France ou en Amérique. Groede, en Flandre
zélandaise, a perdu 150 personnes dans les (> premiers mois de 1004 ;
70 émigrants sont partis d'un seul coup de Brcskens. Dans tout l'Est, les
enseignes d'estaminets sont nombreuses qui portent les titres* In Ameriku»
et « In destatl New- York*. D'ailleurs tous les émigrants ne sont pas perdus
pour le pays; le Flamand se résigne difficilement à quitter sou sol;
beaucoup reviennent au bout de quelques années avec une petite fortune,
louent des terres et deviennent des fermiers aisés.
Ainsi l'émigration définitive en pays lointain ne plaît pas au Flamand ;
il n'aime pas les décisions brusques et irrévocables ; pour qu'il se décide à
quitter son village, il faut qu'il ait été longuement sollicité, qu'il ait essayé
d'abord du déplacement quotidien, ou delà migration saisonnière. Aussi
est-ce t< »ut prés de chez eux, à quelques lieues, parfois à quelques kilomèl res
de leur ancienne demeure, que vont se fixer la plupart des émigrants. Le
1 ira bant wallon, le Tournaisis, le Hainaut, en sont remplis ; ils forment
des groupes compacts dans toutes les communes de la Flandre française.
Ceux-la viennent généralement des villages belges les plus proches, où ils
sont remplacés à leur tour par des plus pauvres, venus de l'Est. Les
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L'ÉMIURATION OKKIMTIYK
r,if»
communes frontières sont ainsi comme des relais d'une émigration à
longue échéance, par où se prépare l'absorption des Flamands en route
pour l'Ouest. A Neuve-Eglise, la moitié des habitants sont des étrangers,
venus d'Ypres, Passchendaele, qui prennent la place des indigènes partis
pour les campagnes, les villes et les charbonnages île France ; à
Westoutre, la liste électorale comprend 40 °/0 d'hommes non originaires
de la commune, venus du Nord et de l'Est. Le mouvement est constaté
dans toute la West-Flandre belge : a Messines il n'y a comme ouvriers
agricoles que des gens venus d'au delà d'Ypres; Wervicq s'augmente par
émigration de Gheluvelt, Becelaere, Houlers; à Gulleghem les ouvriers
de ferme sont originaires de (lits, Hooglede, Deynze; leurs enfants
deviennent teilleurs de lin ou s'expatrient à leur tour en France; a
Zandvoorde et Hollebeke, les gens de Zillebeke, Gheluvelt, Zonnebeke
remplacent les anciens habitants partis pour Comines, Quesnoy, Lille; le
flamand s'avance avec eux, refoulant le français vers la Lys. A Elver-
dinghe, tous les fermiers viennent de Lichtervelde, Thourout, Houlers;
ce sont eux qui ont importé la chicorée il y a trente ans. Merckem descend
sur Noordsehoote. l'eu à peu, la Flandre roule de l'Est vers l'Ouest, des
pays pauvres vers le pays riche. C'est une nouvelle invasion des Barbares,
semblable a celle qui s'est accomplie pacifiquement tout au long des quatre
siècles de l'empire romain ; comme jadis leurs ancêtres des bords du Rhin,
ces Germains pauvres et prolifiques viennent louer leurs bras, se font
colons des riches territoires que les latins quittent pour habiter les villes ;
peu à peu ils s'établissent, la naturalisation automatique les' transforme
en Français, et ces nouveaux citoyens ne se distinguent bientôt des autres
que par leur docilité ot leur endurance au travail. Aucun des 4 à 500 Belges
fixés à Bousbei que, à Boudues, à Steenvoorde, à Ghyvolde. dans toutes
les communes frontières, ne s'avise de revendiquer pour ses enfants son
ancienne nationalité: ils deviennent Français sans esprit de retour; les
traiter de Belges leur parait déjà une insulte.
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KO
CONCLUSION
CONCLUSION.
« La Flandre s'est formée, pour ainsi dire, malgré la nature ; c'est une
œuvre du travail humain » ». Bien n'est plus exact. I^es qualités physiques
de la terre flamande sont maigres et rares, ses défauts sont gros et nom-
breux. Climat désagréable, surtout par son humidité qu'aggrave l'imper-
méabilité du sol. De la terre, deux parts : l'une féconde à souhait, mais
trop basse, recouverte d'eaux stagnantes, menacée en haut par les
grandes marées, en bas par les infiltrations; l'autre moins humide
quoiqu'imperméable, mais d'une médiocre fertilité, surtout dans l'Est.
Pour les cours d'eau, des ruisseaux nombreux et indigents, des
rivières trop lentes, attardées en bras morts et en marécages, noyant
leur vallée de crues régulières et aussi d'inondations inattendues.
Dans l'ensemble, une nature renfrognée, peu accueillante. Mais l'admi-
rable situation géographique du pays y appelait les hommes ; la Flandre
devait être un lieu de passage, une contrée d'échanges. Les habitants
y vinrent- donc nombreux, ot forcèrent la nature. Il y a peu de pays
où l'aspect, la valeur du sol, le tracé des cours d'eau, leur régime, en
un mot les conditions géographiques, aient été pareillement transformées
par l'homme. La plaine maritime a été asséchée, ses eaux évacuées,
ses terres « endiguées, purgées, raffermies ». Les forêts ont disparu, et
les arbres isolés auront demain le même sort, si l'agronomie l'exige ;
les bruyères sont mises en culture, quitte à y rétablir des bois si
l'opération paraissait profitable. Les terres maigres de l'Est portent plus
de moissons que les plus riches sols arables, nourrissent plus de bétail
que les grandes régions de pâturages. On a changé le cours de certaines
rivières, raccourci ou allongé le lit des autres ; on les a toutes barrées,
creusées, asservies. L'empreinte de l'homme est partout; sa présence
domine l'étude géographique du pays. La « plantureuse Flandre *> est
' Michelet. Hist. France, Y, j.. .'fâO.
CONCLUSION.
Kl
une légende, si Ton entend par là un pays naturellement gras et fertile,
la terre de l'abondance et de la bonne chère ; la prospérité du pays est
l'œuvre exclusive de sa population. Ailleurs, on n'a eu qu'à tirer parti
des ressources qu'offrait la nature; ici, il a fallu les lui arracher, et
ce long effort n'a pas suffi ; victime de sa population débordante, la
Flandre doit continuer à peiner et à souffrir, pour rendre de plus <>n
plus habitable cette terre peu favorisée.
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TABLK DKS MATIKRKS Tvii
TABLE DES MATIÈRES
CHAP1TRK I
LA FLANDRE, RÉGION NATURELLE.
l'âge*
I. ï/i Flandre da^rès l'histoire I
II. Définition i/t'uji/rrt/ihiqttc Je In Haine flamande (>
CHAPITRE II
LE CLIMAT.
1. Les éléments dn i limât. Température. Anomalie de la plaine maritime. Pluie.
Vents \\
11. Caractères du climat. Influences sur la nature et «nr l'homme. Prétendus
changements Ht
CHAP1TRK 111
LC_8ÛL
I. Histoire t/i olof/it/ne. I^i dépression flamande. Primaire et crétacé. I<amléuirn.
V[U,''-iLMi-I',iiiisclir)i et Parisien. Oligocène. Miocène. l 'lioièuc. Kro-mn
quaternaire
II. Le sol nttoel. Imperméabilité : les nappas aquifëres. l,c sol quaternaire T>j
CHAI'ITRK IV
RELIEF. - FORMES DU TERRAIN.
1. As/ieet et orii/iues dit relief. L'ancien plan incline. Les colline?-. Hypothé-e
des C.iioHtas. Rôle dos collines LiQ
IL Les formes du terrain. Les sables. Les argilea 72
CHAPITRR V
LES COURS D'EAU.
1. Htjdroffro/ihie. Hypothèses sur l'origine des cour* d'eau. Cours «l'eau consé-
quents et subséquents. Les rivières au Nord de <»«nd 81
LL Hydrolnijie. Eléments du régime. Crue» régulières et inondations. Travaux
de régularisation. Rivières à marée . . ... 06
524 TABLE DKS MATIÈRES
CHAPITRE VI
DIVISIONS DE LA FLANDRE: LES VARIÉTÉS RÉGIONALES.
l^s noms de paya. Distinction essentielle: l'iaine maritime et Intérieur HT
CHAPITRE Vil
RÉGIME DE LA MER FLAMANDE.
La mer flamande. Régime des marées : le gain de flot. Formation de* bancs.. 122
CHAPITRE VIII
FORMATION DE LA PLAINE MARITIME.
1. La Plaine avant l'inondation du V6 siècle. Hypothèsos sur l'origine de la
Plaine. Structure du sol. Date de l'inondation. Nature do l'invasion marine. 13T>
II. Assèchement de la Plaine : V*-A7/n siècles, l^es premières localités : VH-X"
siècles. Estuaires, digues et dunes. Disparition des estuaires li">l
III. Vicissitudes de la Flandre ze" landaise. Prospérité des endiguements aux
XIII" «-t XIV* siècles. Inondations et réondiguements : XIV«-XIX8 siècles ;
rôle des événements historiques 170
D i — Ldi — ^udii •• - ■ Ai^l.
CHAPITRE IX
LA COTE. — LES DUNES.
I. Aspect et mouvements de la côte. Recul de la mer à l'Ouest. Recul de la
terre à l'Est. Causes des mouvements de la cAte 2111
II. Les Dunes: caractères physiques. Largeur des dunes. Formes. Mouvements
et finition 211
111. La rie dans les Dunes. L'agriculture. L'homme et l'habitation 22T>
CHAPITRE X
LA COTE (suite). — LES PORTS.
I. Origine des ports. Ports naturels : leurs transformations. Ports artificiels.. 234
II. Caractères des j>orts. Les ports de l'Ouest mieux abrités. Les porta de l'Est
moins encombrés 242.
III. Les installations maritimes. Ports de voyageurs : Calais, Ostende. Port de
marchandises : Dunkerque. Port d'escale : Zet'brugge 241*
IV. Les tilles; les plages. Aspect et évolution des villes. Les plages <£â\
TABLK DES MATIÈRES
CHAPITRE XI
L'EAU DANS LA PLAINE. POLDERS ET WATERINGUES.
I,
2fiB
H.
Lutte contre les eaux intérieures. Objet .les Wateringues. Leur organisation.
Ilf. L'œu ne des Wateringues. I,es rivières: Aa, Yser. Canaux d'assèchement..
iJ7«
IV. Résultais de l'assèchement. Calaisis. Marais de St-Omer. Moères. Terre»
2»
CHAPITRE XII
LA VIE DANS LA PLAINE.
!.
L'agriculture. Qualités du sol. Anciennes cultures. \j\ betterave. Pâtures et
a».
il.
:*77
lu.
Les tntles. Marchés agricoles <lc la Plaine et de la lisière. Bruges. L'absence
:m
IV.
v
f ji h'I h ntl imr sé/nnilnise Kt;it .ictiml île In lutte contrfl la mer \OTieulture
CHAPITRE XIII
FLANDRE INTÉRIEURE. - L'AGRICULTURE FLAMANDE.
1.
Lu ]>a;/s aux arbres. Les forets. Zone des bois et des bruyères. Les arbres.
:m
II.
Caractères généraux de i agriculture. Défauts du sol. Les exploitations. Les
III.
Variétés régionales. Le pays du sable. Le pays de Waes. Le pays d'Alost.
IV.
Le pays de Courtrai. Iloutland de l'Ouest. Le pays de Lille. La plaine de
ll ; *
• > 1 1
• i. > f
CHAPITRE XIV
FLANDRE INTÉRIEURE. — L'INDUSTRIE.
I.
Nécessité de l'industrie : son ancienneté. Industrie drapière. Industrie de
II.
la toile. La crise de lSîli
Persistance d'anciennes formes : industrie à domicile. Tissage à domicile.
Autres industries à domicile : la dentelle
III. La grande industrie. Caractères généraux. Région gantoise. Croupe de
IV.
Le groupe de Lille. La main-d'œuvre étrangère. \ui protection douanière.
Un, laine, coton, confection
58fl TABLK DKS MATIKRKS
CHAPITRE XV
FLANDRE INTÉRIEURE. — LE MILIEU HUMAIN.
I. La vie et lejs mœurs 'il*»
II. L'habitation rurale. L Hofstede. La Censé. Les matériaux LU
III. Dispersion (1rs habitations. Pans l'Ouest : les maisons isolées. Dans l'Kst :
les maisons groupées en rues ii8
IV. Les vif /'-s. |je> villes avant le XIX" siècle. l.cs villes mu XIXr siècle ;
influent v de l'industrie. Vieilles villes et villes neuves. Le groupe do Lille. 427
CHAP1TRK XVI
LES VOIES DE COMMUNICATION. - LE COMMERCE
I. Communications j>ar terre : les routes. Voies romaines. Mauvais état des
chemins dans l'Ouest î \ \
II. Isi roie d'eau, l^e réseau navigable avant le XVL siècle. Transformations
des XVI* et XVIIf siècles. Ktahlisseincnt du réseau français. Les voies
navigables au XIX1' siècle î î','
III. Les voies ferrées ... 'i.*VD
IV. Le commerce. Trafic intérieur. Trafic extérieur : éc hanges avec l'Artois et
l'Angleterre. Mouvement commercial «les ports. Le transit ï<>l
C1IA1TTRK XVII
LE PROBLÈME DE LA SURPOPULATION.
1. Qritfines de lu population flammule. Les anciennes populations. Invasions
germaniques. La frontière linguistique fi7r>
IL h> Surpopulation. I.a surpopulation précoce. Mouvements «le population au
XIXr siècle. Causes des transformations. Densité actuelle de la population ;
ses conséquences îN-">
M. L'Emiaration. Nécessité de l'émigration. Déplacements quotidiens et hebdo-
madaires. Migrations saisonnières. L'émigration définitive Hfl
Conclusion [>20
TA Ml. F, DKS FiïilKKS
TABLE DES FIGURES.
l'.iKcs
l.
Influence do l'éloignoment do 1 1 mer sur les moyennes sni>nnnières de
n
10
:i.
20
'..
Courbes annuelles de quelques stations pluviométiiques
20
r».
Altitude «le la surface du Primaire sous la Flandre
o.
'.:»
7.
Altitude do la surface du Lnndéiiion sous la Flandre
\"
X.
Coupe à travers la Flandre, de l'Artois au Hraaktnan
:>\
Carte géologique de la Flandre à 1 : l.imiHKI
:»'.
10.
02
II.
Profil de la vallée de l'Kseaui à (iavere
12.
M
or,
14.
Ii0
00
10.
01»
17.
7',
IS.
77i
11».
70
20.
«discernent de février IlO'i au Waieiibcrtr .
77
21.
7S
•>■>
70
z\.
70
v\
Direetioti des cours d'eau flamands
'St.
F.xeiuplo de chevelu : le bassin de la I > > ■ 1 1 ■ 1 re
00
20.
110
27,
Cane de la nier flamande
128
28.
Profil du fond de la mer flamande entre North Forelatid et Dnnkerqne. . .
120
2!».
Découvertes d'objets romains et pré-romains dans la Plaine (carte)
i:«i
142
M.
Altitudes dans le Calaisis (carte)
i'iK
m.
Kssai de n iistiiniion de la Plaine maritime à la lin du X' siècle
1.7.
Répartition des noms de paroisse en Kerke. Kgliso, Capelle
un
'M.
Reconstitution de l'estuaire du l'Yser an début du XIP siècle
KM
;fi
Kssai de reconstitution de la Flandre zélandaise an début du X IIP siècle. .
172
.10,
Partie occidentale de la Flandre zélandaise au XV siècle
iHi
:!7.
La Flandre zélandaise vers 17(70
IHli
La Flandre zélandaise à la fin du XVI P siècle
180
;ïîi.
102
Pô
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r»^H TABLF DKS CARTKS HORS TKXTK
Fm. H. Kndigtioments du Zwin aux XVIII» et XIX" siècles
W. Les Hems-St Pol on I7i7 Stt
'id. (laïus de la terre sur la mer à l'Ouest de Dunkerqne 3£<
Yt. Allure théorique «les chaînes île dunes 'S~H
î.~>. l'on de (Valais au XVI" siècle
'•<». l'on d'< Istende au XVIII' siècle
17. l'on de Calais. Ktat actuel
i*. l'on dVMende. Ftat actuel 'SA
'•!•. Dunkerqne vers |HÎ<> 'SX
:*). Dunkerquo en 1SKM» £<2
51. IV)rt de Dunkerqne. Projets d'agrandissement 2RI
l'ne ville balnéaire : Mitldtdkerke 2*"d
."•.'{. Profil .l'une digue de Flandre z< landaise '3ïï
M. Le réseau d'évacuation <lil Calaisis
rô. L'habitation ilaus la Plaine maritime icarte à l : HO.(K(0) 311
•V». Type de carte de la Flandre /.élandaiso A'~ >
~>~. Répartition îles cultures dérobées en Flandre belge $4fi
X. Répartition de la culture du seigle en Flandre belge .<»'.'
r»1i. Répartition île la culture du froment en Flandre belge 'XH
Répartition des bètes bovines en Flandre belge ; V «S
(il. Répartition des ouvriers à domicile en Flandre belge ."{si'
lïi. Dispersion des habilitions dans l'Ouest de la Flandre i2l
'«.'5. Maisons groupées en rues dans l'Kst de la Flandre
'i'i. Un village de l'i:>t : Caprycke ÏS<
• iT>. L'n village de l'iist : Doore/eele i'Jfi
Devn/.e, ville formée d'une chaussée à travers une vallée marécageuse. . W
<F7. Roubaix-Totircoing vers |K'40 442
«K Roiil.aix-Tour.oing vers 1* KM» ','».$
• Ht. Les voies navigables de la plaine llatnatide 'i.">S
70. Le réseau ferré de la plaine flamande •«*•
71. Densité de la population flamande au début du XIX" siècle (Cartel Y.V
72. Diminution de population au XIX' siècle (Carie) \\»:\
7.1. Auginentalion dépopulation au XIX" siècle (Carte)
7i. Diminution de population dans la 2' moitié du XIX.' siècle (Carte) V.'7
7r>. Augineni.-iiion de population dans la 2'' moitié du Xl\' siècle (Cane). . . V."*
7ii. Densité de la population flamande eu IIXKI- l'.XII (Carie) MCi
TAULE DKS CARTES HORS TEXTE
A LA FIN Dl VOLl'MK.
I. Ré-partition des pluies en Flandre
11. Carte de la Flandre e; des contrées voisines h l'échelle de 1 : "iJKt.lKKt
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TARLK DES PHOTOGRAPHIES
TABLE DES PHOTOGRAPHIES.
1. L'Artois vu Mu bas pays t Landreihun-lès-Ardres) /
2. l^e plateau crayeux cl» Mélantois, vu de Lille *. \
•'t. Rebord de la plaine de la Lys, derrière Mnegsteert j
\. Vue daii> la région dr> rullm.'s : liane Sud > lu muni Vidaigne *
r>. Une colline flamande: If Mont-Aigu, près Loere /
ti. Uiu- colline flamande : le- Mii/M'k Hcrg, pré- Kenaix v *"
7. Rebord Est de la vallée du Molenbeek, à Moortzeele / _^
H. Tète do ravin en entonnoir, boisé i/olliiies de Renaix) \
'.». L'Escaut à Audonardo )
10. La Lys à I)eyii/e i Moulins de l'çtegcm) \
IL La digue du Comte -Iran, près Mardick i
12. Défense d'une dniii' attaquée : fascinag''s ( Rr»'sk>Mi>j <
l'X Protection de lu rote par des épis (Groede) / ^
l'i. Mur entier des Dunes iKad/atid) \
IT>. La côte Ouest : vue de G rand^Eort- Philippe /
lu. L uc panne dans les duno- i Z»iyd>ynic \
17. Contraste entre l'argile (pays dérouvert) et le sable (boisé) à l.oon ) ,
1H. Un Village dii Sable (LOQllj \ —
l'J. Ligne de maisons au long du mur intérieur des dunes (Bruy-l)unes). .' j
iru. I ,.i niaisun des dunes il- un Mardick i \
21. La digue de Hey>i } ^
-'J. Digue de mer et épis a Nionwe-Slnis trôte de Kail/and) >
Si. Une écluse d'évacuation de Wateriugue (Suatie-gcul) à Groede ^ 4>_ .
^'i. Les terre- basses de l'Yscr : pâtures d'Lessen 1
'St. Un rlair (ancienne tourbière) dans les Marais d'Ardres j
3>. Les terres basses : le Marais de Guines \
27. Vue en Fnrnanibacht i l,an)pcrni--sc i
3*v Vue eu Flandre /él.mdaise juruede; \
2'->. Type de grande Tenue de la Maine (('.appelle). /
• In. [ \ [ >] fïggîôlïïêr iuïïïi ii ■ I m r i il iïïl i iïîïâl I'- m' ilH Z<.\ mii'.i 7~) '
:ll. Type de village île la Maine (Oostkerke, près Bruges) t
:12. Type de village aceroehé à une digue (W'estdorpe) \
X\. Ferme de la Flandre xélandaise (Schoondijke) /
■Ti. Le bâtiment d'exploitation i-n Flandre /■'■landaise i S.lmondijke) \
: i'). Vue en pays de Waes i^Nicuwkerkeu)... /
30. \ ne dans la Maine de la Lys ^Vieille-Chapelle; \
M) TABLK DES PHOTOGRAPHIES
N" Pages
L'ancienne industrie flamande : la halle aux draps d'Ypres / „
■'S*. Industrie à domicile : sabotiers ilu pays de Waes (Haasdonck) \
.R». Le rouissage à la Lys (Court rai) j
'i(>. Un village de \V est-Flandre ( Volkerinckhove) \
\l. Type de l'Hofstcde (Esqiielhecq) . f
fi». Type <)e la petite exploitation ( Lcderzcele) ^
'i.'t. Censé wallonne à Mtiments disparates (CapingUem. près Lille) )
fii. Censé wallonne a bi'iiinients homogènes (Richebourg l'Avoue) *
T». I.a maison d'ouvrier dans une pâture ( Saint-Jans-Cappel | t ^t>>>
H>. Type de maison d'ouvrier agricole ( Wcstoutrc) \
tl. Audenarde. VU de la rnlline d'Edelaere )
Vue dans le port île Garni (Quai aux Uoi>i. . "V
-* *t -v.
I.II.t.K, IMI'KI.MKIUK !.. mVRI.
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2* ÉCHELLE DES TEINTES POUR L'ANNÉE
Au dessous de 550 ,,,m [
De 550 à 650
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I
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:
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STANFORD AUXILIARY LIBRARY
STANFORD, CALIFORNIA 94305-6004
(650) 723-9201
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AU books are subject to recall.
DATE DUE